THE TOO-PERFECT SAINT T1 - épilogue
Épilogue
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Traduction : Calumi
Correction : Opale
Relecture : Raitei
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Deux mois s’étaient écoulés depuis l’expansion du Grand Cercle de Purification.
Désormais étendu à l’ensemble du continent, avait apporté un soulagement inespéré aux royaumes durement frappés par les invasions de monstres. Des émissaires venus de chaque royaume s’étaient rendus à Parnacorta pour me remercier.
Pour ma part, j’avais agi avant tout dans l’espoir d’aider ma sœur. Pourtant, certains royaumes se trouvaient dans une situation encore plus désespérée que Girtonia, aussi avaient-ils été stupéfaits de voir les monstres qui ravageaient leurs terres soudainement neutralisés. Un jour, le prince Osvalt se présenta au manoir.
— Hier, nous avons reçu un émissaire du grand royaume de Dalbert. Comme vous le savez, c’est là que se trouve l’église-mère de la foi de Cremoux. En reconnaissance de vos exploits, leur archevêque a décidé de vous conférer le titre de Sainte Salvatrice, la seule au monde.
Je ne pus dissimuler ma stupeur, « Sainte Salvatrice » était un titre que l’on n’avait plus décerné depuis des siècles, depuis une légendaire Sainte qui avait sauvé le monde d’une grande catastrophe.
— Ne soyez pas si modeste, dit le prince Osvalt. — Vous avez sauvé d’innombrables vies. À mes yeux, ce titre est encore bien en deçà de ce que vous méritez.
Le prince Osvalt me complimentait souvent, mais la plupart du temps, je mettais cela sur le compte de sa partialité. « Sainte Salvatrice », vraiment ?
— C’est un fardeau bien lourd pour une novice comme moi. Je ne veux pas manquer de respect, mais c’est plus que je ne mérite.
— Dame Philia ! C’est vrai que vous allez être déclarée Sainte Salvatrice ? Félicitations !
Alors même que je rejetais les éloges du prince Osvalt, Grace, revenue à Parnacorta pour reprendre son entraînement, s’invita dans la conversation.
Lorsque je lui demandai comment se portait Bolmern, elle me répondit que le roi et le comte Mattilas allaient bien, et qu’ils étaient satisfaits de l’évolution de la situation. Apparemment, Grace et ses trois sœurs aînées étaient acclamées comme des héroïnes dans leur royaume.
— Attends une seconde, Grace ! Tu ne te montrerais pas un peu trop familière avec Philia, par hasard ? N’oublie pas que c’est ma sœur ! protesta Mia, qui s’entraînait avec Grace.
Depuis que le Cercle de Purification avait allégé la charge de travail des Saintes, Mia avait pris quelques jours pour venir à Parnacorta étudier sous ma direction. Tandis que tante Hildegarde la remplaçait, elle logeait à mon manoir, où elle étudiait les langues archaïques et s’exerçait aux rituels anciens. Son application et sa maîtrise me laissaient penser qu’un jour, elle me surpasserait.
— Mlle Mia, je vous préviens tout de suite, je suis la première apprentie de Dame Philia ! Je n’ai pas à obéir à une disciple tardive !
— Philia ! Qu’est-ce qu’elle a, cette fille ? Elle est insupportable !
Grace esquissa un sourire en coin, tandis que Mia tapait du pied de frustration. Le talent de Mia avait sans doute réveillé l’esprit de compétition de Grace, mais Mia semblait prendre cette provocation très à cœur.
— Si vous commencez à vous battre, je ne vous enseignerai plus rien à l’une comme à l’autre. Est-ce digne d’une Sainte que de semer la discorde ?
— Pardon ! dirent Mia et Grace à l’unisson.
Une simple remontrance suffisait à les ramener à la raison. J’espérais que Mia saurait faire preuve de plus de compréhension envers une Sainte plus jeune comme Grace.
Quoi qu’il en soit, la paix était revenue sur nos terres.
* * *
— Eh bien, vous savez vraiment tout faire ! Même les travaux agricoles ne vous font pas transpirer.
À l’invitation du prince Osvalt, je l’aidais à travailler dans son champ.
J’avais longuement étudié l’agriculture, et j’aimais mettre mes connaissances en pratique. C’était la première fois que je mettais moi-même les mains dans la terre, et cela représentait une expérience précieuse.
— Je n’en ai peut-être pas l’air, répondis-je, —mais je suis plutôt robuste. Je peux faire ça sans me fatiguer. L’entraînement des Saintes comprend aussi un entraînement à l’endurance…
— Une part de moi aimerait en savoir plus, mais l’autre redoute que rien qu’en vous écoutant, cela me donnerait l’envie d’abandonner. C’est inimaginable, ce que vous endurez, vous les Saintes…
Outre l’éducation rigoureuse que mes parents m’avaient imposée, mon maître, tante Hildegarde, m’avait soumise à un programme encore plus dur, encore plus exigeant. Mia suivait à présent la même formation, et elle regrettait peut-être d’être devenue la fille adoptive de tante Hildegarde. Pourtant, elle disait vouloir continuer de tout cœur. Elle était prête à fournir tous les efforts nécessaires pour franchir les obstacles sur sa route et me rejoindre un jour.
Elle avait vraiment grandi.
— Mon enfance fut rude, mais je suis heureuse d’avoir tenu bon. Cet entraînement m’a permis de ne pas céder sous la pression.
— Voilà qui est bien dit. Oups, celui-là est gros ! Hngh— ! Houla !
Le prince Osvalt récoltait des radis. Il se mit à grogner, tirant de toutes ses forces.
— Très bien, c’est parti !
Il arracha le radis et tomba à la renverse.
Tout allait bien ? Il était vraiment énorme, ce légume.
— Regardez-moi ça, Dame Philia ! s’exclama le prince Osvalt en se redressant, couvert de boue. — C’est à coup sûr le champion de l’année !
Il éclata de rire en comparant la taille du radis à celle de sa tête.
Malgré son âge, il gardait une âme d’enfant… Quel personnage singulier.
— Heh… Votre Altesse, essuyez-vous donc le visage. Voici une serviette.
Je tendis une serviette au prince Osvalt, qui me regarda, les yeux écarquillés.
— Tiens donc… C’est bien la première fois que je vous vois rire.
— J’ai ri ? Maintenant que vous le dites, c’est vrai. Je me demande pourquoi.
J’étais plus surprise encore que le prince Osvalt. Je ne me souvenais pas d’avoir jamais ri auparavant.
— Pas besoin d’avoir l’air si surprise. J’espère que rire deviendra quelque chose de naturel pour vous, à partir de maintenant.
Comme s’il avait perçu le trouble que provoquaient en moi ces changements, le prince Osvalt m’adressa un sourire, puis me tendit un radis.
— Lorsque je suis arrivée dans ce royaume, avouai-je, — j’avais peur du changement. Mais en voyant Mia devenir une personne encore meilleure, j’ai compris que le changement pouvait être quelque chose de merveilleux.
Ma petite sœur adorée était à présent une jeune fille digne de confiance, pleine de noblesse. Elle avait changé du tout au tout, mais ce n’était nullement une mauvaise chose. Au contraire, cette maturité nouvelle la rendait encore plus charmante.
C’est pour cela que…
— Je suis une Sainte. Je resterai toujours une Sainte. Cet aspect de ma vie ne changera jamais… mais en tant que personne, je suis destinée à évoluer. Votre Altesse l’acceptera-t-elle ?
J’avais compris qu’il était impossible de vivre sans jamais changer. Mes valeurs, ma vision du monde, mes sentiments, tout cela évoluerait, petit à petit. J’espérais seulement que, quoi qu’il arrive, le prince Osvalt ne finirait pas par me rejeter.
Était-ce naïf de désirer être acceptée ainsi ?
— Ha ha ha ha !
— Votre Altesse, je suis sérieuse… Oh !
Toujours riant de bon cœur, le prince Osvalt passa un bras autour de mes épaules. Le geste fut si brusque que, par réflexe, je serrai le radis que je tenais contre moi.
— Vous avez un don pour l’évidence ! Peu importe combien les choses changent, vous resterez toujours vous-même !
En entendant ces mots, je réalisai à quel point mes craintes avaient été absurdes.
Elles s’évanouirent aussitôt.
Il est si chaud…
Au fond de moi, je me demandai si cette chaleur que je ressentais dans le bras du prince Osvalt, posé autour de moi, n’était pas ce que l’on appelait le « bonheur », une chose que je n’avais jamais connue jusque-là.
Avait-il raison ?
Viendrait-il un jour où ce bonheur deviendrait familier pour moi ?
En y songeant, l’horizon du lendemain me parut soudain baigné de lumière.