RoTSS - sof T1 - Épilogue
Épilogue
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Traduction : Raitei
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Transportant les élèves des promotions inférieures récupérés, ils quittèrent l’atelier. Lorsqu’ils atteignirent l’espace de lecture de la quatrième couche, ils trouvèrent une équipe de secours composée d’élèves des promotions supérieures qui les attendaient pour les escorter en lieu sûr. Les élèves sur le campus au-dessus furent stupéfaits de voir Godfrey porter avec lui l’ultime œuvre de Severo.
Ils firent leurs rapports, et le lendemain, l’école déclara la situation résolue. Les tableaux scellés furent remis à leur emplacement d’origine, et Kimberly retrouva son niveau habituel de violence constante. Godfrey se tenait seul devant le tableau quand Tim cria son nom et lui passa les bras autour du torse par-derrière. Le garçon s’était remis vite de ses blessures et s’attira un sourire.
— Tout va bien, Tim ? Ce n’étaient pas des blessures légères…
— Regarde par toi-même ! Jamais été mieux. Dès que t’es arrivé, ma tête était complètement guérie ! Mon corps faisait juste le lâche, du coup je pouvais pas me lever.
— J’ai eu peur que tu essaies vraiment, ricana Carlos en les rejoignant. — Tu devrais parfois écouter ton corps, d’accord ?
Lesedi et Ophelia les rejoignirent. Godfrey se tourna vers la Garde et prit un ton solennel.
— Lesedi, Carlos, Ophelia, je vous en ai fait voir, cette fois. En tant que chef, je regrette d’avoir exposé mes compagnons au danger.
— Godfrey, soupira Ophelia.
— Les regrets ne servent à rien, ricana Lesedi. — Tu vas refaire la même chose je ne sais combien de fois.
Godfrey grimaça.
— Je ne peux pas te contredire, admit-il. — Naturellement, j’essaierai de tirer des leçons et d’éviter les risques… mais je soupçonne que Lesedi a raison. Tant qu’il y aura des gens qui ont besoin d’aide, j’accourrai vers eux. De même que les tableaux de Mr. Escobar étaient son fardeau, c’est là ma responsabilité de mage.
Il l’avait compris depuis un moment. Il balaya leurs visages du regard.
— Mais je n’ai pas l’intention d’embarquer d’autres personnes dans mes histoires. Je ferai le reste seul. À partir d’aujourd’hui, la Garde…
Avant qu’il ne puisse ajouter un mot, un poing s’écrasa dans son plexus solaire. Lesedi n’y était pas allée de main morte, et son coup le laissa à court d’air.
— …Guh…
— Plein centre. Réjouis-toi : c’était assez bon pour que je te pardonne ce que tu viens de dire.
Sur ces mots, elle le foudroya du regard. Pour une fois, personne ne la réprimanda. Ophelia s’avança, parlant doucement.
— …Tout le temps où nous étions dans le tableau, je n’ai jamais douté. Je savais que toi et Carlos viendriez nous sauver.
— Ophelia…
— Même Consumé par le Sort, Mr. Escobar a été attiré par toi et je crois comprendre pourquoi. Kimberly est un endroit froid. Mais ce n’est pas vrai autour de toi. Ici… il y a de la chaleur.
Ophelia prit la main de Godfrey dans la sienne et plongea son regard dans le sien. Elle avait déjà ressenti quelque chose qui s’en rapprochait, mais à présent ces sentiments prenaient forme, et elle souhaitait les partager.
— …Laisse-moi rester à tes côtés. Je ne mourrai pas facilement. Je deviendrai plus forte !
— Y a rien à craindre, Godfrey ! La prochaine fois, je les tuerai tous tout seul !
Fidèle à lui-même, Tim n’avait pas compris l’allusion et lui coupa la parole. Un des yeux d’Ophelia tressaillit, et elle se retourna vers lui.
— Tim, j’étais en train de parler.
— Et c’était pas la peine de lui tenir la main pendant que tu parlais. Tu n’en rates pas une ! Godfrey, tripote-moi les seins pour te rincer les papilles.
— Des seins factices fabriqués avec un sort de transformation ?! Pousse-toi ! Je n’ai pas fini !
Les deux élèves de première année se chamaillaient, et Godfrey se contenta de cligner des yeux.
— …Vous en êtes sûrs ? demanda-t-il. — Si vous restez…
— C’est peut-être un choix insensé, dit Carlos avec un sourire. — Mais je sais ceci : personne ici ne le regrettera.
Ce sourire balaya la dernière de ses hésitations. Chassant sa douleur, il se redressa, fier, et contempla ses vaillants compagnons.
— Merci… Je porterai de nouveau le fardeau de vos vies.
Son regard glissa vers le bas, et deux élèves plus âgés vinrent à leur rencontre.
— Oh, voilà la bande d’idiots ! Encore en train de battre des records ? Bravo !
— J-je ne pense pas… que ce soit la meilleure formulation…
Une fille de troisième année, aussi dangereuse que d’apparence affable, accompagnée d’un garçon de deuxième année à l’aura franchement sinistre d’un dompteur de malédictions. Ce duo avait laissé une forte impression, et la Garde se tint prête.
— Bloody Karlie… !
— Qu’est-ce que tu veux ?!
— Ah, calmez-vous. On n’est pas là pour se battre. On vient jeter un œil au chef d’œuvre de ce type. Vous aussi vous êtes là pour ça, non ?
Elle agita la main et se faufila jusqu’au tableau. Elle et le garçon levèrent les yeux vers lui un moment.
— D’accord… je vois, dit Karlie. — Ça, c’est quelque chose !
Elle leva les yeux vers la charpente, tamponnant du bout des doigts les coins de ses yeux. Le garçon lui tendit un mouchoir, qu’elle prit pour se moucher.
— Ça donne des frissons là derrière. Bon sang, ce type savait peindre…
— Je… je suis choqué. J…je ne pensais pas que tu avais la moindre s…sensibilité.
— Robert, comment oses-tu. Tu me prends pour une sorte de brute ?
Karlie lui coinça la tête dans une clé brutale. Là, Lesedi posa une question.
— J’ai moi-même ressenti quelque chose, mais quelle en est la signification, précisément ? Quelque chose en rapport avec notre voie magique ?
— Meuf, viens pas me parler de philosophie. L’art post-réaliste, c’est rien de si concret. Tout ce que je sais, c’est que ça remue quelque chose chez celui qui regarde, mais ce que ça veut dire m’échappe. Il nous faudra peut-être quelques siècles avant de mettre des mots dessus.
Karlie esquissa un sourire, puis se pinça les lèvres, arrachant son regard au tableau.
— …Ah, je peux pas. Si je continue à fixer ça, je vais me dessécher. J’aime pas filer, mais faut que j’y aille.
Elle se retourna d’un bloc.
— À plus, Purgatoire.
Elle donna une tape sur l’épaule de Godfrey et se dirigea vers la porte, le garçon dont la présence exhalait la malédiction à sa suite.
— …Tu parlais de moi ? demanda Godfrey.
— Qui d’autre ? C’est le titre du tableau. C’est toi qui as poussé Mr. Escobar à le peindre, et c’est toi qui l’as ramené ici. Autant t’appeler pareil. Je sais pas qui a commencé, mais la plupart des élèves des promotions supérieures t’appellent comme ça maintenant.
Karlie haussa les épaules, et Godfrey ne sut que répondre. Elle lui décocha un sourire malicieux.
— Y a pas beaucoup d’idiots qui servent de Visiteur Final dès leur deuxième année, dit-elle. — Ça fait naître des attentes. Alors c’est pas tant un encouragement qu’un ordre : Ne meurs pas facilement, gamin.
Sur ce, elle s’éloigna dans le couloir, laissant Godfrey se prendre la tête entre les mains.
— Quel surnom !
— D’accord, fit Lesedi avec un large sourire. — Mais au moins on s’en souvient. Presque tous les élèves ici ont vu ce tableau.
Arrachant leur regard au tableau, Carlos ajouta :
— Ce n’est que le début de ta légende.
Une seconde prophétie.
Quelques années plus tard, ils se retourneraient en arrière et sauraient avec certitude qu’elle s’était accomplie.
FIN