REIGN OF V2 : CHAPITRE 3

Trois contre Trois

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Traduction : Colonel Raclette
Correction : Raitei
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— …Nuh ?

Lorsque Guy ouvrit les yeux, un plafond de pierre inconnu apparut dans son champ de vision. Grelottant d’un frisson différent de celui de l’air de fin d’automne auquel il était habitué, il se leva lentement.

  • Bonjour, Guy. Tu as bien dormi ? Désolé, le lit n’est pas si confortable.
  • …C’est bon. Je peux dormir n’importe où.

Oliver était déjà debout ; il tendit une tasse de thé à son ami à moitié endormi. Guy en prit une gorgée, puis baissa les yeux vers Pete, qui dormait à côté de lui. Hier soir, après avoir appris qu’ils n’avaient pas assez de lits, le groupe avait étendu des couvertures sur le sol du salon pour dormir ensemble.

  • …Hmm ? Les filles dorment dans une autre pièce ?
  • Non, elles se sont levées tôt et sont sorties. Elles seront probablement de retour bientôt.
  • À l’extérieur ? Whoa, whoa, es-tu sûr que c’est sans danger ?

Inquiet, Guy se leva et s’approcha de la sortie. Au moment où il ouvrit la porte pour regarder à l’extérieur, un visage vert géant l’accueillit.

  • Bwaaaaaaaaah ?!

Abasourdi, il recula de façon spectaculaire. À côté de l’énorme visage du demi-humain, le petit corps de Katie apparut.

  •  Qu’est-ce qui ne va pas, Guy ? Pourquoi tu as hurlé ?
  • Je…n’est-ce pas évident ? En ouvrant la porte, je suis tombé nez à nez avec un troll ! C’est quoi ton problème ?!

Guy protesta, ayant la main sur son cœur qui battait fort. Oliver se leva prudemment aussi, mais pas à cause du troll accroupi dans l’embrasure de la porte. Derrière Katie, il y avait une étudiante plus âgée : la sorcière aux yeux de serpent.

  • … Miligan.
  • Cela fait longtemps que l’on ne s’est pas vus, Mr. Horn. Oh, pas la peine d’être si tendu. Je ne suis pas là pour faire du mal.

Elle leva la main amicalement pour le saluer. Bien sûr, cela ne suffisait pas pour le calmer. Il était toujours prêt à dégainer son athamé à tout moment.

  • Je ne fais que remplir ma responsabilité en tant qu’ancienne propriétaire de cet endroit et en tant que mentor d’Aalto. Il serait presque impossible pour des première année seuls de transporter un troll aussi loin, alors j’aide juste un peu.

Oui ! Merci, miss Miligan ! dit Katie énergiquement.

Voyant que le troll ne pouvait pas passer la porte, elle et Miligan discutèrent un peu puis quittèrent la pièce. Oliver se pencha et vit la sorcière chanter un mot de passe à un endroit plus éloigné. Une deuxième entrée de la salle commune s’ouvrit, et cette fois, le corps massif du troll rentra facilement.

  • C’était déjà assez généreux de nous offrir un atelier gratuitement, mais quel est l’intérêt caché ? demanda Chela suspicieusement alors qu’elle s’alignait à côté de Nanao pour les observer de derrière.

Miligan sourit.

  • J’investis dans le potentiel d’Aalto tout simplement. Je crois en son talent et lorsqu’elle réussira, je prendrai ma part du gâteau.

Était-elle honnête, ou était-ce juste un prétexte pour cacher ses véritables intentions ? À l’heure actuelle, il était impossible de le dire. Une fois le troll installé à l’intérieur, Miligan et les trois filles retournèrent dans la pièce. L’agitation réveilla Pete.

  • …Fermez-la… C’est déjà le matin ?                                                                                                                    

Les yeux endormis, il chercha ses lunettes à deux mains. Quelqu’un les lui donna, mais il ne put voir qui. Il prit ses lunettes et les enfila. Alors qu’il s’apprêtait à remercier l’inconnu, il trouva une main qui le fixait du regard en retour.

  • …Uwah ! U—une main ?!

Abasourdi, il tomba à la renverse. Pas étonnant, c’était une main autonome qui marchait sur les doigts. Elle courut vers Miligan, qui la ramassa pour la mettre sur son épaule.

  • Mignonne, hein ? J’ai eu l’idée géniale de donner une vie artificielle à ma main gauche, celle que Miss Hibiya a coupée. Vous pouvez l’appeler Milihand[1] vu que c’est ma main, dit-elle en riant.

Oliver fronça les sourcils. Au bout d’un mois, un mage pouvait se faire pousser un nouveau bras. Cependant, il fallait moins d’une journée pour rattacher un membre coupé. Il n’arrivait pas à comprendre pourquoi elle avait fait de sa main un familier magique.

  •  Veux être avec Katie, dit une voix maladroite.

Le troll ouvrit la porte reliant le salon à la salle commune et regardait à travers. Katie courut dans sa direction pour se blottir contre lui.

  • Vous entendez ? Je ne pouvais pas le laisser avec Vanessa, donc je vais le garder comme familier pour le moment.  Oh, il s’appelle Marco. J’ai aussi obtenu la permission de l’école alors ne vous inquiétez pas.

Elle sourit en expliquant. Hochant la tête, Oliver s’approcha du troll.

  • Il a l’air vraiment calme. Te souviens-tu de nous, Marco ?
  • Souvenir. Oliver. Katie parle beaucoup de toi.
  • Ah ? ! H-hey !

La fille aux cheveux bouclés essaya de l’arrêter, mais Marco regarda les autres et continua.

  • Guy. Pete. Nanao. Chela. Amis de Katie. Donc mes amis. Oui ?

C’était une question incroyablement simple. Oliver ne put s’empêcher de sourire et de hocher la tête.

  • Bien sûr. C’est bien de t’avoir avec nous.

Il tendit la main droite, et le demi-humain enveloppa son énorme main dessus. Guy les regarda, les bras croisés.

  • Ça fait bizarre d’entendre un troll parler. Katie, j’espère que tu prévois de prendre tes responsabilités au moindre problème.
  • Bien entendu. Tu n’as pas à me le rappeler. Je vais le sortir pour faire de la marche aussi. Maintenant qu’il est sorti de sa cage, ce serait dommage de le garder enfermé et ne pas faire d’exercice.
  • …Attends une seconde. Tu vas te promener dans le labyrinthe avec un troll ?
  • Il sera comme un garde du corps, ce qui fait d’une pierre deux coups… mais cela ne manquera pas de relancer les rumeurs, déclara Chela avec un sourire peiné.

Mais personne ne tenta de dire à la fille aux cheveux bouclés d’arrêter. Katie mit ses mains sur ses hanches et se tint fièrement.

  • Je n’en ai plus rien à faire ! Maintenant, allons-y, tout le monde ! C’est l’heure du deuxième jour de notre exploration !

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  • Waouh !
  • Quoi ? Un troll ?!
  • C’est énorme !
  • Déplace-toi sur le côté ! Tu bloques la route.

Ils quittèrent la base pour commencer à explorer le labyrinthe. Il y eut diverses réactions d’étudiants en chemin. La plupart des première année s’étaient retournés et avaient couru au moment où ils aperçurent le troll, comme s’ils étaient encore marqués par l’incident lors de la cérémonie d’ouverture. Les élèves plus âgés, cependant, ne semblèrent pas gênés du tout.

  • … Je suppose que je ne devrais pas être surpris que les élèves plus âgés ne soient pas déroutés, dit Guy.
  • Il n’est pas rare de rencontrer des créatures magiques beaucoup plus grandes dans les bas niveaux, nota Chela.
  • Par contre, un troll est assez fort pour le premier niveau. Peut-être trop qualifié pour un garde du corps, commença Oliver.

Soudain, ils entendirent un bruit sourd d’en haut et levèrent les yeux pour voir la tête de Marco enfoncée dans une partie du plafond.

  • … Et trop gros pour ces passages, aussi.
  • C’était vraiment bruyant ! Est-ce que ça va ?!
  • Mm, d’accord. J’ai pas mal, répondit Marco après s’être penché.

Les trolls étaient particulièrement durs même chez les demi-humains, donc il n’y avait même pas de bosse. Même six mois plus tard, Oliver frissonna en se remémorant que Nanao l’avait assommé sans même une arme digne de ce nom. Dix minutes de marche et quelques embranchements plus tard, ils atteignirent une zone avec une petite protubérance au milieu : un réservoir plein d’eau bleue. En regardant à la surface de l’eau, ils pouvaient voir une sorte de salle de classe. Miligan pointa la zone en question.

  • C’est la sortie du labyrinthe la plus proche de votre base. Sautez à l’intérieur, et le la plupart du temps, vous vous retrouverez dans une salle de classe au quatrième étage. La sortie peut cependant changer et ne pas toujours être utilisable. Gardez cela à l’esprit.

Guy pencha la tête.

  • …Hmm ? Alors, n’aurait-il pas été beaucoup plus rapide d’aller dans cette direction dès le début ?
  • Non non. Quiconque veut utiliser cet atelier doit au moins pouvoir s’aventurer aussi profondément par lui-même. C’est le minimum pour moi. Et comme je l’ai déjà dit, ce portail ne sera pas toujours disponible. Vous devez toujours être prêt à marcher si le besoin s’en fait sentir.

La sorcière aux yeux de serpent lança un sévère avertissement. Elle ressemblait presque à une ainée responsable donnant des leçons aux jeunes turbulents. Oliver était encore sous le choc de la différence entre cette Miligan et celle où ils avaient dû se battre à mort. Elle se glissa à côté d’eux et commença à rebrousser chemin.

  • C’est là que je vous dis au revoir, alors. Profitez de votre exploration. Et ne baissez pas votre garde.

Et avec ça, elle disparut au carrefour d’un couloir. Les six d’entre eux vérifièrent que le portail fonctionnait, puis hochèrent la tête mutuellement avant de continuer à s’enfoncer encore plus dans le labyrinthe. Marco, à la traîne, frappa sa tête contre le plafond.

  • Argh, encore… !
  • Il ne pourra jamais se glisser dans des passages plus étroits. Je suppose que pour aujourd’hui, c’est ok de s’en tenir aux espaces plus grands. Mais personnellement, j’espérais trouver des ingrédients pour de la potion. Ce qui est rare au premier niveau, bien sûr. Ce serait bien si on pouvait descendre plus bas…

Ils continuèrent à avancer prudemment, choisissant le chemin le plus large à chaque croisement. Petit à petit, ils s’enfoncèrent plus profondément.

  • … Mmm ? Attendez.

Alors qu’ils descendaient une pente, une rafale de vent souffla d’en haut. Captant une odeur de verdure, Chela ordonna à tout le monde de s’arrêter.

  • … Si nous continuons, nous atteindrons bientôt la deuxième couche. Faisons demi-tour.
  • Oh… Le deuxième niveau est-il vraiment si différent du premier ?
  • J’ai entendu dire que cela n’avait rien à voir en termes de danger. Le premier niveau est appelé Errance silencieuse, tandis que le second est appelé se nomme Forêt effervescente. La zone est beaucoup plus large et le terrain y est plus varié. Nous pouvons trouver pas mal de bêtes magiques différentes.
  • Une forêt…? Il y a une forêt dans le labyrinthe ? Mais nous sommes sous l’école pourtant.
  • Pas seulement cela. J’ai entendu dire que si nous allions plus loin, il y a une mer. Ce serait plus approprié de considérer chaque couche comme un domaine plutôt qu’un niveau inférieur.

Les yeux de Pete s’écarquillèrent à cette réponse ahurissante. Le groupe revint sur ses pas pour revenir vers le premier niveau.

  • Je ne te laisserai pas partir, Michela.

Soudainement, une voix menaçante retentit, et deux silhouettes se dressèrent au sommet de la pente. Il y avait une petite fille blonde et un garçon à ses côtés. Chela les interpela.

  • Miss Cornwallis. Je vois qu’on explore les environs également.
  • Pas vraiment. Nous étions à l’affût pour prendre vos médaillons !

Stacy lança un regard perçant à tout le groupe. Sentant son hostilité, Marco montra ses grandes dents derrière Katie.

  • URRRRRRRRRRRRRRR !

Son grognement résonna dans tout le couloir, et Stacy adopta instinctivement une position défensive. Katie essaya de calmer gentiment le troll énervé.

  • Whoa, whoa. Calme-toi, maintenant. Tout va bien.

La colère du troll se calma lentement avec l’aide de ses instructions. Stacy fronça les sourcils.

  • …Quelle bête brutale. Je croyais qu’on s’était mis d’accord pour qu’il n’y ait pas le droit aux familiers ?
  • Quelle impolitesse ! Je ne le lâcherai pas sur toi. Je ne participe même pas à votre tournoi, répliqua Katie en criant, irritée.

Fay poussa un léger soupir et regarda sa partenaire.

  • Calmez-vous. Elle ne compte pas interférer.
  • Je le sais. Je ne faisais que la prévenir.

 Stacy ne montra aucun signe de honte. Avant que la conversation ne prenne une tournure étrange, Oliver exprima sa propre opinion.

  • Je n’ai pas l’intention d’enfreindre les règles. Voulez-vous faire un duel ici ?
  • C’est l’idée. Mais j’ai une suggestion— pourquoi pas un deux contre deux ?

Stacy posa avec confiance une main sur l’épaule du garçon qui se tenait à côté d’elle.

  • Fay sera mon partenaire. Vous pouvez choisir la paire que vous souhaitez.
  • Je vois. Donc c’est ce que tu veux, dit Chela en hochant la tête. Elle se tourna ensuite vers ses amis.
  • Ils souhaitent avoir un combat double. Oliver, Nanao, qu’en pensez-vous ?
  • Ça a l’air plutôt intéressant !
  • Non, attends une seconde… Chela, ces deux-là se connaissent depuis longtemps, n’est-ce pas ? demanda Oliver. Chela hocha la tête.
  • Tu as raison. Il y a une relation maître/serviteur. Ils sont toujours fourrés ensemble alors la bonne cohésion doit être de mise.
  • Ils ont donc l’avantage, huh ? Ce ne serait pas l’idée la plus intelligente d’accepter leur défi…
  • Je sais. Mais… c’est intéressant, n’est-ce pas ? Comment nos six mois se comparent-ils à leurs années de coopération ?

Chela afficha un sourire intrépide, tandis qu’Oliver souriait maladroitement. Il avait réalisé que les affronter à leur propre jeu était certainement le genre d’audace qu’il attendait d’elle.

  • Oui… Alors Nanao et toi devriez faire équipe. Je pense que Miss Cornwallis a hâte de t’affronter. Et puis Nanao est aussi excitée.

Il jeta un coup d’œil à la fille à ses côtés. Comme elle l’avait dit, son regard brillant montrait qu’elle voulait combattre un ennemi puissant tout de suite. Chela s’en alla calmement près de ses deux amis.

  • Deux contre deux ? Nous acceptons. Nanao et moi allons vous affronter.

Et ainsi l’accord passa. Stacy ricana alors qu’ils dégainaient tous les quatre leurs athamés.

  • Pas mal pour un personnage secondaire ! J’en suis aussi !

Soudainement, la voix d’un garçon attira l’attention de tous.

  • Trois contre trois. Ne serait-ce pas beaucoup plus intéressant, Miss. McFarlane ?
  • Joseph Albright… ?!

Stacy se retourna et prononça son nom sous le choc. Il y avait là un grand garçon qui dégageait une confiance intimidante. L’expression d’Oliver s’assombrit encore plus. D’après la cravate du garçon, Oliver pouvait voir qu’il était en première année comme eux, mais il n’en avait pas du tout l’aura. Chela étudia le garçon.

  • …Il était temps, Mr. Albright.
  • Un autre de tes amis, Chela ? demanda Nanao
  • Non, je le connais aussi, dit Oliver. —— C’est un Albright… une famille célèbre pour avoir eu en son sein beaucoup de mages militaires.

Il se souvient des nombreuses histoires dangereuses qu’il avait entendues sur les membres de cette famille. Chela hocha la tête.

  • Étant donné que l’art du combat est très important chez eux, l’entraînement que les enfants reçoivent là-bas diffère du niveau moyen des autres mages. Il est clairement parmi les plus forts de notre année.

En tant que fille d’une illustre famille elle-même, ses mots avaient du poids. Stacy, serrant prudemment son athamé, se tourna vers l’intrus inattendu.

  • …Trois contre trois ? Et tu viendras de notre côté ?
  • Vous préférez un trois contre deux contre un ? Je peux clairement jouer le jeu.

Albright parla avec arrogance, comme si un désavantage numérique ne signifiait rien pour lui. Stacy fronça les sourcils, mais il n’y prêta pas attention, préférant regarder les autres en bas de la pente.

  • Alors Miss McFarlane et Miss samouraï ? Ajoutez ce moins que rien et vous serez trois techniquement parlant. Mais si vous pensez que vous ne pouvez pas gagner avec moi dans l’équipe adverse, je suppose qu’on ne peut rien y faire.

Il eut un rire moqueur. Les yeux de Chela brillèrent dangereusement.

  • …Attends… Qui as-tu traité de moins que rien ?
  • Eh bien, bonne question. Je n’ai pas l’habitude de me souvenir de tous les noms. Tout ce que je peux dire c’est que ce moins que rien, se tient à côté de toi.

Albright haussa les épaules, continuant à utiliser le terme. Chela avait voulu le corriger, mais Oliver posa une main sur son épaule.

  • C’est bon, Chela. Je ne suis pas un punching-ball non plus.

Il haussa la voix à la fin, signalant qu’il quittait la ligne de touche et qu’il rejoignait la mêlée. Il s’avança pour rattraper Chela et Nanao, puis fixa ensuite les adversaires.

  • Nous acceptons le combat à trois contre trois. Les sortilèges sont autorisés, je suppose ?
  • Attends ! Nous n’avons pas encore accepté…
  • Stacy.

Fay empêcha sa partenaire de paniquer à cause de la tournure inattendue des événements et approcha ses lèvres de son oreille.

  • …Réfléchissez-y. Albright en a après la samouraï, et nous après Miss. McFarlane. S’il la tient occupée, c’est une bonne nouvelle pour nous. Ça augmente nos chances.
  • Mmgh…

Stacy accepta son avis et réfléchit un moment. Albright ne leur avait pas prêté attention.

  • Faites ce que vous voulez. Mais j’ai deux règles que j’aimerais ajouter. Premièrement, nous lancerons les sorts d’émoussage avec une efficacité réduite de moitié. Deuxièmement, une fois le duel fini, les derniers debout prendront tous les médaillons des perdants. Ok ?

Oliver fronça les sourcils. Albright continua à expliquer sa position.

  • Cela ne vous dérange pas, n’est-ce pas ? Après tout, aucun d’entre nous n’est un lâche qui abandonnerait prématurément tout en essayant de récolter les bénéfices de la victoire de l’équipe. Pour la récompense, il faudra rester debout jusqu’à la fin.
  • Tu n’as pas l’intention d’abattre tes propres coéquipiers en plein milieu de la bataille, n’est-ce pas ?
  • Si l’inquiétude te ronge, nous pouvons ajouter une règle pour interdire les tirs amis. Je m’en fiche de ce que tu fais, tant que les boulets ne récoltent pas les bénéfices de la victoire.

Albright ricana avec orgueil face à la remarque de Stacy. Il n’avait clairement aucune confiance en ses propres coéquipiers. Oliver n’eut même pas besoin de s’entretenir avec ses amis pour avoir leur réponse.

  • Chaque équipe peut décider individuellement de la distribution des médaillons, dit Oliver avec raideur.
  • Aucun de nous n’a l’intention d’interférer. Mais peu importe l’issue de la bataille, notre équipe se partagera les médaillons équitablement.
  • Ha ! Quelle réponse facile. Un vrai moins que rien !

Albright descendit de la pente, en prenant Oliver de haut.

  • Quoi qu’il en soit, suivez-moi. Je vais vous montrer le lieu.
  • Quoi ? Où allons-nous ?
  • Ce couloir étroit est vraiment à votre goût ? Taisez-vous et suivez-moi, leur répondit-il agressivement avant de se retourner.

 Albright passa devant Oliver et ses amis une fois en bas de la pente.

  • Attends ! Mr. Albright ! cria Chela.
  • Tu as vraiment l’intention d’aller au deuxième niveau ?
  • Le Colisée est trop loin. Et il y a beaucoup d’espaces libres là-bas.
  • C’est trop dangereux ! Peut-être s’il n’y avait que nous, mais nous avons aussi nos amis ici !
  • Alors renvoie-les chez eux. Où crois-tu que nous sommes ? Tu te trompes lourdement si tu crois que les duels de mages ne sont que de simples spectacles.

Sur ce, il lança un regard écrasant par-dessus son épaule. Malgré son arrogance, On ne pouvait pas nier ses affirmations. Chela réfléchit un moment, puis se tourna vers ses amis.

  • C’est dangereux d’aller plus loin. Katie, prends les autres et retourne à la base…
  • Non !
  • Je ne rentrerai pas non plus.
  • Hors de question.

Katie, Guy et Pete rejetèrent sa proposition à l’unisson. Les yeux de Chela s’écarquillèrent grandement avec le choc, alors que les trois se regardèrent.

  • On repartira une fois qu’on sera sûrs de votre victoire. Pas vrai, Guy et Pete ?
  • Ouais. On peut se protéger. Ne vous inquiétez pas.
  • J’adorerais prendre ta place et me battre en duel avec miss Cornwallis…mais je n’aurais aucune chance pour le moment, alors laisse-moi au moins observer.
  • Unh- c’est bon. Je protège tout.

Ils avaient tous dit qu’il resterait et le troll leur rappela aussi qu’il serait là pour aider. Fay délia légèrement ses lèvres en les observant.

  • Elle a beaucoup d’amis, n’est-ce pas ?
  • Tais-toi, Fay !

Il haussa les épaules devant les dires de Stacy, et commença à descendre la pente après Albright. Les membres du groupe d’Oliver se firent des signes de tête et suivirent le mouvement.

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Albright ouvrait la voie, avec Stacy et Fay au milieu suivit par le groupe d’Oliver à l’arrière. En gardant une distance anormalement grande entre eux, ils avancèrent pendant environ dix minutes avant que l’espace autour d’eux ne s’ouvre soudainement.

  • C’est le deuxième niveau, également connu sous le nom de forêt effervescente. Suis-je le seul à être déjà venu ici ?

Albright fit le premier pas dans cette couche et écarta les bras pour attirer l’attention sur leur environnement. L’endroit n’était pas seulement vaste ; il était entièrement différent de la zone qu’ils venaient de quitter. Les sols et les murs en pierre avaient été remplacés par de la terre et de l’herbe avec des arbres partout. Ce niveau grouillait d’êtres vivants. Le plafond en forme de dôme au-dessus de leurs têtes et la largeur de l’endroit créaient un sentiment de liberté qu’ils n’auraient jamais pu avoir dans le premier niveau.

  • On dit que descendre jusqu’ici pendant sa première année relève du suicide, mais c’est simplement une mesure médiocre. Cela ne s’applique pas à ceux qui ont un talent hors norme. N’es-tu pas d’accord, samouraï ?

Albright regarda directement Nanao. Oliver plissa des yeux–- il pouvait dire que même si Albright le considérait comme un moins que rien, il se sentait plus proche de Nanao et Chela. Pour lui il n’y avait que deux catégories, les talentueux et les médiocres. Furieux à l’idée de continuer à suivre le rythme d’Albright plus longtemps, Stacy tenta de reprendre le contrôle.

  • C’en est assez de cette démagogie, Mr. Albright. C’est notre combat. Nous t’avons généreusement laissé te joindre à nous, mais ne t’avise pas d’être un poids.
  • Très bien, si tu insistes. Mais la samouraï est à moi.

Il semblait extrêmement sérieux à ce sujet. Les six combattants marchèrent jusqu’au centre de la zone et lancèrent un sort d’émoussage sur leurs lames respectives. Albright sortit ensuite une pièce.

  • Et— partez !

Il la lança en l’air. De loin, Katie, Guy et Pete regardèrent la scène en retenant leur souffle. La pièce fut dans les airs et, lorsqu’elle commença à tomber, chacun dégaina son athamé.

  • Hah !

Au moment où la pièce toucha le sol, Oliver se précipita en avant. La personne la plus proche de lui devant était Fay, mais au lieu de cela, Oliver changea audacieusement de cible en se déplaçant sans attendre à l’horizontale pour se tenir devant Albright.

  • Hmm ?

— Je ne serai pas votre souffre-douleur !

Il lui fit face en posture intermédiaire avec une férocité certaine. Nanao et Chela savaient exactement ce qu’il s’apprêtait à faire.

  • Je serai votre adversaire, Mr. Albright. Une fois ce duel terminé, vous vous souviendrez de mon nom.
  • Ha ! Je vois que tu parles beaucoup pour un moins que rien.

Albright leva son épée vers le haut puis la droite. Lame en l’air, sa pose si imposante aurait impressionné beaucoup d’adversaires qui seraient tombés avant même qu’il ne déclenche son coup. Enraciné dans une confiance inébranlable, c’était la parfaite représentation de la posture d’un homme puissant.

  • Ouf…

Oliver affronta de front le candidat le plus à même d’être le plus fort de la promotion des première année. Chela dut détourner le regard pour se concentrer sur son propre combat. Elle et Nanao se tenaient en face de Stacy et Fay.

  • C’est la première fois que nous combattons ensemble, n’est-ce pas ?
  • En effet. Je vais enfin pouvoir observer tes compétences à l’épée, Chela.
  • Heh-heh. Je vais m’assurer de ne pas te décevoir.

Stacy recula pour se mettre dans une garde intermédiaire en tordant son poignet pour former une posture fulgurante, position parfaite pour le style Rizett centré sur l’élan. Voyant à quel point elle était sérieuse, Nanao eut une garde haute qui allait jusqu’au-dessus de sa tête.

  • Albright semble se battre en duel avec Horn, se plaignit Stacy à Fay, leur plan ayant été chamboulé.
  • Désolé, je ne pensais pas que Horn l’approcherait directement.
  • Incapable !

Mais malgré leur querelle, leur défense semblait sans failles. L’un était dans une posture fulgurante comme Chela, tandis que l’autre avait adopté la garde basse, caractéristique de la posture sismique. Chacun d’entre eux était un étudiant du style Rizett, mais il était facile d’imaginer combien leurs techniques étaient différentes.

  • Ce qui est fait est fait, dit Fay. —— Et maintenant ? On soutient Albright et on abat Horn en premier ?
  • …Peu importe. Cela nous ramène au plan initial. Nous allons vaincre Michela. On laisse Albright faire ce qu’il veut. Je doute qu’il essaie même de coopérer avec nous.

Stacy se concentra sur le combat présent. Albright n’avait jamais fait partie de ses calculs. Elle ne pouvait compter que sur elle-même et sur celui dont elle avait passé la moitié de sa vie.

  • C’est l’heure, Fay. Occupe-toi d’abord de la miss samouraï.
  • Compris. Ce ne sera pas facile, mais je vais me débrouiller, dit Fay en ironisant, puis lançant un regard noir à Nanao.

Chela fit un pas vers sa propre adversaire qui la dévisageait.

  • Depuis combien de temps n’avons-nous pas croisé nos épées, Miss Cornw——
  • Je n’en sais rien. Je m’en fiche. Je ne suis pas ici pour discuter.

Elle la coupa. L’expression de Chela devint mélancolique.

  • Je vois que tu as une certaine rancune contre moi. Puis-je demander pourquoi ?
  • … Quelle différence cela ferait si je te le disais ?

Elle mit sèchement fin à la conversation. Aucune des deux ne dit quoi que ce soit de plus tandis qu’elles avancèrent silencieusement l’une vers l’autre.

  • Haaah !

Au moment où elles franchirent la distance d’un pas, un sort, Stacy s’élança comme une flèche. Repoussant la charge, Chela afficha un sourire bien confiant.

  • Une excellente charge. En garde !

Et avec cette proclamation, des étincelles virevoltèrent alors qu’elles commençaient à échanger des coups. En parant chacune les coups de l’autre avec efficience, elles effectuèrent naturellement des contre-attaques. Après quelques secondes, plus d’une douzaine de coups avaient été échangés. Leur duel était gracieux, exquis, mais aussi étonnamment féroce. La lutte acharnée se poursuivait, sans qu’aucune des deux filles ne cède de terrain. Nanao laissa échapper un son d’admiration.

  • Ohhh, magnifique. Comme attendu d’un duel entre styles similaire.
  • Leur destin était de se battre même si Miss McFarlane ne le souhaitait pas.

Fay soupira. Il ne montra pas la même férocité que Stacy en pointant la pointe de son athamé sur son adversaire.

  • Je ne me suis pas encore présenté, n’est-ce pas ? Je suis le chien de garde des Cornwallis, Fay Willock. Avant de commencer, je dois m’excuser, ce ne sera pas un duel agréable, Nanao Hibiya.

  • Hmm ? Qu’est-ce que tu— ?
  • FRAGOR !

Fay interrompit Nanao avec un sort explosif dirigé vers le sol, le nuage de terre qui s’élevait lui obstrua la vue.

M’enlever la vision d’abord, hein ? pensa Nanao en baissant prudemment la pointe de son épée au niveau des yeux, se préparant à son attaque.

  • …… ?

Mais aucune attaque ne vint. Le nuage de poussière s’estompa, et une fois que tout redevint clair, elle vit Fay debout dans un bosquet d’arbres.

  • Voilà ce que je veux dire. Je suis un lâche, tu vois, et je n’ai pas l’intention de te prendre de front.
  • …Je vois. Alors c’est un jeu de chat et de la souris.

Confirmant le style de son adversaire, Nanao abaissa son épée à son côté

et s’élança vers l’avant.

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Chela repoussait les attaques féroces de Stacy, tandis que Nanao poursuivait le lâche Fay afin d’être à distance de frappe. Ailleurs, la paire précédente était engagée dans une lutte totalement différente.

  • FLAMMA !
  • FRIGUS !

Des vagues de chaleur et d’air glacial entrèrent en collisions, se bousculant pendant moins d’une seconde avant que le blizzard d’Albright ne perce les flammes et ne poursuive sa course en avant. Oliver, cependant, n’était plus à sa position initiale. Une des règles de base d’un duel de sortilèges était de ne jamais rester au même endroit pendant longtemps, c’est pourquoi il changeait de position à chaque fois qu’il lançait un sort.

  • Hah… !

Se concentrant sur son ennemi à dix mètres de lui, il s’élança en avant sans hésitation. Entre ses troisième et sixième pas, il activa une magie spatiale, changeant instantanément l’angle et la friction du sol sous ses pieds. Avec son style Lanoff des arts de l’épée, posture terrestre : Sol fantôme[2], combiné avec sa tenue de course, il était possible de se déplacer sur le terrain avec une trajectoire qui était impossible à prévoir.

  • CLYPEUS !

Albright lança un sort à ses pieds sans réfléchir un instant. Un petit mur d’un mètre de haut s’éleva, bloquant le chemin de son adversaire. Pas mal, pensa Oliver. Sol fantôme était plus efficace à l’endroit où se trouvait le lanceur de sorts. Sa seule option pour esquiver était de sauter, ce qui réduisait considérablement l’effet de choc de sa technique et le forçait à faire un mouvement complètement prévisible. Mais rester immobile était exactement ce que son adversaire voulait. Instantanément, Oliver prit une décision, car si sa seule option était de sauter, alors il devait élargir ses options.

  • Haaah !

Au moment d’atteindre le mur, il utilisa toute l’élasticité qu’il put cumuler pour prendre appui sur ce dernier et partir comme un ressort. Il s’élança incroyablement haut dans les airs, en tournant verticalement.

  • Mm !

Style Lanoff des arts de l’épée, posture céleste : Aeroguillotine[3]. C’était une attaque-surprise qui visait à décapiter l’adversaire en passant au-dessus de lui. Le corps d’Oliver, très haut, avait complètement disparu du champ de vision.

  • Hmph !

Mais Albright ne tomba pas dans le piège de lever les yeux pour essayer de retrouver sa cible. Au contraire, il regarda même le sol. La lame d’Oliver balaya l’air à un cheveu de sa nuque. La gravité ramena Oliver au sol, et il atterrit derrière lui.

  • TONITRUS !

Albright lança rapidement un sort de foudre par-dessus son épaule, dans le but de saisir son adversaire dans le dos au moment de l’atterrissage. Oliver esquiva calmement sur la gauche. Pour des mouvements spectaculaires comme l’aeroguillotine, l’atterrissage était souvent plus important que la technique elle-même. La plus importante condition préalable à l’utilisation d’une telle technique dans un combat réel était de s’entraîner jusqu’à ce que l’on soit capable de gérer complètement le retour sur la terre ferme afin de pouvoir d’établir des manœuvres d’esquive dès que possible.

  • Hmph, je vois.

Oliver prit une fois de plus une garde intermédiaire contre son adversaire. Son épée toujours levée, Albright se mit à renifler sous l’effet de l’ennui.

  • Médiocre, comme je le pensais. Tu connais peut-être un tas de tours de passe-passe fantaisistes, mais ton épée ou tes sorts ne dégagent rien d’impactant. Penses-tu vraiment que tu peux me mettre à terre avec tes performances dignes d’un numéro de cirque ?
  • Il faudrait déjà réussir à me battre avant de dire ça, Mr. Albright.

En répondant cela, Oliver s’était dit la chose suivante : Il est certainement fort. Mais j’ai réussi à préparer le terrain jusqu’ici.

  • Hum !

Albright s’avança en balançant son athamé vers le bas, et Oliver riposta avec une technique avancée du style Lanoff : Confrontation[4]. Faisant circuler le mana dans sa lame, il ajusta son coup au moment où ils croisèrent le fer en faisant en sorte que son adversaire le manque de peu. L’attaque d’Oliver aurait dû ensuite fendre son adversaire en deux, mais elle fut repoussée par Confrontation.

  • —- !
  • —Ha !

Oliver se repositionna rapidement dans la distance d’un pas, un sort. Albright retroussa ses lèvres en un sourire moqueur.

  • Distraire son adversaire avec une variété de techniques et de sorts, puis le couper dans son élan pour tenter de l’abattre frontalement avec Confrontation. C’est ta formule gagnante, n’est-ce pas ?
  • ……

Oliver gardait le silence, mais à l’intérieur, il était hors de lui. Albright avait utilisé la même technique. Contrairement à l’instinctivité de Nanao qui la faisait se mouvoir sans réflexion, son adversaire l’avait cette fois complètement lu. Il n’avait jamais rien vécu de tel depuis son entrée à Kimberly et ne s’était jamais attendu à cela d’un élève de son âge.

  • Quel ennui. Rossi était un moins que rien également, mais au moins il avait un style de combat unique. Tu n’as rien de tout ça. Tu ne fais que reproduire le manuel du style Lanoff.
  • ……
  • C’est pitoyable. Jusqu’où peux-tu aller en suivant cette voie ? Je pense que le mieux que tu puisses faire est de mourir tôt, comme tous les autres médiocres de l’histoire. Une mort pour n’avoir pas su rester à ta place semble appropriée.

Oliver se mit à le frapper, sans lui laisser le temps de finir. Albright se déplaça rapidement pour parer le coup, mais au-dessus de lui, un éclair éclata. Style Lanoff des arts de l’épée, posture céleste : Flash[5]. La lumière soudaine l’aveugla, créant une ouverture.

  • S’il te plaît, dit Albright en ricanant.

Il ne plissa même pas les yeux. Ses pupilles se réajustèrent rapidement à la lumière vive, et sa vision claire et inébranlable révéla qu’Oliver venait vers lui en tentant une frappe sur son visage. Aussi calme que possible, Albright se mit en position pour parer son assaut.

  • Mm ?!

Albright fut bousculé, tout son corps ainsi que sa lame. L’inattendu avait réussi à pénétrer ses défenses et la pointe de l’épée d’Oliver lui érafla la joue. C’était la technique avancée du style Lanoff : La Plume Lourde[6].  En prenant le contrôle du centre de gravité de son corps, Oliver fut capable de produire un coup qui était beaucoup plus lourd qu’il n’y paraissait. Son flash n’avait été qu’une diversion pour permettre ceci, son véritable objectif.

  • Le manuel ambulant vient de vous toucher la joue. Un commentaire, Mr. Albright ?
  • Tu as du cran, espèce de moins que rien.

Un terrible sourire se dessina sur le visage d’Albright dès qu’il sentit le sang couler sur sa joue. Oliver réalisa maintenant que leur duel ne faisait que commencer.

——————————————————————

  • Oliver a eu une touche !
  • Oui ! Abat cet enfoiré !

Guy, Pete, Katie et le troll regardaient de loin les trois duels qui se déroulaient. Les deux garçons étaient absorbés par le combat, mais Katie fixait le vaste dôme.

  • ……
  • Hé, Katie, qu’est-ce qu’il y a ? demanda Guy. —— Allez, au moins encourage-le. On dirait qu’il est contre quelqu’un de vraiment fort cette fois.
  • …C’est vrai. Mais il y a quelque chose de bizarre à propos de cet endroit…

Elle regardait autour d’eux, puis se tourna rapidement vers Guy.

  • Guy, tu peux me donner un coup de main ? Juste au cas où.

——————————————————————

Fay Willock décida bien avant que le duel ne commence la non-utilisation de techniques d’épée. Il se servait des arbres comme des obstacles, refusant de se mettre à la portée de son adversaire.

Il s’efforça de maintenir la distance tout en lui lançant des sorts dès qu’une ouverture se présentait. C’était une stratégie passive, mais c’était la posture naturelle à prendre face à quelqu’un qui l’éclipsait à l’épée. C’était même sage. Mais après une minute de duel, il devint évident que ce qui semblait sage sur le papier ne valait rien face à ce talent brut.

  • Whoa… !

Il esquiva in extremis un coup de Nanao, ou du moins il le pensait. Cette dernière frappa sans attendre au niveau du cou. Il n’eut même pas le temps de respirer. Elle le poursuivait sans relâche, fauchant les arbres sur son chemin. Incapable de trouver une chance de contrer, il se retrouva bientôt à sa limite. Il trébucha ensuite sur une racine d’arbre alors Nanao profita immédiatement de ce moment. Elle le frappa, tentant de le trancher. D’une manière ou d’une autre, Fay réussit à la bloquer avec sa lame tenue par sa main gauche.

  • Gah… !

Malgré la parade, la force était toujours là. Son corps s’éleva dans les airs. Nanao continua sa charge dans l’élan, ce qui le projeta hors de la forêt.

  • Ngh ! Haah… !

Alors que Fay parvenait à peine à rester debout, un sourire crispé apparut sur ses lèvres. Il n’avait même pas réussi à gagner du temps. Mais comment aurait-il pu prédire que quelqu’un de son âge serait aussi ridiculement puissant ?

  • Qu’est-ce que tu fais, Fay ?!

Stacy sauta de son duel avec Chela pour aider son partenaire en danger. Elle assena son épée sur Nanao pour l’empêcher de porter le coup final, laissant Fay faire face à la menace de Chela qui chargeait dans le dos de Stacy.

 Grâce à un rapide travail d’équipe, ils avaient réussi à ramener le combat à un face à face. Les deux se tinrent dos à dos.

  • Désolé. Elle était plus forte que je ne le pensais.
  • Incapable. Tu aurais pu au moins tenir deux minutes.

Ses mots étaient tranchants, mais Stacy ne lui en voulait pas vraiment. Elle savait depuis le début que Nanao Hibiya était une adversaire hors du commun et qu’il allait être difficile d’achever Chela toute seule. La bataille jusqu’à présent n’avait fait que confirmer ses attentes.

  • Je ne peux pas la contenir. On ne gagnera jamais comme ça, dit Fay.
  • ……

C’est là que la bataille avait vraiment commencé. Avec une détermination silencieuse, les deux se lancèrent un regard.

  • Fay, m’apporteras-tu la victoire ?

La question silencieuse résonna dans ses oreilles. À ce moment-là, un certain souvenir fit surface dans son esprit.

  • Un jeunot, hein ? Il a dû se perdre, s’échouer ici après avoir perdu ses parents dans une bataille.

Sa maison, brûlée ; son peuple, disparu. Il avait traîné son corps à moitié brisé sans aucune destination en tête. Il aspirait la pluie et la rosée pour étancher sa gorge desséchée, chassant les animaux sauvages pour ne pas mourir de faim. Combien de jours avait-il passé comme cela, ne faisant que survivre ? Avant qu’il ne le réalise, la fin le regardait en face. Un mage pointait une baguette sur cette vermine mourante qui le regardait en retour.

L’épuisement se lisait dans ses yeux. Il n’avait plus la force de bouger ses membres. Il n’avait même plus la volonté de résister.

  • Il n’y a aucun intérêt à avoir un bâtard comme animal de compagnie. Je vais mettre fin à tes souffrances, maintenant.

Le mage avait déclaré sa mort dans un geste de pitié égoïste. Dépêche-toi et fais-le, alors, pensa-t-il. Il pouvait supporter la faim et la soif. Ce qu’il ne pouvait pas en revanche, c’était la froide solitude. Il ne voulait pas vivre une seconde de plus dans un monde si glacial. Enfin, la fin était là. Il commençait à fermer les yeux, quand une silhouette se tint devant lui.

  • Attendez, Père.

Même s’il s’était résigné, il ressentit une soudaine hésitation. C’était une fille dont l’innocence se faisait ressentir qui était intervenue. Elle avait moins de dix ans et était blonde. À cet instant précis, elle se tenait entre lui et la baguette du mage.

  • Je pensais justement avoir besoin d’un serviteur. Je m’occuperai de lui.
  • Ne sois pas stupide. Tu peux en avoir un dans une Maison convenable, alors.

De la perplexité fut ressentie dans la voix du mage. La jeune fille secoua la tête, puis se retourna.

  • Non, Père. Je veux celui-là.

Elle se mit à genoux et se rapprocha de lui, le fixant de ses yeux bleu brillant. C’est alors que tout prit sens. Il ne connaissait même pas son nom, mais au fond de ses yeux, il pouvait voir son cœur. Il était solitaire, tout comme le sien. Il leva un bras flétri et prit sa main. À ce moment-là, leur solitude prit fin.

——————————————————————

  • Avez-vous besoin de demander ? Vous êtes mon maître, Stace.

Fay Willock toucha le collier autour de son cou pendant qu’il parlait. Il y a longtemps, Stacy Cornwallis lui avait tendu la main, et il l’avait prise. Et depuis le moment où il s’était blotti contre sa solitude à elle, il avait décidé de sa voie.

  • N’hésitez pas. Donnez-moi vos ordres. En tant que chien de garde, j’arracherai la gorge de vos ennemis !

Son ton était de plus en plus inhumain. Et avec ce dernier encouragement, Stacy leva son athamé au-dessus de sa tête.

  • LUNA PLENA[7] !

Elle lança le sortilège, et une boule de lumière s’éleva dans les airs. Sa lueur bleue/blanche était comme celle de la lune. Dans le labyrinthe sans voûte céleste, un ciel nocturne temporaire apparut.

  • GAAAAAAAHHHHHH !
  • — ?!

Un hurlement, presque un cri, retentit. Les yeux de Chela devinrent aussi larges que la lune alors que la forme de Fay changeait. Les os et les tendons ondulèrent et se développèrent sous sa peau, déchirant sa chemise, tandis qu’une dense fourrure noire poussait sur tout son corps.

Des griffes acérées sortaient de ses doigts. Des crocs de prédateur émergeaient de sa mâchoire saillante. La structure de son squelette s’était transformée et étendue, jusqu’à ce qu’il dépasse les 2m de hauteur.

  • …Chela, qu’est-ce que c’est ? demanda Nanao alors témoin de sa transformation.

Chela répondit avec seulement deux mots :

  • …Un loup-garou… !

Tous les deux déglutirent de manière audible alors que Fay, maintenant un homme-loup à la fourrure noire, grogna. Stacy sauta sur son dos, attrapant une touffe de fourrure pour s’attacher. La grande partie de son petit corps était maintenant cachée. Elle ne laissait que sa tête et son bras droit. Dépasser au-dessus de l’épaule du loup-garou.

  • …Allons-y, Fay !
  • AWOOOOOOOOOOOO !!!!!

Le loup-garou hurla en réponse à l’ordre de son maître, puis chargea. Nanao changea de position, se préparant à commencer la bataille de zéro alors que Chela commençait à incanter un sortilège.

——————————————————————

  • Zeyaaah !

Pendant ce temps, Oliver contenait les rafales furieuses de son adversaire dans une bataille défensive.

  • Kh… !


Depuis qu’Albright commença à le prendre au sérieux, la nature de sa technique à l’épée avait complètement changé. Il ne jouait plus, attendant de voir les mouvements de son adversaire en premier. Chacune de ses frappes était remplie de mana et rendait les mains d’Oliver de plus en plus engourdies quand il bloquait, lui donnant zéro chance de contrer. Oliver était en difficulté. Réalisant cela, Albright fit audacieusement un pas en avant, en fermant l’écart entre eux. Leurs épées s’entrechoquaient alors qu’ils luttaient pour la supériorité. Le duel s’arrêta ensuite de façon nette. À ce moment-là, Albright regarda du coin de l’œil ce qui se passait avec les autres duellistes. Fay s’était transformé en bête, et sur son dos se trouvait une fille jetant des sorts.

  • Hmm ? Son compagnon est un demi-loup-garou ? Il semble que je n’ai pas donné à Cornwallis assez de crédit, marmonna Albright, puis il retourna son regard vers Oliver en ricanant faiblement. —— Tu penses à te précipiter au secours de tes alliés ? Vas-y. Je sais que c’est une excuse pour me fuir, mais il n’y a pas de raison d’avoir honte. Cela a toujours été un combat d’équipe, après tout.

C’était une raillerie évidente, mais Oliver avait tranquillement analysé la situation durant leur échange virulent.

  • …Je n’utiliserai pas cette excuse.
  • Hmm ?
  • Nanao et Chela n’ont pas besoin d’aide. L’apparition du loup-garou est inattendue, mais elles s’en sortiront. Je n’ai pas non plus de bonne raison de vous tourner le dos.

Il concentra plus de force sur sa main droite, repoussant son adversaire.

  • J’ai appris quelque chose après notre échange de coups, Mr. Albright. Vous n’êtes pas aussi confiant que vous le laissez paraître.
  • ……
  • Vos provocations ne m’impressionnent pas. Cette fierté brute que j’ai ressentie chez Mr. Andrews il y a des mois, je ne la ressens pas chez vous. C’est étrange. Même la façon dont vous traitez les autres de « moins que rien » est formelle et quelque peu mécanique. Je ne sais pas si c’est votre manière de vous exprimer, mais… c’est comme si vous me méprisiez par devoir.  Ai-je tort ?
  • …Silence.

Albright mit fin à leur conversation d’un seul mot et reprit son assaut furieux. N’ayant aucune chance de contrer l’écrasante rafale de coups, Oliver fut une fois de plus contraint à rester sur la défensive. Juste au moment où l’équilibre des forces commençait à pencher dangereusement d’un côté…

  • FRIGUS !

…dans l’impulsion, Albright lança le sortilège en même temps qu’il frappait. L’épée d’Oliver céda un peu sous la force de l’athamé d’Albright et du sort de glace qu’il avait lancé. De l’air glacial proche du néant, assez pour geler même son crâne, s’abattit sur lui sous la forme d’un blizzard d’un blanc immaculé. La victoire d’Albright était assurée, du moins c’est ce qu’il semblait.

  • Un sortilège de glace à bout portant. C’est votre formule gagnante, n’est-ce pas ?
  •  ?!

Les yeux d’Albright s’écarquillèrent au son de la voix d’Oliver venant de l’intérieur du blizzard. Oliver put ainsi se saisir du poignet de son adversaire avec la main gauche. En effet, le sort avait légèrement dévié sur le côté.

Cela lui permit d’éviter le coup de grâce frontal d’Albright qui n’avait fait que geler son oreille droite.

  • Vous attendez le moment où je reste sur la défensive et vous envoyez votre sort à bout portant là où la plupart des mages n’utiliseraient que des athamés. C’est une technique non orthodoxe de très haut niveau. Je ne peux pas la copier, mais…

Oliver serra le poignet de son adversaire plus fort alors qu’il analysait sa technique.

  • …même quelqu’un d’aussi médiocre que moi peut vous emporter.
  • Toi… !

Albright saisit instantanément le poignet droit d’Oliver, le bloquant ainsi avec l’un des pires mouvements de tous les arts de l’épée : l’accroche.

  • Nous sommes maintenant encore plus près qu’à une distance d’épée, ce que les mages détestent plus que tout. Que savez-vous de ce type de combat ? demanda Oliver à voix basse.

Albright serenfrogna et répliqua avec méchanceté.

  • Tu crois avoir gagné juste parce que tu es au corps à corps, espèce de…

Oliver pouvait voir dans les yeux de son adversaire qu’Albright ne pouvait pas tolérer d’autres insultes. Albright abaissa son centre de gravité et rugit :

  • Ne sous-estime pas un Albright !

——————————————————————

On est tombés dans un piège, réalisa Chela en esquivant les griffes et les sorts. Stacy était assise sur le dos du loup-garou, lançant des incantations tout en utilisant son corps robuste comme un bouclier. Il n’y avait aucun doute que c’était une tactique des plus puissantes. Le loup-garou était encore assez agile malgré son passager et sa carrure lui permettait d’encaisser plusieurs sorts à incantation unique sans faiblir. Ni la magie ni l’épée ne pouvaient facilement venir à bout de leur combinaison.

  • Haaaaaaaah !

La jeune aziane se battait contre la menace de front ; ses cheveux devenaient d’un blanc pur de par le mana parfaitement clair circulant dans tout son corps.  Aucun des deux camps ne recula et des étincelles jaillissaient lorsque les lames et les griffes se heurtèrent. Se battant à ses côtés, Chela ne pouvait s’empêcher de se blâmer. Normalement, même un loup-garou n’aurait eu aucune chance contre Nanao.

Ses adversaires étaient forts, certes, mais ils n’étaient rien comparés à un Garuda. Il était difficile de croire que Nanao était assez douée pour avoir tué une bête magique aussi terrifiante, et pourtant Fay n’était pas encore mis hors d’état de nuire. Elle avait asséné de nombreux coups qui auraient pu être mortels jusqu’à présent. Mais chaque coup ne laissait rien de plus qu’une égratignure. Chela connaissait la raison de cette absurdité— les sorts d’émoussage qu’ils avaient jeté sur leurs lames respectives avant leur duel.

Lancés à la moitié de leur efficacité, les sorts limitaient la quantité de dommages létaux qu’une épée pouvait infliger. Dans ce cas, ils étaient incapables de délivrer des blessures profondes, ou des blessures mortelles instantanées. Bien sûr, cela ne les empêchait pas de couper la chair ou de faire couler le sang. Même si elles ne pouvaient pas tuer, elles pouvaient quand même blesser leur adversaire jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se battre, à condition qu’il y ait un humain en face, bien sûr.

  • AWROOOOOOOOOOOOOOO !!!

Mais il y avait une faille. Les sorts d’émoussage des athamés de Chela et de Nanao étaient basés sur le corps humain. Sa transformation avait modifié sa structure physique, augmentant considérablement ses capacités de régénération. En conséquence, les coups qui auraient pu blesser gravement un humain n’étaient maintenant plus que des égratignures pour Fay.

  • …… !

Réalisant son échec, Chela se mordit la lèvre. Elle aurait dû s’en rendre compte avant que le combat ne commence. Dans un duel typique, arbitré sur le campus, cela n’aurait jamais été possible. Le sort d’émoussage aurait été lancé au maximum, et les coups mortels auraient été laissés à l’appréciation du juge. En fait, Fay n’aurait même pas pu se transformer en loup-garou sans autorisation préalable. Sous cette forme, Fay ne pouvait pas tenir un athamé, encore moins lancer un sort. Même en ignorant le problème de l’émoussage des sorts, c’était une violation claire de l’éthique du duel de mages.  Cependant, ils étaient dans le labyrinthe. Des actions pouvant être considérées illégales dans l’enceinte de l’école étaient des stratégies acceptables ici, car personne n’arbitrait. Si un étudiant plus âgé voyait ce duel, il aurait stipulé qu’il aurait fallu être un imbécile pour tomber dans le piège.

  • Mmergh… !

Nanao tenta de trancher la main de Fay, mais elle n’avait laissé qu’une blessure superficielle. Au même moment, Stacy lança un sort de foudre dans son dos, mais Chela intervint avec le sien. Les sorts s’annulèrent, envoyant des étincelles partout. La fille aziane fit un bond en arrière, échappant de justesse au danger.

  • Et maintenant, Michela ? Tu as l’air d’avoir du mal, cria Stacy de manière victorieuse, certaine de leur avantage.

Sa voix trembla d’excitation. Personne d’autre qu’elle ne savait combien de temps elle avait attendu ce moment de supériorité.

  • Nous y sommes ! Que je fasse partie de la Maison principale ou non, je ne suis plus ta remplaçante ! Je vais te battre ici et maintenant pour te surpasser ! Comme ça mon oncle me considérera enfin !

Le désir qu’elle gardât dans son cœur depuis si longtemps s’échappa finalement de ses lèvres. L’expression de Chela fut emplie de chagrin.

  • C’est vraiment incroyable, Miss. Cornwallis.

Malgré la situation, elle la complimenta. Stacy fronça les sourcils, suspicieuse.

  • Ce n’est pas du sarcasme, insista Chela. —— Vous deux avez dû passer en revue tellement de stratégies pour mettre en arriver là. Utiliser tous les avantages à votre disposition pour gagner… Vous m’avez vraiment eu avec votre approche frontale. Je ne peux que me sentir honteuse de ma propre arrogance. Ma fierté en a pris un coup.

Elle se dénigrait, mais l’instant d’après, Chela se mit à fixer Stacy du regard.

  • Et pourtant, je dois te demander de dissiper la transformation de ton partenaire immédiatement.

Son expression était sérieuse, et tout le corps de Stacy se raidit. Chela ne parlait pas avec colère ou irritation. C’était de l’inquiétude à leur égard.

  • …Qu’est-ce que tu— ?
  • Ne fais pas semblant de ne pas voir où je veux en venir. Cela doit être plus dur pour vous, n’est-ce pas ? dit doucement Chela, en secouant la tête et en regardant le loup-garou, Fay.
  • Dans la société magique moderne, les loups-garous n’ont pas de droits civiques. Et pourtant, le fait que d’être étudiant à Kimberly signifie que Mr. Willock n’est pas un loup-garou de sang pur. Il est à moitié humain ou un demi-loup-garou.
  • ……
  • Bien que des enfants issus de ce métissage existent, les humains et les loups-garous ne sont pas compatibles au niveau génétique. Les enfants ont de nombreux défauts. Le plus représentatif d’entre eux est la douleur insoutenable lors de la transformation…

Le visage de Chela témoigna de la pitié. Elle ne savait que trop bien que les grognements qui s’échappaient des crocs de Fay et les hurlements bestiaux stridents n’étaient pas seulement des cris de guerre. Même l’adrénaline du combat ne pouvait pas cacher son incommensurable douleur. Alors que sa chair et ses os se réarrangeaient sous la lune temporaire, le faisant se régénérer rapidement, il devait tout de même ressentir une douleur intense qui n’avait rien à envier à de la torture. C’était comme si d’innombrables vignes épineuses se frayaient un chemin à travers ses entrailles.

  • J’ai entendu dire que c’est la raison pour laquelle la plupart des demi-loups-garous ne se transforment pas une seule fois durant leur vie entière. Mr Willock est sans aucun doute dans une douleur inimaginable en ce moment même. Je pense que ça pourrait même le rendre fou s’il baissait un tant soit peu sa garde. Comment peux-tu le forcer à endurer une telle souffrance pour un simple duel entre étudiants de première année ?!
  • ———–

L’avertissement de Chela transcendait toute notion de camp. Les émotions débordèrent au sein de Stacy et sa vision se troubla.

——————————————————————

  • Fay, pourquoi crois-tu que Père ne me félicite jamais ?

C’était une scène dont elle avait été témoin des milliers de fois auparavant : son père, ses frères et sœurs profitant de la compagnie de chacun. La fille les observait de loin, comme s’il y avait un mur invisible entre eux. Elle se tenait seule avec son serviteur sans pouvoir participer.

  • Plus je travaille, plus je maîtrise ce que l’on m’apprend, plus cela semble faire souffrir Père. Peu importe les efforts que je fais, il ne sourit jamais…

Tout ce qu’elle voulait, c’était que son père lui daigne faire un sourire, qu’il lui caresse les cheveux comme il le faisait pour ses frères et sœurs. Et à cette fin, elle travaillait dur. Elle s’était entraînée plus que tous ses frères et sœurs, produisant régulièrement d’excellents résultats. Mais le seul résultat fut des tentatives évidentes de son père de ne rien exprimer.

  • Dois-je vraiment vivre comme sa fille ? Ne pourrais-je jamais être à la hauteur de ses enfants légitimes, peu importe à quel point je suis une bonne fille ? Est-ce qu’il… ne m’aimera jamais ?

Il lui fallut bien trop de temps pour se rendre compte de la vérité. Après des années d’efforts infructueux, son cœur resta flétri et affamé. Même son serviteur ne pouvait plus l’apaiser.

  • Dans ce cas, un jour, je devrai aussi trouver mon vrai père.

Le garçon hocha la tête quand elle exprima son désir et il jura d’être à ses côtés jusqu’au jour où elle réalisera son souhait.

——————————————————————

  • Qu’est-ce que tu en sais… ? cracha Stacy, plein de haine.

D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Fay et elle avaient erré dans l’infinie toundra gelée pendant des années avec l’un et l’autre comme seul moyen de se réchauffer. Tout ce qu’ils avaient traversé les avait amenés à cette bataille… tout ça pour que leur adversaire fasse preuve d’une telle arrogance en appelant ça un « simple duel entre première année.

  • Toi… Tu as toujours tout eu. En quoi tu pourrais nous comprendre ?! cria-t-elle, comme pour chasser la douleur. Ils attaquèrent à nouveau pour faire taire Chela.

Tout d’un coup, Chela arrêta d’attaquer, comme si elle avait perdu la volonté de se battre. Elle évita les griffes de Fay, et dans la petite ouverture qui suivit, Stacy déclencha un sort de feu.

  • Haaah !

Au dernier moment, Nanao intervint, redirigeant la flamme sur le côté avec son épée. Elle se tint devant la jeune fille et s’exprima quelque peu.

  • Tu n’as pas la bonne attitude Chela
  • …Huh ?
  • Je ne prétends pas connaître vos circonstances à toutes les deux. Cependant, il y a une chose que je sais. C’est qu’ils ont décidé de nous combattre. Ils misent tout ce qu’ils ont dans ce duel.

Chela déglutit. Nanao ne savait rien des antécédents de ses adversaires, et pourtant, elle avait senti dès le début que c’était un combat qu’ils ne pouvaient pas se permettre de perdre.

  • Je suis sûre que tu ne connais que trop bien la douleur et la souffrance, Chela. Ainsi, si nos adversaires ont pris leur décision, alors il serait impoli de notre part de refuser de les confronter à pleine puissance. Ai-je tort ?

Ses mots percèrent plus profondément que le plus sévère des sermons. Ses yeux s’écarquillèrent et Chela répondit avec résolution.

  • Non, tu n’as pas tort. Tu as même tout à fait raison, Nanao.

Elle se sentait terriblement honteuse de son attitude. À l’instant, elle avait eu pitié pour ses adversaires alors qu’ils n’avaient rien demandé, exigeant même qu’ils se rendent par peur de leur souffrance. Pour qui se prenait-elle ?

  • Je m’excuse pour ce que j’ai dit, Miss Cornwallis. Je ne demanderai pas à ce qu’il annule sa transformation.

Elle reconnaissait son insolence, mais sa sympathie et sa gentillesse demeuraient. On pouvait la qualifier d’arrogante, mais il y a certaines choses sur lesquelles elle ne pouvait pas faire de compromis. Chela s’accrocha fermement à cette conviction alors qu’elle continuait :

  • En échange, je vous promets que votre douleur ne durera qu’un court instant.
  • Maudite sois-tuuu !

Fay hurla comme en réponse à la colère éruptive de Stacy. Chela prépara son athamé, prête à les recevoir de plein fouet. Nanao prit sa place à côté de son amie, un sourire sur le visage.

——————————————————————

Trois minutes avaient passé depuis qu’Oliver et Albright avaient commencé à se battre, mais aucun des deux ne semblait prêt à céder.

  • ……
  • Gh… !

De l’extérieur, il semblait qu’aucun d’entre eux ne faisait de mouvements décisifs. Et pourtant, les expressions des duellistes montraient qu’ils avaient une détermination sans faille. Les mouvements de leurs bras, le balancement de leurs pieds et les incantations de magie spatiale montraient à quel point le combat faisait rage. Les deux camps utilisaient tous les outils à leur disposition. Une lutte entre mages se résumait à devoir perturber l’équilibre de son adversaire le premier afin de prendre l’avantage et lui porter un coup d’athamé. Ainsi, ils employaient des techniques de combat rapproché, tout en y ajoutant de la magie spatiale.

  • Haah !

Albright feinta, puis tenta une projection. Instantanément, Oliver lança un Tombeau de la terre[8] à ses pieds. Son mouvement bloqué, Albright faillit perdre son équilibre de lui-même.

  • Tch… !
  • Hah !

Albright claqua sa langue bruyamment. Aucun des deux n’ayant réussi à s’imposer et étaient revenus dans une impasse une fois de plus. L’adversaire d’Oliver cracha d’irritation.

  • …Espèce d’ordure. Retourne dans le bourbier d’où tu es sorti en rampant ! Combien de temps as-tu l’intention de continuer cette farce ?

— Malgré vos plaintes, vous n’avez aucun scrupule à vous salir dans la boue avec moi.

Ils se lancèrent des commentaires sournois dans leur impasse.

  • Je ne suis même pas comparable à vous quand il s’agit d’instinct pur au combat.

Oliver continua.

  • Mais j’ai confiance en ma persistance. Je vais vous traîner au fond du bourbier avec moi !

——————————————————————

Alors que la bataille continuait, Stacy était convaincue que leur plan était parfait. Le sort d’émoussage avait scellé l’efficacité de la lame de la fille samouraï, et la résistance physique de la forme loup-garou le rendait invincible alors la balance penchait entièrement en leur faveur. Tant que leurs adversaires ne pouvaient pas blesser Fay, ils étaient obligés de viser Stacy, qui était sur son dos. Fay, cependant, était assez agile, et Stacy n’était pas téméraire. La frapper était presque impossible pour n’importe quel adversaire.

  • Finissons-en, Fay !
  • AWROOOOOOOOOOO !

Leurs adversaires n’avaient plus d’options. Réalisant cela, Stacy avait encouragé son partenaire afin de terminer le duel pour de bon. Ils chargèrent entre Chela et Nanao, les séparant. Puis Fay se retourna immédiatement.

  • Maintenant !

Avant que leurs adversaires ne puissent se regrouper, ils chargèrent avec férocité en direction de Chela. Ce qui signifiait qu’ils laissaient leur arrière vulnérable. Mais ils savaient qu’elle n’était pas en mesure de lancer un sort à cette distance. Et peu importe les compétences de Chela, il n’y avait aucune chance qu’elle puisse gérer leur attaque coordonnée toute seule.

  • C’est la fin, Michela ! cria Stacy en pointant son athamé sur l’épaule de Fay.

Chela fit tournoyer silencieusement son épée, les yeux fixés sur le loup-garou.

  • TONITRUS !

Elle lança un sort de foudre. Sa puissance était impressionnante, mais ce n’était pas suffisant pour menacer Stacy. Elle croyait fermement que le corps volumineux de Fay pouvait facilement le bloquer et prépara son athamé, en se concentrant uniquement sur l’attaque.

  • …Guh ?!
  • AWROO ?!

Un choc inattendu traversa tout son corps. Ses membres se paralysèrent. Elle essaya de s’accrocher à l’épaule de Fay, mais ses doigts ne voulaient pas bouger. Impuissante, Stacy tomba par terre. Sentant cela, Fay s’arrêta rapidement, se retournant.

  • Je m’excuse, mais tu ne la récupéreras point.

La jeune aziane se tint solennellement entre lui et son maître. Ses yeux témoignèrent de la panique, qu’il en oublia sa terrible douleur.

  • …Rrf ! Graaaaaah !

Le seul moyen de s’en sortir était d’écraser la jeune samouraï. Fay se lança à corps perdu, les crocs et griffes bien ouverts, mais la fille bloqua toutes ses attaques. Tant qu’elle restait là, il ne pourrait pas avancer.  Chela confia Fay à Nanao et regarda leur autre adversaire, Stacy, qui avait réussi à se relever.

  • J’ai changé la propriété du sort. Au lieu de l’impact, j’ai opté pour la conduction, à savoir un courant électrique qui traverse toute la surface du corps. Peu dommageable pour un loup-garou certes, mais comme tu étais sur lui, tu ne pouvais pas éviter le choc.
  • — !
  • Si tu avais fait attention, tu aurais remarqué la différence. Tu aurais même pu l’annuler. Mais tu étais trop concentrée pour en finir.
  • Tai…tais-toi ! cria la fille comme pour se soulager.

C’était inévitable, elle devait vaincre Chela par elle-même. Il n’y avait aucun moyen d’avancer vu que sa stratégie avec Fay n’était plus. Elle enterra son désespoir dans la rage, puis se remit en posture fulgurante du style Rizett.

  • Je t’attends.

Chela prit la même position, comme si elle acceptait ses intentions. Stacy chargea et frappa la première. Le duel de style Rizett reprit de plus belle.

  • Ngh ! Mmf ! Hah… !

Mais Chela para calmement chaque attaque, avançant régulièrement. La panique se glissa dans les yeux de Stacy alors qu’elle assistait à la procession inébranlable de la fille aux boucles.

  • Maintenant que tu es seule, ta technique se relâche. Je peux comprendre ce que tu ressens, mais tu manques de mental, Stacy !

Une minuscule ouverture apparut dans leur combat, et Chela la remarqua intelligemment. Elle pointa son épée, avec l’intention de mettre fin au combat.

——————————————————————

  • Hah !

Albright tenta une autre charge, quand soudain, il fut déséquilibré.

  • Guh ?!

Le Tombeau de la terre avait englouti sa jambe d’appui. C’était le contre d’Oliver. Albright retira instantanément son pied, revenant au point de départ.

  • Hah… !
  •  ……

Contrairement aux non-mages, la force d’un mage n’était pas déterminée par ses muscles, mais par le mana qui circulait dans le corps. À cet égard, Albright dominait nettement. C’était entièrement dû à son entraînement physique. Il n’était pas exagéré de dire qu’une différence dans la production de mana se traduisait directement par une différence de force. Ainsi, dans un concours de force pure, Oliver n’avait aucune chance sur le papier. Et pourtant, Albright n’avait pas réussi à faire tomber Oliver. C’était la preuve qu’il l’avait surpassé dans un autre domaine comme la technique par exemple.

  • …… !

C’était une pilule difficile à avaler, mais Albright se souvint d’un dicton : « Pour sauter plus haut que quiconque, il faut d’abord être le plus à terre de tous. » C’était une célèbre citation transmise dans le style Lanoff. En des mots simples, cela signifiait qu’il fallait se concentrer sur la posture terrestre. Tant qu’on se battait sur la terre ferme, les styles terrestres des deux tombaux étaient utiles dans de nombreuses situations. Donc, au lieu de mémoriser de nombreux mouvements compliqués avec des utilisations de niche, il était bien plus pratique de maîtriser ces deux sorts afin de pouvoir répondre à une grande variété de situations. Le style de combat d’Oliver était basé sur ce concept. Se donner une position avantageuse et mettre en situation défavorable ses adversaires était tout ce qu’il y avait à faire. Mais il y avait une profondeur redoutable à cette technique. Albright a été forcé de revenir sur sa conviction qu’Oliver n’était que bon pour des tours de passe-passe. Le nombre de techniques acquises ne voulait rien dire. Ce qui était vraiment terrifiant chez un adversaire comme lui, c’était sa profonde compréhension de ses propres techniques. Oliver s’était consacré avec une précision inimaginable pour son âge à s’entraîner aux techniques de base sans prétention aucune.

  • Guh…

Pour la première fois, l’inquiétude commença à gagner le cœur d’Albright. Un mage normal n’aurait pas voulu continuer ainsi. En fait, il était naturel de vouloir rapidement retourner à sa distance initiale. Son adversaire, cependant, était délibérément trop près, comme pour signifier qu’une bataille d’usure était exactement ce qu’il voulait. Et au milieu de cette interminable bataille de volontés, un frisson parcourut l’échine d’Albright. C’était impensable, bien sûr, mais si cela se prolongeait encore plus, avec chacun d’entre eux s’attaquant au mental de l’autre… allait-il être le premier à faire une erreur ?

  • …Ohhh !

Cette pensée l’avait forcé à agir. Il fit une feinte en poussant son adversaire avec les deux mains puis mit tout son corps dans la direction opposée aussi fort qu’il le pouvait. Cela créa un point d’appui, alors il s’enfonça plus profondément pour se stabiliser, puis libéra son poignet droit. En même temps, il poussa sa main gauche vers l’avant et saisit le poignet d’Oliver. Son adversaire fut déséquilibré, et la manche de sa robe vola devant les yeux d’Albright. Ce dernier tout misé sur ce plan, et il avait réussi. Les deux firent un bond en arrière. Au moment où Albright se sentit soulagé de s’être éloigné, un choc lui transperça le plexus solaire.

  • Guh ?!

Quelque chose le frappa durement dans l’estomac. L’instant d’après, en réalisant ce que c’était, Albright écarquilla les yeux : c’était une jambe. Son esprit repensa à la manche de la robe qui flottait au moment où ils s’étaient séparés. Utilisant cela comme une distraction, son adversaire l’avait frappé dans le plexus solaire avec un coup de pied dans ce bref moment de désengagement. Albright avait réalisé son erreur. C’était l’intention d’Oliver depuis le début. Quand Albright avait retiré sa main droite pour la libérer, il avait tendu sa main gauche pour déséquilibrer son adversaire.

Cela avait créé un élan directionnel lors de la séparation, qu’Oliver a utilisé pour donner un coup de pied circulaire. Les techniques de mêlée étaient très rares parmi les trois styles de base. Cela ne signifiait pas qu’elles étaient inexistantes. C’était l’une d’entre elles : du style Lanoff : Queue furtive[9]. C’était un coup de pied combiné avec un élément qui obstruait la vue de l’adversaire avec une robe ou une cape pour le frapper dans le plexus solaire.

  • FR…I… !

La distance entre eux s’agrandit immédiatement. Albright tint son athamé en l’air et commença à incanter un sort. Il constata qu’il ne pouvait pas. Il ne pouvait plus respirer. L’incantation la plus importante ne voulait pas sortir de sa bouche. Il n’avait pas seulement reçu un coup de pied dans l’estomac. Un coup au plexus solaire affecte le diaphragme, car juste sous les poumons.  La contraction de cet organe était ce qui permettait au corps de respirer. En portant un coup violent dans cette zone, même un mage verrait inévitablement sa respiration altérée.

  • IMPETUS !

Le vent hurla. Suite à son coup de pied retourné, Oliver lança un sort sans difficulté pour mettre fin au duel. Albright, déséquilibré par le coup de pied et incapable de lancer un sort, ne pouvait rien faire pour l’arrêter. Il leva les bras pour se protéger la tête, mais comme s’il l’avait prévu, le puissant coup de vent s’abattit sur son torse meurtri. Il cracha du sang, tachant le sol de rouge, et bascula en arrière.

  • Il semble que vous n’ayez pas pu supporter le bourbier bien longtemps. J’ai gagné, Mr. Albright.

Oliver avait annoncé cela d’un air détaché en regardant son adversaire depuis une position intermédiaire. Albright continua de regarder le plafond, comme si Oliver parlait une langue étrangère.

——————————————————————

L’épée qui était tombée de ses mains signala la fin de ce long duel.

  • …Pourquoi… ?

Stacy tomba à genoux, regardant son poignet, qui saignait à cause d’une profonde entaille. Elle était assise sans vie, comme une marionnette dont on aurait coupé les ficelles.

  • …Pourquoi ? murmura-t-elle, la voix tremblante.
  • Pourquoi je ne peux pas gagner ?!

Des larmes débordèrent de ses yeux et coulèrent sur le sol. Au moment où il vit la chose, la volonté de combattre disparut des yeux de Fay.

  • Aw…roo…

Ses membres se balançaient faiblement, mais Nanao ne profita pas de l’ouverture. Son corps avait rapidement rétréci sous ses yeux. En quelques secondes, il retrouva sa forme humaine. Ignorant le sang qui coulait des coupures sur tout son corps, Fay trébucha vers la fille qui pleurait.

  • ……Calmez…vous… Nous étions plus faibles. C’est tout.

Il s’agenouilla à côté d’elle et posa une main sur son épaule. Chela les surveillait en silence. Finalement, Fay la regarda.

  • Vous avez gagné. Je suis désolé que nous n’ayons pas pu livrer une meilleure prestation, Miss McFarlane.

Chela secoua la tête.

  • Les larmes que l’on verse dans la défaite sont une chose précieuse. Il n’y a pas de quoi être désolé. Dis-moi juste une chose. Est-ce que vous m’avez toujours détesté tous les deux ?

C’était une question terriblement triste. Fay prit une minute pour choisir ses mots.

  • Vous n’avez rien fait de mal. Vous étiez juste… trop brillante pour elle.

Il regarda la fille qui sanglotait et parla doucement.

  • Les Cornwallis sont une famille faisant partie des nombreuses branches des McFarlane. Avant leur séparation, nous n’en parlions pas plus que cela, mais depuis ce jour, nous les connaissons pour leur rupture avec la Maison principale. Les enfants des branches secondaires ne sont là qu’à titre de remplaçants pour la famille principale dans le cas où il arriverait malheur aux héritiers directs.
  • …Oui, je suis au courant.

Chela hocha la tête avec amertume. Ce n’était pas une chose rare du tout. La poursuite de la magie signifiait que le danger constant de la mort était toujours proche et qu’il y avait toujours des incidents qui pouvaient causer l’éclatement d’une famille. Pour pallier ce problème, des branches secondaires furent mises en place. Même si une famille était détruite, des parents issus d’une même lignée pouvaient reprendre le flambeau.

  • Mais c’est un peu différent pour elle. C’est une Cornwallis, mais elle a un lien biologique direct avec les McFarlane. Et c’est parce qu’elle est… la fille de Théodore McFarlane, tout comme toi.

Nanao hocha la tête d’un air perplexe.

  • Son père est Lord McFarlane ? Attends une seconde. Cela fait-il d’elle ta demi-sœur, Chela ?
  • Biologiquement parlant, oui. Mais en raison des traditions des mages de la famille, je n’ai pas le droit de l’appeler comme ça. De même, mon père ne peut pas la considérer comme sa fille.

Le ton de Chela était incroyablement rigide. On pouvait sentir le poids d’une naissance dans une célèbre famille magique.

  • Ceux qui ont des origines exceptionnelles ont le devoir de se multiplier et de garder la lignée forte. Cela peut être difficile à comprendre pour un nouveau mage comme toi, mais les Maisons magiques les plus anciennes sont guidées par de tels principes. Un exemple de ceci est la pratique du partage de sang noble avec les familles des branches secondaires. Ainsi, mon père a eu un enfant avec Lady Cornwallis.

Un amour pour les lignées et de l’insensibilité pour le cœur, ce genre de situation faisait partie intégrante du monde des mages. Cette cruauté fit grincer Fay des dents.

  • En tant que remplaçante, elle s’est très bien débrouillée. Elle n’est peut-être pas à votre hauteur, mais cela en dit plus sur vous que sur elle. Vous ne lui trouverez pas vraiment de défauts majeurs, mais c’est ça le problème. Le talent qu’elle a hérité de la famille principale était trop bien trop puissant. En tant que mage, elle a totalement surpassé tous les enfants Cornwallis.
  • … !
  • Vous voyez où cela va nous mener, n’est-ce pas ? Chaque fois qu’elle manifestait son talent, le regard de son père adoptif changeait. Ses bons résultats ne faisaient que prouver que le sang de Théodore McFarlane était supérieur. Mais jusqu’à l’âge de dix ans, Stacy n’en avait aucune idée. Ainsi, elle était convaincue que l’ire de son père était due au fait qu’elle ne travaillait pas assez dur. En conséquence… tout le travail qu’elle faisait pour essayer de gagner son amour ne lui a valu que du mépris en retour.

Chela resta figée, stupéfaite. L’amertume et le regret coloraient le visage de Fay.

  • Ce qu’elle voulait c’était que son dur labeur soit récompensé. Pour montrer plus de talent que vous et être acceptée par son vrai père comme votre remplaçante.
  • Je…
  • Je sais. C’était fondamentalement impossible. Même si elle vous battait, ce rêve n’aurait jamais pu se réaliser. Mais elle n’avait pas d’autres rêves à poursuivre. C’était évidemment un but stupide, mais cet objectif était devenu toute sa vie…

Fay serra les poings et fixa le sol. Stacy continuait d’essuyer ses larmes. Nanao se pencha et regarda son visage.

  • ……
  • Hic… Qu-Quoi… ?

Stacy eu le hoquet, remarquant l’attention portée sur elle. La jeune fille aziane déclara sans détour.

  • Je ne le vois pas.
  • Huh ?
  • Je ne vois pas du tout la ressemblance. Il est absolument impossible pour toi de devenir la remplaçante de Chela.
  • Bwuh ?!

Stacy fut prise de court par ce commentaire brutal. Chela regarda son amie avec perplexité.

  • N-Nanao… ?
  • Je ne pourrais pas l’accepter non plus. Si Chela mourait demain, est-ce que je devrais te traiter comme sa remplaçante pour le reste de l’éternité ? Non, je ne pourrais pas le faire. Même si tu venais à la surpasser en compétence magique, ce ne serait pas possible.

Nanao ne retint rien, alimentée par son manque d’expérience et par leurs valeurs communes en tant que mages.

  • Les gens ne sont pas des outils. On ne peut pas simplement les remplacer par d’autres. Chela, toi, moi et les autres, nous sommes nés comme nous sommes et sommes ce que nous sommes.

Stacy s’assit sur le sol, hébétée, incapable de comprendre plus de la moitié de ce que la fille aziane disait. Mais une chose était claire : la fille devant elle lui parlait sérieusement.

  • Et donc je souhaite apprendre à te connaître. Toi et personne d’autre. Pas en tant que remplaçante de Chela, mais la fière épéiste qui l’a affrontée de front au combat. N’est-ce pas suffisant ?

——————————————————————

Oliver sourit légèrement en écoutant Nanao parler de loin.

  • …Ils sont tous époustouflés. Les gens sont toujours comme ça quand Nanao se met à parler, marmonna-t-il, puis il regarda Albright, allongé sur le sol.
  • Si vous me donnez un de vos médaillons, il devrait vous en rester encore. Si vous restez en couse jusqu’à demain, le dernier jour de ce tournoi, alors vous aurez une chance de la combattre, aussi. Je suis sûr que vous apprendrez beaucoup.

Il n’y eut pas de réponse. Albright aurait dû se remettre suffisamment pour bouger, mais il se contenta de fixer le vide. Finalement, il fouilla dans la poche de sa robe, en sortit un médaillon et le jeta à Oliver. Celui-ci se leva en tremblant, puis se retourna et commença à s’éloigner.

  • … ? Attendez, Mr. Albright, ce chemin mène plus loin dans le labyrinthe.

Il ignora l’avertissement d’Oliver et continua d’avancer. Oliver se demandait s’il devait l’arrêter par la force, mais, finalement, il se ravisa. Il comprenait l’envie d’être seul. Albright semblait également habitué aux profondeurs du labyrinthe, alors peut-être que l’arrêter aurait été une ingérence inutile.

  • RESPONDEO !

Mais Oliver s’avéra avoir tort. Albright marmonna une incantation aux consonances sinistre. L’espace autour d’eux changea. Un son grave, presque frissonnant remplissait la vaste pièce. Au moment où Oliver reconnut la chose, il scanna les alentours.

  • C’est…

— Les gars, venez ici ! cria Katie derrière lui, terrifiée.

Au même moment, le son devint clair : des battements d’ailes. Le bruit déstabilisant était juste comme le bourdonnement d’un gros insecte volant. Cependant, il n’y avait aucun insecte dans les environs. Autrement dit…

  • Il faut partir d’ici… ! cria Katie.
  • Je n’étais pas sûre au début, mais ça doit être ça ! Tout le monde, levez les yeux ! Ce n’est pas n’importe quel espace ouvert, c’est une énorme colonie d’abeilles-dards !

Tout le monde hormis Albright, leva les yeux au ciel, avant de se laisser emporter par le choc. Ce qu’ils virent fut un essaim d’abeilles, chacune aussi grande qu’un humain, sortant de toutes les fissures du plafond et leur tombant dessus.

  • Guh… !
  • Dépêche-toi ! Cours par ici !

Revenant à la réalité, Oliver courut et décolla. Katie lui fit signe, et des branches d’arbres s’étendirent au sol sous ses pieds, créant une zone d’évacuation temporaire. Elle alluma de l’encens au milieu. Alors qu’Oliver se glissait entre les branches, l’odeur unique piquait son nez. Nanao et Chela étaient juste derrière.

  • Huff ! Huff ! Katie, quoi… ?!
  • J’ai allumé de l’encens anti-insectes ! Ça devrait nous donner quelques minutes !
  • Et j’ai créé une barricade avec des graines que j’avais sur moi. Elle ne tiendra pas longtemps contre cette armée en revanche ! cria Guy alors que de nouvelles branches continuaient à pousser grâce à un sort de croissance.

À ce moment-là, Fay arriva aussi en courant, traînant Stacy par la main.

  • Désolé, mais laissez-nous entrer ! Je sais que c’est trop demander, mais…
  • Venez ! Ce n’est pas le moment pour ce genre de choses ! cria Pete, les poussant à l’intérieur de la barricade.

Plus d’une centaine d’abeilles-dards les entouraient, assez pour les enterrer. Oliver repéra son adversaire précédent monté sur le dos d’une des plus grandes abeilles.

  • Qu’est-ce que ça veut dire, Mr. Albright ? demanda-t-il.

Albright fit une pause, puis leva son athamé.

— …Il y a longtemps, les serviteurs de ma famille étaient des non-mages.

Sa voix grave résonnait d’en haut. Il semblait utiliser un sort d’amplification, car le bourdonnement ne couvrait pas sa voix. Oliver le regarda alors qu’il continuait.

  • Leur seule fille avait mon âge. Ses fonctions étaient de veiller à mes besoins et d’être mon interlocutrice. J’ai reçu un entraînement des plus stricts depuis que je suis né et ce faisant, elle était devenue l’un de mes rares partenaires de confiance.
  • À un moment donné, j’avais commencé à jouer aux échecs avec elle. De tous les jeux auxquels nous jouions, c’était celui que nous aimions le plus. Je gagnais toujours, mais peu importe combien de fois elle perdait, elle ne reculait jamais devant mes défis. Elle demandait des conseils aux adultes et s’améliorait peu à peu.

Contrairement à avant, il n’y avait aucune animosité dans son ton détaché. C’était juste incroyablement sec. Son épaisse carapace de fierté et d’arrogance était brisée, et maintenant son cœur flétri était exposé.

  • Puis un jour, j’ai perdu contre elle pour la première fois. Ma tactique établie et sa stratégie s’accordaient parfaitement, me donnant une défaite complète et rafraîchissante. Elle avait sauté de joie sur le lit, et j’étais heureux pour elle. C’était malheureux de perdre, mais je n’avais jamais vu le dur labeur de quelqu’un porter ses fruits avant. Mais ce bonheur s’avéra fatal.

Son regard s’assombrit comme miné par des regrets. Oliver reconnut ce regard. Il le voyait chaque fois qu’il se regardait dans le miroir. C’était le regard de quelqu’un qui avait fait une erreur majeure irréversible.

  • L’excitation s’était maintenue jusqu’au lendemain, et j’ai donc dit à mes parents au petit-déjeuner ce matin-là que la servante m’avait battu aux échecs. Qu’elle eût employé une stratégie brillante, et que c’était la partie la plus divertissante que nous ayons eue. Ils réagirent en lançant immédiatement un sortilège de douleur sur moi et ce, trois fois. J’avais crié et pleuré toutes les larmes de mon corps.
  • …… !
  • J’ai été frappé toute la journée. Dans une pièce souterraine sans fenêtre, ils ont gravé l’attitude des Albright profondément dans mon cœur avec une douleur et une peur que je ne peux oublier. Le soir venu, je fus libéré, et je retournai en titubant dans ma chambre. Tout ce que je voulais, c’était reparler à cette fille. J’étais sûr que si nous pouvions discuter librement comme nous l’avions toujours fait, mon cœur aurait certainement retrouvé une certaine aise. Mais elle ne revint jamais dans ma chambre. Durant ma journée de punition, toute sa famille avait été exécutée.

Chela se mordit la lèvre. Elle pouvait comprendre le poids impossible placé sur les épaules de ce garçon en étant né dans une famille militaire de la société magique, et les diverses cruautés insensées qui en découlaient.

  • C’est alors que j’ai appris que je n’avais pas le droit de perdre contre qui que ce soit. Mes victoires et mes pertes ne sont pas les miennes. Elles appartiennent aux Albright. Je n’ai pas le droit de perdre ni la liberté de respecter ceux qui me battent.

Oliver réalisa à quel point son intuition avait été juste. Obtenir la victoire et traiter les autres de moins que rien avec arrogance faisaient partie de son devoir. Il n’était pas autorisé à vivre d’une autre manière. Il lui était même impossible d’imaginer autre chose. Son existence était liée au nom d’Albright et au devoir de son sang. C’était son héritage de mage ancré en lui.

  • C’était un excellent duel, Oliver Horn. J’ai perdu, sans l’ombre d’un doute. Mais je suis un Albright. Je dois donc effacer ce résultat. Jetez vos armes et rendez-vous maintenant. Je ne vous ferai pas de mal. Je vais jeter un sort d’amnésie sur vous tous, et avec vos souvenirs des dernières heures disparus, je vous laisserai partir. Mais… si vous résistez, je devrai laisser ces créatures vous attaquer.

Son ton était trop plat pour une déclaration aussi menaçante. Katie était furieuse.

  • Comment pouvez-vous être aussi égoïste ? C’est vraiment comme ça que vous allez éliminer votre défaite ?!
  • Allez au diable ! Descendez d’ici, enflure ! cria Guy de concert.

Albright avait accepté leur colère sans résistance et regarda Oliver avec des yeux vides.

  • …Tu avais dit que je méprisais les autres par devoir, Oliver Horn.
  • ……
  • Eh bien, tu as raison. Et je continuerai à le faire pendant longtemps. Peu importe qui me bat ou me réprimande, j’effacerai tout… Et rien ne pourra changer cela. Les moins que rien qui m’entourent seront toujours en dessous de moi.

En annonçant son destin, il avait déplacé son regard vers la fille derrière Oliver, dont le visage était déformé par les larmes.

  • Ironique, n’est-ce pas, Cornwallis ? Je suis jaloux de toi. Au moins tu as le droit de pleurer après une défaite.

Soudain, les abeilles qui volèrent dans l’espace aérien inférieur se mirent à pulluler autour d’Albright jusqu’à ce qu’il ne soit plus visible du sol. Alors que les autres abeilles continuaient à bourdonner autour de la barricade, Chela jeta un regard sombre à ses amis.

  • L’encens ne durera que quelques minutes de plus ! Notre situation est désastreuse. Oliver, des idées ?!

Tout le monde était focalisé sur lui. Après quelques secondes de silence, il serra les mains en formant des poings et regarda le sol.

  • …Je déteste dire ça, mais se rendre est une option. Je ne pense pas qu’Albright ait l’intention de prendre autre chose que nos médaillons. Cet essaim d’abeilles- dard est trop pour nous. Si nous voulons tous sortir d’ici sains et saufs, c’est le meilleur choix.

Sa voix était calme et rauque. Chela hocha la tête en guise d’accord, puis regarda la jeune fille aziane.

  • …Nanao, qu’en penses-tu ?

Tout le monde regarda Nanao, qui continuait à fixer le plafond, en gardant en vue l’ennemi au-delà des abeilles.

  • Si c’est la décision d’Oliver, alors je n’ai aucune objection. Mais si vous me permettez j’aimerais remettre une défaite à ce garçon.

Sa voix était ferme. Son choix de mots était spécifique. Pas comme un j’aimerais essayer ou je ne veux pas perdre, mais je veux donner une défaite à ce garçon.

  • C’est la vie d’un guerrier de ne penser qu’à la victoire. Cependant, sur ce chemin, la défaite est un trésor irremplaçable. Accepter la défaite et respecter le vainqueur, c’est ainsi que les gens progressent. Mais ce garçon ne fait pas ainsi. Il ne se trompe jamais alors il ne grandit jamais. Il stagne dans la même prison, accroché à son cœur immature. J’ai immensément pitié de lui.

Le silence s’installa. L’expression de Nanao n’était ni rageuse ni irritée.

  • …Ça me va, énonça finalement Katie. Elle serra les poings, essayant d’éviter de frissonner.
  • Je ne veux pas que toi, Oliver ou Chela vous vous rendiez devant cet imbécile. Nous ne sommes plus des petits nouveaux ici. Je suis prête à me battre même si ce n’est pas raisonnable.

Elle avait refusé d’accepter d’être toujours protégée. C’est ce qu’elle s’était juré de faire quand elle avait proposé le partage de l’atelier dans le labyrinthe. Influencé par sa détermination, Guy se mit à inspirer.

  • Je suis d’accord. Katie vient de me voler la vedette.
  • Guy…, dit Oliver en lançant un regard confus. Guy se contenta de sourire.
  • Il y a un moyen de gagner, n’est-ce pas ? C’est ce que j’ai ressenti chez toi tout à l’heure. Donc si tu agites le drapeau blanc parce que tu t’inquiètes pour nous, je te demande de reconsidérer.

Aux yeux de Guy, Oliver n’aurait pas dit « se rendre est une option » s’il n’y avait vraiment aucune chance de victoire. Il avait raison, mais Oliver secoua la tête sévèrement.

  • …Je suis reconnaissant que tu penses ça, mais je ne peux pas–- je ne peux pas vous impliquer tous dans un pari aussi risqué. Si ça échoue, on ne sait pas ce qui peut—

Oliver avait recommandé la prudence une fois de plus, mais quelqu’un attrapa sa manche.

  • …Hey. Arrête d’agir comme si tu étais notre protecteur.
  • Huh ?

Le regard d’Oliver croisa celui du garçon à lunette. Pete était le plus faible de tous, mais il était aussi le plus déterminé.

  • Tu n’as pas encore compris ? Guy, Katie et moi n’avons pas fait tout ce chemin juste pour être dans tes pattes !

Ces mots transpercèrent le cœur d’Oliver, et il fronça les sourcils avec amertume.

  • …Tu as raison. Désolé, Pete. Tu as tout à fait raison.

Il se réprimanda pour ses actions. Qui était-il pour tracer la ligne entre les protecteurs et les protégés ? Ses amis avaient fait tout ce chemin avec lui. N’avait-il aucun respect pour leurs sentiments ? Ce n’était pas leur premier jour à Kimberly. Ils connaissaient l’infamie de l’académie, les risques en descendant dans le labyrinthe, et ils les avaient acceptés. C’est pourquoi ils étaient ici maintenant. Donc s’ils connaissaient le danger et souhaitaient encore se battre, alors…

  • Laissez-moi vous expliquer le plan. Rassemblez-vous, tout le monde. Vous deux aussi.

Il n’y avait aucune raison de résister. Après avoir invité Stacy et Fay à entrer aussi, Oliver commença à détailler leur plan d’évasion. Sous la pression imminente de l’essaim d’abeilles, il termina en 30 secondes.

  • …C’est une stratégie plutôt audacieuse que tu as là. Mais je l’aime bien. J’en suis, dit Guy.
  • Moi aussi, dit Katie. —— Le mélange doit être précis, alors laissez-moi faire !

Ils avaient parlé avec courage, et les autres indiquèrent qu’ils acceptaient le plan, également. Une fois que tout le monde était d’accord, Chela prit la parole.

  • …Puis-je dire quelque chose, Oliver ?
  • Bien sûr. Si tu as des plaintes, laisse-moi les entendre maintenant.

Oliver hocha la tête et se tourna vers elle. Il ne pouvait pas ignorer son avis sur une bataille magique. Mais elle secoua juste légèrement la tête.

  • Je n’ai rien à ajouter. Seulement une suggestion, qui pourrait augmenter nos chances de victoire. J’ai gardé un petit quelque chose pour moi que l’on va avoir l’occasion d’utiliser.

Et avec cela, elle commença à expliquer doucement son plan. Les yeux de tout le monde s’écarquillèrent sous le choc en entendant ce qu’elle suggérait.

——————————————————————

Albright attendait leur décision d’en haut, entouré par l’essaim d’abeilles.

  • …… Il était temps, murmura-t-il à lui-même.

En dessous de lui, la fumée de l’encens anti-insectes s’amincissait. Une fois disparue, leur seule défense sera la barricade d’arbres magiques qui s’avérerait aussi efficace qu’une feuille de papier contre un essaim d’abeilles piqueuses.

  • Mm ?!

Mais ce qui s’était passé par la suite, il ne s’y attendait pas. Alors que l’encens s’éteignait, une nouvelle colonne de fumée apparue de l’intérieur de la barricade. Au début, Albright avait supposé que l’encens eût encore un peu d’énergie, mais ce n’était pas le cas. Le but de cette fumée était exactement le contraire. Les abeilles se précipitèrent vers la barricade, attirées.

  • Impossible, ils veulent attirer les abeilles vers eux ? C’est du suicide !

——————————————————————

  • Oliver, on est prêts ?! La barricade ne va pas tenir !
  • Pas encore ! On doit en attirer le plus possible !

Des morceaux de bois mâchés pleuvaient sur eux, et la voix de Guy était teintée de panique. Oliver tenta de le rassurer. Attirer les abeilles vers eux était une idée stupide, mais il n’y avait plus moyen de faire marche arrière.

  • Haaaah…

Tout le monde était à son poste sauf Chela, qui se tenait au centre et se concentrait sur sa respiration. Elle ajusta la circulation du mana dans son corps, débloquant les réserves dans son ventre. Elle avait répété le processus qu’elle avait montré à Pete, et quand elle eut fini, elle commença une transformation différente de ce que Pete avait vécu.

  • Ch-Chela… !
  • Whoaaa !

Katie et Guy regardèrent la scène oubliant le danger qu’ils encouraient. Le mana commença à déborder sous leurs yeux. Bien que la production ait largement dépassé celle de Pete, la fonction de base était la même. Cependant, en accord avec l’augmentation du flux de mana à l’intérieur d’elle, son corps subissait une certaine, transformation définie.

Plus précisément, ses oreilles. Ses amis virent ses oreilles rondes et fines devenir longues et pointues. C’était clairement un attrait physique qu’aucun humain ne possédait, et ce que cela signifiait était évident pour tout le monde sauf Nanao.

  • …Ne soyez pas surpris. Je suis sûr que la plupart d’entre vous sont familiers avec la source de ceci, dit doucement Chela.

Et elle avait raison. Depuis leur première rencontre, Oliver le savait. Cette peau sombre et ces cheveux dorés étincelants–- aucun humain dans toute l’Union ne pouvait posséder une telle combinaison génétique.

La rumeur disait, bien que ce soit un secret de polichinelle, que l’actuel Lord McFarlane s’était épris d’une femme elfe.

Il était extrêmement rare que les elfes, qui valorisaient la pureté de leur race par-dessus tout, portent un enfant humain. Ainsi, la progéniture humaine d’un elfe pouvait se vanter d’avoir une aptitude exceptionnellement élevée pour la magie et pouvait maîtriser presque tous les éléments.

Ainsi, si quelqu’un était capable d’acquérir de telles capacités, cela aurait de grandes implications pour les mages humains.

  • C’est la première fois que je montre ça à des humains en dehors de ma famille. Je suis un peu gênée, comme vous pouvez l’imaginer.

Elle sourit pour cacher sa timidité, puis signala avec ses yeux à Oliver qu’elle était prête.

  • C’est l’heure ! dit-il.
  • Tout le monde, levez vos athamés ! Chela, ton incantation sera le signal !
  • Compris.

Huit épées s’élevèrent dans les airs, pointées vers le haut de la barricade presque détruite par les abeilles qui attaquaient.

  • MAGNUS !

Chela commença l’incantation. Sentant un flux titanesque de puissance autour d’eux, les autres déglutirent et suivirent.

  • TONITRUS !
  • TONITRUS !!!

Leurs visions se troublèrent. Incapable de voir leur adversaire, Oliver rassembla les sept sorts et les envoya voler après le grand éclair.

——————————————————————

Au moment où la barricade était sur le point de s’effondrer, un éclair aveuglant avait jailli de l’intérieur. Albright fut bouche bée, car cela enveloppa plus de la moitié de l’essaim d’abeilles.

— Qu— ?!

Brûlées à vif, les abeilles tombèrent au sol. Les amener à se regrouper au sommet de la barricade était un piège, causant plus de 70% de l’essaim à être piégé dans la foudre. Albright réalisa que l’encens était une ouverture pour mettre cela en place, mais ce qui le surprenait vraiment, c’était autre chose.

  • Une double incantation… ?! Impossible ! Vous n’êtes que des étudiants de première année !

Son choc était compréhensible. Normalement, les première année n’étaient pas capables d’utiliser des doubles incantations. Elles amplifiaient les effets d’un sort, mais étaient trop éprouvantes physiquement pour un utilisateur trop immature. Dépasser cette limite le sort s’annulait, ou pire, explosait au visage du lanceur de sort et le blessait. Ce n’est que dans la deuxième moitié de leur deuxième année que leur corps serait capable de résister à cette tension, du moins, c’était la théorie largement acceptée. Mais ce n’était le cas que pour les humains. Naturellement, cela ne s’appliquait pas aux elfes.

  •  Prends ça !

Il n’y avait pas de temps pour rester bouche bée. Alors que l’essaim d’abeilles était en plein chaos, une seule silhouette jaillit de la barricade à moitié détruite. Albright serra ses lèvres. Une jeune aziane sur un balai volait droit sur lui.

  • A-Abeilles ! Abattez-la !

Elle réduisait rapidement la distance. Afin de briser son élan, Albright ordonna à ses familiers survivants d’attaquer. Les abeilles proches chargèrent vite, mais leurs mâchoires et leurs dards ne rencontrèrent que du vide. Nanao manœuvra facilement à travers leurs rangs, les laissant dans la poussière.

  • Tu les as toutes esquivées ?!
  • HAAAAAAAAAAAH !

Avec les abeilles derrière elle, il n’y avait personne pour arrêter Nanao. Albright n’eut pas le temps de préparer un sort et l’abeille sur laquelle il était assis fut découpée en deux.

  • Qu… ELLETARDUS !

Sa monture disparut et il fut projeté dans les airs. Il ralentit sa chute avec un sort en atterrissant puis leva rapidement son épée pour se mettre en garde. Prête à en découdre, la fille samouraï fonça sur lui. Elle sauta de son balai pour atterrir sur le sol et le regarda fixement.

  • Vous daignez enfin fouler la même terre que moi
  • ……
  • Je suis venu pour vous vaincre. Maintenant, dégainez votre lame.

Nanao mit sa lame devant ses yeux et lui demanda d’en faire de même. Albright regarda le ciel, au cas où certaines de ses abeilles auraient survécu, mais elle l’arrêta avec un ordre laconique.

  • Regardez devant vous, pas en haut ! Il n’y a personne d’autre que vous et moi sur ce champ de bataille !
  • … !
  • Nous sommes les seuls à décider de la victoire ! Personne d’autre ne la volera ! Ni les règles familiales ni même les entités qui règnent sur nous.

Elle parla avec assurance et personne ne pouvait interférer. Seuls deux adversaires se tenaient sur ce champ de bataille et rien d’autre. Ses yeux étaient ceux d’une guerrière, claire et pure.

Baigné dans leur lumière, quelque chose en Albright se brisa. Les chaînes qui le retenaient depuis longtemps s’entrechoquèrent en tombant de son cœur.

  • …Ha-ha-ha !

Un rire étrange lui échappa. Prenant inconsciemment position, il se demanda depuis combien de temps il n’avait pas ressenti une telle joie ? La réponse lui vint immédiatement. Ah, c’est vrai. C’est ce que j’ai toujours ressenti, en jouant aux échecs avec elle.

  • Vas-y, samouraï !
  • Yah !

Ils rugirent et s’élancèrent vers l’avant dans la distance d’un pas, un sort,

caractéristique des arts de l’épée et de la stratégie. Leurs lames imprégnées de mana s’entrechoquèrent, envoyant des étincelles partout.

  • OHHHHHHHHHH !
  • HAAAAAAAAH !

Les sons de leur bataille furieuse résonnaient. C’était d’une férocité terrifiante, mais en même temps l’on pouvait ressentir de la joie. Ils avaient échangé huit coups, sans reculer d’un pas. Un athamé s’écrasa sur le sol.

  • C’était une excellente bataille.

Après avoir porté le dernier coup, Nanao se tint debout, son épée toujours dégainée, et s’exprima une dernière fois. La douleur reçue de son coup en diagonale étant encore fraîche dans son esprit. Albright hocha la tête. C’était un sentiment plutôt agréable.

  • …Ouais.

N’ayant plus de force, il s’écroula sur le dos.

  • Maintenant, je peux enfin faire l’expérience d’une excellente défaite.

Il ferma les yeux, le cœur accompli. Dans l’œil de son esprit, un échiquier apparut. Et de l’autre côté, une fille familière lui souriait.

——————————————————————

Les duels de mages étant décidés, les abeilles survivantes retournèrent à leurs ruches, et la vaste pièce fut enfin en paix.

  • On dirait qu’on a réussi. Mec, je transpire tellement !
  • J’avais tellement peur ! Nanao, merci ! Tu t’es très bien débrouillée.

Guy poussa un soupir de soulagement et s’était assis à côté du troll alors que Katie accueillit Nanao avec une étreinte. Chela titubait d’épuisement.

  • C’était… assez éprouvant. Mais je m’en doutais un peu.
  • Hey, tu vas bien ?!

Pete se précipita vers elle et l’attrapa par l’épaule. Alors que ses amis trottinaient pour s’inquiéter, elle sourit légèrement pour les rassurer.

  • Oui, ne vous inquiétez pas. J’ai déjà testé si je pouvais réaliser une double incantation dans cet état. La soudaine surtension de mana a simplement laissé mon corps en état de choc.

Stacy l’étudia.

  • Tu… t’es… retenue ? demanda-t-elle.
  • Huh ?
  • Je veux dire, tu l’as fait, n’est-ce pas ? Tu aurais aussi utilisé ce sort lors de notre duel. J’étais tellement surprise que tu puisses réussir une double incantation… Si tu avais attaqué avec ça dès le début, nous aurions été impuissants.

Elle bouda et se retourna. Chela sourit maladroitement.

  • Je suppose que je ne peux pas t’empêcher de penser ça, mais je n’ai jamais eu l’intention de l’utiliser dans un duel entre première année. Il n’y a rien à gagner à se reposer sur une capacité innée.
  • …Nous avons un lien de parenté, et pourtant je ne savais en rien que tu étais une demi-elfe Morphling, murmura Stacy, un peu dépitée.

Il y a beaucoup de types différents de mélanges d’elfes et d’humains, aussi connus sous le nom de demi-elfes : les Actualisés, qui ont hérité de nombreux traits uniques des elfes ; les Dormants, qui étaient impossibles à distinguer des humains, et les Morphlings, qui affichaient des traits uniques des deux côtés en fonction de la situation.

  • J’avais aussi espéré que notre bataille puisse durer aussi longtemps que possible, ajouta Chela. —— C’était notre premier véritable échange depuis nos douze ans.
  • …Huh… ?

Les sourcils de Stacy se levèrent. Chela la regarda dans les yeux alors qu’elle commençait à se souvenir.

  • J’étais toujours si excitée pour notre visite annuelle. Tu étais tellement douée pour faire s’épanouir les fleurs avec de la magie, et on s’amusait tellement. Tu te souviens quand tu faisais ça ?

Elle sortit quelque chose de sa poche : une petite et vieille couronne de fleurs. Elle n’avait pas été tissée à partir de fleurs cueillies, mais plutôt poussée dans cette forme à partir de graines magiques. Stacy regarda, bouche bée.

  • T-tu as toujours ça ? Et tu as même pris la peine de la préserver… ?
  • C’est mon souvenir de cette époque. Bien sûr qu’il fallait que je préserve la chose.

Stacy se raidit, et Chela serra la couronne contre son cœur.

  • Je ne peux peut-être pas t’appeler sœur, mais tu fais partie de ma famille malgré la distance entre nos Maisons. Cela m’avait vraiment rendue joyeuse de voir comment tu grandissais lors de nos rares visites. Et pour ne pas t’embarrasser, je voulais te montrer ma progression aussi.
  • ——-
  • Mais ça avait fini par te blesser. Je suis désolée de ne pas l’avoir remarqué plus tôt et de ne jamais avoir compris ta douleur.

Tout en s’excusant, elle attrapa avec les deux mains, la main droite de Stacy. Le geste était plein de sentiments non exprimés, et elle s’assura qu’elles ne se manqueraient pas cette fois.

  • Laisse-moi juste te dire ceci : Je ne t’ai jamais considérée comme une remplaçante.

Elle regarda les yeux de sa demi-sœur en parlant, et de grosses larmes commencèrent à couler de ceux de Stacy.

  • Waaaah… !

Stacy recommença à pleurer, et Chela l’enlaça doucement. Oliver et Albright les regardaient de loin.

  • J’imagine que vous emparer d’un médaillon n’était pas suffisant pour vous tous.
  • En effet.

Albright était assis par terre et à côté de lui se trouvait Oliver affichait un sourire ironique. Il n’avait rien à faire avec le garçon, mais maintenant que le duel avec Nanao était terminé, il se sentait l’envie de dire quelque chose.

  • …Faisons un autre duel, quand nous serons plus forts qu’aujourd’hui, murmura Oliver.

Albright sourit.

  • Ha-ha ! Fais attention à ce que tu souhaites. Je vais certainement revenir plus fort que jamais maintenant que j’ai goûté à la défaite.
  • J’ai des frissons rien qu’en l’imaginant. Mais je peux vous assurer que je serai plus fort, aussi, répondit Oliver avec entêtement.

Deux ans plus tard, peut-être trois, ce n’était pas difficile d’imaginer Albright devenir incroyablement puissant durant ce laps de temps. S’il y avait un jour une nouvelle occasion de se battre, il devrait sûrement se préparer pour un combat qui éclipserait celui-là.

  • Ne sois pas trop confiant, Oliver Horn. J’oublie vite les noms.
  • Oh, je vais m’assurer que vous vous souvenez du mien pour toujours.

Et avec ça, Oliver se dirigea vers ses amis.

  • Ok, on se retire. Est-ce que nous avons manqué des blessures ?
  • Tout est soigné ici ! Désolé que tu sois blessé, Marco.
  • C’est bon. Je suis fort. Katie pas blessée. Bien.

Katie soupira après avoir soigné son familier. Le troll avait utilisé son corps massif comme un bouclier pour la protéger des abeilles après qu’elles aient brisé la barricade de l’intérieur avec de la magie. Marco était couvert de morsures et de piqûres, mais il n’en faisait pas tout un plat.

  • Laissez-nous vous suivre hors d’ici. Allez, Stace, arrête de pleurer.

Fay tira Stacy par la main et commença à marcher. Oliver envisagea d’adresser la même invitation à Albright, mais le garçon leur avait déjà tourné le dos. Il n’avait pas besoin de s’inquiéter. Oliver se plaça à l’avant du groupe et les conduits dehors.

  • Bon, allons-y. Ne baissez pas vos gardes lorsque nous retournerons au premier niveau.

Il leur fit cet avertissement avant de se figer.

  • … ? Qu’est-ce qu’il y a, Oliver ? On ne part pas ? demanda Guy.
  • ……

C’était l’intention d’Oliver, bien sûr, si quelque chose de particulier n’avait pas déclenché son alarme mentale.

  • Qu’est-ce que… le… ?

Tandis qu’Oliver regardait dans une direction, quelque chose apparut de nulle part, faisant trembler la terre sous ses pieds. Une grande masse rampait sur le sol, et des tentacules de couleur chair s’étendaient sur tout son corps.

  • Qu— ?

Albright, qui était assis un peu à l’écart du groupe, était presque face à face avec ce danger. Ses yeux s’élargirent sous le choc, et il se leva rapidement en sortant son épée.

  • Gah— ?!

Mais avant qu’il ne puisse lancer un sort, les tentacules l’encerclèrent. Avec son instinct, il en coupa une, mais les autres l’entraînèrent vers le corps de la créature. Les tentacules s’étaient enroulés autour de son cou, l’empêchant de lancer aucun sort. Incapable de se défendre, Albright glissa dans l’énorme ombre de la chose.

  • ———

Oliver frissonna à la vue de la chose, et le danger de mort fit passer son esprit

dans un mode calme et analytique. Vraisemblablement, la forme de base de cette chose était une sorte de créature rampante à six pattes. Son corps mesurait presque 6 mètres de long, mais il était difficile de distinguer les détails à cause des tentacules qui le recouvraient. Certaines d’entre elles semblaient élastiques, et elles avaient la force et l’intelligence de saisir une cible à plus de vingt mètres. À sa connaissance, aucune bête magique ne correspondait à cette description. La seule chose à laquelle il pouvait penser était une chimère, un mélange de plusieurs bêtes magiques.

  • Ne la combats pas, Nanao !

Elle leva son épée pour essayer de sauver Albright, mais Oliver lui somma fermement d’arrêter. C’était du suicide d’approcher une bête magique inconnue, mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle il l’avait arrêtée. Ce qui l’effrayait vraiment c’était la horde de bêtes similaires qui apparaissait derrière cette créature et qui semblait s’étaler à perte de vue. D’abord, elles étaient quatre, puis cinq, puis six, puis sept… Toute pensée de victoire cessa à ce moment. Abandonnant tout semblant de calme, Oliver rugit :

  • Courez ! Tout le monde, courez !

Le groupe sortit de sa stupeur et s’enfuit. Ils se précipitèrent à travers l’espace ouvert et retournèrent au premier niveau, mais les créatures continuèrent de les poursuivre. Comme le chemin se rétrécissait en une seule montée, Chela se retourna pour lancer un sort.

  • MAGNUS TONITRUS !

Un rugissement fendit leurs oreilles. L’éclair qui avait anéanti l’essaim d’abeilles fonça vers la mystérieuse bête, qui n’avait pas pu esquiver. Sa peau brûla à cause de l’électricité, et des tentacules calcinés tombèrent au sol. Mais la horde de créatures ne s’était pas arrêtée pour autant. Elles avaient ralenti pendant quelques secondes, mais reprirent ensuite la poursuite de leur proie avec une vigueur renouvelée.

  • Même ça, ça ne suffit pas… elles sont résistantes à l’électricité !

Chela serra les dents et courut. Même avec son héritage elfique, elle ne pouvait pas enchainer des sorts plusieurs fois avec la même intensité. Elle était obligée de recourir à de simples incantations pour gagner du temps quand……

  • Kuh ?!
  • Fay !
  • Un tentacule sortit et attrapa la cheville de Fay. Il essaya rapidement de la couper, mais un autre tentacule saisit son bras droit, I‘empêchant de résister davantage.
  • Cours, Stace ! cria-t-il.

Stacy essaya de l’aider, mais il la repoussa. L’instant d’après, les tentacules traînèrent son partenaire dans le couloir, laissant Stacy derrière eux. Elle hurla, hystérique.

  • Fay ! FAY ! NOOOOOOON !
  • Arrête ! Il va t’avoir aussi !

Stacy essaya de le suivre, mais Chela lui attrapa la main tandis que Nanao sauta devant elle.

  • Pardon !

Nanao souleva la fille qui pleurait. En coupant désespérément les tentacules, ils se ruèrent sur le sommet du premier niveau.

  •  Huff ! Huff !
  • Merde ! Jusqu’où vont-ils nous poursuivre ? !
  • Ils ne tiendront pas dans des chemins étroits ! N’abandonnez pas !

C’était leur seul espoir. Après avoir couru pendant ce qui semblait être une éternité, ils étaient finalement arrivés à un carrefour familier. Il y avait trois chemins possibles, et Marco se jeta silencieusement dans le plus large sur la gauche.

  • Ah— ?!
  • Laisse-le partir ! On se retrouvera plus tard ! cria Oliver à Katie, s’excusant silencieusement auprès du troll.

Marco savait que Katie ne pourrait pas s’échapper par un chemin plus étroit s’il était avec eux, alors il prit l’initiative de se séparer. Impressionnés par la profondeur de l’intelligence de Marco, Oliver et les autres se précipitèrent sur le chemin le plus étroit.

  • C’est bon ! On devrait être en sécurité !

Oliver jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pendant qu’ils couraient. Au moment où il pensait qu’ils étaient hors de danger, poussant un soupir de soulagement…

  • Huh ?

…un tentacule de couleur chair s’accrocha au garçon à lunettes derrière lui.

  • ———-

Oliver tendit instinctivement sa main gauche. Ses amis devant lui comprirent ce qui se passait une seconde trop tard, lorsque le tentacule entraîna Pete au loin.

  • Ah —— !
  • PEEEEEETE !

Le bout de ses doigts se balançait dans l’air à seulement un centimètre de son ami. Oliver ne pouvait rien faire d’autre que de regarder le garçon se faire avaler par les profondeurs du labyrinthe.

  • Guh—- !
  • Arrête, Oliver !

Il avait instinctivement voulu revenir en arrière, mais Chela attrapa son bras et tira avec tout son corps. Oliver essaya de se débarrasser d’elle.

  • Tu ne peux pas le sauver ! plaida-t-elle.
  • Tu as vu comme ils sont forts. Si tu y retournes, tu te feras prendre toi aussi !
  • Mais— !
  • Oliver !

Chela lui cria dessus avec une colère surprenante. Des larmes glissèrent sur son visage et tombèrent au sol. Sa vision obstruée gela sa tête menaçant son cœur de se briser. Il était conscient que le mieux qu’ils pouvaient faire dans cette situation était d’appeler à l’aide le plus vite possible.

Ils retournèrent tous les six à l’école en passant par le bassin situé près de leur atelier secret et déambulèrent dans les couloirs, à la recherche du premier ainé qu’ils pouvaient trouver. Heureusement, leur souhait fut bientôt exaucé.

  • Oh, c’est vous les gars.

Ils entendirent la voix d’un garçon familier. C’était Alvin Godfrey, qui conduisait Carlos et un groupe de préfets. Oliver expliqua la situation aussi rapidement qu’il le pouvait.

  • Président Godfrey, des bêtes magiques étranges et puissantes sont hors de contrôle au premier niveau ! Elles ont enlevé Pete et deux autres élèves de première année ! S’il vous plaît, aidez-nous !

Essayant désespérément de se détendre, Oliver se préparait à répondre aux questions qui allaient venir. Mais étonnamment, il n’y en eut aucune.

  • Je sais, répondit calmement Godfrey. —— Alors vos amis ont aussi été enlevés ?

Chela, sentant que quelque chose n’allait pas, s’approcha de l’étudiant.

  • « Aussi ». Président Godfrey, qu’est-ce que cela veut dire ?

Alors qu’elle cherchait une confirmation, Oliver sentit un sentiment de terreur s’emparer de lui. Ce que Carlos dit ensuite confirma son pressentiment.

  • Cela signifie qu’il y a d’autres personnes. Nous avons eu huit autres rapports signalant la même chose. Plus de 70 étudiants de première et deuxième année ont été enlevés. Et d’après les descriptions des bêtes, nous connaissons déjà la cause…

Ils s’arrêtèrent, incapables de continuer. Godfrey termina la phrase pour eux :

  • Ophelia Salvadori a été consumée par le sort.

Tout le monde se raidit et l’atmosphère se figea. Un silence pesant s’installa dans la salle.

  • ———————–

Oliver était le seul à se remémorer un certain souvenir. La voix d’Ophelia lui revenait vivement, tout comme les mots qu’elle lui avait laissés après leur discussion :

  • « Limite tes aventures et tiens-t’en à tes études dans l’enceinte de l’école, surtout pour les prochains mois »
  • Retournez immédiatement aux dortoirs. Il vous est dorénavant interdit de mettre un pied dans le labyrinthe jusqu’à nouvel ordre. De par mon autorité en tant que président du corps étudiant, cette école est maintenant en état d’alerte maximale.

Les mots prononcés par Godfrey et la sévérité de son ton avaient fait comprendre à Oliver que la situation était beaucoup plus sombre et sinistre que ce qu’ils pouvaient imaginer.


[1] Hand signifie « main » en anglais. Cela peut donc se traduire par Milimain. Nous avons préféré conserver le terme original.

[2] En anglais Ghost ground

[3] En anglais Windwill (moulin à vent)

[4] En anglais Encounter

[5] En anglais Flash Wisp (petite étincelle/éclat)

[6] En anglais Heavy feather

[7] Mot latin signifiant « Pleine lune »

[8] En anglais Gravestone

[9] En anglais Hidden Tail

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