CLASSROOM Y2 V4 : CHAPITRE 2


Tous en cœur, en silence

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Traduction : Colonel Raclette
Correction : Raitei
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La forte pluie s’était abattue jusqu’à l’aube, laissant planer une grande anxiété sur les élèves. Cependant, à 6h du matin, les gros amas de nuages avaient disparu comme s’ils n’avaient jamais existé, peignant le ciel avec le même bleu clair que les jours précédents. Cela dit, la canopée était si épaisse qu’elle bloquait complètement la lumière du soleil à certains endroits, laissant derrière elle un sol vaseux qui mettait du temps à sécher.

Moi — Il faut que je refasse mes stocks de nourriture.

Je commençais progressivement à manquer d’énergie, incapable de maintenir l’apport calorique quotidien nécessaire à un lycéen. N’ayant jamais subi d’entraînement à la famine auparavant, c’était la première fois que je faisais l’expérience d’avoir l’estomac vide pendant une période aussi longue.

Même si je pouvais rester actif en m’hydratant, ce n’était pas vraiment la meilleure routine à adopter. Mon système immunitaire en prendrait un coup et me rendrait vulnérable aux maladies. Je suppose qu’il n’était pas impossible de chasser des animaux sauvages ou des insectes, mais je ne devrais pas en arriver là, sauf si je n’avais pas d’autre choix. On pouvait acheter de la nourriture dans la zone de départ s’il restait des points de provisions, mais ce n’était pas une solution efficace à long terme, et je n’en disposais pas non plus.

Ma seule véritable option pour obtenir plus de nourriture était de l’obtenir soit par  des tâches, soit en obtenant un bon classement dans celles qui en donnaient, soit en les obtenant gratuitement dans celles qui en donnaient comme prix de participation. Cependant, les tâches qui fournissaient de la nourriture allaient devenir de plus en plus compétitives à partir de maintenant.

Nanase — Je suis prête à partir.

Ayant fini de ranger le campement de fortune, Nanase s’approcha de moi avec son sac à dos attaché derrière.

Moi — Amasawa va probablement juste se diriger vers la prochaine zone désignée, non ?

Nanase — D’après le nombre de points que nous avons gagnés, je le pense aussi. Donc, si cela ne te dérange pas, puis-je continuer à t’accompagner jusqu’à ce que nous atteignions la première zone désignée ?

J’avais silencieusement hoché la tête en réponse. Puisque nous allions tous les deux au même endroit, il n’y avait aucune raison de nous séparer pour l’instant. Peu après que nous ayons commencé à marcher, Nanase prit la parole.

Nanase — Amasawa-san nous suivait depuis le soir du sixième jour ou le matin du septième, n’est-ce pas ?

Moi — Sans trop y réfléchir, on peut affirmer qu’elle nous a approchés en utilisant une recherche GPS le matin du septième jour.

Comme il n’y avait aucun moyen de voir l’historique des recherches, il n’y avait aucune preuve concrète qu’Amasawa avait utilisé la recherche GPS. Cependant, s’il était clair que le score du groupe avait diminué à un moment donné au cours du septième jour, nous pouvions au moins être sûrs que quelqu’un du groupe l’avait utilisé. Le groupe d’Amasawa ne faisait pas partie des dix premiers ni des dix derniers à ce moment-là, donc en tant que membre du groupe, seule Nanase aurait eu connaissance de cette information.

Nanase — Naturellement, j’ai déjà vérifié avec les données de ma tablette, mais… pour autant que je me souvienne, notre score n’a pas baissé hier.

En bref, si l’on se fiait à la mémoire de Nanase, Amasawa n’avait pas utilisé la recherche GPS.

Nanase — Bien que l’on ne sache pas où Amasawa-san se trouvait ce matin-là sur l’île, toi et moi voyagions assez vite à ce moment-là. Il n’aurait pas été facile pour elle de nous rattraper à moins qu’elle ne e trouvait déjà dans les environs, non ?

Moi — C’est probablement pour ça qu’elle a trouvé un plan pour réduire la distance avec nous.

Contrairement à nous deux, qui portions de lourds sacs à dos et du matériel, Amasawa voyageait léger. Par conséquent, même si elle était partie d’assez loin, elle était plus que capable de combler l’écart entre nous.

Moi — Je suppose qu’elle a utilisé une sorte de ruse pour connaître ma position exacte.

Nanase — Tu veux dire qu’Amasawa-san a demandé à quelqu’un d’autre de rechercher où tu étais, Ayanokôji-senpai ?

Moi — C’est bien possible.

En l’état actuel des choses, il était difficile d’être absolument certain de la méthode qu’elle avait employée.

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Nanase — On dirait que c’est ici que nos chemins se séparent senpai. Du moins pour l’instant.

Une fois que nous avions tout deux gagnés un bonus d’arrivée d’un point pour avoir franchi la frontière de la zone E3, Nanase brisa finalement la glace.

Moi — Comment comptes-tu rejoindre Amasawa et Hôsen ?

La recherche GPS était un excellent outil pour savoir où se trouvaient d’autres personnes, mais elle n’était guère taillée pour faciliter une rencontre.  C’était un travail bien plus adapté à un outil capable de communication directe comme un talkie-walkie.

Nanase — Je n’imagine pas les croiser en errant sans but sur l’île, mais ce n’est pas non plus comme si j’allais dépenser beaucoup en cherchant. Ainsi, je vais commencer par utiliser le point que je viens d’obtenir et faire de mon mieux pour suivre leurs signaux GPS. Si je ne les trouve pas après ça, je me rendrai à la prochaine zone désignée.

Cela signifiait qu’elle adoptait probablement une approche minimaliste, cherchant Amasawa et Hōsen pendant les temps morts qu’elle pouvait avoir entre les zones. J’avais pensé lui demander de me communiquer l’emplacement d’Amasawa avant son départ, mais comme elle n’avait même pas encore commencé les recherches, je décidai de simplement laisser couler.

Nanase — Je pense qu’il faut une élève de seconde comme moi pour fouiner et trouver ce que font les autres seconde. Si j’ai vent que quelque chose de grave se trame, je viendrai en courant te le faire savoir, Ayanokôji-senpai.

Alors que Nanase débordait d’enthousiasme, je craignais qu’elle ne finisse par se perdre, à tourner en rond sans but.

Moi — N’en fais pas trop, c’est tout.

Avec un hochement de tête respectueux et sa tablette en main, Nanase partie. J’aurais bien aimé qu’elle les trouve au plus tôt, mais tout dépendait de la façon dont les deux autres allaient se déplacer.  S’ils faisaient systématiquement le tour des zones désignées, elle n’aurait aucun mal à les retrouver, mais connaissant ces deux-là, il n’aurait pas été surprenant qu’ils finissent par avoir des déplacements douteux. Après avoir regardé la silhouette de Nanase disparaître dans les profondeurs de la forêt, je sortis ma tablette. J’étais enfin de nouveau seul, et je pouvais enfin officiellement commencer la seconde partie de l’examen.

Moi — Aucune tâche à proximité, huh ?

Il y en avait une à environ 400 mètres d’ici, mais les inscriptions étaient déjà ouvertes depuis vingt minutes, ce qui se transformerait en trente-cinq minutes étant donné qu’il me fallait environ quinze minutes pour m’y rendre. De plus, seuls cinq groupes pouvaient participer. Je décidai que poursuivre cette tâche n’était pas très réaliste alors je fis une pause pour récupérer entièrement. Je me tins prêt, assis, attendant que la prochaine zone désignée soit annoncée.

Lorsque la montre sonna 9h, je pris ma tablette, me préparant à ce qui allait venir. Que je me dirige vers la zone désignée ou que je me dirige vers une tâche, tout allait dépendre car j’avais rapidement consulté ma tablette pour me rendre compte qu’il s’agissait de la désignation aléatoire du jour.

La zone en question était  E6, trois zones au sud d’ici, ce qui n’était pas si loin pour une zone aléatoire. Je commençai à marcher sans plus tarder tout en gardant les yeux rivés sur ma tablette. Après avoir analysé chacune des tâches nouvellement apparues, je décidai de mon plan d’action.

Afin de gagner le plus de points possible dans le temps qui me restait aujourd’hui, je devais tout optimiser.

Il était en effet crucial que je fasse tout ce qui était en mon pouvoir pour écarter toute part de chance.

2

Peu avant 16h. Je venais d’en finir avec une tâche à laquelle j’avais pris part et étais sur le point de partir du site.

— Ayanokôji-kun ?

Je croisai le chemin de Horikita pour la première fois depuis notre séparation au début de l’examen. Bien qu’elle eût l’air un peu surprise de me voir, elle ne semblait pas particulièrement fatiguée.

Moi — Ça fait huit jours, huh ?

Horikita — En effet.

Nous étions actuellement dans la zone F7, enfin réunis depuis notre dernière conversation le premier jour de l’examen.

Moi — Tu es venu pour la tâche, ou tu es simplement de passage ? Tu vas où   après ça, Horikita ?

Horikita — Je me dirige vers G8. Je suis seulement de passage. Et toi ?

La zone vers laquelle elle se dirigeait était juste à côté de la mienne.

Moi — F8. On dirait qu’on va faire un bout de chemin ensemble.

Comme c’était une perte de temps de rester là à discuter, nous nous mîmes immédiatement en route tous les deux sans même un mot de plus. Voyager ensemble semblait être la meilleure façon de procéder, étant donné qu’on prenait la même route pour le grand du trajet.

Moi — Je ne m’attendais pas à ce que tu sois en aussi bonne forme. Qui plus est, tu as l’air toujours seule non ?

Horikita — En effet. C’est gênant à bien des égards, mais ça rend aussi beaucoup de choses plus faciles.

Il était vrai qu’en étant seul, il n’y avait pas besoin de se soucier des autres et s’adapter à leur rythme. Mais pendant toute la durée de l’examen, Horikita n’était jamais apparu dans les dix derniers. Bien que ce soit une preuve solide qu’elle s’en sortait bien, il était étrange qu’elle ne soit pas du tout fatiguée.

Horikita — C’est vraiment si difficile pour toi de me voir en forme ?

Moi — La plupart des élèves que j’ai croisés avaient l’air épuisés.

Horikita — Hmm. Il y a eu quelque chose d’inhabituel ?

Moi — Inhabituel ? Ah… Maintenant que tu le dis, tu as entendu parler de ce qui s’est passé avec Shinohara ?

Horikita — Oui. Pour être exact, je l’ai appris aujourd’hui. Je suis donc content de t’avoir rencontré.

Apparemment, quelqu’un de la 1ère A avait contacté Horikita lorsqu’elle se trouva près de la zone de départ plus tôt dans la journée pour qu’elle rencontre Sakayanagi.  Cette dernière l’avait informée des abandons et lui présenta ensuite la stratégie que j’avais proposée le cinquième jour.

Moi — Dis-moi que tu n’as pas refusé de coopérer avec elle.

Horikita — Je n’avais aucune raison de le faire. Je devais empêcher Shinohara-san de se faire exclure. J’ai entendu dire que tu étais l’un des premiers sur les lieux à ce moment-là, tu connais les détails ?

Moi — Pas vraiment. Ça pourrait être un accident, mais rien de sûr.

J’avais expliqué ainsi ce que j’avais vu sur place. Bien sûr, gardant certaines choses pour moi, comme le fait qu’Amasawa nous observait sur les lieux.

Horikita — Le groupe de Shinohara-san ne fait que baisser. Là, il est septième en partant du bas. À ce rythme, il sera éligible à l’expulsion d’ici la fin de la journée. Il faut se dépêcher. Si nous ne pouvons pas trouver un autre groupe pour la rejoindre, je prendrai les choses en main. J’ai eu la chance d’avoir la première place dans une tâche m’ayant permis d’obtenir trois places supplémentaires dans mon groupe.

C’était une bonne nouvelle. Les tâches augmentant la taille maximale des groupes étaient assez rares et très recherchées. Prendre la première place dans une tâche aussi disputée n’avait pas dû être facile.

Moi — Mais si les choses se passent comme ça, alors il n’y aura que toi et Shinohara pour marquer tous les points. Si possible, j’espère que notre collaboration avec Sakayanagi se passera bien pour que vous puissiez fusionner avec un groupe qui s’en sort mieux.

Horikita opina du chef pour montrer son accord.

Horikita — En tout cas, depuis ces huit jours sur l’île, je me rends compte que de plus en plus de groupes ont investi dans des talkies-walkies. J’ai vu des élèves les utiliser un peu partout, Sakayanagi-san racontant à ses camarades de classe ce qui était arrivé à Shinohara-san n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Moi —  C’est très en vogue parmi les terminale qui n’ont pas hésité à se servir de talkies-walkies pour échanger des informations sur de longues distances, donc selon l’usage que l’on en fait, ça pouvait valoir la peine de dépenser nos points.

Horikita — Si nous étions arrivés à établir une relation de confiance, aurions-nous pu arriver à nous organiser pour en acheter ?

Horikita se pinça légèrement les lèvres, ayant peut-être trouvé cette notion assez difficile à imaginer même si elle y avait pensé.

Moi — Les talkies-walkies sont utiles c’est sûr, mais ça ne signifie pas nécessairement que ça va aider. Ce serait du gâchis de ne pas les utiliser.

Horikita — C’est vrai.

J’avais sorti ma tablette pour voir si de nouvelles tâches étaient apparues, et découvris que l’une d’entre elles distribuait de la nourriture comme prix de participation pas très loin de notre emplacement actuel. De plus, il y avait de la place pour quinze groupes.

Cependant, on ne gagnait qu’un seul point pour la participation donc ce n’était pas si intéressant.

Moi — Me faut à manger alors je pense me rendre à cette tâche et toi ?

Si elle avait les yeux rivés sur la prime de rapidité de sa zone désignée alors elle faisait mieux d’y aller sans attendre/

Horikita — Il ne me reste pas beaucoup de stock non plus, alors je vais passer par là aussi.

Comme nous avions la même priorité, nous décidâmes de changer de cap. Bien que la tâche en elle-même soit une bénédiction, beaucoup de participants étaient à prévoir.

Horikita et moi commençâmes à accélérer le rythme. En chemin, nous aperçûmes  d’autres groupes toute année confondue, visant le même objectif. En fait, la majorité d’entre eux se mirent à courir dès qu’ils réalisèrent la concurrence directe autour.

Moi — Horikita, tu n’as pas besoin de t’inquiéter pour moi. Vas-y et dépêche-toi de t’y rendre.

Horikita — Regardez-moi qui parle. Si tu es vraiment à court de nourriture, alors tu devrais être un peu plus pressé que ça.

Moi — Je n’ai juste plus l’énergie de courir.

Horikita — Et je suis dans le même bateau.

Malgré la précipitation, il semblait que sa position concernant la dépense inutile d’énergie était la même que la mienne. Elle était toute seule, et pourtant, il était clair qu’elle agissait avec un certain degré de flexibilité, en suivant méthodiquement son rythme alors qu’elle s’attaquait à l’examen de l’île déserte.

Peu de temps après, nous arrivâmes sur le site de la tâche juste à temps pour y participer, et décidâmes de prendre le temps de nous mêler à certains de nos camarades de classe que nous n’avions pas vus depuis longtemps.

 Après tout, même si nous nous précipitions vers nos zones désignées respectives à partir d’ici, il allait probablement être trop tard pour avoir droit à des primes de rapidité. Dans ce cas, il valait mieux chercher à échanger des informations pendant qu’il était encore temps afin de pouvoir profiter au mieux du reste de l’examen.

De plus, beaucoup de nos camarades de classe ne savaient pas encore dans quelle situation Shinohara se trouvait.

Plus tard, une fois l’examen terminé pour la journée, je calculai mon score. J’avais gagné 4 points grâce aux primes d’arrivée et 14 points en participant à quatre tâches différentes, soit un total de 18. Ceci porta mon score global à 96, soit la 23e place au classement.

Dans l’ensemble, j’avais eu l’impression que les groupes avaient été plus actifs aujourd’hui que le cinquième ou sixième jour. Cependant, comme il y avait aussi des groupes qui, pour la plupart, n’avaient pas été actifs du tout, une ligne distincte avait été tracée entre ceux qui cherchaient à conserver leur endurance et ceux qui ne le faisaient pas.

Le huitième jour, je m’attendais à batailler, mais finalement je ne m’en étais pas trop mal sorti. Il n’y a pas eu non plus de changements significatifs dans les scores des dix premiers, puisque le groupe de Kuronaga était toujours en dixième position avec un total de 111 points.

Demain, mon objectif allait être de maintenir un rang optimal et, si possible, de retrouver Sakayanagi.

Je m’endormis cette nuit-là en espérant que les zones désignées à venir me conduiraient vers la zone de départ.

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