THE TOO-PERFECT SAINT T3 - PROLOGUE

Prologue

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Traduction : Calumi
Correction : Opale
Harmonisation : Raitei

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 « — Froide.

 — Peu aimable.

 — Bien trop sérieuse. Elle est juste… ennuyeuse. »

Voilà ce que l’on disait de moi depuis toujours.

Et pour couronner le tout, mes fiançailles furent rompues et l’on me vendit à un royaume voisin.

J’avais fini par croire à ces paroles. Moi aussi, je me trouvais ennuyeuse. Et pourtant, j’étais parvenue à rencontrer quelqu’un qui m’avait déclaré son amour.

Cet homme, c’était le prince Osvalt, second prince du royaume de Parnacorta. En acceptant sa demande en mariage, je pleurai de joie pour la première fois de ma vie. Aujourd’hui encore, mon cœur battait plus vite à chaque fois que ce souvenir me revenait.

Jamais, à Girtonia, je n’aurais imaginé que mon monde puisse ainsi se transformer sous mes yeux.

 — Alors, comment Son Altesse t’a-t-elle demandé en mariage ? Tu te souviens de chaque détail, n’est-ce pas ? Avec ta mémoire incroyable, c’est impossible que tu aies oublié ! demanda Mia, son sourire habituel et attendrissant aux lèvres, en se penchant vers moi.

C’était la première fois que nous pouvions parler depuis la demande du prince, mais elle débordait déjà d’enthousiasme. Était-elle vraiment si curieuse de savoir ce qu’il m’avait dit à ce moment-là ?

 — Dame Mia, ne pensez-vous pas que ce genre de questions indiscrètes manque un tant soit peu de bienséance ? Laissez-moi vous donner un conseil : souvenez-vous du vieux dicton, « Les bonnes clôtures font les bons voisins ».

 

Ce reproche sans détour venait de Grace, une Sainte originaire de Bolmern, le royaume situé au nord-ouest de Parnacorta. Mia et Grace se trouvaient toutes deux dans ma demeure, en visite à Parnacorta. Mais dès qu’elles s’étaient aperçues, leurs visages s’étaient assombris. Il semblait exister une certaine rivalité entre elles. D’ordinaire, je considérais leur compétition comme saine, mais cette fois, elles semblaient franchir les limites.

 Et malgré tout, je voyais bien qu’elles devenaient peu à peu de véritables Saintes. Avoir des amies capables de s’élever mutuellement était sans doute une chose des plus enviables.

 — Allez, tu veux savoir toi aussi comment Son Altesse a fait sa demande à Philia, pas vrai ?

 — N-non, pas du tout… enfin, disons que… je suis tout de même un peu curieuse. C’est naturel, non ? Dame Philia est une personne que j’admire, c’est aussi mon professeur. Donc… pour être honnête, je me demande comment cela s’est passé. Mais poser la question serait bien trop déplacé…

Il semblait que presque tout le monde voulait connaître les détails de cette demande. Comme c’était étrange. Voulaient-ils vraiment entendre mot pour mot ce qui avait été dit ? À bien y réfléchir, j’avais moi aussi voulu savoir comment ma mère biologique et mentor, Hildegarde, étaient tombées amoureuses de mon père. Peut-être que les histoires de relations intimes avaient cette capacité naturelle à éveiller la curiosité.

 — Tu vois ? Tu aurais dû être honnête dès le départ. Philia me raconte tout, de toute façon. Alors pourquoi ne pas simplement te taire et écouter ? lança Mia, tout sourire, en voyant Grace rougir en avouant son intérêt.

La demande n’était pas vraiment un secret, donc si quelqu’un me posait la question, je répondais, y compris si Grace voulait en savoir plus. Cela dit, je n’avais guère d’expérience dans ce domaine, aussi avais-je du mal à trouver les bons mots pour la raconter. Je fis de mon mieux.

— Son Altesse m’a offert un présent : cette broche en forme de papillon…

Je leur décrivis tout, depuis le moment où je lui avais offert un cadeau de remerciement jusqu’à la demande en mariage du prince Osvalt. Mia et Grace écoutaient, captivées, tandis que je leur racontais sa déclaration d’amour, ses paroles sur la vie et l’avenir que nous partagerions, et la réponse que je lui avais donnée. Puis, elles me félicitèrent à nouveau.

 — Oh, c’était une si belle déclaration ! J’espère qu’un jour, quelqu’un me dira ces mots-là ! Encore toutes mes félicitations, Dame Philia.

 — Son Altesse est aussi sincère que je le pensais. Philia, il doit vraiment t’aimer ! Je suis si heureuse pour toi. Félicitations, ma chère sœur. Sois heureuse, d’accord ?

Mia m’avait déjà félicitée autrefois, lorsque j’étais fiancée au prince Julius. Mais cette fois, elle rayonnait de joie. Je repensai à Julius, mon premier fiancé. L’avais-je jamais aimé ? Je ne pouvais que répondre non. Après tout, nous nous connaissions à peine lors de nos fiançailles. Lui aussi, sans doute, dirait la même chose à mon sujet. C’était sûrement pour cela que Mia était si heureuse pour moi. Savoir que j’avais une sœur qui se réjouissait ainsi de mon bonheur me comblait moi aussi de joie.

 — Vous me comblez. J’aimerais beaucoup vous avoir toutes les deux à mon mariage, si vous êtes disponibles.

Nous ne souhaitions pas organiser une grande cérémonie, mais dans le royaume de Parnacorta, une union sans éclat serait jugée indigne, Son Altesse étant un prince. Nous avions donc prévu d’inviter ceux qui comptaient pour nous, qu’ils soient proches ou lointains. Toutefois, comme Mia, Grace et Hildegarde étaient toutes des Saintes, elles risquaient de devoir renoncer à cause de leurs devoirs envers leurs royaumes respectifs.

Nous jouissions certes d’une plus grande liberté aujourd’hui qu’autrefois, mais un mariage n’avait rien à voir avec le Sommet des Saintes. Je n’en voudrais à personne si elle ne pouvait être présente ce jour-là.

 — Je viendrai, c’est certain, déclara Grace. — S’il y a trop de devoirs sacrés à remplir, je demanderai de l’aide à Emily. Vous la connaissez toutes les deux. Il suffit de dire les mots qu’il faut pour l’enthousiasmer, et elle est prête à tout faire.

 — Mais ce serait trop demander à la pauvre Emily, non ? répondis-je, un peu inquiète malgré l’assurance de Grace.

Je me sentais coupable à l’idée de lui causer tant de peine, mais en même temps, j’étais profondément touchée que Grace soit prête à tant de sacrifices pour assister à mon mariage.

 — Mère et moi serons là, naturellement. Nous sommes de la famille, comment pourrions-nous manquer un jour si important ? dit Mia comme si c’était une évidence. — Hmm, quelle robe devrais-je porter ? Oh, au fait, le prince Fernand compte y assister lui aussi.

J’avais bien pressenti que Mia et Hildegarde accepteraient mon invitation, mais l’entendre de la bouche de Mia me remplit de joie.

On disait que depuis que Julius avait été déchu de son titre, le prince Fernand s’était vivement investi dans la reconstruction de Girtonia. C’était en grande partie grâce à Son Altesse que les efforts de Mia commençaient à porter leurs fruits, c’est du moins ce qu’elle me confiait dans ses lettres.

À propos du prince Fernand… Mia avait aussi mentionné qu’ils prenaient souvent leurs repas ensemble. Tous les deux, en tête-à-tête. Cela marquait-il le début d’une relation particulière ? Mia était une jeune femme charmante, après tout. Je n’aurais pas blâmé Son Altesse s’il était tombé amoureux d’elle au premier regard.

 — Au fait, Philia, tu as déjà fixé une date ?

 — Hein ? Une date ?

La question de Mia interrompit mes pensées sur elle et le prince Fernand, me laissant un instant décontenancée. De quoi parlait-elle exactement ?

 — Enfin ! Je parle évidemment de la date du mariage ! Tu ne suis pas ?

Mia précisa qu’elle voulait savoir quand aurait lieu la cérémonie. Bien sûr. Que pouvais-je croire d’autre ?

 — Nous n’avons pas encore fixé de date précise, mais nous pensions organiser le mariage dans environ six mois.

 — Hein, c’est encore assez lointain. Mais bon, j’imagine qu’épouser un prince demande pas mal de préparation.

 — C’est cela. Et puis, la cathédrale où nous souhaitions tenir la cérémonie a été détruite lors du déchaînement d’Asmodeus. Nous avons donc décidé de repousser la cérémonie jusqu’à ce que la capitale soit en grande partie reconstruite.

Les ravages causés par Asmodeus étaient si étendus que ses traces demeuraient visibles partout dans le pays. Bien que les efforts de reconstruction, menés par le prince Reichardt, aient déjà bien avancé, il faudrait encore du temps pour que les choses retrouvent leur état d’avant. La reconstruction prendrait sans doute plus de temps qu’on ne l’avait estimé au départ, mais le prince Reichardt travaillait également en coulisses avec beaucoup d’ardeur. C’était un homme très compétent, un véritable atout pour son royaume.

 — Je vois. Les choses doivent encore être difficiles à Parnacorta.

 — Et à Girtonia, comment cela se passe-t-il ?

 — Hmm… Le prince Fernand fait de son mieux, mais Girtonia a encore beaucoup de chemin à faire.

Mia me décrivit la situation de notre pays natal. Comme je le redoutais, Girtonia n’était pas près d’achever sa reconstruction, mais c’était compréhensible. Même si je n’avais eu qu’un bref aperçu de la situation lorsque j’étais venue sauver Mia, alors blessée, les dégâts y étaient bien plus graves qu’à Parnacorta.

 — Bon, assez parlé de malheurs. Philia, as-tu déjà une idée pour ta robe ?

 — Je laisse entièrement ces détails à la famille royale de Parnacorta.

 — C’est tout toi, ça. Je ne doute pas qu’ils feront un bon choix, tu es magnifique dans n’importe quelle tenue. Mais si j’étais toi, je voudrais avoir mon mot à dire dans ce genre de choses. C’est une cérémonie unique dans une vie, tu sais. S’il y a ne serait-ce qu’un détail qui te gêne, tu ne devrais surtout pas hésiter à t’exprimer.

 — Dame Philia, j’ai hâte de vous voir dans votre robe de mariée. Je suis certaine que vous serez encore plus angélique que vous ne l’êtes !

 — Grace, c’est un peu excessif. À force d’en parler, je commence à être nerveuse.

Pendant un moment, nous échangeâmes des idées sur ma robe, la décoration et les autres préparatifs du mariage. En discutant, je fus surprise d’apprendre que Mia et Grace avaient chacune leur propre vision du mariage idéal. Lorsque je leur demandai plus de détails, elles m’avouèrent qu’elles rêvaient de leur cérémonie parfaite depuis leur plus jeune âge. Quelle chose étonnante.

 — Oh, ça me fait penser… Tu te souviens du médicament que tu avais concocté pour Sa Majesté, le roi de Girtonia ? Il dit qu’il est en parfaite santé grâce à cela, et il tenait à te transmettre ses remerciements.

 — Bien sûr que je m’en souviens. Je suis ravie d’apprendre que Sa Majesté se porte mieux. J’avais justement l’intention de partir en montagne pour y cueillir des herbes médicinales, afin d’améliorer encore ma formule. Si mes ajustements se révèlent concluants, je lui enverrai une nouvelle version.

 — Tu comptes encore l’améliorer, même si Sa Majesté dit qu’elle a parfaitement fonctionné ? demanda Mia.

 — J’ai eu une idée pour l’optimiser, expliquai-je simplement.

 — C’est tout à fait vous, Dame Philia, dit Grace. — Je devrais prendre exemple sur votre soif inébranlable de savoir.

Je savais que le remède que j’avais préparé pour le roi de Girtonia pouvait encore être perfectionné. Et dès qu’une méthode d’amélioration me vint à l’esprit, je n’eus de cesse de vouloir la mettre en pratique. Je ne serais pas tranquille tant que je n’aurais pas récolté les ingrédients nécessaires et vérifié l’efficacité de cette nouvelle version.

 — Lors de notre dernier déjeuner, le prince Fernand t’a aussi couverte d’éloges. Il a dit qu’il n’avait jamais rencontré quelqu’un d’aussi passionné par la recherche.

 — Je suis gênée de recevoir de tels compliments.

À la mention du prince Fernand, Grace s’empressa de poser des questions sur la relation entre Mia et Son Altesse. Elle semblait aussi curieuse que moi de savoir s’il se passait quelque chose entre eux.

— Mia, ces derniers temps, vous ne parlez que du prince Fernand. Vous auriez des sentiments pour lui ?

 — Hein ? s’exclama Mia, avant de balbutier, — C-c-certainement pas ! Et puis, pourquoi je te le dirais ? Tu n’as pas à savoir ce genre de choses !

— S’énerver ne fait que vous enfoncer encore plus. C’était une simple question. Vous l’aimez, n’est-ce pas ?

 — J-je ne m’énerve pas du tout ! Grace, c’est ton ouïe qu’il faudrait faire examiner !

Les deux jeunes femmes s’étaient levées, et leurs paroles s’entrechoquaient avec vivacité. Leur dispute était des plus puériles, mais j’étais désormais habituée à leur tapage bien réjouissant.

 

 

— Hi hi hi… Vous vous entendez si bien, toutes les deux, en ce moment.

En m’entendant rire, Mia et Grace se turent aussitôt.

 — Euh, Philia, demanda Mia avec un air troublé, — Tu trouves qu’on s’entend bien ?

Leurs visages tournés vers moi en parfaite synchronie, elles ressemblaient non seulement à des amies, mais à de véritables sœurs.

 — Mais bon, poursuivit Mia avec un demi-sourire, — Au moins tu ris plus souvent, ces derniers temps.

 — Vraiment ?

 — Oui. Avant, ton visage ressemblait toujours à ça.

 — Quoi ? Je ne me souviens pas avoir eu l’air aussi sévère.

 — Mia, Dame Philia a toujours été magnifique. Ne dites pas de choses aussi invraisemblables.

Et pourtant, Mia n’avait pas tout à fait tort. Je me surprenais moi-même à me réjouir plus souvent de moments si simples. Autrefois, Mia était la seule personne que je chérissais vraiment.

Mais aujourd’hui, j’en avais tant d’autres qui m’étaient précieuses. J’avais même trouvé quelqu’un avec qui je souhaitais passer le reste de ma vie.

C’était peut-être parce que j’avais appris à apprécier les moments partagés avec ceux que j’aimais que je pouvais à présent rire plus souvent.

 

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