SotDH T7 - CHAPITRE 1 PARTIE 1

Marcher Avec Toi – Suite (3)

—————————————-
Traduction : Calumi
Correction : Raitei
——————————————

 

Comme toujours, nous nous tenions par la main en rentrant chez nous.

 

— Il y a quelque chose qui me tracasse depuis un moment, déclara brusquement Heikichi.

Il se trouvait avec Azumagiku dans le hall principal d’un sanctuaire abandonné.

Lorsqu’elle ne maintenait pas la façade solennelle de la Jeune Prêtresse de la Guérison, Azumagiku était comme n’importe quelle autre fille. Elle avait une humeur enjouée, un faible pour les sucreries et un sourire aux lèvres. En cet instant, elle se gavait de pain aux haricots rouges avec une gourmandise enfantine, comme l’aurait fait une fille ordinaire.

— Et qu’est-ce que c’est ? dit-elle entre deux bouchées.

— Eh bien, votre capacité vous permet d’effacer et de modifier les souvenirs, mais on vous appelle la Prêtresse de la Guérison. Ça ne colle pas vraiment, non ?

Azumagiku avala le dernier morceau, s’essuya la bouche, puis réfléchit un instant en pressant ses doigts contre ses lèvres. La pâleur de ses doigts rendait celles-ci d’un rouge encore plus vif. Heikichi ne put s’empêcher de la fixer.

— Bon, imaginez une seconde que nous soyons mari et femme, dit-elle.

— M…mari et femme ?!

— C’est hypothétique. Calmez-vous.

Par culpabilité autant que par gêne, Heikichi regarda autour de lui. Cela relevait peut-être du travail officiel, mais rencontrer une femme sans en parler à Nomari lui pesait malgré tout.

Agacée par sa réaction excessive, Azumagiku esquissa un sourire gêné. Elle s’éclaircit la gorge avant de poursuivre.

— Ahem… Imaginez que nous soyons mari et femme. Comment réagiriez-vous si quelqu’un me tuait ?

La question le déconcerta. Mais il comprit qu’elle attendait une réponse sérieuse, alors il se ressaisit et dit :

— Eh bien, je suppose que j’en voudrais à votre meurtrier.

Sa voix était sèche et froide. Il connaissait la douleur de perdre des êtres chers.

Elle hocha la tête, satisfaite. C’était la réponse qu’elle espérait.

— N’est-ce pas ? Vous détesteriez mon meurtrier et vous vivriez tourmenté par votre incapacité à me protéger.

— Ça devient bien sombre, d’un coup…

— Mais si ma mort était inévitable ? Et si j’étais emportée à cause d’une maladie ou que j’atteignais simplement la fin de ma vie naturelle ? Vous seriez triste, bien sûr, mais vous finiriez par accepter ma mort, non ?

— Eh bien, je suppose que oui.

Si quelqu’un meurt de manière naturelle, il n’y a personne à blâmer : c’est la volonté des dieux. Et si la personne est morte après une longue vie bien remplie, alors on pourrait même se dire qu’il n’y a pas vraiment lieu d’être accablé de tristesse.

— C’est pareil pour la maladie. S’il n’y a plus de douleur, on finit par oublier qu’on a été malade un jour. Les humains sont des êtres commodes. Je corrige une vérité, et le reste se met en place tout seul.

Même si elle ne pouvait pas changer la réalité, elle pouvait altérer le souvenir de ce qui causait la souffrance.

Ceux qu’elle « guérissait » faisaient le reste par eux-mêmes, réorganisant les souvenirs restants de la manière qui leur convenait.

— Voilà pourquoi je ne suis qu’une azumagiku. Je n’offre qu’une imitation de guérison, une pâle reproduction de ce qu’accomplirait une véritable jeune prêtresse du sanctuaire.

Elle avait pris un ton léger, mais ses yeux ne pouvaient masquer sa tristesse. Elle voulait sauver les autres, mais elle n’en était pas capable. Pas vraiment. Cette impuissance la déchirait. Heikichi comprenait ce sentiment, car il portait en lui une même forme d’insuffisance.

— C’est la fleur qui accorde un bref répit, n’est-ce pas ?

Il comprenait désormais le sens de son nom : Azumagiku. Elle ne guérissait les gens qu’en leur faisant oublier des souvenirs précieux, à l’image de cette belle fleur qui avait apporté un moment de réconfort à un empereur exilé en lui permettant d’oublier un instant sa terre natale.

— Je suis surprise. Vous connaissez cela ?

— En quelque sorte, oui. On appelle aussi l’azumagiku « miyakowasure », non ? C’est plutôt raffiné comme comparaison.

— Raffiné, hein ? Hé. Eh bien, je suis flattée.

Cela sembla lui rendre un peu de gaieté. Heikichi poussa un léger soupir de soulagement, puis se raidit. Quelque chose, dans ses paroles, le dérangeait. Elle avait dit auparavant qu’elle cherchait quelqu’un, mais ne savait pas qui. En tenant compte de sa capacité, une possibilité lui vint à l’esprit.

— Hé, euh…

— Oui ?

— Nan… Laissez tomber. Ce n’est rien.

Il pensa qu’elle avait peut-être choisi d’oublier la personne qu’elle cherchait. Le souvenir avait peut-être été trop douloureux. Mais il n’était pas assez maladroit pour poser la question.

— Vous avez des souvenirs que vous préféreriez oublier ? demanda-t-elle.

Il resta figé un instant devant l’absurdité de la question. Était-ce une petite plaisanterie ou parlait-elle sérieusement ?

Dans les deux cas, la question lui donna l’impression de recevoir un coup en plein ventre.

— Je peux les effacer pour vous si vous le souhaitez. Je suis sûre que vous seriez plus heureux ainsi, dit-elle.

Après un long moment, il parvint à rassembler une réponse.

— Ça ira. Merci, mais… ce ne serait pas juste.

— Vraiment ?

Elle n’insista pas et leur échange s’interrompit brusquement.

L’idée d’oublier la mort de ses parents traversa bien l’esprit de Heikichi. Mais perdre un souvenir pareil ne manquerait pas de le changer, et cette perspective l’effrayait un peu.

Pendant un moment, il fixa le profil endeuillé d’Azumagiku.

 

***

 

Certains paysages demeurent inoubliables, même lorsque les années passent.

Il y avait autrefois une jeune fille du sanctuaire qui avait choisi de vivre pour les autres, en sachant que cela signerait la fin de quelque chose qui lui était précieux. Elle était restée fidèle à la voie qu’elle s’était choisie, plutôt que d’agir selon ses sentiments. Elle avait du mal à exprimer ses pensées véritables, mais c’était aussi un trait qu’il aimait chez elle. Le choix qu’ils avaient fait l’un et l’autre aurait pu sembler insensé aux yeux du monde. Mais pour eux, il signifiait tout.

— …Shirayuki ?

Il prononça son nom comme dans un rêve.

Jinya était décontenancé. Une personne disparue de ce monde se tenait devant lui, et cela l’ébranlait jusqu’au plus profond de lui-même.

Il ne parvenait pas à déterminer si l’émotion qui gonflait en lui relevait de la joie ou de la terreur.

— Quoi ? demanda Shirayuki en l’observant avec curiosité.

Son expression se superposait à celle de ses souvenirs, et il se mit à tendre la main.

— Désolé… Je suis encore un peu dans les vapes.

Il retrouva son calme en quelques secondes à peine, reprenant son habituelle expression impassible. Ce n’était que grâce à sa lucidité qu’il parvint à ne pas se laisser happer par la nostalgie. Juste après avoir mis le pied dans la Ruelle Inversée, il avait été attaqué par une ombre noire. La seconde suivante, il se réveillait dans ce lit. Il était logique de supposer que tout ce qui se passait en cet instant relevait de cette ombre. Il serra le poing gauche et grinça des dents face à l’étrange sensation de manquer de quelque chose.

Assimilation. Force Surhumaine. Invisibilité. Ruée. Esprits canins. Lame Volante. Simulacre. L’inébranlable. Lame de Sang. Jishibari. Il ne sentait plus aucune des capacités qu’il possédait.

Son bras gauche, qui dévorait les démons, n’était plus qu’un membre humain ordinaire. Sa mémoire semblait intacte, mais son corps était celui de l’ancien Jinta.

Le monde autour de lui rappelait l’époque où il subissait l’influence du pouvoir d’Ofuu, mais il y avait quelque chose de plus. Il n’avait cependant pas assez d’éléments pour tirer la moindre conclusion. Ne voyant aucun intérêt à s’aventurer dans des conjectures creuses, il s’adressa plutôt à Shirayuki, qui l’observait avec un air perplexe pendant qu’il réfléchissait.

— Je vais bien.

— Si tu le dis. Allez, viens, on prend le petit-déjeuner.

Elle n’avait pas l’air convaincue, mais elle n’insista pas. Elle ne le faisait jamais. Elle savait qu’à cette époque il lui cachait des choses, et jamais elle n’avait tenté de découvrir lesquelles.

Le rappel de la distance qui avait existé entre eux, une distance qu’il avait failli oublier, l’émut soudain. Malgré tout, il ne pouvait s’empêcher d’éprouver de la nostalgie.

— Oui, le petit-déjeuner. Je m’en occupe.

Peut-être que cette nostalgie troubla son bon sens.

Sans la moindre méfiance, il se leva et marcha jusqu’à Shirayuki.

 

— On devrait manger quelque chose de plus délicieux aujourd’hui, puisqu’on a la princesse avec nous.

Suzune rejoignit le duo pour le petit-déjeuner, maintenant qu’elle était réveillée. Elle grogna, peu contente de leur repas habituel de riz et d’orge bouillis accompagnés de légumes marinés.

— Jinta, qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle en levant les yeux, visiblement déconcertée par son silence.

Malgré toutes les souffrances qu’elle lui avait autrefois causées, il ne ressentait plus la moindre haine.

— Ne t’inquiète pas, Suzune,

Sans se laisser entraver par ses émotions, il lui ébouriffa la tête, ce qui fit naître un sourire sur son visage. Ils avaient été comme cela autrefois, une famille heureuse.

— Tu la couves vraiment, hein ? remarqua Shirayuki.

— Pas du tout.

Sa réponse était un peu trop sèche. Un frère qui avait autrefois essayé de tuer sa propre sœur ne pouvait certainement pas être qualifié de protecteur, non ?

— Jinta, tu es bizarre aujourd’hui, dit Suzune.

— Je vais bien. Vraiment, répondit-il.

Il ne pouvait pourtant pas lui sourire, pas quand il savait que les sourires qu’elle lui offrait cachaient autre chose.

Jinta était tellement aveugle et stupide à l’époque. Tout se disloquait déjà, mais il avait choisi de ne pas le voir. Les événements du passé qu’il revivait auraient dû être des souvenirs heureux, mais il avait plutôt l’impression qu’on lui montrait ses défauts.

— On y va, alors ? dit Shirayuki.

Il prit une longue inspiration pour dissiper ses pensées, puis tenta d’agir normalement.

— On va où ?

— Tu as oublié ? Sérieusement ? J’ai quelque chose à te dire. Quelque chose d’important. C’est pour ça que je voulais passer la journée avec toi.

Une pointe de tristesse assombrit son regard lorsqu’elle baissa les yeux.

Il savait déjà ce qu’elle voulait lui annoncer. L’Itsukihime était sacrée. Elle ne devait jamais quitter le sanctuaire. La présence de Shirayuki ici ne pouvait signifier qu’une seule chose. C’était la reconstitution de ce jour-là.

 

— Oui, allons-y.

Shirayuki et Jinya quittèrent la maison après le petit-déjeuner, sous les adieux joyeux de Suzune. Chaque fois qu’il partait en chasse aux démons, elle restait seule à la maison de cette manière, mais jamais elle ne s’était plainte. Elle avait été trop gentille pour lui imposer quoi que ce soit.

— C’est une fille vraiment adorable, dit Shirayuki en regardant Suzune, qui continuait de leur faire signe de la main.

Jinya s’apprêtait à parcourir le village avec Shirayuki, mais il n’en éprouvait aucune joie. Il savait que quelque chose entre eux trouverait sa conclusion avant la tombée de la nuit.

Les habitants du village leur adressaient des regards curieux et les taquinaient lorsqu’ils passaient. Shirayuki se rapprocha de lui comme pour se mettre en valeur aux yeux des autres, ce qui lui fit saisir son doux parfum et le fit légèrement rougir. Toutes les sensations, son contact, son odeur, étaient exactement telles qu’il s’en souvenait. Il se demanda si ce monde n’était pas moins proche du pouvoir de rêve d’Ofuu que de Simulacre, qui reposait sur des souvenirs réels.

Il aurait dû être heureux de retrouver Shirayuki, et pourtant son esprit demeurait froid et analytique. On pouvait dire qu’il avait mûri, mais il avait du mal à être fier de celui qu’il était devenu.

— Oh, Jinta-sama ! Bien…venu ?

Ils s’arrêtèrent à un salon de thé, où un visage familier les salua.

— Bonjour Chitose, dit-il.

Chitose, la jeune fille qui travaillait là, les fixa avec de grands yeux. Elle deviendrait un jour l’Itsukihime et épouserait Kunieda Koudai, mais pour l’heure, elle n’était qu’une gamine affichant une expression plutôt ridicule. Jinya laissa échapper un sourire.

— Hum, qui peut bien être cette demoiselle ? demanda-t-elle.

— Une connaissance. S’il te plaît, restons-en là.

— D’accord… Oh, heu, navré. Qu’est-ce qu’il vous faudra ?

Ils commandèrent du thé et des dango, puis il discuta avec Shirayuki en attendant. Peu après, Chitose revint avec un plateau de bois où reposaient des tasses et quelques petites assiettes. Elle donna les dango à Shirayuki et, à Jinya, un isobe mochi.

— De l’isobe mochi. C’était votre préféré, non ?

— Je suis surpris que tu t’en souviennes, dit-il.

Qu’elle s’en rappelle le rendait heureux maintenant, tout comme cela l’avait fait des décennies plus tard.

— O-Oui. Par chance, nous en avions préparé, alors je me suis dit que j’allais vous en servir.

— Chitose… Merci.

— Ce n’est rien, bon appétit.

Il en avait tenu cela pour acquis à l’époque, mais les jours qu’il avait passés à Kadono regorgeaient réellement de petits moments joyeux de ce genre.

Shirayuki mangea ses dango en se plaignant qu’il était le seul à avoir un traitement de faveur. Même la voir bouder comme une enfant éveillait la nostalgie. Il baissa les yeux et dit :

— Rien ne reste jamais tel quel, hein ?

Il avait prononcé ces mots à l’époque aussi, mais il les disait aujourd’hui pour d’autres raisons.

Byakuya ne répondit rien. Le silence devint pesant.

Ils parcoururent encore un peu le village, discutant de choses sans importance. Le village offrait peu de distractions, mais Shirayuki semblait tout de même apprécier sa première sortie depuis longtemps. Jinya se laissa porter par son humeur et s’amusa sincèrement, comme s’il retrouvait sa jeunesse.

Lentement, le soleil s’enfonça vers l’horizon. Les couleurs du soir n’étaient plus très loin, alors tous deux se dirigèrent vers l’endroit où reposaient les parents de Shirayuki, les parents adoptifs de Jinya.

À Kadono, les défunts étaient incinérés et leurs cendres dispersées dans la forêt d’Irazu. Le village vénérait Mahiru-sama, la Déesse du Feu, et l’incinération constituait un rite sacré. Elle rendait les gens à la terre, où ils nourrissaient les arbres destinés à être brûlés pour devenir le charbon tatara qui apportait la prospérité au village.

Jinya venait ici à l’occasion autrefois, mais il ne l’avait plus fait depuis son départ du village. Cela n’aurait pas été convenable, rendre hommage aux morts faisait partie des devoirs des vivants.

Il ferma les yeux et baissa la tête. Il aurait voulu rester ici plus longtemps, non seulement pour honorer leur mémoire, mais aussi parce qu’il savait ce qui allait suivre. Si les choses se déroulaient comme dans son souvenir, lui et Shirayuki se rendraient bientôt sur la colline qui dominait la rivière Modori. Là, tous deux mettraient leurs sentiments à nu, puis conviendraient que tout devait s’arrêter. Il n’était pas prêt à cela, alors il resta immobile.

— Jinta ? appela Shirayuki d’une voix inquiète.

Il l’entendit, mais ne répondit pas.

Il savait tout ce qui suivrait. Après avoir accepté d’y mettre fin, il partirait affronter le démon doté de Force Surhumaine. Pendant ce temps, Kiyomasa rencontrerait Shirayuki en secret, puis Suzune deviendrait un démon et tuerait Shirayuki. À partir de là, ils s’engageraient sur une voie qui mènerait à un Dieu-Démon déterminé à précipiter la ruine de l’humanité.

Mais rien de tout cela n’était encore arrivé. Jinya n’existait pas, Magatsume non plus. Il n’avait aucune raison de se séparer de Shirayuki. Tant qu’il restait ici, figé à cet endroit, la fin ne viendrait jamais. Aucun démon ne se lancerait dans un voyage vain et misérable en quête de puissance. Il pourrait mener une existence véritable.

— Il y a quelque chose que je dois te dire, Jinta.

Il entendit sa voix lente et empreinte d’émotion, puis releva la tête. Quand il ouvrit les yeux, il vit que tout autour de lui baignait déjà dans la lueur orange du soir. Pourtant, le soir n’était censé tomber qu’une fois arrivés à la colline.

Quelque chose clochait. Ce n’était pas ainsi qu’il se souvenait des choses.

Sur ses gardes, il regarda Shirayuki. Il savait déjà quels sentiments elle dissimulait derrière le sourire transparent qu’elle affichait.

— Je voulais te le dire ici, là où tout a commencé pour moi. Peux-tu écouter ce que j’ai à dire ?

Non. Cela n’allait pas. Jusqu’ici, les événements s’étaient déroulés comme dans son souvenir, mais toutes les personnes qu’il avait croisées semblaient réelles, singulières. Or cette Shirayuki ne faisait que répéter des paroles tirées de sa mémoire.

— Jinta…

Elle lui adressa un sourire vide, comme si elle allait se dissoudre dans le ciel. Il se rappelait cette scène. C’était ici qu’elle lui avait annoncé qu’elle allait épouser Kiyomasa, et ensuite tout s’était précipité vers la fin.

Du moins, c’était ainsi que les choses s’étaient déroulées autrefois.

— Que désires-tu ?

Son esprit se figea. Ce n’étaient pas les mots qu’elle avait prononcés ce jour-là.

Était-ce sa chance ? Pouvait-il obtenir l’avenir différent qu’il souhaitait ?

Son hésitation ne passa pas inaperçue. Une violente rafale de vent souffla et fit frissonner les arbres. Les feuilles tourbillonnèrent dans l’air et enveloppèrent Shirayuki tout entière.

En un clin d’œil, elle avait disparu.

— Shirayuki !

Il regarda autour de lui, mais il n’y avait plus âme qui vive. Que se passait-il ?

Il tenta de calmer sa respiration, puis se concentra à nouveau sur les environs. Un homme, qui, il en était certain, n’était pas là l’instant d’avant, avançait vers lui.

Jinya sentit son souffle se bloquer. Cet homme ne pouvait pas être ici. Pas dans ce souvenir. Il était mort depuis très, très longtemps.

— Oh, hé, Jinta, dit l’homme en lui faisant signe.

« Si vous n’avez nulle part où aller, pourquoi ne pas venir chez moi ? » Ces paroles nostalgiques résonnèrent dans son esprit.

C’était l’homme qui l’avait conduit, lui et Suzune, à Kadono après leur fuite d’Edo.

Le père de Shirayuki, l’ancien gardien du sanctuaire avant Jinya.

Celui qui avait tendu la main à deux enfants impuissants, transis sous la pluie.

— …Motoharu-san ? dit Jinya, la voix chargée d’appréhension.

Motoharu lui répondit par un large sourire.

 

error: Pas touche !!