SotDH T5 - CHAPITRE 2 PARTIE 3

Fleur Stérile (3)

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Traduction : Calumi
Correction : Raitei
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Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis la rencontre de Jinya avec le démon, mais rien de nouveau n’était survenu. Le temps s’écoulait de manière stérile. Le démon était assurément le tueur en série qui avait commis tous ces meurtres, mais c’était la seule information dont Jinya disposait. Aucune nouvelle victime n’était apparue, et les gens commençaient à oublier que ces attaques avaient eu lieu. Jinya ne pouvait rien faire d’autre que de reprendre sa vie ordinaire de propriétaire d’un restaurant de soba.

— Zut. On n’a plus de saké.

Une fois la plupart des clients du midi repartis, Jinya remarqua que la cuisine était à court de saké. Pas celui destiné à sa consommation personnelle, mais le saké de cuisine. Les derniers jours avaient été assez chargés au restaurant, si bien qu’il avait épuisé sa réserve rapidement et que le réapprovisionnement lui avait échappé.

— Père, tu veux que j’aille en acheter ? proposa Nomari en nettoyant les tables.

Après avoir terminé l’école primaire, elle aurait pu poursuivre des études supérieures, mais elle avait choisi d’aider Jinya au restaurant, affirmant qu’une éducation de base lui suffisait. Sa volonté avait été ferme, et elle était désormais un atout pour l’établissement.

— Hein ? Oh, dans ce cas… Non, en fait. J’y vais.

Il laissait d’ordinaire ce genre de petites courses à sa fille, mais il n’était pas tranquille à l’idée de la laisser sortir seule alors que le tueur rôdait encore. Heureusement, les derniers clients venaient de partir, et il pouvait retirer un moment le noren de l’entrée.

— Alors laisse-moi venir avec toi, dit-elle.

Le démon de l’autre jour avait donné l’impression d’en vouloir à Jinya. Il n’agirait sans doute pas en public, mais emmener Nomari avec lui pouvait être dangereux.

— Pas la peine. Je reviens vite.

— D’accord, si tu le dis.

Nomari avait toujours été une enfant obéissante, et cela s’était renforcé en grandissant. Elle cédait facilement, même si elle paraissait un peu contrariée, levant vers lui des yeux suppliants et affichant un sourire triste.

Un regard pareil était tout simplement injuste. Il n’avait pas en lui de quoi ignorer le visage de sa fille lorsqu’elle le regardait ainsi. Il était un père bien trop aimant. Comment aurait-il pu refuser une offre faite de si bon cœur ? En y réfléchissant vraiment, la laisser seule à la maison ne signifiait pas forcément qu’elle y serait en sécurité. Mieux valait qu’elle reste à ses côtés, où il pourrait la protéger. Il fouilla toutes les excuses qui lui venaient à l’esprit et lui tapota la tête.

— En fait, viens avec moi, d’accord ?

— Vraiment ?

— Oui. Sortir ensemble nous changera un peu.

Il se demanda si le père d’Ofuu avait lui aussi connu ce genre de « difficultés » avec sa fille en son temps. Le sourire de Nomari lui rappela justement ce père et cette enfant qu’il avait autrefois connus.

 

Tous deux firent leur achat chez leur fournisseur de saké habituel et reprirent le chemin du retour. Jinya tenait une bouteille de saké dans sa main droite et serrait celle de Nomari de la gauche. Ils pouvaient marcher ainsi précisément parce qu’il n’avait plus de sabre. À tous égards, il aurait dû se sentir heureux en cet instant, mais il n’y parvenait pas. Des mots entendus jadis lui traversèrent l’esprit.

 

« Pourquoi je tue ? Quelle étrange question. Pourquoi ne devrais-je pas tuer, quand les sabres existent précisément pour cela ? Je ne comprends pas la question ». Jinya avait jadis rencontré un meurtrier qui vivait par la lame et y cherchait la perfection. La moralité de ses actes était discutable, mais la sincérité avec laquelle il maniait son sabre surpassait celle de tous les autres.

« Même si je suis faible, je suis un samouraï. Et en tant que samouraï, je veux me battre pour les autres jusqu’à mon dernier souffle ». Jinya avait autrefois eu un ami qui voulait combattre pour le peuple.

« Voilà pourquoi je souhaite être tué : pour pouvoir rester un samouraï qui a vécu et est mort pour le shogunat ». Jinya avait connu un samouraï qui avait vécu et était mort avec l’ère d’Edo.

Ces hommes étaient très différents les uns des autres, mais tous combattaient pour protéger ce qui leur était cher. Leurs actes exprimaient leur fierté et leurs sentiments. Mais tout cela était balayé par le changement des temps.

En vérité, Jinya savait qu’un sabre n’était qu’un outil pour tuer. Il n’était pas mauvais d’interdire une telle chose. À long terme, le Décret d’abolition du port du sabre serait probablement bénéfique au pays. Mais lui avait vécu par la lame, et il ignorait s’il pourrait vivre sans elle.

— Hi hi.

— Hum ? Qu’y a-t-il, Nomari ?

— Oh, rien. Je suis juste contente. On est sortis ensemble assez souvent ces derniers temps, non ?

Sa main paraissait bien plus chaude que le contact de l’acier froid, et cela ne faisait que l’attrister davantage. Il ne pouvait se détacher de ses habitudes.

« Ô démon, enchaîné à ton sabre… il n’y aura pas de place pour toi dans le monde à venir. Démon et sabre sont voués à disparaître ».

Cette prédiction s’était réalisée. Ce monde n’acceptait ni son sabre ni sa haine, et c’était pour cela qu’il s’y sentait si étouffé. Les hommes comme lui n’étaient pas nécessaires dans la nouvelle ère.

Alors que son esprit s’assombrissait, ses alentours semblèrent s’obscurcir aussi. Mais tous ses sentiments mélancoliques s’évanouirent d’un coup lorsqu’il entendit une voix enjouée.

— Bonjour, Mon Oncle. Vous allez bien ?

Son esprit, prisonnier de ses souvenirs, revint brusquement à la réalité. Dans la foule se tenait une jeune fille à la chevelure brune ondulée si caractéristique : Himawari.

— Cela faisait longtemps. Je suis heureuse de voir que vous vous portez bien.

Elle lui adressa un sourire chaleureux et s’inclina poliment. Elle se comportait avec plus de maturité que son apparence ne le laissait croire, mais cette attitude ne faisait que le troubler, puisqu’elle avait déjà montré clairement qu’elle était son ennemie.

— …Tu m’appelles encore « Oncle » ? demanda-t-il.

— Hein ? Bien sûr. C’est ce que vous êtes pour moi, après tout.

Elle paraissait déconcertée par sa question, l’air d’une enfant innocente. Il hésitait à se battre contre elle. Il avait peut-être été endurci par d’innombrables combats contre des démons, mais affronter quelqu’un de plus jeune que sa propre fille lui semblait toujours déplacé.

— Père, qui est-ce ? demanda Nomari.

— Bonjour, Nomari-san. Enchantée de te rencontrer. Je suis Himawari, une connaissance de ton père.

Himawari s’était présentée joyeusement en s’inclinant devant Nomari. En surface, une telle conduite était normale, touchante même. Mais Himawari était la fille du démon énigmatique connu sous le nom de Magatsume. Avec cette pensée en tête, Jinya se plaça instinctivement devant Nomari comme pour la protéger.

— Oh là là. Serais-je mal vue ? fit Himawari.

— Je n’irais pas jusque-là, mais les choses sont ce qu’elles sont, répondit-il.

— Hm… Voilà qui est un peu déprimant.

— Désolé. Alors, que me veux-tu ? Je doute que cette rencontre soit due au hasard.

— En effet. Je ne viens pas pour mes propres affaires, mais pour transmettre un message, dit-elle un léger sourire.

Avant qu’il n’ait pu placer un mot, son expression et son ton changèrent brusquement, devenant graves.

— « Kadono Jinya-dono, viens au bord de la rivière Yamashinagawa au crépuscule. Apporte ton sabre afin que nous puissions nous battre en duel ».

— …Et de qui vient ce message ?

— De quelqu’un que vous avez déjà eu le plaisir de rencontrer, je crois.

C’était sans doute le démon à la longue lame rouge qui l’avait attaqué à l’ancienne porte. Il devait vraiment tenir à croiser le sabre avec Jinya pour insister ainsi sur le fait qu’il l’apporte.

— Si vous ne vous présentez pas…

Himawari esquissa soudain un sourire, et la tension dans l’air se relâcha. Du coin de l’œil, Jinya aperçut quelque chose filer à toute vitesse, un éclat rouge. Il attrapa aussitôt Nomari et se raidit.

— Gagh…

— Nguh…

Il entendit le bruit écœurant de chairs déchirées, suivi d’agonies. Puis un cri strident retentit, et la peur comme la confusion se répandirent dans la foule telle une vague. Jinya et Nomari n’étaient pas les cibles. Quatre passants venaient d’être tués en un instant par une lame rouge sombre.

— Pè…

— Ne regarde pas !

Il couvrit les yeux de Nomari, puis lança un regard furieux dans la direction d’où avait volé l’épée. Mais il n’aperçut pas le démon en question.

Pendant ce temps, Himawari conservait le même doux sourire.

— …alors il arrivera la même chose à ceux qui vous sont chers.

La fillette en bas âge paraissait effroyablement menaçante.

 

 

— Un duel ? Voilà un démon d’un autre temps.

Après avoir quitté Himawari, Jinya retourna au Soba du Démon avec Nomari et se mit à préparer ses affaires. Il revêtit son kimono habituel, auquel s’ajouta à présent son vieux compagnon, Yarai.

— Comptes-tu accepter le défi ? demanda Kaneomi.

— Oui.

Il posa la main gauche sur le fourreau de métal. Il ne s’était écoulé que quelques jours depuis qu’il avait cessé de porter Yarai, et le retrouver lui donnait une impression de nostalgie. Il ne put s’empêcher d’éprouver un soulagement en sentant sa présence.

— Pourquoi ?

S’il voulait protéger ses proches, il n’avait pas d’autre choix que d’accepter le duel… et pourtant, prétendre que ce fût là sa seule raison aurait été faux.

Un léger froncement barra le visage délicat de Kaneomi. Elle le regardait avec des yeux emplis de pitié, comme si elle voyait clair en lui. Sentant qu’elle savait déjà, il choisit de livrer la vérité.

— Un attachement qui persiste, dit-il.

Il ne voulait pas l’admettre, mais la perspective d’un duel l’exaltait. Des vies avaient été fauchées, ceux qui lui étaient chers étaient menacés, et pourtant il se réjouissait encore de savoir avec certitude que le sabre qu’il maniait n’était pas dénué de sens.

— Peu importe le bonheur que je peux ressentir, je ne reste qu’un homme insignifiant. C’est la seule manière dont je puisse vivre.

— Je vois… Oui, c’est sans doute cela, répondit-elle d’une voix faible, car elle éprouvait le même sentiment.

La volonté d’un seul pèse bien peu face aux grands bouleversements. Toute la conviction et toute la force que Jinya avait cultivées au fil des années ne signifiaient plus rien à l’ère Meiji.

Pourtant, il prit Yarai et quitta le restaurant. Il était un homme incapable de se plier au nouveau monde, et il sentait que le démon qu’il allait rencontrer était pareil.

 

Les cerisiers bordant la rivière Yamashinagawa étaient en pleine floraison. Leurs pétales, baignés par la lueur du soir, prirent une teinte vermillon et offrirent un charme tout différent de celui des fleurs de jour. Leur beauté paraissait d’autant plus éphémère à la pensée que la nuit allait bientôt tomber.

Alors tu es venu.

Sur la berge se tenait un démon hideux à la peau d’un rouge sombre, en total décalage avec ce décor magnifique. Ses mains étaient vides ; la longue lame qu’il avait maniée la dernière fois était introuvable.

— Tu me demandes d’apporter un sabre, et te voilà toi-même désarmé. Tu te moques de moi ? lança Jinya en jetant un regard noir.

Je t’assure que ce n’est pas le cas, répondit calmement le démon. — J’ai vécu sans autre pensée que l’idée d’un combat à mort avec toi. Je ne suis pas assez fou pour me jouer de toi maintenant, surtout après notre rencontre précédente qui a montré combien tu es puissant.

L’atmosphère changea. Elle ne se teinta ni de malveillance ni d’animosité, mais d’une pure volonté de combattre. Il n’y eut pas de dédain dans le regard du démon, seulement un profond désir que Jinya accepte son défi.

— Pour être sûr, c’est bien toi qui as commis ces attaques ?

— C’est bien moi.

— Je vois. Dans ce cas, peux-tu me dire ton nom ?

C’était pour Jinya un rituel de demander le nom de ceux qu’il allait tuer. Il dégaina lentement sa lame.

Le démon hésita un instant, puis détourna le regard en signe d’excuse.

— Je t’ai déjà donné mon nom. Si tu l’as oublié, alors peut-être n’ai-je été qu’un homme aussi insignifiant.

Ils s’étaient donc vraiment déjà rencontrés, pensa Jinya. Mais avant qu’il n’eût le temps d’y réfléchir davantage, le démon commença à bouger.

Le démon leva lentement son bras droit devant lui et serra le poing. Ses ongles s’enfoncèrent dans sa propre chair, faisant jaillir du sang. Jinya parut d’abord confus par ce geste, mais il comprit bientôt ce qui se passait : le sang se solidifia et finit par prendre la forme d’un sabre. Pourtant le filet de sang ne cessa point ; il s’accrocha à la lame comme pour l’envelopper. Le démon saisit l’épée et la tint à deux mains.

Voilà mon pouvoir, Lame de Sang.

— Je vois. Voilà pourquoi tu n’avais pas besoin d’apporter un sabre, dit Jinya.

En effet. Je suis ma propre lame.

Le démon possédait la capacité de transformer son sang en sabre. Une faculté bien appropriée, compte tenu de son obsession manifeste pour ces armes.

Il se mit en garde, lame tenue non sans mollesse devant lui. En contraste, Jinya tenait son sabre pointé sur le côté. Les deux étaient prêts. Jinya nourrissait encore quelques doutes, mais il ne retiendrait pas ses coups. Le combat les attendait.

Sans prévenir, ils se jetèrent l’un sur l’autre.

Le jeu de jambes du démon se révéla bien plus précis que sa posture relâchée ne le laissait supposer.

Il prit appui sur son pied gauche et bondit à portée de frappe, exécutant des mouvements dignes d’un manuel, abattant sa grande lame rouge droit au-dessus de sa tête.

Jinya ne pouvait encaisser directement l’attaque. Il se déplaça en diagonale vers la droite, pivota sur son pied droit, évita le coup et se retrouva sur le flanc gauche de l’ennemi. Il riposta alors d’une entaille horizontale, mais le démon prit la décision insensée de recevoir la lame dans la paume de sa main gauche.

La peau du démon se déchira et le sang jaillit, mais la coupure ne fut pas assez profonde pour sectionner le bras.

Jinya ne pouvait le laisser saisir sa lame et la bloquer, aussi recula-t-il aussitôt, guettant une contre-attaque. Le démon grimaça de douleur, puis balança son bras gauche. Jinya, déjà hors de portée, crut que le mouvement manquerait sa cible, mais il se trompait. Le sang jailli de la paume se mua en lames qui fondirent sur lui à toute vitesse.

Ainsi, le pouvoir du démon s’étendait même au sang séparé de son corps.

Pris de court, Jinya n’en para pas moins les projectiles d’un geste vif de son sabre.

Le démon relança son assaut, abattant son épée, haute comme lui, d’un coup oblique. Le mouvement, maîtrisé, irréprochable même selon les manuels, n’en était que plus aisé à contrer. Jinya frappa horizontalement le plat de la lame, en dévia la trajectoire, puis enchaîna d’une taille ascendante. La pointe de son sabre effleura la poitrine du démon, d’où jaillit un nouveau flot de sang. Il voulut porter un autre coup, mais le démon posa sa main sur sa plaie et en tira brusquement une seconde lame, qu’il pointa vers Jinya. Celui-ci bloqua la riposte imprévue, puis observa son adversaire avec calme.

Le démon maniait bien l’épée, mais c’était son pouvoir qui posait problème. La quantité de sang répandue ne correspondait en rien à la masse des lames qu’il créait. Le sang semblait n’être qu’un catalyseur pour forger des épées à partir du néant, si bien qu’il serait difficile pour Jinya de prolonger le combat jusqu’à ce que son ennemi s’affaiblisse par perte de sang. Il nota aussi la rigueur simple et droite avec laquelle le démon frappait. Ces coups lui rappelaient étrangement quelque chose.

Cette pensée le fit hésiter une fraction de seconde, et le démon en profita pour lever son sabre et l’abattre d’un coup vertical.

La lame descendit à une vitesse inhumaine. Jinya attrapa son fourreau métallique, le releva et s’en servit comme d’un bouclier, tout en avançant pour écarter le coup.

Léger vacillement, puis il retrouva aussitôt son équilibre, prit appui sur son pied gauche et porta une taillade oblique descendante, visant l’épaule du démon. À une telle distance, le coup paraissait assuré. Pourtant, il n’eut pas le temps de l’achever, car son adversaire avait pris une avance. Avant que l’attaque de Jinya ne l’atteigne, le démon avait déjà lancé une estocade.

— Gh… !

Jinya n’avait pas pu recourir à l’Indomptable assez vite. Lire le mouvement de son adversaire puis attendre pour déclencher ce pouvoir était une chose, mais il n’avait pas l’habileté nécessaire pour l’activer instantanément comme Tsuchiura en était capable. Son épaule gauche fut entaillée, mais il profita de la proximité pour charger, visant le plexus solaire du démon de l’épaule. Celui-ci esquiva sans peine, comme s’il avait déjà anticipé l’attaque.

Les deux combattants prirent de la distance et se figèrent. Leurs raisons différaient toutefois. Le démon se montrait prudent, peu enclin à foncer tête baissée. Jinya, lui, était ébranlé et avait perdu une part de sa volonté de se battre.

Le coup d’estoc qu’il venait de subir l’avait surpris. Il avait déjà vu une manœuvre semblable exécutée par Okada Kiichi, mais celle de Kiichi avait été bien plus fluide, au point de lui donner la chair de poule. Comparé à celle-ci, l’estoc du démon n’avait rien d’exceptionnel. C’était une escrime des plus simples.

Au moment où Jinya s’était tendu pour repousser la lame, le démon avait relâché sa force, ramené son pied droit en arrière et abaissé sa posture. Raccourcissant ses bras, il avait dirigé la pointe de son sabre vers Jinya et porté une estocade. Pour dire les choses simplement, il avait dispersé la force de Jinya et contre-attaqué.

— Pourquoi ?

Un vieux souvenir lui revint en mémoire. Cette technique, Jinya l’avait autrefois montrée à un ami.

Ce samouraï sincère et honnête lui avait demandé de croiser le fer. Mais cette droiture, si elle était une vertu, constituait aussi une faiblesse, car elle le rendait trop lisible. C’est pourquoi Jinya lui avait enseigné ce mouvement, espérant qu’il lui serait utile.

Cette technique à l’instant, c’est bien toi qui me l’avais montrée, n’est-ce pas ?

Ces mots lui serrèrent la poitrine. Depuis un moment, il nourrissait un doute, mais il avait espéré se tromper. À présent, il ne pouvait plus le nier.

— Pourquoi ? s’écria-t-il d’une voix brisée, ses épaules tremblantes. — Pourquoi fais-tu cela, Naotsugu ?!

Le démon n’était autre que Miura Naotsugu Arimori, un ami de Jinya à l’époque d’Edo.

 

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