« Connais-toi et connais ton ennemi, tu es alors armé pour 100 batailles«
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Traduction : Nova & Lost
Correction : Raitei
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Alors que le mois de novembre touchait à sa fin, le jour tant attendu du voyage scolaire était enfin arrivé. Sur le chemin de l’école, par un matin ensoleillé mais froid, je vis un petit groupe de trois personnes marchant devant moi avec Haruka au milieu. Ils ne semblaient pas sauter de joie, mais tout le monde semblait faire un effort pour maintenir la conversation.
Karuizawa — Tu ne veux pas les appeler ?
Dit Kei, en marchant à côté de moi.
Moi — C’est bon. Je savais à quoi m’en tenir quand Airi a été expulsée.
Pour ce groupe, j’étais désormais une présence encombrante. Après tout, plus rien ne les retenait à moi désormais.
Karuizawa — Si tu juges que c’est mieux ainsi, je ne reviendrai pas là-dessus, Kiyotaka.
Pour Kei, qui avait peu de liens avec le groupe, je ne pensais pas que cela lui tenait tant à cœur.
Karuizawa — Mais attends… Du coup ça veut dire que je peux t’avoir pour moi toute seule, non ?
Elle me dit tout ceci avec un grand sourire. Sans surprise, j’étais devenu son pilier psychologique depuis le temps.
Karuizawa — J’ai hâte d’être au prochain voyage scolaire ! Où penses-tu qu’il aura lieu ?
Moi — Je n’abandonnerai pas mon rêve de Kyoto.
Karuizawa — Oh, c’est vrai, tu avais dit quelque chose à ce sujet. Tant que ce n’est pas Kyoto, je peux aller n’importe où.
Pour une raison quelconque, j’étais obsédé par cette ville.
Moi — Tu détestes Kyoto à ce point ?
Karuizawa — Hein ? En vrai, c’est juste que des temples et des sanctuaires … Y a mieux pour un voyage scolaire !
Je me disais que c’était précisément l’un des véritables charmes des lieux. Mais en se plaçant dans sa perspective, c’est plutôt logique comme point de vue.
Moi — Tu marques un point, sans doute. Au fait, la destination du voyage est certes importante, mais tu n’es pas stressée par les résultats de l’examen de fin d’année ?
Karuizawa — Mes notes ne vont pas augmenter si je commence à m’en inquiéter maintenant, non ? J’ai l’impression de m’être bien débrouillée tout ça grâce à toi, alors je ne m’en fais pas trop des résultats.
Je n’aimais pas trop cet excès, mais elle disait vrai. Il ne fallait pas non plus s’attendre à un score d’excellence, remettons les pendules à l’heure. Mais il était indéniable que son niveau avait augmenté, même sans atteindre des sommets. Par ce genre de petites déclarations, on pouvait sentir son évolution.
Karuizawa — Peut-être que je devrais augmenter mon temps d’étude avec toi, comme Sudou-kun.
Elle me murmura cela, l’index posé sur les lèvres. Elle ne comprenait pas qu’il ne suffisait pas d’étudier autant que Sudou pour espérer les mêmes progrès, les capacités de la personne qui l’aide étant toutes aussi importantes. Certes, la motivation personnelle est importante, mais je crois que dans le cas de Sudou c’est surtout aux talents pédagogiques de Horikita que l’on devait cette formidable progression. C’est sûrement d’ailleurs ce point qui faisait d’elle un élève supérieur à quelqu’un comme Keisei, par exemple.
Peut-être que les capacités académiques de Kei pourraient augmenter de façon spectaculaire si je lui refaisais carrément une éducation complète. Mais ce n’était pas à moi de le faire. Mon travail était de faire le strict minimum et leur donner les clés pour se motiver. Pour le reste… je comptais sur les autres.
Aujourd’hui, deux heures allaient être consacrées au voyage scolaire. Dans une école normale nous aurions probablement été prévenus un peu avant, mais pour les élèves d’ici, l’examen de fin d’année était ce qu’il y avait de plus important. Après tout, cela aurait été bien cruel d’être expulsé après avoir été mis au courant de tout ce qu’allait comporter le voyage scolaire.
Mlle. Chabashira — Très bien, alors je vais sans plus tarder vous communiquer les résultats.
Une atmosphère lourde emplie d’anxiété et de malaise flottait dans la classe. Cependant, il n’y avait actuellement aucun élève vraiment désespéré. L’année dernière à la même époque, nous avions dû aborder l’examen spécial en duo avec Kushida tentant de nous saboter avec Ryuuen. Fort heureusement, Horikita avait répondu présent. Cette année toutefois, les choses étaient différentes.
Pour rappel, pour le dernier examen en date, il fallait choisir un sujet et obtenir une note minimale définie par l’école, sous peine d’expulsion. Ceci sans oublier la lutte interclasses : la 1ère place allait obtenir 50 points de classe, la 2nde 25, tandis que la 3ème perdait 25 points et la 4ème 50. Outre cet aspect, la note moyenne d’échec avait été fixée à 39 points pour toutes les matières. Il n’était donc pas difficile d’éviter l’expulsion pour n’importe qui ayant bachoté un peu.
Mlle. Chabashira — Tout d’abord, je vais commencer à annoncer les bons derniers.
Chabashira-sensei ne prit aucune pincette, mais peut-être était-ce nécessaire pour nous maintenir en haleine.
Mlle. Chabashira — L’élève qui a eu la note la plus basse…
Information cruciale. Après tout, en cas d’examen nous demandant d’exclure un élève, dont Airi avait fait les frais, c’était lui qui allait sauter en premier.
Mlle. Chabashira — Avec une moyenne de 53 points, c’est toi, Hondô.
Hondô — Quoi ? Moi ? ! Ah, mais 53 points, ce n’est pas si mal, non ? Attendez, je devrais être heureux avec une moyenne pareille non ?
Hondô nous communiqua ses sentiments partagés. Heureux d’un côté de ne pas avoir une mauvaise note finale, déçu quand il réalisa être le dernier de la classe. Non pas qu’il n’était pas habitué à figurer dans le dernier carré, néanmoins.
Ensuite, toutes les moyennes furent annoncées par ordre croissant. Les meilleurs élèves se firent donc connaître. Il était intéressant de constater l’augmentation du niveau de notre classe, même si en bas du classement, ma petite amie, Kei, avait eu un meilleur score que prévu avec 56 points. L’expulsion d’Airi y était certainement pour quelque chose, les élèves les plus faibles ayant eu peur d’être les suivants si cet examen se passait mal.
Kei avait certes progressé, bien qu’elle n’étudiait pas sans moi. Il fallait toutefois résoudre ce problème au risque de la voir stagner et de se faire devancer par d’autres. Le plus bénéfique aurait été qu’elle sollicite Horikita, voire Keisei ou Yôsuke.
Les notes dans toutes les matières et les notes moyennes s’affichèrent à l’écran à tour de rôle, au fur et à mesure que les noms des élèves étaient appelés. J’étais à la 12e place. Petit à petit, je remontais dans le classement. Enfin, vint le moment tant attendu du top 10.
La 10ème place était occupée par Sudou. J’étais un peu inquiet, mais il avait réussi à reproduire l’exploit de la dernière fois. Son classement avait progressé d’une place et constituait un nouveau record personnel. Puis, finalement, la première place était revenue de manière inattendue à Horikita et Keisei ex æquo, avec la même note moyenne de 93,5.
Mlle. Chabashira — À propos de notre classement parmi les autres classes de la promo… Nous avons eu une meilleure moyenne que la classe d’Ichinose ce qui nous a donné la deuxième place. Bon travail.
La première place revenait à la classe A de Sakayanagi, la deuxième à la classe B de Horikita, la troisième à la classe D d’Ichinose et la quatrième à la classe C de Ryuuen. Avec cela, nos points de classe augmentèrent de 25 points au total. Cependant, la classe A de Sakayanagi avait de bonnes notes même parmi les élèves les moins bien classés, donc nous n’avions pas pu obtenir la première place cette fois non plus. Le fossé diminuait, mais demeurait toujours présent.
Mlle. Chabashira — Je sais que vous avez travaillé dur pour l’examen de fin de trimestre et que vous attendez tous avec impatience le voyage scolaire. Mais d’abord, il y a une chose que je vais faire avant de vous autoriser à discuter.
Après avoir dit cela, une image fut projetée. Suivant les instructions de Chabashira-sensei, fut affiché un tableau avec les noms de famille de toute la classe. Nous avions également l’image projetée au tableau sur nos tablettes.
Mlle. Chabashira — Il y a trois données : nom, sexe et numéro. Les deux premières sont déjà renseignées.
Comme elle le disait, tous les élèves de la classe y étaient inscrits. Seule la colonne des chiffres était vide, ce qui signifiait qu’elle allait sûrement être remplie en direct. Cela pouvait sembler évident au premier coup d’œil, mais après plus ample réflexion ce qu’allaient représenter les chiffres n’était pas si claire.
Mlle. Chabashira — Sur l’écran se trouvent les élèves de la 1ère B, c’est-à- dire de cette classe. Vous pouvez voir l’espace vide entre le nom et le sexe, n’est-ce pas ? En commençant par la première personne, veuillez attribuer un chiffre aux autres. Vous ne pouvez pas utiliser le même numéro deux fois. Dans l’espace réservé à votre numéro, écrivez « moi-même » de manière lisible.
Il y avait 38 membres en 1ère B, en excluant Yamauchi et Airi qui avaient été expulsés. Il semblait que nous devions attribuer un numéro jusqu’à 37, en nous excluant. Le problème était le suivant : quelle était la signification de ce chiffre ? Je ne pouvais pas en mettre au hasard sans y penser.
Tout le monde s’exécuta et écrivit son nom au niveau de leur propre ligne.
Après avoir confirmé cela, Chabashira-sensei commença à expliquer.
Mlle. Chabashira — À propos de la signification des chiffres que vous allez écrire… Vous pouvez le voir comme votre évaluation d’un camarade. Vous pouvez simplement lui attribuer le 1 parce qu’il est talentueux, parce que vous êtes un bon ami, ou parce qu’il est sympathique. L’important est d’utiliser vos propres critères et de lui attribuer une note appropriée.
— En fait, nous devons juger nos camarades ?
Non… en faisant défiler l’écran, je vis qu’il ne s’agissait pas seulement de nos camarades mais des élèves de toute la promo.
Mlle. Chabashira — Certains d’entre vous l’ont peut-être déjà remarqué, mais nous faisons ce classement pour toutes les classes de 1ère. En ce qui concerne les élèves des autres classes, il y en a peut-être à qui vous n’avez pas encore parlé, mais tentez tout de même de garder une certaine logique.
Les élèves notaient les élèves. Nous avions fait quelque chose de similaire dans le passé, mais la situation était légèrement différente… Cependant, quel était l’intérêt de nous faire faire cela ?
Mlle. Chabashira — Bien entendu, le numéro que vous avez donné ne sera pas révélé aux autres. Même nous, les enseignants, ne pouvons pas le savoir. Alors pas d’inquiétude.
Cela signifiait donc que c’était dirigé par les services centraux de l’établissement.
Mlle. Chabashira — Il est également interdit de se parler ou de regarder l’OAA pendant le remplissage de l’écran. Le but est vraiment de vous fier à votre perception.
L’objectif était d’éviter d’aboutir à un classement mécanique basé purement sur des données.
Hondô — Il y a beaucoup de filles ici à qui je n’ai jamais parlé, d’ailleurs, je connais rien à leur OAA… Faisons au hasard, allons-y !
Hondô ne faisait en effet pas partie de ces élèves avec un large panel d’amis.
Mlle. Chabashira — Bien entendu, vous pouvez noter un numéro aléatoire pour les personnes avec lesquelles vous n’avez aucune relation. Toutefois, pour que l’école puisse utiliser cette liste à bon escient, vous serez tenus responsables quels que soient les résultats.
Nous devions classer selon certains critères totalement subjectifs. Mais, en plus, nous ne devions pas nous plaindre des éventuels effets que cette liste produirait. Nous devions noter des élèves sur la base de nos relations avec eux, mais nous risquions de le regretter si nous le faisions au hasard… Wow.
Mlle. Chabashira — Vous avez une heure à partir de maintenant pour compléter votre liste. Dans le cas rare où vous ne terminez pas dans le délai imparti, vous devrez continuer au lieu de recevoir le briefing sur le voyage scolaire.
Je suis sûr que personne ne s’attendait à devoir faire ça juste avant le voyage scolaire. Alors que nous étions encore confus, Chabashira-sensei nous demanda de commencer immédiatement. Nous nous exécutâmes sans délais.
Comme cela allait me prendre le plus de temps, je décidai de laisser ma classe et de débuter avec la A. En me basant sur du talent pur, j’aurais soutenu Sakayanagi, mais c’était une évaluation globale. Je pouvais simplement décider de tout en fonction des affinités que j’avais selon les dires de Chabashira-sensei. Dans tous les cas, il fallait garder une cohérence et attaquer l’exercice.
Du moins c’était ce que je voulais faire… mais c’était d’une difficulté inattendue. La chose la plus facile, après tout, était de juger par rapport au talent : les premiers numéros allaient être évidents, ensuite j’allais pouvoir compléter avec mes souvenirs de l’OAA. Je n’étais sûrement pas le seul à penser ainsi. Donc, logiquement, Sakayanagi était numéro 1.
Ainsi, selon cette logique, je pris 20 minutes pour remplir les cases des trois autres classes. Ne me restait donc que la mienne, la classe B. Je décidais d’inclure le potentiel caché, le pouvoir de communication et le développement. Il y avait quelques similitudes avec ce qui se faisait dans l’application, mais mon numéro 1 était probablement Yôsuke ; cette place était logique compte tenu de sa valeur globale et de toutes ses contributions. Il était littéralement l’âme de cette classe.
En seconde place, je mettais Kôenji. Son potentiel caché, ses résultats à l’examen de l’île inhabitée, ses contributions involontaires au festival sportif, etc. Il avait beaucoup apporté à la classe. Cette place était appropriée malgré sa personnalité imbuvable. Je pense que nous lui devions quelque peu notre arrivée et maintien en classe B.
Ensuite, naturellement, Horikita, Keisei, Mii-chan et les élèves studieux suivaient. Avec ses prouesses physiques et académiques désormais redoutables, Sudou arrivait en 9ème position. Si on avait fait un classement global des 1ère, j’étais persuadé qu’il aurait pu être encore plus haut tant il avait des capacités assez exceptionnelles pour quelqu’un de son âge. Je finis ainsi de noter tous les élèves selon cette méthode et levai la tête. Au total, l’exercice m’avait pris 40 minutes. Il semblait toutefois que j’étais le seul à avoir fini…
Ou pas. Au moment où je me dis cela, mon regard croisa celui de Chabashira–sensei qui observait les élèves et je me rendis compte que Kôenji, assis à côté de moi, avait terminé avant.
Je ne pouvais pas en être sûr, mais il avait probablement rempli au hasard sans penser à toutes les possibilités. Sans regarder à nouveau sa tablette, il souffla légèrement sur ses ongles.
À quoi allaient bien pouvoir servir ces numéros ? En dehors de l’éventuelle formation de groupes, je n’arrivais pas à trouver un lien logique. Par exemple, un examen spécial pourrait être réalisé uniquement avec les élèves ayant été choisis en première et deuxième position.
Au contraire, les élèves ayant une faible capacité combinée seraient rassemblés et auraient une épreuve adaptée. Toutefois, si cela avait été le cas, peut-être aurait-il été plus judicieux de prévenir les élèves en avance et d’établir un classement plus basé sur les capacités.
Là, en l’espèce, le fait d’attribuer un classement selon notre degré d’affection ou de dégoût pour quelqu’un risquait de donner quelque chose de fortement déséquilibré si des groupes étaient basés là-dessus.
2
Alors qu’il ne restait que quelques minutes, Chabashira-sensei haussa le ton.
Mlle. Chabashira — Très bien. Il semble que tout le monde ait terminé.
Tout le monde avait pu finir, finalement.
Mlle. Chabashira — C’est donc avec quelques minutes d’avance que nous allons pouvoir aborder le prochain voyage scolaire.
Ike — Enfin !
Débarrassés de cet étrange exercice, Ike et les autres applaudirent. Chabashira-sensei, contrairement à l’accoutumée, ne prêta aucune attention à Ike et prit sa tablette en main.
Il était question de voyage scolaire, mais nous n’en connaissions pas encore la destination. Pour rappel, lors d’un vote, nous avions trois options qui s’offraient à nous : Hokkaido, Kyoto, Okinawa. Le lieu recevant le plus de votes allait être choisi comme destination du voyage scolaire. Me concernant, je faisais partie des marginaux rêvant de Kyoto, comme Horikita, Keisei et d’autres. Néanmoins, naturellement, les votes dans cette classe furent majoritairement en faveur d’Hokkaido. Mais je ne perdais pas espoir, puisque les autres classes avaient également leur mot à dire.
Et le grand gagnant est…
Mlle. Chabashira — Voici donc les résultats.
Le professeur Chabashira marqua une pause pendant quelques secondes, comme si elle essayait de faire durer le suspense.
Mlle. Chabashira — En combinant les votes de toutes les classes, c’est Hokkaido qui est désignée comme destination de notre futur voyage !
Ce résultat suscitait un mélange de joie et de déception en même temps. Ce que l’on appelle « le compromis », ni mécontents ni pleinement satisfaits. Pas mal de monde avait voté pour cette destination tout de même dans la classe, donc je supposais qu’on avait fait pas mal d’heureux.
Horikita — Je vois, donc vous avez choisi Hokkaido.
De prime abord, Horikita ne semblait pas déçue. Tout comme Keisei. À ma grande surprise, Sudou et les autres ne rêvant que d’Okinawa avaient l’air de plutôt bien prendre la nouvelle. Après tout, certains élèves communiquaient entre eux malgré l’interdiction officielle. Personnellement, j’accusais une pointe de déception. Mais Kyoto est Kyoto et Hokkaido est Hokkaido. Dans tous les cas, cela allait être une belle découverte !
Mlle. Chabashira — Je pense que vous le savez déjà, mais n’oubliez pas que le voyage scolaire, comme son nom l’indique, a pour objectif l’apprentissage et la connaissance académique. Contrairement aux lycées normaux, les règles seront très strictes.
En une phrase, Chabashira-sensei rappela aux élèves excités où ils se trouvaient.
Hondô — Il n’y a aucune chance que ce soit un examen spécial ou quelque chose comme ça, pas vrai ?
Il fallait s’attendre à tout dans ce lycée. La question d’Hondô état donc tout à fait naturelle. En voyant la mine déconfite des élèves, elle ricana légèrement.
Mlle. Chabashira — Ne vous inquiétez pas, il n’y aura pas d’examen ou de course aux points de classe durant ce séjour.
Après que la promesse ait été clairement énoncée, un soupir de soulagement général se fit entendre.
Mlle. Chabashira — Avant d’entrer dans les explications détaillées, voici une vue d’ensemble du programme.
Programme général du voyage scolaire.
Jour 1 : Départ de l’école à Aéroport de Haneda à Arrivée à la station de ski, entraînement préliminaire à Ski à Repos à l’auberge.
Jour 2 : Journée libre.
Jour 3 : Visite touristique de Sapporo à Retour à l’auberge.
Jour 4 : Journée libre (avec certaines restrictions).
Jour 5 : Retour.
Il semblait que nous allions être libres le deuxième jour, ainsi que le quatrième sous conditions.
— J’étais très inquiet, mais tout est parfaitement normal ! Non, même mieux ! LIBERTÉ !!!!
Tous semblaient heureux de ce planning apparemment ordinaire. Il était vrai que ce n’était clairement pas dans nos habitudes dans cette école.
Mlle. Chabashira — En échange de ces temps libres, vous aurez toutefois un travail à faire.
Mais il n’y avait pas d’examen spécial, qu’allait-on nous demander ?
Mlle. Chabashira — Connais-toi et connais tes ennemis, tu ne craindras pas cent batailles. C’est le thème de ce voyage scolaire.
Hondô — Hein ? Quoi… hein ? On peut répéter ?
Hondô, ne comprenant pas la citation de « L’Art de la guerre selon Sun Tzu », se redressa.
Sudou — Vous devez connaître tous les bails sur votre ennemi tout en étant conscient de vos propres limites. En faisant ça, z’êtes sûr de jamais perdre.
C’était Sudou qui expliquait à la classe, avec des mots simples.
Hondô — Oh, wow… Est-ce que tu comprends vraiment ce genre de choses ?
Sudou — Rien de ouf hein, ça reste basique.
J’appréciais le fait qu’il ne fasse preuve d’aucune condescendance.
Mlle. Chabashira — Lors d’un voyage scolaire, des groupes se forment naturellement. Vous n’y ferez sûrement pas exception. La différence est que vous serez mêlés avec tous les élèves de 1ère.
Hondô — Huh ? Huh ? Alors, il y a moyen que nous tombions avec des personnes avec lesquelles on ne s’entend pas ?
Les élèves qui étaient enthousiastes pour Hokkaido furent rapidement ramenés à la réalité. Comme si le timing était parfait, Chabashira-sensei commença une brève explication.
Mlle. Chabashira — C’est cela. En fonction de vos relations, de votre classe et de votre popularité, certains pourraient être groupés avec des gens qu’ils découvrent pour la première fois.
Je ne sais pas si on pouvait dire que je connaissais beaucoup les gens d’autres classes. Selon les personnes avec qui je pouvais tomber, les choses pouvaient tout à fait se passer comme Chabashira-sensei le disait.
Mlle. Chabashira — Dans une école normale, 160 élèves maximum par année scolaire rendraient normalement les amitiés beaucoup plus propices. Mais notre système compétitif rend bien entendu les amitiés entre classes plus difficiles.
Bien entendu, un nombre d’élèves relativement bas évoluant dans une unité de lieu restreinte conduirait normalement à une certaine proximité. Du moins, dans un cadre ordinaire sans compétition extrême entre les classes.
Mlle. Chabashira — Pour vous tous, la chose la plus importante est de finir en classe A. Vous vous livrez à une bataille sans relâche. Les élèves des autres classes demeureront éternellement des rivaux.
Elle nous disait donc honnêtement que nous ne partions pas en voyage scolaire pour nous faire des amis.
Mlle. Chabashira — Ainsi, vous devez saisir chaque occasion d’en apprendre plus sur les autres.
Il est vrai qu’après avoir passé plus d’un an ensemble, nos camarades n’avaient quasiment plus aucun secrets pour nous. En revanche, nous étions nombreux à ne connaître les élèves des autres classes que très superficiellement.
Après tout, il était difficile de vraiment se confier ou montrer ses faiblesses à un potentiel rival. Dans un tout autre registre, trop s’attacher à un adversaire pouvait nous enlever la motivation de le vaincre. « Je veux que mes amis des autres classes soient aussi diplômés de la classe A » ou des pensées de ce genre… Beaucoup se mettaient sûrement des œillères exprès, de peur d’avoir de telles pensées.
Mlle. Chabashira — L’objectif de ce voyage scolaire est de briser certaines barrières. Apprendre à découvrir les autres élèves de 1ère non pas en tant que camarades de lycée, mais en tant qu’être humain.
Cinq jours et quatre nuits, ça semblait court mais en réalité dans ce contexte, cela pouvait être une éternité. Plus des élèves partagent du temps et des activités, plus des liens peuvent se créer. Mais il n’était pas garanti que cela marche forcément. Après tout, il n’y a rien à faire si les personnes elles-mêmes n’expriment aucune volonté de se rapprocher.
Ike — Hmm… Ce voyage scolaire commence à devenir vraiment ennuyeux, et je n’ai pas l’impression que je vais en profiter du tout !
Ils savaient tous qu’ils n’y pouvaient rien, mais beaucoup d’élèves râlèrent à l’instar d’Ike. Tout le monde s’attendait à passer du bon temps avec des gens proches, d’autant plus Ike qui n’était pas si sociable et qui aurait probablement voulu quelques moments avec sa nouvelle petite amie. Alors que l’agitation se propageait, un garçon se leva pour y mettre fin. C’était Yôsuke.
Hirata — Je trouve tout ça bien, personnellement.
Au milieu de tout ce brouhaha, il exprima son avis sur la question.
Ike — Oui, on sait Hirata, tout le monde te kiffe. Pas la peine de te la péter !
Il était vrai que ce genre d’exercice était moins gênant pour Yôsuke, qui avait un réseau plutôt développé. Mais ce n’était pas son genre de frimer.
Hirata — Tu exagères. Il n’y a personne dans mes relations que je considère comme plus proche que l’un de mes camarades de classe. Je pense que tu vois les choses de la mauvaise façon.
D’abord, Yôsuke clama que nous étions tous dans le même bateau.
Ike — Alors, pourquoi tu soutiens le projet ?
Hirata — Parce que je trouve que ça a du sens, tout simplement. Mis à part les activités de club, les occasions de socialiser avec tous ces gens qui partagent notre lieu de vie sont tellement rares.
Ce qui était logique. Si certains devenaient des alliés temporaires, la nature-même de cet établissement faisait qu’on était en concurrence permanente avec les gens des autres classes. Ainsi il y avait peu de temps libre pour vraiment se connaître, comme disait Yôsuke. Peu de temps ou alors peu d’envie ? Du point de vue de quelqu’un qui a bon cœur, c’était tout simplement plus facile de ne pas trop s’impliquer.
Ike — Mais est-ce qu’on peut vraiment parler d’amis ? Je veux dire, on reste des rivaux avant tout, c’est plus simple de garder une certaine distance.
Hirata — Hmm… Mais je pense que les amis sont des amis et cela n’a rien à voir avec les cours, alors…
Les filles semblaient également de cet avis.
Hirata — L’œuf ou la poule ? Je pense que c’est comme ça que ça se passe. Un ami avant un rival, ou un rival avant un ami ? Les deux réalités peuvent coexister. Le voyage n’est-il pas une bonne occasion d’apprendre cela, comme l’a dit Chabashira-sensei ? C’est une opportunité d’ouvrir le champ des possibles, et plus nous avons de possibilités, mieux c’est.
Ike — Je crois que je comprends ce que tu dis, Hirata. Puis c’est pas comme si ce que je dis allait changer quelque chose de toute façon.
Si l’établissement était disposé à faire preuve de souplesse en raison de nos plaintes, il aurait été logique de se crêper le chignon et de négocier. Cependant, les élèves devaient déjà savoir que ce n’allait pas être le cas.
Mlle. Chabashira — J’admire l’énergie que vous y mettez. Mais puis-je continuer ? D’autant que ce sera plus simple pour vous d’en discuter si vous avez toutes les clés en main.
Après avoir dit cela, l’écran changea.
Mlle. Chabashira — Il a été décidé que pendant ce séjour, les élèves seront regroupés de manière aussi égale que possible. En principe, un groupe sera composé de huit personnes. Cependant, il y a 156 personnes en 1ère, ce qui n’est pas tout à fait divisible par 8. Ainsi nous ferons deux groupes de six. Nous utiliserons également des groupes de six pour que la répartition des sexes soit équitable.
Les quatre expulsés étaient deux filles et deux garçons ce qui ne changeait rien. Mais le problème de la divisibilité de 156 par 8 résidait toujours.
Avec des groupes de six, il y allait forcément avoir des disparités. Bien entendu, sous réserve qu’il n’y ait ni nouvelle expulsion ni désistement en cas de maladie au dernier moment, par exemple.
Mlle. Chabashira — Vous saurez tout du circuit une fois arrivés à Hokkaido. En attendant, voici certaines modalités.
Sur l’écran étaient affichées certaines règles relatives aux groupes.
Situations nécessitant d’être en groupe.
• Là où l’établissement l’indique.
• Temps libres.
Situations ne nécessitant pas d’être en groupe.
• Dans le lieu de séjour
Nous allions quitter le lycée en bus jusqu’à l’aéroport de Haneda. Il y avait au total un bus par classe. Ensuite, décollage en direction de l’aéroport de Shin-Chitose. Je compris que nous allions être répartis en groupes dans l’enceinte de l’aéroport.
À partir de là, et jusqu’à notre retour au sein du lycée, la logique de groupe allait être la règle. En incluant le trajet de l’établissement à l’aéroport et nos déplacements après l’arrivée à Hokkaido, nous allions nous déplacer en groupe et en bus la plupart du temps. En incluant le temps de sommeil, la majorité de notre temps allait donc être passé avec les autres.
Mlle. Chabashira — La libre activité ne signifie pas non plus que chaque individu peut faire ce qu’il veut. La discussion au sein du groupe sera toujours nécessaire, quoi qu’il arrive. Dans le cas où votre sort ne peut être décidé par la discussion, vous ne serez pas autorisés à quitter le ryokan[1].
Facile dans le cas où l’on est avec quelqu’un de proche, mais qu’en est-il dans le cas contraire ? Et ça sans tenir compte des caractères, par exemple si des gens têtus étaient regroupés ensemble. Il y aura donc des cas où certains élèves ne pourront pas sortir ?
Mlle. Chabashira — Dans les ryokan, vous serez libres de vos mouvements. Aller aux toilettes, traîner dans le hall, vous nourrir dans les tranches horaires indiquées, vous gérez comme bon vous semble.
Le ryokan était donc la seule exception à cette règle de groupe. Certes nos chambres allaient être partagées, filles et garçons séparés, mais la possibilité nous était donnée de prendre le petit-déjeuner ou le dîner, nous baigner ou nous promener librement dans les installations tout seul.
Mlle. Chabashira — Le ryokan où nous allons séjourner pendant 4 nuits est un hébergement de qualité et réputé dans la région. Je pense que vous passerez un excellent séjour.
Ike — Ugh, je suppose que le ryokan sera notre seul lieu détente ?
Mlle. Chabashira — Je vais le répéter, mais ce voyage est une bonne occasion d’apprendre à connaître les autres élèves de manière plus approfondie.
Après avoir reçu l’explication de Chabashira-sensei, Yôsuke sembla hésiter sur un autre point.
Hirata — Si le but est de découvrir les autres, il me paraît un peu paradoxal de rester confiné avec le même groupe tout le séjour.
Mlle. Chabashira — Excellente remarque, Hirata. Nous avions envisagé d’organiser des rotations quotidiennes de groupe. Cependant, cela aurait eu comme conséquence de mener à des échanges trop superficiels. Ceci est à la portée de tout le monde. S’investir quatre nuits, en revanche, c’est une autre histoire. Si vous passez ces journées sans vous ouvrir un minimum, vous ne pourrez pas profiter du voyage.
Il aurait été à la portée de tout le monde de supporter des gens pour une petite journée, jusqu’à ce que les groupes changent le lendemain.
Mlle. Chabashira — Ceux d’entre vous qui ont beaucoup de connaissances des autres classes comme Hirata et Kushida peuvent facilement s’entendre avec n’importe quel groupe. À l’inverse, pour les personnes ayant peu d’amis, il se peut que vous ayez des difficultés quel que soit le groupe auquel vous appartenez. Toutefois, considérez cela comme une occasion pour progresser.
Bien sûr, les relations humaines ne sont pas aussi simples. Pour quelqu’un qui n’arrive pas à se faire des amis, cela pouvait être l’occasion d’aller de l’avant comme elle le disait tant que l’envie était là. Mais ceux qui trouvent les amis futiles, par exemple, risquaient de passer un mauvais moment. D’ailleurs, la simple évocation de ce voyage scolaire avait dû leur refiler des boutons.
Mlle. Chabashira — S’il est constaté qu’une personne n’a pas respecté la règle de rester avec son groupe, ses privilèges de liberté pendant son temps libre pourront lui être retirés.
Une suppression de liberté pendant les temps libres du séjour… Si une telle chose se produisait, la moitié du voyage scolaire n’aurait plus aucun sens.
Autrement dit, suivre le groupe était une règle absolue qui devait être respectée à la lettre. La plupart des élèves suivaient les règles, mais il y avait quelques exceptions… Tous les yeux se tournèrent vers Kôenji, assis à l’arrière.
Koenji — Quoi de neuf, tout le monde ? Cessez d’être jaloux de ma personne. Je me fiche bien de tout alors continuez à me scruter si ça vous chante.
Kôenji, qui n’avait pas écouté les explications, dit cela en affichant un sourire glacial. Ce gars était vraiment une énigme, à bien des égards, mais il était assidu donc un minimum obéissant. Peut-être n’allait-il pas plus poser de problèmes que ça… Affaire à suivre. Néanmoins j’aurais mis ma main à couper que peu d’élèves auraient voulu être dans son groupe car il était imprévisible.
Mlle. Chabashira — Concernant la méthode de répartition des groupes, elle ne sera pas aléatoire. En effet, elle sera basée sur les évaluations que vous venez d’effectuer.
Une tâche chronophage juste avant les explications du voyage scolaire… Cela prenait au moins tout son sens.
Mlle. Chabashira —Concernant les téléphones portables, ils seront toujours accessibles sans problème durant le séjour avec les règles habituelles : les appels entre élèves de 1ère et la composition de numéros d’urgence sont autorisés. Les communications avec la famille ou toute autre personne extérieure sont interdites. L’historique de vos appels est contrôlé par l’établissement, alors faites bien attention.
Alors nous savions tout ce qui était à savoir. Difficile de croire que simplement connaître autrui était le thème de ce voyage. Peut-être fallait-il considérer ça comme une étape stratégique pour la suite.
Chabashira-sensei continua à parler du voyage scolaire, mais le point le plus important et le plus inhabituel était la création des groupes mélangeant tous les élèves de 1ère.
En dehors de cela, venait également la question de l’argent. Après tout, nous n’avions que des points privés, donc comment effectuer des achats dans le monde extérieur ?
Il nous fallait passer par un système permettant de convertir des points privés en argent à l’avance, ici au lycée. Sur place, il allait être possible d’être dépanné jusqu’à 10 000 yens maximum via le système de change.
Enfin, pour ceux à qui il resterait de l’argent, il allait être possible de l’échanger de nouveau contre des points privés une fois de retour au lycée.
En considérant ce dernier point, je trouvais donc pertinent d’échanger dès le départ, pas mal de points privés en argent.
3
Quand l’heure du déjeuner arriva, je partis déjeuner avec Kei, comme d’habitude. Mais, cette fois-ci, les invités étaient nombreux.
Satô — C’est comme un double rendez-vous, hein, Ayanokôji-kun ?
Avec une pointe d’embarras, elle murmura la chose en se tenant à côté de moi.
Karuizawa —Heyyyy Maya-chan ! Ce n’est pas quelque chose à dire à Kiyotaka !
Nous marchions pendant que les filles étaient engagées dans une conversation à la fois amicale et mouvementée.
Satô — C’est la première fois que je vais à Hokkaido, tu sais. Kiyotaka, tu y es déjà allé ?
Moi — Non, jamais.
Provenant de la white room, j’ai peu visité le monde. Pas Hokkaido en tout cas. La seule chose que je savais de cet endroit était qu’il y faisait extrêmement froid, sans compter les quelques trucs vus à la télé ou dans les manuels scolaires. Finalement, la conversation porta sur le voyage.
Satô — Les voyages au lycée sont toujours aussi sympas ? On a quand même plein de temps libre !
Moi — J’ai été surpris aussi. Je m’attendais à ce qu’on nous laisse une heure ou deux par jour.
Karuizawa — Genre on va pas s’en plaindre ! C’est toujours mieux que de s’endormir au musée ou écouter un guide parler.
Yôsuke rit de cette réaction, et Satô hocha également vigoureusement la tête pour signifier son accord. Me concernant, ça ne m’aurait pas déplu. J’avais peur que l’on passe à côté du voyage scolaire si les journées n’étaient pas cadrées.
Hirata — Je suis un peu inquiet pour les groupes. Je pense que ce voyage insiste sur la socialisation et la découverte de l’autre, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il y aura autre chose.
Moi — En dehors de s’entendre ?
Yôsuke hocha la tête, et me regarda comme s’il attendait une réponse.
Moi — Tant que nous nous battons pour monter en classe A, les sentiments comme la pitié n’ont normalement pas leur place.
Hirata — Oui, je suppose que c’est ta façon de voir les choses !
Cela devait être compliqué pour Yôsuke, qui à la fois aimait s’entendre avec tout le monde mais en même temps prenait le risque d’être proche d’ennemis.
Hirata — J’ai un peu peur. J’ai peur de rencontrer des gens d’autres classes qui doivent, pour une raison ou une autre, eux aussi monter en classe A. J’ai peur de connaître leur situation et d’être proches d’eux.
Satô — Hmm… Je crois que je comprends aussi ce que tu dis, Hirata-kun. C’est de l’empathie.
D’une façon ou d’une autre, Satô se mit à la place de Hirata.
Karuizawa — De mon côté, c’est ma montée en classe A qui compte plus que tout. Est-ce que je suis froide ?
Kei elle-même ne l’entendait pas de cette oreille. Ce n’était pas de la froideur, c’était l’opinion réelle de la majorité des gens.
Hirata — On ne connait jamais vraiment quelqu’un. Surtout quand on se fréquente qu’à un endroit précis pendant une durée précise : tout le monde porte un masque, on n’est jamais vraiment soi-même en cours.
Les sentiments d’amour et de haine étaient un fardeau.
Satô — Supposons qu’il y ait un élève d’une autre classe qui doive être impérativement diplômé en classe A, comme l’a dit Yôsuke. Peut-être même qu’il pourrait se suicider s’il se loupe…
Karuizawa — Hmm ? T’abuses !
Moi — Elle exagère, bien entendu. Mais dans les faits ce n’est pas non plus délirant comme scénario.
Nous ne sommes pas tous égaux devant les épreuves de la vie.
Moi — Poussons-même le vice… La vie d’un élève est en jeu, et à toute la classe on a plus de 20 000 000 de points privés. Que ferait quelqu’un comme Yôsuke, altruiste ? Ces points sont une assurance importante, peut-on se payer le luxe de s’en passer au détriment de nos camarades ?
Satô — Eh… C’est…
Moi — Combien de gens seraient réellement prêts à sauver quelqu’un ? La plupart feraient sûrement semblant d’être d’accord, en surface.
Si quelqu’un comme Yôsuke voulait aider, les gens de la classe suivraient par pression sociale. Pour ne pas être l’idiot du village. Difficile donc de réellement savoir ce que les gens désirent vraiment au fond d’eux.
Moi — J’ai un peu exagéré, mais connaître son ennemi est aussi un désavantage.
Karuizawa — Alors pourquoi l’école essaie-t-elle de faire en sorte que…
Comme si elle avait fait le tour de la question, elle s’arrêta net.
Hirata — D’une manière ou d’une autre, dans le futur… Cela pourrait être lié à un examen spécial ou quelque chose comme ça, peut-être…
Karuizawa — Ouais, je suppose que c’est logique.
C’était sûr que, en l’état actuel des choses, nous n’étions pas trop préoccupés par le sort des autres classes. Plus ils avaient d’expulsés, y compris des gens que nous pouvions apprécier, mieux c’était dans notre objectif de classe A.
Hirata — Cette liste, ainsi que le voyage scolaire, sont peut-être des briques pour le futur examen final de l’année.
Satô — La galère… Je flippe si c’est ça.
Hirata — Idem. J’ai vraiment un mauvais pressentiment.
Yôsuke et Satô comprirent l’ampleur des éventuels futurs ennuis qui pouvaient nous attendre.
Difficile de savoir s’il allait être question d’expulsion, mais l’examen allait certainement être encore plus corsé que l’an passé.
Après les cours et l’engouement autour du voyage scolaire un peu passé, une certaine personne voulait me voir. Par message, on avait décidé de se retrouver sur un banc près du centre commercial Keyaki. Kei devait traîner avec Satô et d’autres filles au dortoir. Je pouvais juste ignorer le message. M’enfin, l’horaire me convenait, et j’étais curieux. Ainsi je me dirigeais donc vers l’endroit convenu.
Avec dix minutes en avance, je décidai de patienter assis. L’horaire étant celui de sortie de cours alors je vis les élèves défiler près du centre commercial. Je trouvais tout de même le lieu de rendez-vous surprenant. Peut-être était-ce pour me mettre en confiance ? Non, ce n’était pas trop le genre de cette personne. De même que prévenir à l’avance n’était pas son genre. Était-elle malade ou plusieurs personnes étaient concernées ?
Dès lors, je continuai à observer la foule d’élèves qui se dirigeait vers le centre commercial Keyaki, mais… l’heure arriva, et je ne vis toujours personne. Quelques minutes de retard n’était en tout cas pas dramatique.
Amasawa — Yoo-hoo~
Alors que je tuais un peu le temps sur le net, j’entendis sa voix. En regardant de haut en bas, je reconnus Ichika Amasawa. Nanase, qui venait d’une autre classe, se tenait également à côté d’Amasawa. Contrairement à Amasawa qui sourit, Nanase eut l’air surprise.
Après m’avoir salué et approché, elles se rapprochèrent.
Amasawa — Je t’ai fait attendre.
Moi — Nanase t’accompagne ?
Comme il n’y avait pas moyen de l’ignorer, je la saluai formellement.
Nanase — En effet, oui. Je m’excuse de ne pas avoir prévenu.
Moi — Ne t’en fais pas. C’est juste que je m’attendais à une discussion en tête-à-tête avec Amasawa.
Amasawa apporta quelques précisions.
Amasawa — La raison pour laquelle j’ai fini par être en retard est que Nanase-chan m’a arrêtée.
Elle désignait Nanase comme responsable.
Amasawa — En plus, elle a insisté pour me suivre. Je suppose qu’elle voulait vraiment te voir, senpai…
Moi — C’est vrai ?
Nanase — Ah, non…
Étonnée, Nanase démentit les paroles d’Amasawa.
Nanase — Je suis venue parce que j’étais curieuse du comportement d’Amasawa-san. Je ne savais pas que vous aviez convenu de vous voir.
Amasawa — Je ne te l’avais pas dit ?
Nanase — Oui, partiellement. Mais nous étions déjà devant le fait accompli quand tu as communiqué là-dessus.
Amasawa — Ahahaha, je suppose que oui.
C’est pour ça qu’elle semblait nerveuse quand on se regardait dans les yeux. Je continuai à les voir s’expliquer. Nanase n’avait toutefois pas l’air de vouloir partir, donc il y avait forcément quelque chose. Pour l’instant, je laissais Nanase de côté et concentrais mon attention sur Amasawa.
Moi — J’ai entendu dire que tu séchais pas mal ces derniers temps.
Amasawa — Tu m’as l’air bien renseigné. Tu me stalkes ? Remarque, si c’est toi je suis d’accord…
Amasawa ne venait plus en cours depuis la fin du festival culturel. Et ce n’était sûrement pas à cause d’un rhume.
Nanase — Je suis celle qui a tenu Ayanokoji-senpai au courant.
Amasawa — Alors c’est toi ma stalkeuse, Nanase-chan ?
Avec une exagération délibérée, Amasawa leva les deux mains.
Amasawa — Une fille, euh… Eh bien, c’est l’ère de la diversité, n’est-ce pas ? Et Nanase est mignonne quand j’y pense… Pourquoi pas !
Nanase — Je te prie d’éviter ces propos tendancieux.
Contrairement à Amasawa très excitée, Nanase était stoïque.
Nanase — C’est pour cela que j’ai persisté à te suivre Amasawa-san aujourd’hui. Tu n’es plus venue depuis le renvoi de Yagami-kun. Et tu sembles clairement bien portante, ce qui n’a pas manqué de confirmer mes doutes.
Il était naturel d’être méfiant quand un élève de la White Room apparaissait subitement. En parlant de Takuya Yagami… il ne faisait aucun doute qu’Amasawa et lui avaient fréquenté la White Room en même temps. Elle devait se sentir proche de lui.
Nanase — D’autant plus que j’ai su que tu rencontrais Ayanokoji-senpai. Il n’y avait donc plus moyen de reculer.
Amasawa — Tu es un peu le chevalier servant de senpai, hein ?
Nanase — Disons qu’en l’état actuel, tu es assez imprévisible.
Cela ressemblait à tout point en une coïncidence, mais Nanase devait sûrement y penser de son côté également. Il était difficile de croire qu’Amasawa n’avait aucune idée en tête en se pointant à l’école après tout ce temps.
Amasawa — Je vois…
Amasawa semblait joviale, mais elle changea d’un coup d’expression.
Amasawa — C’était perturbant. Je croyais pouvoir aller de l’avant.
Moi — Pourtant tu es encore là. Donc, quelque part, c’est ce que tu m’as l’air de faire non ?
À cette question, le sourire sur le visage d’Amasawa disparut discrètement et immédiatement. Je pouvais le voir à ses yeux.
Amasawa — Senpai, pourquoi n’as-tu pas fait en sorte que je m’en aille aussi ? Je pense que tu aurais pu facilement réussir à me faire expulser avec Takuya, mais…
Moi — Disons que ta priorité était de profiter de cette vie scolaire plutôt que de me faire expulser. En tout cas c’était ma conclusion.
En réalité, c’était peut-être pareil pour Yagami. Mais nous n’avions jamais réellement eu l’occasion de discuter franchement. Qui sait, peut-être que je l’aurais aidé à rester sinon.
Amasawa — Malgré ce que tu penses, senpai, je n’ai pas encore trouvé de réponse. D’un côté je pense que je n’ai plus ma place à la White Room, de toute façon. Et le temps passe, le temps passe.
Après avoir dit cela, elle se mit à rire d’elle-même. Autrement dit, elle n’avait pas toujours pas décidé si elle allait ou non s’en prendre à moi.
Moi — Pourtant, tu as trouvé une sorte de voie auquel cas, tu ne m’aurais pas fait venir ici.
Amasawa — Eh bien, c’est vrai. S’il est possible pour moi de rester ici alors pourquoi pas. Je ne pourrai pas retourner à la White Room et je n’ai aucune idée de l’endroit où se trouvent mes parents. Je n’ai pas envie d’en être réduite à trouver un job à mi-temps pour vivre car ce sera plus que difficile au vu de ma situation.
En effet, se retrouver à la rue signifiait lutter pour sa survie alors que rester dans cet établissement était la garantie d’avoir un rythme de vie cadré jusqu’au diplôme. Et puis à la fin du lycée, nos points privés restants étaient rachetés d’après ce que j’avais entendu, à hauteur de la moitié de leur valeur, ce qui était tout de même une somme considérable. Cette somme pouvait servir à nous aider le temps de trouver un emploi. Il y avait aussi l’option qu’elle ne considérait pas, celle de retrouver ses parents. Mais si la White Room la déclarait comme déserteur, qui sait comment elle allait être traitée.
Tout dépendait aussi de ses parents. S’ils étaient riches, célèbres et influents, il y avait plus de chances que la White Room la laisse tranquille. Une deuxième condition était que ces derniers accordent de l’importance à leur fille, Ichika. Si ces deux critères étaient remplis, il y avait moyen pour Amasawa de commencer une vie normale. Peut-être déconcertée par mon silence, Amasawa s’exprima avec une petite voix.
Amasawa — Je vais rester ici si cela ne te gêne pas, Ayanokôji-senpai…
Moi — Et si je te demande de partir ?
Amasawa — Je quitterai alors le lycée sans tenter quoi que ce soit.
L’insistance, la colère, ou peut-être la pitié, je m’interrogeais vraiment sur sa potentielle réaction.
Moi — Tu m’as l’air sûre de toi. Tu ne veux pas venger Yagami ?
Amasawa — Je n’ai pas l’intention de te causer plus de problèmes.
Elle avait réussi à venir ici après avoir trouvé sa conclusion, en quelque sorte.
Moi — Dire ça ne te ressemble pas Amasawa-san. Tu es du genre sournoise.
Amasawa — C’est exact. C’est juste un traitement de faveur pour toi, Ayanokoji-senpai. Je ne compte en revanche pas faire de cadeaux aux autres dans le futur.
Elle m’avait l’air sincère. Amasawa tenait en haute estime Yagami qui était du même groupe qu’elle à la White room. Il était fort probable que les personnes liées à l’expulsion de Yagami deviennent ses cibles désormais.
Moi — Je n’ai aucune raison de m’opposer à toi. Si tu veux rester ici, alors tu peux faire ce que tu veux.
Je ne pouvais pas jauger à quel point je l’avais encouragée, mais elle détendit ses joues, visiblement joyeuse.
Amasawa — Alors ma force est si insignifiante comparée à la tienne que tu ne te sens pas menacé par moi ?
Moi — Ce n’est pas ça. J’ai moi aussi décidé de rester dans ce lycée envers et contre tout. Il est donc normal que je veuille te soutenir. Tu as pris la même décision.
Qu’elle soit une ennemie ou une alliée était une autre histoire. Bien sûr, je ne pouvais pas l’ignorer si elle finissait par devenir un obstacle à mes plans. Mais j’espérais qu’elle avait bien compris à quoi s’en tenir après le cas Yagami.
Amasawa — Je vois…
Nanase — Si tu parles vraiment avec ton cœur, Amasawa-san, alors je te soutiendrai aussi.
Nanase avait l’air toujours vigilante, mais elle répondit ainsi.
Amasawa — Oh, j’ai un peu d’eau dans les yeux, qu’est-ce que c’est, je me le demande….. Je n’ai jamais ressenti ça avant.
Nanase — Je ne vois pas de larmes, néanmoins.
Amasawa — Ahah, c’est bizarre. Je suis très émue…
Elle était fidèle à elle-même, même si elle semblait essayer de garder la face.
Moi — Tu ne veux peut-être pas parler de ça, mais quel genre de type était Yagami ?
Nanase — Je suis moi aussi curieuse. Pourquoi s’est-il donné tant de peine pour faire expulser Ayanokôji-senpai ?
Pourquoi avait-il blessé Shinohara et son groupe malgré les risques ? Pourquoi avait-il poussé à l’expulsion d’un élève de la 2nde C n’ayant aucun lien avec moi ? L’affaire Yagami avait fait beaucoup de bruit. Quant à Nanase, j’étais persuadé qu’elle voulait en savoir plus.
Amasawa — C’est vrai…
Elle fit semblant d’y réfléchir pendant un moment, mais commença à parler sans attendre.
Amasawa — Je pense que Takuya a eu peur. Peur de t’affronter. Lui-même n’en avait sûrement pas conscience.
Amasawa, qui connaissait sûrement Yagami mieux que quiconque, fit cette analyse. Je décidai donc de la croire. Par peur il fit des détours, pour finir par creuser sa propre tombe.
Amasawa — Je pense qu’il faudra encore un peu de temps avant qu’il ne redevienne comme avant. Mais il devrait réussir à passer à autre chose.
Il n’était pas nécessaire de se forcer et de se précipiter. La vie scolaire d’Amasawa avait commencé il y a à peine un an. Elle avait encore le temps de trouver un nouvel objectif ici.
Amasawa — Je pense que j’ai fait le tour… Je vais donc rentrer chez moi. Et toi, Nanase ?
Elle semblait sous-entendre lui demander si elles rentraient ensemble mais Nanase fit un signe de tête.
Nanase — Je suis navrée, mais j’aimerais également m’entretenir avec senpai. Si cela ne te dérange pas ?
Amasawa — Je vois. Je te le prête exceptionnellement.
Je n’étais pas certain, mais je suppose qu’elle se retenait pas mal, par fierté. Sans s’attarder trop longtemps dans cet endroit, Amasawa se dirigea vers le dortoir. Nanase et moi la regardions partir ensemble, en silence, jusqu’à ce qu’elle disparaisse. L’expression dure de Nanase regardant Amasawa s’éloigner était terrifiante.
Nanase — Que penses-tu de ses paroles, de son comportement et de sa gestuelle ?
Moi — Qu’est-ce que tu veux dire ?
Nanase — J’admets avoir toujours beaucoup d’appréhension à son sujet. Rien ne garantit qu’elle ne pose pas de problème à l’avenir.
Moi — Tu ne peux pas lui faire confiance ?
Nanase — Je le voudrais volontiers. Mais je me dis qu’il est peut-être encore trop tôt pour baisser ma garde.
Donc elle ne lui faisait pas confiance.
Moi — Je ne vais pas être négligent. Je devrais plutôt dire que rien n’a changé. Je suis là pour vivre ma vie de lycéen. Que ce soit de près ou de loin, je ne me laisserai pas influencer par mes adversaires.
Nanase — Je m’inquiète inutilement… N’est-ce pas ?
Moi — Je te suis reconnaissant pour ce sentiment d’inquiétude que tu me portes et je suis heureux de t’avoir comme alliée, vois-tu.
Elle semblait comprendre mes pensées à sa manière, mais Nanase continua.
Nanase —Tu vas très certainement me trouver insistante. J’ai compris, d’après tes dires et tes capacités que tu entrevois éventuellement de réformer Amasawa-san. Mais tâche de garder en tête que tu dois faire preuve de prudence avec elle. Après tout, elle reste une élève de la White Room, donc imprévisible par essence.
Nanase souhaitait que je sois préparé à toutes les situations possibles.
Nanase — Je veux que tu restes ici et que tu sois diplômé, Ayanokôji-senpai.
Sans dire que ça me déplaisait, Nanase semblait plus préoccupée par moi que je ne l’étais moi-même.
Nanase — Si tu as la moindre difficulté, aussi minime soit-elle, n’hésite surtout pas à me demander conseil.
Moi — Je comprends. Je vais en tenir compte.
Nanase semblait finalement satisfaite.
Nanase — Je vais donc disposer.
Nanase, pensant peut-être qu’elle prenait trop de mon temps, commença à se diriger vers le dortoir. Malgré une attention répétée à l’égard d’Amasawa, quelque chose m’interpella. Je décidai donc de creuser un peu pour en avoir le cœur net.
Moi — J’ai oublié de te dire, mais le voyage scolaire est cette semaine.
Nanase — Oh, je vois. Senpai, s’il te plaît, profite autant que tu le peux. Les voyages scolaires sont le véritable charme de la vie scolaire !
Moi — C’est bien mon intention.
C’était étrange. Était-ce vraiment tout ce qu’elle avait à me dire ?
Moi — Voudrais-tu que je te rapporte quelque chose ?
Je retenais Nanase, prétextant de parler du voyage scolaire.
Nanase — Quelle est la destination, au fait ?
Moi — Nous allons à Hokkaido.
Nanase — Hé bien… Hokkaido, hein ? Si telle est la destination… Peut-être du beurre ?
Moi — Du beurre ? C’est étrange comme cadeau !
M’enfin, si vraiment c’est qu’elle voulait… J’allais lui exaucer son souhait.
Nanase — Ah, alors pourquoi pas des chips au chocolat ? Il me semble que c’est un produit réputé dans la région.
Moi — Peut-être…
La conversation devint encore plus étrange.
Moi — Eh bien, si je trouve ça je te les achèterai !
Nanase — Merci beaucoup.
Nanase était sur le point de repartir, mais je l’arrêtai à nouveau.
Moi — Je peux te demander quelque chose ?
Nanase — Je t’en prie.
Amasawa, le voyage scolaire… Une personne lambda n’aurait sûrement pas vu le lien entre les deux sujets, mais Nanase pouvait certainement. En fait, c’est le contraire qui aurait été surprenant.
Moi — Nous avons beaucoup parlé d’Amasawa et du voyage scolaire…
Nanase — Hmm ?
Moi — Tu ne comprends toujours pas ?
Juste après avoir dit cela pour essayer de la faire réfléchir, le doux sourire sur le visage de Nanase s’effaça en un instant.
Moi — Cette école est un établissement strictement sécurisé qui est protégé du monde extérieur 24h/24. Ils ont dû infiltrer quelqu’un comme Tsukishiro pour essayer de m’expulser. Avec le voyage scolaire, il y aura de nombreux moments où aucun professeur ne nous surveillera, des moments où nous devrons être encore plus prudents que lorsque nous étions sur l’île déserte.
Nanase — C’est vrai, les risques doivent y être plus grands surtout si Amasawa décide d’agir à ce moment.
Moi — Si tu connais ces gens, tu peux imaginer qu’ils utiliseraient des méthodes sympathiques comme me faire monter de force dans une voiture. C’est sympa de te soucier d’Amasawa, mais si tu t’inquiétais vraiment pour moi, ne me dirais-tu pas de faire attention sur place ?
Elle surveillait Amasawa en se cachant derrière son caractère imprévisible. Jusqu’à l’accompagner quand elle refit surface. Peut-être avait-elle anticipé qu’elle allait me contacter. Enfin, une fille aussi méticuleuse que Nanase était forcément consciente du danger potentiel d’un tel voyage.
Nanase — Tu as vaincu Yagami-kun et Amasawa-san. Je n’ai pas à m’en faire pour toi.
Moi — Pourquoi me mettre en garde de façon insistante contre elle, alors ? C’est étrange. Si tu penses vraiment ce que tu dis, tu n’avais pas à venir « garder un œil sur elle ». Après tout, Amasawa est seule ici, contrairement au monde extérieur où je pourrais être agressé par n’importe qui.
Nanase était confuse. Elle était sur le point de parler… Mais rien ne sortit.
Moi — Tu ne trouves pas d’excuses ?
Nanase — Que dis-tu ? Je pense qu’il y a un malentendu, Ayanokôji-senpai.
Elle fut clairement agitée, mais Nanase réussit à se calmer.
Moi — C’est peut-être un malentendu. Si c’est le cas, malgré ton inquiétude pour Amasawa et ta sollicitude à mon égard, pourquoi n’as-tu rien dit sur le voyage scolaire ?
Nanase — C’est embarrassant, mais peut-être mon anticipation était insuffisante. En effet, je n’avais pas envisagé ce point-là.
Donc Nanase prétendit avoir été simplement limitée. En effet, si telle avait été le cas, la tournure qu’a prise la conversation était logique. Mais je n’aurais pas cru ça pour un million.
Moi — Il y a autre chose que je me suis toujours demandé. Il s’agit de la relation entre Tsukishiro, les élèves de la white room et toi. Tu devrais avoir reçu plusieurs instructions de Tsukishiro, mais pourquoi ne m’as-tu jamais rien fait savoir de concret ?
Nanase Tsubasa fut utilisée par Tsukishiro. Elle avait suivi ses ordres pour venger Matsuo. Pour commencer, elle ne m’avait jamais rien dit ne serait-ce que sur l’identité des élèves de la White Room.
Nanase — Peut-être parce que… Je ne suis qu’un individu ordinaire ? Loin de ce groupe exceptionnel de la White Room, il est logique qu’on ne me fasse pas tout à fait confiance.
Moi — Au début, je n’avais pas considéré Tsukihiro comme une menace. À tort. Cet homme aurait vraiment pu me faire partir.
J’ai même fini par penser qu’il s’était retenu, pour une raison X ou Y.
Nanase — En fin de compte, tu n’as pas été expulsé. N’est-ce pas parce que tes capacités ont surpassé celles du proviseur Tsukishiro ?
Moi — Vraiment ?
Autrement dit, les choses n’étaient peut-être pas aussi simples.
Moi — Après coup, je pense que tu as une raison cachée qui te fait craindre plus Amasawa que les dangers du monde extérieur.
Nanase — Mon manque de jugement en est la cause. Ou peut-être as-tu une autre hypothèse ?
Moi — Parce que tu ne peux en effet pas prédire ce que va faire Amasawa, mais que tu es au courant que la White Room n’a rien prévu au cours de ce voyage scolaire ?
S’il n’y a aucune chance qu’ils me fassent la guerre et qu’elle le sait, alors il était naturel que Nanase ne s’inquiète pas.
Nanase — Je suis confuse. Serais-je donc certaine que tu ne risquerais rien au cours de ce voyage ?
Moi — C’est ce que je suis en train de te demander, justement.
Nanase — Après avoir discuté avec toi, je comprends les dangers du voyage scolaire. Alors, en effet, Amasawa-san présente un danger mineur en comparaison.
Peu importe combien de fois nous en parlions, elle prétextait toujours avoir simplement manqué de jugeote.
Moi — Je peux te demander autre chose ?
Nanase — Bien sûr, je t’en prie.
Moi — Tsukishiro n’a jamais eu l’intention de m’expulser… C’est mon hypothèse.
Ce scénario exigeait pas mal de concordances, mais dans un même temps il expliquait pas mal de choses.
Nanase — Ça alors ! Pour une hypothèse… Comment expliques-tu la présence d’Amasawa-san ou de Yagami-kun ? Nous avons compris, d’après la conversation avec Amasawa-san, que Yagami-kun en particulier voulait t’expulser
Moi — Si nous supposons qu’Amasawa et Yagami étaient sincères parce qu’ils n’étaient pas informés du véritable objectif des têtes pensantes, alors tout colle.
Nanase — Mais qu’en est-il du proviseur Tsukishiro ? Il n’a tout de même pas été tendre envers toi.
Moi — Pour parler franchement, je pense que j’aurais normalement dû être expulsé à l’heure qu’il est.
Il ne manquait pas de cordes à son arc pour me harceler et en finir.
Nanase — Je comprends le raisonnement. Peut-être y avait-il autre chose. Mais pourquoi suis-je concernée, d’un coup ? Je ne veux pas être considérée comme ton ennemie juste parce que je n’ai pas pensé aux dangers du voyage scolaire.
Moi — Alors, qu’en est-il du festival culturel ? J’ai été approché par des personnes liées à la white room, pourtant tu n’es pas venue une seule fois. Là aussi c’était par manque de jugement ?
Nanase — …Que…
Moi — Étais-tu simplement trop occupée avec le programme de ta classe pour que tu en oublies tout le reste ?
Nanase — Non, c’est faux. Umm, bien sûr que j’étais inquiète. Je t’ai même observée de temps à autre, et…
Moi — Tu es sûre ? Je vais finir par te demander où et quand tu me regardais !
Peu importe quel genre de personne Nanase était, elle devrait me connaître suffisamment bien pour savoir que ce petit numéro n’allait pas fonctionner avec moi. Je me souviens encore en détail des événements du festival culturel.
Moi — Lors du festival culturel, ils se sont contentés de me demander de partir de moi-même. Voilà pourquoi tu ne t’es pas manifestée.
Tout en essayant de garder ses émotions sous contrôle, Nanase respirait doucement.
Moi — La White room n’a jamais eu l’intention de m’expulser, ni au festival culturel, ni lors du voyage. Non, ils n’avaient pas un tel plan depuis le début. Si cette hypothèse est correcte, alors ta présence est on ne peut plus suspecte, Nanase.
Nanase — ……
Moi — Matsuo s’est-il vraiment suicidé ? Son fils, Eiichirô, est-il vraiment mort ? Je te croyais sur parole car tu semblais toi-même marcher sur des œufs. Mais le fait que ta présence semble si calculée te fait perdre toute crédibilité.
Tout ce que nous avons partagé sur l’île déserte, le fait que nous soyons passés d’ennemis à alliés… Tout ça était remis en cause.
Nanase — Tout est réel, Ayanokôji-senpai. Bien que je suppose que tes doutes ne seront pas dissipés si facilement.
Pour savoir si c’était vrai, je devais jeter un coup d’œil à une copie officielle du registre des familles. Bien sûr, en supposant que la White Room n’avait rien falsifié. Ils avaient le bras si long.
Nanase — En conclusion, selon cette hypothèse, quelle est la raison pour laquelle je suis venue dans cette école ? Cela n’a aucun sens.
Moi — Non, il y a une explication. Si tu m’as aidé, alors il y a quelque chose. Tu es censée me soutenir dans le cas improbable où je serais sur le point d’être expulsé par les élèves de la White Room, Yagami et Amasawa. Je pense à la façon dont nous sommes entrés en conflit sur l’affaire Matsuo ; la réconciliation qui a suivi pouvait tout à fait être un moyen de me faire baisser ma garde.
« Ils se sont battus en tant qu’ennemis et sont devenus alliés ». Selon le temps et les circonstances, la confiance peut se construire très rapidement.
Moi — C'est exactement ce qu'Amasawa disait à propos du rôle de chevalier servant.
Tsukishiro donna au groupe de Nanase, Yagami et Amasawa la tâche de m’expulser. Il donna à Nanase la consigne de prétendre être une ennemie, pour jauger mes capacités, puis de devenir une alliée. Histoire de rendre son rôle encore plus authentique, le degré d’information auquel elle avait accès pouvait être réduit.
Moi — C’est juste une hypothèse. En vérité, il était possible qu’ils aient vraiment tout tenté pour m’expulser. En tout cas, de mon côté, cela ne change pas grand-chose : si j’ai vu juste, tu es une simple alliée, dans le cas contraire tu es une véritable alliée.
Les deux facettes d’une même pièce… Non, carrément les deux faces étaient identiques ici. La question était « pourquoi ? ». Si elle n’était pas là pour m’expulser, alors que faisait-elle ici ? Quel était son véritable objectif ? Quid de la Mort de Matsuo ou de celle de son fils… Que tout cela soit vrai ou faux, il n’empêche que cela avait pu avoir une véritable incidence sur le déroulement des évènements jusqu’à mon inscription dans cette école.
Nanase — Peu importe ce que je dis maintenant, tu ne l’accepteras certainement pas si simplement Ayanokôji-senpai, n’est-ce pas ? Ma seule option est de dissiper tes doutes au fil du temps.
Moi — Je ne sais pas s’il y a un moyen de dissiper mes doutes ou non, mais je suppose que tu as raison. En fait, tu n’as qu’à agir comme d’habitude.
Nanase — Cela me paraît… difficile.
Elle inclina rapidement la tête, avant de commencer à s’éclipser.
Nanase était différente des élèves de la White Room, à bien des égards. Elle n’avait tout d’abord pas les mêmes capacités physiques. Son niveau académique pouvait ne pas être un bon indicateur. Mais, surtout, en considérant la réflexion, elle semblait un cran en dessous d’Amasawa et des autres.
Toutefois, j’étais persuadé qu’il y avait encore autre chose que je ne savais pas sur Nanase. Elle avait quelque chose à apporter, j’en avais l’intime conviction.
5
Après 19h, quand le soleil se coucha complètement, Sudou me rendit visite.
Sudou — Désolé de faire irruption sans prévenir. …Hmph, hmph… Curry aujourd’hui ?
Sudou murmura ainsi en reniflant l’odeur du dîner, qui avait atteint la porte d’entrée. Soudainement, il regarda les deux chaussures alignées à l’entrée.
Sudou — Il y a quelqu’un ici ?
Moi — Oui, je préparais du curry pour le manger avec Kei.
Sudou — Karuizawa, eh… ?
À ma réponse, la porte menant au salon s’ouvrit et Kei, dans ses vêtements décontractés, pointa le bout de son nez.
Karuizawa — Ma présence pose un problème ?
Sudou — Non, bien sûr que non. Mais vous êtes toujours fourrés ensemble ou quoi ?
Vu sa réaction, il s’était permis de rentrer car il pensait que j’étais seul.
Karuizawa — Bien sûr, nous sommes en couple je te rappelle.
Sudou — Je suppose que c’est pas difficile d’imaginer un couple ensemble H24 ?
Sudou avait failli objecter mais se résigna dans sa réponse, comme s’il avait déjà imaginé plusieurs couples qu’il connaissait. Ike et Shinohara s’affichaient souvent en public ces derniers temps en se tenant la main. On voyait même Shinohara s’asseoir sur les genoux d’Ike sans se soucier des gens autour. De mémoire, ils avaient même prévu d’aller au karaoké ensemble.
Moi — Tu as l’air d’être revenu du basket, Sudou.
J’avais l’impression qu’il retournait toujours chez lui à cette heure-là.
Sudou — Je n’ai pas de meuf tu vois. J’ai que le basket pour moi.
Je ne savais pas trop comment répondre à ça.
Sudou — En tout cas désolé d’interrompre votre repas, mais t’as une minute à m’accorder ? Ça ne va pas durer.
Vu qu’il avait regardé les chaussures en rentrant, cela m’avait mis la puce à l’oreille qu’il voulait me parler en privé.
Moi — Tu peux commencer sans moi.
Karuizawa — Ah… Je vais attendre. Il a dit que ça allait pas durer, non ?
Lorsqu’on lui demanda la chose de nouveau, Sudou réfléchit un moment, mais il répondit que cela prendrait moins de 5 minutes. Satisfaite, Kei ferma la porte de la chambre. J’ai mis mes chaussures et sortis dans le couloir avec Sudou. Quel que soit le sujet, il était impensable que Kei ne divulgue quoi que ce soit mais cela devrait être plus rassurant pour lui que l’on soit en tête-à-tête.
Sudou — Ayanokôji, tu… Hé bien, comment te dire ça ? Umm… Tu vois… déjà… avec Karuizawa ?
Il s’exprima de manière confuse.
Moi — Je laisse ça à ton imagination.
Sudou — Wow… C’est pas un aveu, là ?
La façon dont il interprétait la chose ne me concernait pas.
Moi — Alors ? Accouche, qu’est-ce que tu veux ?
Sudou — Oh, oh, c’est vrai. Tu as l’air de bien t’amuser récemment mais j’ai pas le temps de m’inquiéter pour ça de toute façon.
Secouant la tête pour s’éclaircir les idées, Sudou regarda autour de lui.
Sudou — En fait, ces derniers temps, Onodera me demande de passer du temps avec elle et je… sais pas vraiment comment réagir.
Il avait l’air assez préoccupé. Les mots que j’avais prononcés au festival pesaient donc sur lui jour après jour. J’avais ainsi le devoir de l’écouter avec une oreille attentive et de l’aider aussi sincèrement que possible.
Moi — Depuis le festival sportif, je n’ai pas l’impression qu’Onodera ait changé d’attitude. Peut-être que c’est toi qui la vois autrement maintenant, d’où ce malaise.
Quant à Onodera, elle pense que Sudou n’a pas réalisé ses sentiments. En surface, cela ressemblait seulement à une invitation banale.
Sudou — Ouais, peut-être.
Il se gratta la tête, toujours agité. La chose qui me frappait en premier en tout cas était le fait que nous parlions d’Onodera depuis un petit moment. Je me demande ce qu’il pensait d’elle. II ne devait la voir que comme une bonne amie et une athlète de sa trempe. S’il savait qu’Onodra l’aimait, alors il était compréhensible qu’il soit confus. La conversation avec Sudou s’arrêta soudainement. Il y eu environ dix secondes de silence.
Moi — Alors ? Tu veux me dire quoi ? Je pense qu’il y a plus que ça.
En le poussant comme ça, Sudou trouva le courage de recommencer à parler.
Sudou — Quand je suis avec Onodera comme ça, tu sais… je ressens un truc bizarre. Si on commence à sortir ensemble, je pourrais avoir ma première petite amie, et ce serait bien puisque Suzune compte m’ignorer de toute manière. Je ne sais pas si je suis objectif, mais Onodera est plutôt mignonne aussi en tout cas.
Elle et Sudou allaient en tout cas très bien ensemble. C’était même la meilleure combinaison possible au vu des personnalités de notre classe.
Moi — Tu n’as pas à te sentir mal en fait. La première chose qui nous attire dans le sexe opposé est le physique. Ça va dans les deux sens.
Cela dit, nous ne pouvons pas tous nous reposer sur nos lauriers. Sudou luttait avec ses sentiments.
Sudou — Peut-être… Et puis, je pense à un autre truc. Peut-être qu’elle me considère simplement comme un ami et que tu as tort ? Dans ce cas, je me sentirais mal de penser que je lui plais tu vois alors que c’est faux.
Onodera ressentait très certainement quelque chose pour Sudou. Cependant, il est vrai que je n’avais aucune preuve ce que j’avançais. Si ça se trouve elle était sur quelqu’un d’autre.
Sudou — Toi aussi tu as dû lutter, hein ? Karuizawa sortait avec Hirata avant.
Moi — Et bien, tu as raison.
La réalité était complètement différente mais je ne voulais pas dévier du sujet.
Sudou — J’ai peur qu’Onodera se déclare à moi.
Moi — Que ferais-tu, si elle le faisait maintenant ?
Sudou — Aucune idée… Non…En fait je n’accepterai pas.
Moi — Alors que tu peux être heureux avec Onodera ?
Sudou — Je l’aime bien ok mais j’aime aussi Suzune.
C’était l’une des certitudes qu’il avait actuellement.
Sudou — Rien que d’imaginer la peine qu’elle aura si je la rejette, me rend un peu amer tu vois.
Moi — Donc tu es venu me voir car tu ne savais pas quoi faire ?
Sudou — Non… C’est quand même mes sentiments alors ça n’a pas de sens que quelqu’un réponde à ma place.
Il n’était donc pas venu chercher de l’aide.
Sudou — J’ai trouvé ma réponse. Je veux avoir ton avis.
Moi — Je t’écoute.
Sudou — Je vais me déclarer à Suzune comme il se doit pendant le voyage scolaire. Je vais vraiment lui demander de sortir avec moi.
Moi — Je vois.
Il ne s’agissait pas de savoir s’il allait avoir ce qu’il voulait. Il voulait juste agir.
Sudou — C’est parce que j’aime Suzune et je ne peux pas imaginer sortir avec quelqu’un d’autre là. Peu importe sa réponse, je veux en avoir le cœur net.
Sudou avait vraiment très rapidement mûri. Il ne faisait aucun doute que Horikita devait également l’apprécier.
Sudou — La probabilité d’avoir un « oui » est peut-être faible et je serai sûrement méga gêné mais voilà…
Pour Sudou, c’était le seul moyen d’aller de l’avant. D’où sa détermination.
Sudou — Et puis je pense pas que son rejet me fera partir sur Onodera. Ça sera même le contraire. Je ne compte pas abandonner et ferai mon possible pour qu’elle accepte mes sentiments.
Après avoir dit ça, Sudou serra les poings.
Sudou — Je suis venu pour que tu sois témoin de ma détermination.
Moi — Témoin ? Attends, tu veux que je sois présent à ce moment-là ?
Sudou — Je sais que c’est pas le genre de scène qu’on montre à des gens extérieurs mais je pense en avoir besoin ?
C’était peut-être le coup de pouce dont il avait besoin pour avoir le courage de se lancer. Il était comme ça obligé de se déclarer sans pouvoir reculer.
Sudou — Je vais lui tendre la main et me déclarer. Si elle accepte alors elle prendra ma main, et…..
Après avoir dit cela, il tendit sa main droite comme s’il faisait une répétition. Nous n’étions pas au moment fatidique mais l’ambiance était déjà chaude. Il allait donc verbaliser ses sentiments à Horikita. En l’état actuel des choses, je ne pouvais pas dire que les chances de succès étaient élevées. Mais qui sait, sa forte détermination et son enthousiasme pourront peut-être avoir un impact. C’est Horikita dont il s’agit donc elle ne s’engagera pas de sitôt dans une romance mais elle accepterait sûrement de commencer par le fréquenter pendant une période donnée avant de s’engager pleinement.
Moi — Je vois. Ça dépendra de l’heure et du lieu, mais je ferai mon possible, ça te va ?
Après avoir dit cela, Sudou tapa sa poitrine comme s’il était soulagé.
Sudou — Franchement, désolé. Te demander un truc comme ça…Hé bien voilà…On se tient au courant et encore désolé de t’avoir dérangé avec Karuizawa.
Disant qu’il ne voulait plus gaspiller mon temps, il partit en direction de sa chambre. Après être revenu chez moi, je trouvai Kei assise sur un coussin et à table. Le curry m’attendait également.
Karuizawa — Re. Vous avez parlé de quoi ?
Moi — …de plein de choses.
Karuizawa — Plein de choses ? Allez, fais pas le mystérieux. Raconte ! Promis, je garderai ça pour moi.
Moi — Je peux te le dire, mais avant ça, tu peux te lever ?
Karuizawa — Hm ?
Je tirai Kei vers ses pieds alors qu’elle inclinait la tête avec curiosité, et je touchai la surface du coussin avec ma main. En le faisant, je ressentis une sensation de froid.
Moi — Tu as donc écouté aux portes.
Karuizawa —… Tu as compris ?
Si elle attendait vraiment assise, le coussin aurait dû être chaud.
Karuizawa — Ma performance était aussi mauvaise ?
Moi — Non, c’était nickel. J’avais juste un soupçon.
Karuizawa — Je vois.
Moi — Si tu voulais vraiment tromper ma vigilance, tu aurais dû ne pas rester statique. Tu aurais pu par exemple chercher à boire dans le frigo. En plus de l’eau, il y a même du lait et du thé.
Karuizawa — Ah… Mais, je n’ai même pas touché au curry, alors ça n’aurait pas été bizarre ? Il y a aussi de l’eau dans ma tasse et je sais que tu serais allé au frigo pour vérifier combien de boissons il reste.
Moi — C’était le minimum pour que la logique du coussin froid soit là. Tu aurais pu finir ton eau par exemple ou la renverser quelque part dans le lavabo avec toute la vaisselle.
Il aurait été difficile de remarquer que de l’eau avait été versée dans la cuisine. Et quand bien même le lavabo aurait été anormalement humide, elle aurait pu utiliser le lavabo de la salle de bain.
Karuizawa — Ce n’est pas important, parlons du voyage.
Essayant de changer de sujet, Kei s’exprima en se penchant en avant. Ça ne servait à rien de continuer à parler de ça alors je ne dis rien de plus.
Moi — Que penses-tu de programme ? Nous avons quand même pas mal de liberté durant notre séjour.
Karuizawa — On dirait bien mais c’est à double tranchant en fait vu qu’on ne peut rester qu’avec son groupe. Les chances que je finisse avec toi sont vraiment faibles, non ?
La probabilité était d’environ 5% si c’était du hasard.
Karuizawa — Par pitié Dieu, laisse-nous être ensemble !
Kei croisa les doigts de ses deux mains et pria le Ciel.
Moi — Même si nous ne sommes pas ensemble, il n’y a aucune restriction au ryokan. Et puis je pense que c’est l’occasion idéale d’en apprendre davantage sur les élèves des autres classes.
Si je me retrouvais dans le même groupe que Kei, nous finirons naturellement par passer tout notre temps ensemble. Je n’allais pas dire que c’était une mauvaise chose mais ce serait clairement du gâchis. Ce n’est pas comme si nous manquions de moments comme celui-ci par exemple.
Karuizawa — On dirait que tu ne veux que l’on soit ensemble.
Moi — Ce n’est pas le cas. Mais il faut que tu profites de cette opportunité rare que l’on se retrouve ou pas dans le même groupe.
Kei avait peut-être déjà compris cela, mais elle ne semblait pas accepter la chose.
Karuizawa — Mais…
Ses joues se gonflèrent sous la colère et elle vint se presser contre moi.
Karuizawa — Si tu n’es pas là, je pourrais mourir de solitude.
Moi — Tu exagères.
Karuizawa — Mais…
Il fallait sûrement que je fasse quelque chose pour motiver Kei.
Moi — Il y a une raison pour laquelle il vaut mieux ne pas être ensemble. Nous sommes à un stade où, pour passer en classe A, avoir des informations sur les autres classes est essentielle. Et c’est l’occasion rêvée d’en apprendre plus sur les gens vu que nous serons en dehors du campus.
Malgré le mécontentement de Kei, je repris la parole.
Moi — Après avoir pris connaissance du programme, j’ai fait des recherches sur Internet. J’ai découvert qu’il était rare d’avoir deux jours libres en voyage scolaire. En réfléchissant un peu, je pense que l’objectif de l’école est de transformer les relations entre classes.
Karuizawa — Pour quoi faire ?
Moi — Je ne sais pas encore mais les infos que l’on pourra obtenir dans ce voyage serviront pour un examen futur.
Karuizawa — Donc tu veux que je rassemble des informations ?
Moi — Tes compétences sont remarquables, tu sais ? S’il y a une opportunité, alors je voudrais que tu la saisisses.
Tandis que je lui caressais les cheveux, son insatisfaction semblait diminuer un peu.
Karuizawa — Ah… Je comprends que tu veuilles mon aide, mais…
Moi — Je compte bien sûr profiter avec toi si on tombe dans le même groupe. Mais au cas où cela ne se produirait pas, ne perds pas ta motivation et essaye d’être utile à la classe.
Karuizawa — Mhm. Si tu le dis… Je ferai un effort pour toi alors.
Après encore quelques caresses, je décidai de changer de sujet.
Moi — À propos de Sudou…
Karuizawa — Ah, par rapport au fait que Sudou-kun va se déclarer à Horikita-san ? C’est assez intéressant je dois dire.
Je ne pensais pas qu’elle mordrait à l’hameçon, mais elle était plus intéressée que je ne le pensais.
Moi — Les filles semblent aimer ce genre de scènes.
Karuizawa — Bien sûr. Mais je pense clairement qu’il se fera rejeter.
Moi — Vraiment ?
Karuizawa — Hé ? Tu crois vraiment qu’il y a un espoir ?
Moi — Je pense qu’il a ses chances. Si on considère le fait qu’ils puissent devenir un peu plus que des amis tout du moins.
Karuizawa — C’est inimaginable ! On va faire un pari tiens.
Moi — Et tu comptes parier quoi ?
Karuizawa — Hmm~. Si je gagne, je demanderai peut-être quelque chose d’un peu cher comme cadeau de Noël.
Après avoir dit cela, elle commença immédiatement à imaginer toutes sortes de choses.
Moi — Je vois. Et que se passe-t-il si je gagne ?
Karuizawa — Alors je ferai ce que tu dis.
Moi — Tu es sûre ? Tu es prête à faire un si gros pari ?
Karuizawa — Ce serait lunaire quand même. On se fiche de Sudou-kun en fait, c’est surtout Horikita-san. Avoir une relation amoureuse ne l’intéresse pas.
Moi — Peut-être bien.
Il est vrai qu’à première vue, Horikita ne semblait pas être du genre à tomber amoureuse. Sans compter que si on lui demandait si elle aimait quelqu’un en ce moment, elle répondrait qu’il n’y avait personne en particulier.
Horikita était encore à un stade où elle apprenait beaucoup. Mais je ne pouvais pas nier la possibilité qu’elle arrive comme moi à entrer dans une relation. Vu que nous parlons de Sudou, Horikita ne partait déjà pas avec une mauvaise impression de lui.
Karuizawa — J’ai hâte d’être à Noël. Je me demande ce que je vais te demander de m’acheter…
Moi — Pendant ce temps moi, je réfléchirai calmement à ce que je te demanderai de me faire.
Karuizawa — Wow, ça fait un peu pervers là !
C’était juste l’imagination de Kei.
[1] 旅館, auberge traditionnelle japonaise.
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