CLASSROOM Y2 V4 : CHAPITRE 1


Manœuvres secrètes

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Traduction : Raitei
Correction :Nova
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La pluie battante se faisait de plus en plus forte et le brouillard, plus Ă©pais.  Il Ă©tait difficile d’entendre ou de voir quoi que ce soit Ă  cause du temps, mais je pouvais sentir une prĂ©sence inquiĂ©tante qui s’approchait de nous par-derrière.

La marche dans la boue de cette personne n’était en rien discrète. C’était probablement dĂ©libĂ©rĂ© et il sembla que Nanase avait aussi immĂ©diatement remarquĂ© la chose. En regardant par-dessus mon Ă©paule, j’aperçus une Ă©lève qui s’arrĂŞta d’un coup derrière moi, ses cheveux roux se balançant au vent.

Amasawa — On dirait qu’il va pleuvoir des cordes, hein sen~pai ?

Ce n’Ă©tait autre qu’Amasawa Ichika de la 2nde A qui se tenait debout sous la pluie. Le fait d’avoir la mĂŞme route que Nanase et moi n’était en rien un hasard.  Il n’y avait pas d’autres Ă©lèves Ă  proximitĂ©, et elle n’avait pas non plus de sac Ă  dos ou de tablette ce qui me fit demander comment elle avait fait pour s’orienter jusqu’ici.

Soit elle avait simplement cachĂ© ses affaires quelque part Ă  proximitĂ© avant de nous approcher, soit elle avait pu nous suivre pendant une longue pĂ©riode sans rien. Je ne pouvais pas non plus Ă©carter l’idĂ©e que quelqu’un nous ait suivis avec le GPS en lui transmettant notre position par talkie-walkie.

Quoi qu’il en soit, ne pensant pas Ă  une simple coĂŻncidence. Peu importe la mĂ©thode, son arrivĂ©e n’Ă©tait pas bon signe pour moi. D’ailleurs, ce n’est pas comme si Amasawa avait les mains complètement vides. Elle tenait dans sa main gauche un Ă©pais bâton de bois bien capable de rouer quelqu’un de coups.

Essayait-elle de nous prendre par surprise ? Mais, par un temps aussi mauvais, elle aurait pu être beaucoup plus discrète dans son approche si elle avait vraiment prévu de nous attaquer.

Nanase — Je te prie de venir derrière moi, senpai.

Alors que je rĂ©flĂ©chissais Ă  la raison de l’apparition soudaine d’Amasawa, Nanase, bien qu’encore Ă©puisĂ©e de la veille, se plaça devant moi. D’après ce que je pus apercevoir de son expression, son regard Ă©tait ferme et empreint de mĂ©fiance.

Amasawa — Oh ? Nanase-chan, ne devrais-tu pas ĂŞtre heureuse de me voir ? Tu es terriblement froide envers une camarade de ton propre groupe. C’est mon ami le bâton qui te rend aussi nerveuse ?

Elle jeta sans sourciller le bâton de bois sur le sol entre nous comme pour montrer sa bonne foi. Malgré tout Nanase ne relâcha pas sa garde.

Nanase — Nous ne pouvons pas te faire confiance.

Amasawa — C’est mĂ©~chant ! Je suis pourtant trop chou~pie !

Je ne pensais pas qu’ĂŞtre mignonne avait quelque chose Ă  voir avec le fait d’ĂŞtre digne de confiance, mais ce n’était pas ce qui importait ici.

Amasawa — Pourquoi tu dis ça Nanase ?

Il y avait certainement quelque chose chez Amasawa qui la rendait difficile Ă  cerner. Il n’aurait pas Ă©tĂ© exagĂ©rĂ© de dire qu’elle avait un talent inouĂŻ pour la comĂ©die. Qui plus est, elle arrivait toujours Ă  parvenir je ne sais comment Ă  ses fins. Il Ă©tait naturel de se montrer prudent, mais pas au point de faire preuve d’une telle mĂ©fiance. Je n’étais pas dupe, Amasawa avait clairement une raison de se montrer ici. Maintenant que la situation avec Nanase s’était clarifiĂ©e et que nous Ă©tions dans le mĂŞme camp dĂ©sormais, l’on n’aurait pu croire que c’était une rĂ©action de zèle de sa part, mais…

Amasawa — Allons, allons…Je suis une chic fille, pas vrai AyanokĂ´ji-senpai~ ? Je veux juste discuter un peu.

Nanase — Ne l’écoute pas, elle est dangereuse.

MĂŞme si Amasawa ne montra aucune hostilitĂ©, Nanase campa fermement sur ses positions, refusant de bouger d’un pouce.

Amasawa ne sembla pas dérangée plus que ça par les accusations de Nanase et adopta un air faussement agacé.

Nanase — Senpai… Il y a quelque chose que je ne t’ai pas dit depuis l’attaque du groupe de Shinohara-senpai. Tu te souviens quand tu Ă©tais parti Ă  sa recherche avec Ike-senpai ?

Elle faisait rĂ©fĂ©rence au quatrième jour de l’examen quand Ike avait entendu un bruit venant du haut de la pente. Il Ă©tait parti en panique, pensant que ça pouvait ĂŞtre Shinohara. Ayant dĂ©cidĂ© qu’il Ă©tait trop dangereux pour lui d’y aller seul, je l’avais suivi.

Nanase — Pendant ton absence, j’ai remarquĂ© que quelqu’un nous observait dans les environs alors je l’avais pris en chasse.

Moi — C’est pour ça que tu n’étais pas avec Sudou Ă  notre retour ?

 Elle fit un lĂ©ger signe de tĂŞte.

Moi — Alors, que s’est-il passĂ© ?

Nanase — Je n’ai pas pu l’attraper, mais j’ai rĂ©ussi Ă  voir ses cheveux.

Nanase leva lentement son bras droit en l’air et montra Amasawa du doigt.

Nanase — C’Ă©tait toi, n’est-ce pas Amasawa-san qui nous observait ?

Amasawa — Ahaha, j’ai donc Ă©tĂ© grillĂ©e…

PlutĂ´t que d’essayer de le nier, Amasawa avoua et se mit Ă  rire. Elle ne semblait pas surprise d’avoir Ă©tĂ© prise en flagrant dĂ©lit, son attitude, car son comportement Ă©tait toujours le mĂŞme.  Je pouvais donc sereinement conclure que la prĂ©sence que j’avais ressentie Ă  ce moment-lĂ  Ă©tait la sienne.

Nanase — C’est toi qui a poussĂ© Komiya-senpai et Kinoshita-senpai, n’est-ce pas ?

Amasawa — Eh ? Tu tires vraiment des conclusions hâtives. Qui te dit que je ne suis pas arrivĂ©e dans le secteur après le drame ?

Nanase — Alors pourquoi avoir pris la fuite ?

Amasawa — Si une fille avec un regard aussi effrayant que le tien se prĂ©cipitait sur toi, tu ne t’enfuirais pas ? En plus, je ne voulais pas ĂŞtre suspectĂ©e.

Nanase — Je ne crois pas un mot de ce que tu dis.

Amasawa — Du coup Nanase-chan, tu m’accuses de les avoir poussĂ©s ?

Nanase — J’en suis presque sĂ»re. Comment pourrait-il en ĂŞtre autrement ?

Amasawa — Tu montres tellement d’assurance et pourtant, tu ressens le besoin de dire « presque ». Dis tout de suite que tu n’en as aucune idĂ©e, ce sera plus simple.

Les deux filles furent dans un état de défiance l’une envers l’autre.

Nanase — Alors, peux-tu me jurer que ce n’est pas toi ?

Amasawa — Je peux le jurer, mais est-ce vraiment important ?

Amasawa disait en substance qu’une promesse verbale ne signifiait rien.

Amasawa — Mais si c’Ă©tait vraiment moi, qu’aurais-tu fait au  juste ?

PlutĂ´t que d’essayer d’Ă©chapper aux questions incessantes de Nanase, Amasawa plongea la tĂŞte la première dans le sujet. Nanase se sentit probablement dĂ©passĂ©e, mais elle continua, dĂ©terminĂ©e Ă  dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ©.

Nanase — J’aurais voulu que tu me donnes une raison. Non… avant toute chose, je t’aurais demandĂ© pourquoi ton nom n’est pas apparu lorsque les professeurs ont enquĂŞtĂ© sur les signaux GPS alentour ?

Amasawa n’avait pas besoin de s’expliquer, alors je pris la parole Ă  sa place.

Moi — Ce n’est pas si difficile de se dĂ©barrasser d’un signal GPS. Suffit de casser sa montre.

Amasawa — Ding ding ding, correct ! Que ce soit intentionnel ou non, une montre cassĂ©e est une montre cassĂ©e. Et on peut la faire remplacer gratuitement !

Ravie, Amasawa nous montra la montre attachée à son poignet droit.

Nanase — L’établissement n’aurait pas remarquĂ© le signal perdu ?

Moi — Probablement. Mais vu l’agitation Ă  ce moment-lĂ , il aurait Ă©tĂ© assez difficile de le remarquer.

Il y avait après tout plus de 400 signaux GPS sur l’Ă®le. Les professeurs n’auraient pas pu le remarquer dans une situation d’urgence et ils n’avaient pas non plus le temps de tout vĂ©rifier Ă  chaque fois. Ils devaient Ă  juste titre donner la prioritĂ© Ă  la sĂ©curitĂ© des Ă©lèves.

Nanase — L’établissement mènera quand mĂŞme une enquĂŞte approfondie plus tard, n’est-ce pas ? Ce ne serait qu’une question de temps avant qu’ils ne le dĂ©couvrent.

Puisque Shinohara elle-mĂŞme avait tĂ©moignĂ© qu’ils avaient Ă©tĂ© attaquĂ©s par quelqu’un, il y aurait certainement une enquĂŞte. Et, dans le processus, il Ă©tait fort probable qu’ils dĂ©couvrent que le signal GPS d’Amasawa Ă©tait le seul Ă  avoir disparu. Mais c’Ă©tait lĂ  que rĂ©sidait le problème.

Moi — Si le signal GPS d’Amasawa Ă©tait le seul Ă  manquer lors de l’attaque de Komiya et Kinoshita, il y aurait forcĂ©ment soupçons. Mais ça s’arrĂŞterait lĂ , car les preuves seraient insuffisantes. On ne pourrait pas conclure que c’est elle le coupable.

Nanase — C’est…

Ayant personnellement Ă©tĂ© tĂ©moin de la prĂ©sence d’Amasawa sur le lieu de l’attaque, Nanase voulait en faire la coupable. Cependant, prouver un crime Ă©tait beaucoup plus difficile qu’on ne pouvait le penser. On ne pouvait pas disqualifier un groupe sans ĂŞtre certain de sa faute.

Ă€ l’origine, la montre-bracelet avait Ă©tĂ© conçue comme un moyen de garantir le bon dĂ©roulement de l’examen, mais les Ă©lèves pouvaient effectivement contourner cette protection Ă  leur guise. Afin d’empĂŞcher les Ă©lèves d’abuser du système, l’Ă©tablissement aurait pu mettre en place des sanctions sĂ©vères en cas de non-respect de l’équipement en limitant par exemple le nombre de fois oĂą les montres pouvaient ĂŞtre remplacĂ©es. Il pouvait aussi demander des points pour le remplacement ou bien faire en sorte que la casser Ă©tait synonyme d’abandon direct.

Cependant, plus les pĂ©nalitĂ©s sont fortes, plus le système est susceptible de donner lieu Ă  des abus. Par exemple, il aurait Ă©tĂ© possible de trafiquer ou de casser la montre d’un concurrent pour lui faire encourir les sanctions. Et si les Ă©lèves Ă©taient contraints de se retirer en raison d’un vĂ©ritable accident ou d’un dysfonctionnement logiciel, cela serait très rageant.

Amasawa — Jouer avec le règlement est une pratique usuelle. Si l’établissement n’a pas de preuves alors on peut faire ce que l’on veut.

Malgré la formulation un peu maladroite, elle disait vrai.

Nanase — Je n’aurais qu’Ă  tĂ©moigner t’avoir vu lĂ -bas, Amasawa-san.

Amasawa — Cela ne se terminerait au mieux que par des soupçons.

S’il s’Ă©tait un Ă©lève avec des antĂ©cĂ©dents de comportements violents comme Sudou ou Ryuuen, l’établissement aurait pu se montrer suspicieux. Amasawa, cependant, Ă©tait une seconde au dossier irrĂ©prochable. La probabilitĂ© qu’elle soit dĂ©clarĂ©e coupable n’Ă©tait pas très Ă©levĂ©e. De plus, Komiya et Kinoshita n’avaient mĂŞme pas tĂ©moignĂ© et Shinohara elle-mĂŞme n’a pu faire qu’une vague dĂ©claration, incapable de dire qui elle avait vu. Le tĂ©moignage de Nanase n’allait donc pas changer la donne.

Sans preuve concluante, impossible de punir Amasawa.

Amasawa — C’est comme ça, Nanase-chan.

Ă€ la fin de la journĂ©e, nous ne savions toujours pas pourquoi Amasawa Ă©tait venue ici. Entre les questions de Nanase et le jeu d’Amasawa, nous ne pouvions pas avancer. Ainsi, il Ă©tait de plus en plus difficile de croire qu’elle allait soudainement  nous tendre un piège Ă  ce stade. Pour l’instant, il valait mieux ne pas perdre de temps Ă  chercher Ă  dĂ©signer un coupable et c’est ainsi que je tentai de sortir de l’impasse en recadrant la conversation.

Moi — Que fais-tu ici, Amasawa ? Non…Comment nous as-tu trouvĂ©s ?

Étant donnĂ© qu’il restait encore plus d’une semaine avant la fin de l’examen spĂ©cial, il Ă©tait prĂ©fĂ©rable pour nous d’Ă©viter de discuter sous une pluie torrentielle pour ne pas tomber malade. Nous devions vite monter nos tentes.

Amasawa — Pas besoin d’ĂŞtre si pressĂ©, AyanokĂ´ji-senpai. ApprĂ©cions simplement le fait que nous nous soyons rencontrĂ©s comme ça~ !

Moi — DĂ©solĂ© mais la pluie a Ă©tĂ© beaucoup plus Ă©prouvante pour mon endurance que je ne le pensais. On va en rester lĂ  si tu veux bien.

Amasawa — Et si je t’aidais Ă  monter une tente et qu’on passait la nuit ensemble, juste tous les deux ? Qu’est-ce que tu en dis ?

Il était strictement interdit aux garçons et aux filles de passer la nuit ensemble dans la même tente. Elle devait le savoir. Elle essayait probablement de gagner du temps avec une conversation sans intérêt.

Amasawa — Ah, tu as peur d’enfreindre les règles c’est ça ? T’en fais pas, l’établissement ne peut pas tout surveiller non plus.

Dès qu’Amasawa fit un pas en avant, Nanase se rapprocha immĂ©diatement pour l’attraper par le bras.

Amasawa — Tu fais quoi là, Nanase-chan ?

Nanase — Tu étais sur le point de toucher Ayanokôji-senpai.

Amasawa — Depuis quand tu joues son chevalier blanc ? Tu n’étais pas en train de comploter pour le faire expulser avec HĂ´sen-kun ?

Nanase — Cela… Cela ne te concerne pas. Pourquoi es-tu venue ici ?

Amasawa — Je me suis perdue, alors je suis lĂ  pour demander de l’aide.

Amasawa raconta un mensonge Ă©hontĂ©, ne semblant plus avoir l’intention de sauver les apparences. Peut-ĂŞtre Ă©tait-elle venue jusqu’ici pour voir l’issue de mon combat contre Nanase. Elle avait Ă©tĂ© capable de dire que Nanase avait aussi changĂ© de cĂ´tĂ©, mais mĂŞme si elle Ă©tait juste venue analyser la situation, ça ne collait pas. En effet, il y avait peu de raison pour elle de rester dans les parages et de prendre part Ă  une conversation aussi ridicule.

Amasawa — Je veux discuter avec AyanokĂ´ji-senpai. Lâche-moi non ?

Nanase — Pourquoi ne pas discuter sans plus t’avancer ?

Amasawa — Eh bien, ce n’est pas possible. C’est en rapport avec la White Room, après tout…

Amasawa avoua, Ă©tant finalement arrivĂ©e Ă  la conclusion qu’il n’y avait plus de raison de cacher sa vĂ©ritable identitĂ©. Surprise, Nanase se retourna et me regarda. Tout au long de ce premier trimestre, l’existence de l’élève de la White Room avait toujours Ă©tĂ© une Ă©pĂ©e de Damoclès au-dessus de ma tĂŞte, mais je n’avais pas rĂ©ussi Ă  cerner son identitĂ©. Cela dit, je n’avais jamais imaginĂ© que je la dĂ©couvrirais Ă  la suite d’une confession pure et simple.

Amasawa — Tu as compris maintenant ? On ne joue pas dans la même cour Tu n’es qu’une fillette lambda.

Si Amasawa Ă©tait vraiment l’Ă©lève de la White Room, alors il Ă©tait logique qu’elle la traite ainsi.

Moi — Lâche son bras, Nanase.

MĂ©contente, Nanase lâcha le bras d’Amasawa comme je le lui avais demandĂ©.

Amasawa — Wow, tu es une si bonne fille, Nanase-chan~ ! Un bon petit toutou. Ça te va bien au final.

Ă€ ce moment-lĂ , Amasawa se rapprocha de moi petit Ă  petit. J’Ă©tais exaspĂ©rĂ©, mais au moins la conversation allait enfin avancer.

Moi — Désolé mais vu le malentendu avec Nanase, je ne tirerai pas de conclusions hâtives juste parce que tu connais le terme White Room.

Amasawa — Ne t’en fais pas, je te prouverai que je viens de là-bas. Mais… que Nanase-chan puisse nous écouter ce n’est…

Elle s’Ă©loigna, en prononçant « tu as compris, hein ? » avec son habituel sourire diabolique sur le visage. Je fis un lĂ©ger signe Ă  Nanase, lui sommant de prendre ses distances. Elle hĂ©sitait Ă  me laisser seul avec Amasawa, mais elle finit par cĂ©der. La pluie s’intensifia encore, au point qu’elle ne pouvait pas nous entendre si on parlait Ă  voix basse Ă  quelques mètres. En foulant le sol boueux en contrebas, Amasawa arriva finalement Ă  portĂ©e de parole.

Amasawa — Alors, par où dois-je commencer ?

Elle posa sa main sur son menton, un geste signifiant qu’elle rĂ©flĂ©chissait Ă  la manière exacte de s’expliquer. En tout cas, sa venue ici n’avait pas vraiment de sens pour moi. Depuis plusieurs mois, l’élève de la White Room Ă©tait dans l’ombre, attendant sa chance pour me faire expulser. Et pourtant, Amasawa Ă©tait apparue devant moi et avait rĂ©vĂ©lĂ© sa vĂ©ritable identitĂ© sans prĂ©parer le moindre piège. Et puis, le fait d’hĂ©siter sur ce qu’elle devait dire Ă  ce stade Ă©tait dĂ©jĂ  assez Ă©trange en soi.

Il semblait Ă©vident qu’elle faisait exprès de faire traĂ®ner les choses en longueur pour gagner du temps. Au moment oĂą je commençais Ă  me demander si je devais ou non la presser, elle ouvrit la bouche.

Amasawa — Senpai, le programme que tu as suivi Ă  l’âge de 10 ans comprenait la thĂ©orie gĂ©nĂ©rale des systèmes dans le projet 5. Ă€ l’âge de 11 ans, c’Ă©tait la thĂ©orie de la relativitĂ© dans le projet 7. J’ai moi-mĂŞme participĂ© aux deux programmes alors je m’en souviens bien.

Elle commença à mentionner des informations spécifiques sur la White Room pour prouver que nous venions du même endroit.

Amasawa — Les salles de classe, les couloirs, nos chambres… tout Ă©tait un monde d’un blanc immaculĂ©.

Au moins, elle semblait en savoir beaucoup plus sur la White Room que Nanase. Et il Ă©tait impensable qu’elle fĂ»t briefĂ©e par Tsukishiro. Il n’aurait jamais parlĂ© du fonctionnement interne de la White Room avec quelqu’un d’Ă©tranger au système. Ainsi, l’on pouvait conclure qu’Amasawa faisait bel et bien partie de la White Room. Au vu de son comportement et de ses connaissances, elle renvoyait bien l’image d’un Ă©lève de lĂ -bas.

Moi — Pourquoi t’es-tu donné la peine de te faire passer pour une personne normale pour ensuite te révéler comme ça ?

Amasawa — Je me doutais que tu me poserais la question. C’est parce que je voulais te dire que je ne suis pas ton ennemie, Senpai.

Moi — Cela ne tient pas debout. L’envoyĂ© de la White Room est venu ici pour forcer mon expulsion. Comment peux-tu ĂŞtre une alliĂ©e ?

Sans se préoccuper du fait que nos vêtements étaient trempés par la pluie, Amasawa continua de parler.

Amasawa — Tu ne le sais pas vu que tu fais partie de la quatrième gĂ©nĂ©ration, AyanokĂ´ji-senpai. Sache que les gĂ©nĂ©rations suivantes nourrissent d’immenses sentiments de jalousie Ă  ton Ă©gard. Les dirigeants ont probablement pensĂ© qu’ils pouvaient choisir quelqu’un de prometteur et le manipuler avec cette jalousie, mais ils ont choisi la mauvaise personne. Ils ne savaient pas que j’étais ta secrète et fervente admiratrice.

Moi — Alors, c’est pour ça que tu es venue dĂ©cliner ton identitĂ© ?

Elle opina du chef avec un « Mhm » silencieux.

Moi — Alors pourquoi ne pas l’avoir fait dès ton inscription ici ? Tu es même venue plusieurs fois dans ma chambre alors les occasions ne manquaient pas.

Amasawa — Eh bien, peu importe Ă  quel point on admire quelqu’un, cela reste juste du fantasme n’est-ce pas ? Il faut lui parler en face Ă  face avant pour voir si notre admiration est  justifiĂ©e. Cela prend du temps.

Autrement dit, si je n’avais pas Ă©tĂ© jugĂ© digne de son admiration, il aurait Ă©tĂ© possible qu’elle dĂ©cide de m’Ă©liminer. Au vu du dĂ©roulement de notre conversation jusqu’Ă  prĂ©sent, cela semblait plausible.

Amasawa — Tu me crois alors ?

Moi — Je suppose. Seul quelqu’un qui a Ă©tĂ© dans la White Room peut en savoir autant.

Amasawa — Super ~ Ça fait bizarre, n’est-ce pas ? D’avoir la vie d’un lycĂ©en ordinaire.

Auparavant, j’avais Ă©tĂ© le seul Ă  Ă©prouver cette sensation Ă©trange et particulière dont elle parlait. Mais savoir qu’un autre Ă©lève de White Room vivait la mĂŞme chose piqua vĂ©ritablement ma curiositĂ©.

Moi — Si tu ressens la même chose que moi, alors tu as sûrement aussi remarqué à quel point cette école est intéressante, non ?

Amasawa — Je vois exactement ce que tu veux dire, Senpai. Moi aussi, j’ai pensĂ© Ă  quel point ce serait bien d’avoir cette vie jusqu’au diplĂ´me. J’y ai pensĂ© plusieurs fois, en fait. Mais je suis nulle pour me faire des amis, alors je n’ai pas beaucoup de personnes avec qui parler.

D’une certaine manière, elle me ressemblait beaucoup. MĂŞme si j’étais capable de discuter avec des gens comme Horikita et Ike, j’ai toujours eu l’impression qu’il y avait une sorte de distance entre nous. Sincèrement jusqu’à maintenant, je n’avais pas l’impression d’avoir quelqu’un que je pouvais appeler « ami Â». 

Amasawa — Cela ne veut pas dire que j’ai des problèmes pour communiquer contrairement à toi, senpai.

Comme si elle Ă©tait parfaitement consciente de ce que je pensais, Amasawa  prit la parole pour clarifier la situation.

Amasawa — On m’a appris essentiellement les mĂŞmes choses que toi, Senpai. Mais il y a certains enseignements qui n’ont commencĂ© qu’à partir de la cinquième gĂ©nĂ©ration.

Elle fit une pause pour voir si je voulais dire quelque chose et continua.

Amasawa — On dit qu’avant la cinquième gĂ©nĂ©ration, les enfants se faisaient souvent Ă©craser Ă  cause de leur individualisme excessif. Seuls ceux qui excellaient avaient l’autorisation d’entrer en contact  avec les autres. Dans ma gĂ©nĂ©ration, en revanche, tous les enfants Ă©taient tenus de maintenir un niveau minimum de communication interpersonnelle.

Si elle disait la vĂ©ritĂ©, alors je pouvais comprendre pourquoi il lui semblait si facile d’avoir autant d’expressions faciales diffĂ©rentes. MĂŞme si je pouvais prĂ©tendre ĂŞtre quelqu’un d’autre Ă  court terme grâce Ă  mes talents de comĂ©dien, il Ă©tait difficile de se dĂ©faire de l’habitude qui s’Ă©tait formĂ©e en vivant la majeure partie de ma vie sans Ă©motion.

Amasawa — Tu ne me crois toujours pas ?

Moi — Je pense vraiment que tu viens de la White Room, mais je ne suis pas convaincu quant à la raison pour laquelle tu as décidé de te démasquer.

Amasawa — Tu restes si calme alors que tu sais que je viens de la White Room. Tu penses que je ne suis pas une menace ?

Je ne répondis rien ce qui provoqua un sourire sur son visage.

Amasawa — Eh bien, j’ai dit tout ce que je voulais te dire, alors je pense qu’il est temps de prendre congĂ©.

En disant cela, elle me tourna le dos, se contentant d’être identifiée comme une élève de la White Room.

Moi — À quoi tu penses au juste Amasawa ?

Amasawa — Bon sang, je te l’ai dĂ©jĂ  dit pourtant ! Je t’admire, AyanokĂ´ji-senpai, rien de plus.

En regardant en arrière, elle tendit la main et frotta ma joue avec le bout de ses doigts mouillés et froids à cause de la pluie.

Amasawa — Alors ne te fais pas Ă©craser sans ma permission, ok ?

Elle retira ainsi sa main et s’Ă©loigna, se dirigeant je ne sais oĂą.  Me faire Ă©craser ? Mais par qui ? Tsukishiro ? Les seconde qui convoitaient la prime de 20 millions de points privĂ©s ? Ou, peut-ĂŞtre…

Nanase — AyanokĂ´ji-senpai, tout va bien ? Elle ne t’a rien fait, n’est-ce pas ?

Ayant remarquĂ© le dĂ©part d’Amasawa, Nanase se prĂ©cipita vers moi, inquiète. Je fis un signe de tĂŞte pour essayer d’apaiser ses inquiĂ©tudes avant de regarder mon sac Ă  dos.

Moi — La pluie… On ferait mieux de se dĂ©pĂŞcher.

Je voulais prendre le temps de digérer tout ça, mais j’avais d’autres priorités pour le moment.

Nanase — En effet ! Nous devrions monter les tentes !

Moi — Ouaip.

Je rĂ©pondis par l’affirmative, mais il y avait encore une chose qu’il fallait absolument faire, Ă  savoir, vĂ©rifier les empreintes qu’Amasawa a laissĂ©es derrière elle.

Nanase — Senpai… ?

Moi — La pluie effacera bientôt ses traces de pas.

Amasawa venait à peine de partir, et pourtant, ses empreintes commençaient déjà à perdre leur forme.

Nanase — Les empreintes d’Amasawa-san ? Y a-t-il un problème ?

Moi — Quand Komiya et Kinoshita ont Ă©tĂ© attaquĂ©s, j’ai trouvĂ© des empreintes de pas près d’eux. Je suis presque sĂ»r qu’elles sont de la mĂŞme taille que celles d’Amasawa.

Autrement dit, Amasawa était bien présente comme l’avait souligné Nanase.

Nanase — Tu penses que ce serait bien elle la coupable ?

Moi — Je n’en sais rien. On peut bien imaginer que c’est elle qui nous observait, mais il n’y a toujours pas de preuve concluante qui la dĂ©signe comme telle.

Pendant un moment, Nanase ne sembla comprendre ce dont je parlais.

Nanase — Il n’y a peut-ĂŞtre pas de preuves solides, mais ne devrait-on pas supposer que c’Ă©tait elle ?

Moi — D’après les informations dont nous disposons actuellement, Amasawa est certainement le coupable le plus probable.

Nanase — Exactement, je le pense aussi. Je sais que je me rĂ©pète, mais c’est bien elle que j’ai vue Ă  ce moment-lĂ .

Elle avait raison, néanmoins…

Moi — Ce n’est pas comme si tu l’avais vue les pousser.

Nanase — Ce… eh bien… elle a confessĂ© la chose juste avant

Moi — C’est difficile d’appeler ça une confession. Elle a juste demandĂ© ce que tu ferais si c’Ă©tait elle qui les avait poussĂ©s. Elle n’a en aucun cas admis ĂŞtre la coupable.

Nanase — Peut-ĂŞtre qu’elle l’a indirectement comme ça parce qu’elle avait peur d’être enregistrĂ©e par exemple non ?

Moi — Avec le bruit de cette pluie et les circonstances actuelles, je ne pense pas qu’elle avait besoin d’ĂŞtre sur ses gardes.

Ă€ première vue, cela ne semblait pas ĂŞtre le type d’environnement appropriĂ© pour enregistrer quoi que ce soit.

Nanase — Ce n’est pas si sĂ»r. Elle est bien consciente que tu es un adversaire dont il faut se mĂ©fier. Il est donc raisonnable de supposer qu’elle ait pris toutes les prĂ©cautions nĂ©cessaires.

Pour éliminer tous les risques potentiels, c’était en effet un choix judicieux.

Moi — Si elle a dĂ©libĂ©rĂ©ment infligĂ© des blessures potentiellement mortelles Ă  deux Ă©lèves de première alors elle aurait dĂ» s’enfuir immĂ©diatement après l’acte. Pourquoi serait-elle restĂ©e dans le coin en laissant dĂ©libĂ©rĂ©ment se faire repĂ©rer.

Nanase réfléchit à une réponse tandis qu’elle récupérait son sac à dos.

Nanase — J’imagine que c’est pour voir les rĂ©sultats de son Ĺ“uvre, comme un pyromane qui revient toujours sur la scène de son crime.

On disait effectivement que les criminels en gĂ©nĂ©ral revenaient toujours sur la scène de leur crime. Il existait certes de nombreuses thĂ©ories sur ce phĂ©nomène, mais il Ă©tait risquĂ© d’en faire une corrĂ©lation Ă  cette situation particulière. Si nous devions spĂ©culer en partant du principe qu’Amasawa Ă©tait le coupable, nous ne serions pas capables d’avoir une vue d’ensemble.

Moi — Pousser deux personnes en haut d’une pente est un acte horrible en soi donc il n’est pas logique qu’elle prenne le risque de retourner sur la scène du crime juste parce qu’elle s’intĂ©resse Ă  leur sort. Il y a aussi le fait que tu as Ă©tĂ© capable de l’identifier alors qu’elle s’enfuyait. HonnĂŞtement, j’ai du mal Ă  croire que quelqu’un envoyĂ© ici par Tsukishiro puisse commettre  une telle erreur.

Je commençais Ă  retracer les traces de pas qui s’effaçaient rapidement pour ĂŞtre sĂ»r de ne rien manquer.

Moi — Je me demande pourquoi elle a révélé son identité comme ça.

Nanase — Je pense qu’elle a fait ça parce que je l’avais dĂ©masquĂ©e et qu’elle ne pouvait plus se cacher. MĂŞme si cela ne prouvait pas sa culpabilitĂ©, si je le signalais Ă  l’Ă©cole, cela lui causerait tout de mĂŞme des problèmes, non ? Après tout, la mission que le directeur  intĂ©rimaire Tsukishiro lui a confiĂ©e serait mise en pĂ©ril.

Moi — Retourner sur la scène du crime n’a alors pas d’intérêt.

Nanase — Une erreur d’inattention de sa part peut-ĂŞtre ?

Moi — impossible.

Peut-ĂŞtre qu’Amasawa laissa intentionnellement Nanase la trouver pour une raison quelconque ? Alors que je commençais Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  cette possibilitĂ©, je tombai sur un nouvel indice.

Moi — Je m’en doutais, il ne faut négliger aucune action d’Amasawa.

Nanase — Comment ça ?

Je montrai du doigt les traces de pas d’Amasawa, qui Ă©taient maintenant sur le point d’ĂŞtre effacĂ©es par la pluie.

Moi — Ses traces de pas lorsqu’elle était venue par derrière étaient uniformes, mais les empreintes avant ça…

Nanase — Eh !? Ce sont…

Nanase remarqua finalement l’anomalie.

Nanase — Ce sont les empreintes de quelqu’un d’autre, n’est-ce pas ?

Moi — Oui.

Il y avait une autre sĂ©rie d’empreintes qui semblaient lĂ©gèrement plus grandes que celles d’Amasawa, mais il n’Ă©tait pas possible de dĂ©terminer leur taille rĂ©elle, car elles avaient dĂ©jĂ  perdu leur forme.

Moi — Qui que ce soit, on dirait qu’il se rapprochait de nous jusqu’Ă  ce qu’il rencontre les empreintes d’Amasawa. Il s’est passĂ© quelque chose Ă  ce moment-lĂ , car les traces se brouillent, mais on peut voir ici comment les empreintes mystĂ©rieuses finissent par faire demi-tour.

Nanase — Tu stipules que… quelqu’un d’autre Ă©tait ici quelques instants avant qu’Amasawa-san ne fasse son apparition.

Qu’il s’agisse d’un Ă©lève ou d’un membre du corps enseignant, il n’y avait aucun moyen de le savoir avec certitude.

Moi — Peux-tu aller me chercher le bâton qu’elle tenait tout Ă  l’heure ?

Nanase — D…D’accord.

Elle alla chercher le bâton et me le remis.

Une fois que je vis de près la chose, toutes mes spĂ©culations jusqu’Ă  prĂ©sent aboutirent Ă  une rĂ©ponse satisfaisante.

Moi — Qu’en penses-tu, Nanase ? Tu ne remarques rien ?

Nanase — Est-ce que je remarque quelque chose ? Eh bien, je pense que ce serait dangereux de frapper quelqu’un avec. Non…C’est…

Nanase reprit le bâton et après l’avoir tenu pendant une seconde, elle se rendit compte de la situation.

Nanase — Ça… Ça ne ressemble pas Ă  quelque chose que l’on trouve dans la forĂŞt.

Moi — Oui. Il a été taillé à certains endroits pour pouvoir être utilisé comme arme. En regardant les autres branches de l’île, on voit que la forme est artificielle.

Nanase — Elle allait s’en servir pour t’attaquer, AyanokĂ´ji-senpai ?

Moi — Si Amasawa avait vraiment l’intention de m’attaquer, elle aurait dĂ» essayer de me prendre par surprise au lieu de m’appeler comme elle l’avait fait. Cela dit, mĂŞme si elle avait une arme dangereuse Ă  la main, elle n’avait pas l’air d’avoir de mauvaises intentions. Au contraire, je pense qu’elle voulait juste qu’on remarque sa prĂ©sence.

Il y avait encore une autre chose que l’on pouvait comprendre de ça.

Nanase — Si elle n’avait pas l’intention de nous attaquer dès le dĂ©but… Cela ne signifierait-il pas que celui qui a amenĂ© ce bâton Ă  l’origine n’Ă©tait pas Amasawa-san, mais la mystĂ©rieuse personne qui a disparu en faisant demi-tour ?

Les empreintes mystĂ©rieuses semblaient faire de courtes enjambĂ©es lorsqu’elles s’Ă©taient approchĂ©es de nous, mais lorsqu’elles avaient fait demi-tour après avoir rencontrĂ© Amasawa, les traces s’étaient espacĂ©es comme si la personne essayait d’Ă©viter d’ĂŞtre remarquĂ©e.

Ou plutĂ´t, comme si elle essayait de fuir.

Nanase — Mais pourquoi ?

Moi — Selon elle, je fais l’objet de son admiration. Il n’est pas idiot de penser qu’elle ait tout simplement voulu me protĂ©ger.

Nanase — On ne peut la prendre pour une alliée sur ce seul fait.

Moi — C’est évident. Mais ces traces de pas me visaient clairement et je n’ai aucune idée du coupable.

Nanase — Ce serait un Ă©lève ?

Moi — C’est bien possible vu que ma tĂŞte est mise Ă  prix.

Il y avait de fortes chances que ces mystĂ©rieuses empreintes appartiennent Ă  un Ă©lève qui avait l’intention d’encaisser la prime. Il Ă©tait tout Ă  fait concevable que quelqu’un soit prĂŞt Ă  jouer son propre avenir pour tenter de forcer mon expulsion.

Nanase — Oh ! C’est ça !

Ayant réalisé quelque chose, Nanase éleva soudainement la voix.

Nanase — Senpai, faisons une recherche GPS tout de suite ! Cela ne fait pas si longtemps qu’Amasawa-san nous a approchĂ©s. MĂŞme si cette mystĂ©rieuse personne s’est enfuie Ă  toute vitesse, elle n’a pas pu aller bien loin avec un temps pareil, non ?

Elle n’avait pas tort. Si on faisait une recherche GPS maintenant et qu’il y avait des signaux dans les environs, on pouvait rĂ©duire la liste des suspects très vite.

Nanase — Oh, mais nous ne pourrions pas les identifier s’ils brisaient leur montre comme Amasawa-san, n’est-ce pas ?

Moi — Non, ce n’est pas vrai. Lorsque l’on casse sa montre, notre signal GPS disparaĂ®t. Amasawa mis Ă  part, si nous faisions une recherche maintenant et qu’il n’y avait qu’un seul Ă©lève avec un signal manquant, que se passerait-il alors ?

Nanase — …Alors ce serait notre homme.

Moi — Exact. Nous pouvons conclure que la personne qui a essayĂ© de m’attaquer n’a certainement pas cassĂ© sa montre.

Nanase — Ça vaut la peine de dépenser des points pour une recherche.

Cela ne faisait qu’un quart d’heure qu’Amasawa m’avait interpelĂ©. Donc, mĂŞme si la personne courait Ă  pleine vitesse, elle ne serait arrivĂ©e qu’au bord de la zone D3 maximum. Avec un peu de chance, un seul signal rĂ©pondrait Ă  ces conditions, ce qui nous permettrait de localiser la personne en question. Il Ă©tait logique que je suive l’idĂ©e de Nanase en faisant une recherche GPS ici et maintenant, mais…

Moi — Je n’utiliserai pas la recherche GPS.

Nanase — Eh !? P-pourquoi ça !?

Moi — Au final, je me dis qu’il ne serait pas surprenant que tout cela fasse partie d’une stratĂ©gie visant Ă  m’induire en erreur. Et si le signal GPS indiquait un innocent qui se trouverait par hasard dans la zone ?

Il Ă©tait difficile d’affirmer avec certitude qu’il ne s’agissait pas d’une tentative de diversion. Il fallait toujours faire preuve de prudence dans les situations oĂą un adversaire nous donnait des informations au compte-goutte, ce qu’avait  fait dĂ©libĂ©rĂ©ment  Amasawa lorsqu’elle s’était laissĂ©e voir par Nanase. Et mĂŞme aujourd’hui lorsqu’elle s’était prĂ©sentĂ©e devant nous.

Nanase — C’est quand mĂŞme un peu dommage de ne pas vĂ©rifier.

Moi — Personnellement, je ne suis pas assez stupide pour me faire avoir par quelque chose d’aussi Ă©vident. Si cet adversaire est assez nĂ©gligent pour se faire repĂ©rer par la gĂ©olocalisation alors ce n’est pas quelqu’un qui mĂ©rite notre attention.

Bien que Nanase ne semblait pas totalement convaincue, elle finit par se plier Ă  ma dĂ©cision. MĂŞme si j’avais encore envie de rassembler des preuves, cela n’allait pas ĂŞtre possible vu la mĂ©tĂ©o. Après avoir dĂ©cidĂ© de couper court Ă  la conversation, nous nous empressâmes de monter nos tentes. Il n’Ă©tait pas exagĂ©rĂ© de dire qu’il pleuvait des cordes.

Nos tentes furent montĂ©es face Ă  face et une fois que tout Ă©tait en ordre, nous nous cachâmes rapidement Ă  l’intĂ©rieur pour nous rĂ©fugier de la pluie. J’enlevai mes vĂŞtements tout trempĂ©s avant de sĂ©cher mes cheveux et mon corps avec une serviette.

Puis, après avoir enfilĂ© une tenue de rechange, je dĂ©zippai lĂ©gèrement l’entrĂ©e de la tente et jetai un coup d’Ĺ“il Ă  l’extĂ©rieur. C’Ă©tait encore le dĂ©but de l’après-midi, mais il faisait très sombre. Nous allions probablement ĂŞtre coincĂ©s ici au minimum pour le restant de la journĂ©e.

Les gouttes de pluie s’engouffraient presque par le trou de l’entrĂ©e alors je fermai la fermeture Ă©clair et m’allongeai sur mon sac de couchage.

Il s’était passé beaucoup de choses en si peu de temps.

J’avais dĂ©couvert le passĂ© de Nanase et identifiĂ© l’élève de la White Room comme Ă©tant Amasawa

Cependant, cela ne signifiait pas que tout le brouillard était levé.

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Alors que la pluie battante continuait, une notification de l’établissement arriva. Sans surprise, il s’agissait d’une annonce d’annulation de l’examen pour la journĂ©e. Vu que cela n’était pas juste pour les groupes qui luttaient pour monter au classement, le message indiquait que l’établissement cherchait des moyens de dĂ©dommagement pour que les Ă©lèves n’aient pas Ă  s’inquiĂ©ter de ne pas marquer de points. Il allait falloir probablement attendre que le temps se dĂ©gage avant d’en savoir plus, mais peu importe ce qu’il y aura, cela ne changera pas le fait que la journĂ©e fut gâchĂ©e. Compensation ou pas, toutes les stratĂ©gies prĂ©vues pour aujourd’hui tombaient Ă  l’eau.

Pour moi en tout cas, l’annulation ne pouvait pas plus mal tomber. J’avais prĂ©vu de conserver mon Ă©nergie afin de pouvoir me donner Ă  fond et rĂ©colter une tonne de points pendant la seconde moitiĂ© de l’examen. J’aurais ainsi pris le dessus sur les autres groupes du milieu du classement au vu du peu d’énergie qui leur serait restĂ©. Mais maintenant que le septième jour s’Ă©tait transformĂ© en un jour blanc, tout le monde avait le temps de rĂ©cupĂ©rer.

Bien sĂ»r, une journĂ©e de repos sur une Ă®le dĂ©serte sous une pluie torrentielle n’Ă©tait pas exactement comme une journĂ©e au spa. La fatigue n’allait donc pas disparaĂ®tre entièrement, mais il y a clairement une diffĂ©rence de taille entre ne pas rĂ©cupĂ©rer du tout et rĂ©cupĂ©rer un petit peu.

 â€” ────pai !

Moi — Hmm ?

Je pouvais tout juste distinguer une voix à travers cette pluie battante qui frappait l’extérieur de ma tente.

 â€” Sen─ai !

Une fois de plus, je fus appelĂ©. C’Ă©tait probablement Nanase qui essayait de me parler depuis sa tente, situĂ©e en face de la mienne.  J’ouvris un peu l’entrĂ©e de ma tente et jetai un coup d’Ĺ“il pour voir ce qui se passait.

La visibilité dehors était plutôt faible, mais pas au point de ne pas pouvoir distinguer la tente de Nanase devant moi.

Nanase — J’aimerais te parler un peu, senpai ! Est-ce que je peux venir te rejoindre ?

Nanase me posa cette question en criant depuis sa tente. Elle aurait dĂ» savoir qu’il n’Ă©tait pas vraiment appropriĂ© pour un garçon et une fille de se retrouver seuls dans une tente, mais elle avait l’air d’avoir oubliĂ© cela. Le règlement interdisait aux garçons et aux filles de dormir ensemble, mais techniquement, il n’y avait pas de problème si on ne passait qu’un petit moment. Tant que nous restions raisonnĂ©s, il ne devait pas y avoir de soucis. Cela dit, la pluie Ă©tait toujours aussi forte. MĂŞme si nos tentes Ă©taient sĂ©parĂ©es de moins de deux mètres, elle allait quand mĂŞme se mouiller.

Moi — Ça me va,  mais je peux venir dans ta tente si tu veux.

Je lui proposai une alternative, mais elle secoua la tĂŞte en dĂ©pliant une serviette et en se recouvrant avec avant de dĂ©zipper complètement l’entrĂ©e de sa tente. Suivant son exemple, j’ouvris rapidement la mienne pour la faire entrer au plus vite. Elle Ă©tait venue aussitĂ´t, Ă©vitant ainsi d’être trop mouillĂ©e.

Nanase — Hah… Je suis dĂ©solĂ©e d’interrompre ton repos, Senpai.

Moi — Non, c’est bon.

Nanase Ă©tait probablement plus Ă©puisĂ©e que moi. Ce fut rude pour arriver jusqu’ici, surtout qu’une bataille fĂ©roce s’en Ă©tait suivie mĂŞme si elle Ă©tait partie d’un malentendu. J’Ă©tais curieux de savoir de quoi elle voulait parler, mais elle n’ouvrit pas la bouche tout de suite. Ou, d’après ce qu’il semblait, il serait plus exact de dire qu’elle ne trouvait pas les mots. Pendant un moment, nous restâmes assis en silence, nous observant l’un et l’autre…

Nanase — C’est assez audacieux de ma part, n’est-ce pas ?

En disant cela, Nanase baissa la tĂŞte pour s’excuser.

Nanase — Je t’ai traitĂ© avec tant d’hostilitĂ© pendant longtemps, senpai. Je t’ai dit toutes sortes de choses horribles en face… Tu dois ĂŞtre ennuyĂ© que je te tende la main comme ça.

Il était un peu tard, mais elle acceptait enfin le fait qu’elle avait mal agi.

Moi — Ça ne me dĂ©range vraiment pas, alors arrĂŞte de t’excuser. Au moins, les choses sont claires entre nous maintenant non ?

Une partie d’elle n’était probablement pas satisfaite d’une telle rĂ©ponse, mais nous Ă©tions actuellement en plein examen spĂ©cial. L’hĂ©sitation ne faisait qu’obscurcir le jugement d’une personne dans les moments importants.

Nanase — Non, tu as raison.

Ayant compris cela, Nanase baissa une fois de plus la tĂŞte pour s’excuser.

Moi — Du coup tu voulais me parler malgrĂ© cette pluie ?

Nanase — Ah, en effet !

Comme si elle se rappelait la raison pour laquelle elle était venue dans ma tente, Nanase commença à parler.

Nanase — Je n’ai pas pu chasser de mon esprit l’image d’Amasawa-san, surgissant de nulle part sous la pluie… Quand j’ai commencĂ© Ă  penser Ă  toutes les Ă©preuves que tu as traversĂ©es, j’ai juste… j’ai senti que je devais en parler.

Apparemment, elle s’Ă©tait tout simplement inquiĂ©tĂ©e pour moi et rien d’autre. Le fait qu’elle soit plus touchĂ©e que moi dans cette affaire Ă©tait quelque peu problĂ©matique, mais j’apprĂ©ciais quand mĂŞme le geste.

Nanase — Je me suis convaincue qu’Amasawa-san les avait poussĂ©s. Je pensais qu’elle cachait sa vraie nature pour masquer la vĂ©ritĂ©, mais ensuite tu as dit qu’elle n’Ă©tait pas nĂ©cessairement coupable. Maintenant je ne sais plus quoi croire…

Moi — La vĂ©ritĂ© est toujours enveloppĂ©e dans l’obscuritĂ©.

La couleur d’Amasawa Ă©tait grise, un gris qui n’avait pas encore atteint le noir. Sa teinte n’avait en effet pas encore franchi cette limite.

Nanase — Je me demande quel est l’objectif du coupable. Pourquoi ferait-il quelque chose d’aussi risquĂ© ?

Moi — Si seulement on connaissait la rĂ©ponse Ă  cette question. Allons de l’avant et supposant qu’Amasawa n’est pas coupable.

Nous dĂ©cidâmes de partager nos rĂ©flexions sur l’incident Komiya-Kinoshita. Ainsi, en Ă©changeant nos opinions, nous pourrions faire la lumière sur des choses que nous n’aurions peut-ĂŞtre pas envisagĂ©es autrement. De ce que nous savions, quelqu’un avait poussĂ© Komiya et Kinoshita du haut d’une pente. Et, parce qu’il n’y avait pas d’autres signaux GPS dans la zone Ă  ce moment-lĂ , il Ă©tait clair qu’il s’agissait d’une attaque prĂ©mĂ©ditĂ©e plutĂ´t que d’un acte commis dans le feu de l’action. Qui plus est…

Nanase — C’est… Uhm, ce ne serait pas Ă©trange tout de mĂŞme ?

Dès qu’elle commença Ă  parler, Nanase fronça les sourcils, comme s’il y avait une sorte de contradiction qu’elle n’arrivait pas Ă  comprendre.

Nanase — Ce serait bizarre si Amasawa-san n’avait aucun lien avec tout ça, non ? Il se trouve que sa montre Ă©tait cassĂ©e quand Komiya et Kinoshita ont Ă©tĂ© attaquĂ©s, et elle se trouvait non loin de la zone. Et pour couronner le tout, je l’ai aperçue par hasard alors qu’elle fuyait.

Moi — Avec autant de coïncidences, on ne peut en effet pas dire qu’elle soit étrangère à tout ça à 100%. Ce serait une erreur de l’éliminer de l’équation.

Nanase — MĂŞme si Amasawa-san n’est pas coupable, il doit quand mĂŞme s’agir de quelqu’un qu’elle connaĂ®t, non ? Par consĂ©quent, il est aussi possible qu’elle soit complice.

C’est alors qu’une autre thĂ©orie commença Ă  prendre forme : une connaissance d’Amasawa aurait poussĂ© Komiya et Kinoshita.

Moi — Cela semble probable. Les traces de pas que j’ai trouvĂ©es plus tĂ´t pourraient aussi appartenir Ă  la personne qui les a poussĂ©s.

Si nous devions considĂ©rer ce qui s’Ă©tait passĂ© comme une tentative d’aider le vrai coupable, cela expliquerait plus ou moins les actions d’Amasawa.

Nanase — On peut sans prendre de risque partir du principe qu’Amasawa-san est capable de se montrer très violente.

Elle hocha la tĂŞte en disant cela, confiante que nous Ă©tions sur la bonne voie.

Moi — Mais…

Ă€ ce moment… je commençai Ă  me sentir pris par quelque chose qui n’avait aucun rapport avec notre discussion.

Nanase — Mais ?

C’Ă©tait en rapport avec Nanase, mais quand je la vis me regarder avec une expression perplexe sur le visage, j’hĂ©sitai Ă  dire quoi que ce soit. Si je devais donner une raison Ă  cela, c’est que je ne comprenais tout simplement pas les rouages de ces choses. C’Ă©tait notre septième jour sur l’Ă®le dĂ©serte et Nanase Ă©tait restĂ©e avec moi pratiquement tout le temps jusqu’Ă  prĂ©sent. Ainsi, aucun de nous n’avait le temps ni l’espace pour se laver correctement.

Bien sĂ»r, elle avait eu l’occasion de rincer le sable et la sueur de son corps lorsqu’elle s’Ă©tait changĂ©e en maillot de bain pendant la tâche des drapeaux de plage, et elle avait aussi probablement pris une douche après avoir participĂ© Ă  la tâche de natation dans la zone de dĂ©part. Cela dit, la transpiration d’une seule journĂ©e finit gĂ©nĂ©ralement par ĂŞtre assez visible.

Comme il n’y avait pas beaucoup de place Ă  l’intĂ©rieur de ma tente pour une personne, l’odeur de Nanase avait lentement rempli l’espace.

Mais, Ă©trangement, ce n’Ă©tait pas exactement une odeur dĂ©sagrĂ©able. MĂŞme s’il Ă©tait possible qu’elle masque l’odeur de la sueur en s’essuyant comme il fallait le corps, je n’arrivais pas Ă  comprendre comment elle parvenait Ă  sentir si bon. Je voulais lui poser la question, mais ce n’Ă©tait clairement pas quelque chose qu’un senpai faisant preuve de tact pouvait dire.

Moi — Non, j’ai juste mal compris quelque chose. Oublie.

Nanase — Je vois.

Elle acquiesça sans chercher Ă  en savoir plus, et peut-ĂŞtre mĂŞme sans se douter de rien. J’avais beau avoir  une petite amie, je n’Ă©tais encore qu’un dĂ©butant dans ce domaine, et il y avait trop de choses que je ne comprenais pas. Des dĂ©odorants ou des sticks Ă©taient relativement bon marchĂ© et faciles Ă  obtenir pour nous avec le système mis en place alors j’avais finalement choisi de me dire qu’elle utilisait quelque chose comme ça. C’Ă©tait la seule rĂ©ponse que je pouvais trouver Ă  ce moment-lĂ .

MĂŞme si j’avais choisi de ne rien dire, l’ambiance entre nous Ă©tait devenue quelque peu gĂŞnante. Et tandis que Nanase ne semblait pas en penser quoi que ce soit, je dĂ©cidai de remettre notre conversation sur les rails pour tenter de dĂ©tendre l’atmosphère Ă  nouveau.

Moi — Nous n’avons aucun moyen de confirmer si oui ou non Amasawa a rĂ©ellement fait quelque chose Ă  Komiya et Kinoshita, mais je suis en mesure de connaĂ®tre les itinĂ©raires de chacun.

Nanase pencha la tête sur le côté, apparemment incapable de comprendre ce que je voulais dire, alors je sortis ma tablette pour lui montrer.

Nanase — Euh… Tes informations personnelles sont lĂ -dessus, n’est-ce pas AyanokĂ´ji-senpai… ? Tu es sĂ»r que je peux regarder ?

Par informations personnelles, elle parlait probablement des points que j’avais obtenus jusqu’Ă  prĂ©sent. Il s’agissait en effet d’une information très importante puisque les points et les classements des groupes autres que ceux du top 10 et des dix derniers n’Ă©taient pas divulguĂ©s publiquement.

Moi — Nanase, je croyais qu’on avait une relation de confiance mutuelle. Ou c’Ă©tait juste un malentendu de ma part ?

Je dis cela sans sourciller, ce qui l’amena Ă  croiser son regard avec le mien, visiblement dĂ©contenancĂ©e par mes propos.

Nanase — Quoi ? Non heu… Merci ! Je suis touchĂ©e…       

Ses mots avaient un léger mélange de gêne, de bonheur et de culpabilité. En fait, sa réticence à ne pas assumer l’hostilité dont elle avait fait preuve à mon égard lui allait très bien.

Moi — D’ailleurs, vu que nous sommes ensemble depuis le dĂ©but, tu dois dĂ©jĂ  ĂŞtre capable d’avoir une estimation approximative du nombre de points que j’ai gagnĂ©s.

Il est vrai que j’avais participĂ© Ă  quelques tâches sans elle, mais si c’est Nanase dont on parle, elle Ă©tait au moins capable d’estimer mon score en supposant que j’avais pris la première place dans ces tâches. Par consĂ©quent, sans me soucier du fait que je rĂ©vĂ©lais des informations sensibles, je commençai mon explication.

Moi — Bref, concernant ce que j’ai dit plus tĂ´t sur le fait de connaĂ®tre les routes des autres.

Nanase — Une minute, ton score n’est-il pas plus bas que prévu ?

Observatrice, comme toujours, Nanase remarqua immédiatement que quelque chose clochait même que je puisse entrer dans le vif du sujet.

Moi — Qu’est-ce tu veux dire ?

J’ai rĂ©pondis Ă  sa question en lui renvoyant la balle pour la tester. Elle  commença Ă  compter sur ses doigts pendant qu’elle faisait les calculs dans sa tĂŞte.

Nanase  — Il y a les primes d’arrivĂ©e, les primes de rapiditĂ© et les tâches… puis la soustraction des points pour les Ă©ventuelles pĂ©nalitĂ©s… Ah, j’imagine aussi que tu as pris la première place dans les tâches oĂą je n’avais pas Ă©tĂ© tĂ©moin, car je me reposais.

Elle avait clairement une bonne mémoire. Ça allait lui être utile à un moment donné dans le futur.

Moi — Je suis surpris que tu aies remarquĂ©.  Ý‡Je devrais avoir 88 points.

Nanase — Mais tu en as que 78, donc 10 points de moins. Je ne pense pas non plus avoir oublié une pénalité ou quoi que ce soit d’autre.

La question suivante se posa donc : comment, quand et pourquoi ces 10 points avaient-ils disparu ? J’allais maintenant dĂ©tailler la rĂ©ponse.

Moi — Pour cet examen spĂ©cial, les zones dĂ©signĂ©es sont annoncĂ©es quatre fois par jour pendant que les Ă©lèves se dĂ©placent sur l’Ă®le. Cette plage horaire dure dix heures par jour, de 7h Ă  17h. Hier, lorsque l’Ă©cole a levĂ© la restriction sur la fonction de recherche GPS, j’ai dĂ©cidĂ© de faire un total de dix recherches. La première a eu lieu Ă  7h du matin et j’ai rĂ©pĂ©tĂ© l’opĂ©ration toutes les heures jusqu’Ă  17h. C’est-Ă -dire, Ă  l’exception de la pause de midi.

Quant Ă  savoir pourquoi j’avais fait ça, Nanase n’avait pas l’air d’avoir fait le lien pour l’instant.

Moi — La fonction de recherche GPS est un outil extrĂŞmement pratique qui nous permet de connaĂ®tre l’emplacement de chaque Ă©lève sur l’Ă®le. Mais en l’utilisant qu’une seule fois, on n’obtient qu’un aperçu de l’emplacement actuel de chaque Ă©lève ce qui rend la recherche superficielle. Mais en divisant la journĂ©e en plusieurs parties comme je l’ai fait en faisant dix recherches, une par heure, on peut ĂŞtre en mesure de dĂ©couvrir des choses insoupçonnĂ©es.

En faisant tous les liens, on obtenait les différents itinéraires que chacun avait pris au cours de la journée.

Si quelqu’un d’autre faisait dix recherches, il apprendrait que Nanase et moi voyagions toujours ensemble.

Nanase — Uhm, je comprends maintenant lĂ  oĂą tu as utilisĂ© tes points senpai. Et je suis d’accord pour stipuler que si tu savais oĂą tout le monde se dĂ©plaçait Ă  chaque heure, tu aurais Ă©tĂ© en mesure de trouver les routes des autres. Mais si je ne m’abuse, tu n’avais pas l’air de faire grand-chose avec ta tablette hier, et ce ne sont pas des informations très faciles Ă  mĂ©moriser non plus… Es-tu… Es-tu vraiment en train de me dire que tu as tout mĂ©morisĂ© comme ça ?

Moi — Impossible. Cela prendrait Ă©normĂ©ment de temps juste pour vĂ©rifier le nom et l’emplacement de chacun.

J’ouvris la galerie de ma tablette et lui montrai les images enregistrĂ©es.

Moi — Après avoir lancĂ© la recherche GPS, j’ai fait une capture d’Ă©cran de bonne qualitĂ© pour chaque image. De cette façon, je pouvais les analyser oĂą je voulais et quand je le voulais.

Alors que nous ne pouvions pas envoyer de messages ou de photos Ă  qui que ce soit pendant l’examen, l’enregistrement des captures d’Ă©cran sur notre propre appareil Ă©tait une fonction intĂ©grĂ©e dans nos tablettes, il Ă©tait donc naturel que nous puissions l’utiliser. En examinant les captures d’Ă©cran Ă  plusieurs reprises, il a Ă©tĂ© possible de conserver un enregistrement dĂ©taillĂ© et permanent de la position de chaque Ă©lève.

Moi — En recoupant minutieusement les images, je me retrouve avec littĂ©ralement un enregistrement des mouvements d’une journĂ©e entière pour chaque groupe, pouvant ĂŞtre consultĂ© Ă  tout moment.

Il y avait aussi beaucoup de temps pour examiner les donnĂ©es, que ce soit juste avant de se coucher le soir, le matin avant le dĂ©but de la première tâche ou mĂŞme pendant la pause de deux heures du dĂ©jeuner. Bien qu’il ne s’agisse que du sixième jour, les captures d’Ă©cran avaient Ă©galement montrĂ© les dĂ©tails des tâches disponibles, ce qui nous avait permis de nous faire une idĂ©e des stratĂ©gies de haut niveau utilisĂ©es par chaque groupe.

Nanase —…Je n’avais mĂŞme pas rĂ©alisĂ© que tu avais fait ça, senpai.

Moi — Je ne suis pas assez stupide pour laisser un ennemi potentiel observer ce que je fais. Je n’avais aucune idĂ©e de qui tu Ă©tais vraiment.

Je considĂ©rais encore Nanase comme une ennemie Ă  ce moment-lĂ , il Ă©tait donc Ă©tĂ© extrĂŞmement stupide de lui dire ce que je faisais avec la recherche GPS. Les Ă©lèves avaient de nombreuses raisons de toujours utiliser leur tablette, qu’il s’agĂ®t de confirmer leur position actuelle ou de vĂ©rifier les dĂ©tails des tâches Ă  proximitĂ©, il Ă©tait donc normal qu’elle ne se doute de rien.

Il suffisait de faire une capture d’Ă©cran des rĂ©sultats de la recherche GPS toutes les heures environ, tout en restant concentrĂ© sur mes zones et mes tâches. ImpressionnĂ©e, Nanase commença Ă  parcourir les captures d’Ă©cran. Chaque fois qu’elle passait Ă  l’image suivante, les signaux GPS de chaque Ă©lève de l’Ă®le changeaient de place sur la carte.

Nanase — Avec tout mon respect, est-ce que ça valait vraiment l’investissement de ces dix points ? S’il Ă©tait possible de partager les captures d’Ă©cran avec quelqu’un alors oui, il y aurait eu une valeur ajoutĂ©e, mais cela prend un temps considĂ©rable pour analyser tous ces dĂ©placements tout seul.

Il est vrai que ces images auraient eu plus de valeur si nous pouvions les joindre Ă  un message quelconque et les envoyer Ă  nos pairs. En collaborant avec plusieurs personnes, il Ă©tait possible d’effectuer des recherches dans des intervalles de temps plus courts ou mĂŞme de suivre d’autres groupes en dehors des heures officielles d’examen. Je n’aurais pas Ă©tĂ© choquĂ© si d’autres groupes mettaient en place un plan pareil  si c’était possible avec les règles.

Moi — …MĂŞme si je suis seul, tout dĂ©pend de l’usage que j’en fais. L’avenir nous le dira si ça en valait la peine ou non.

Nanase —…Que veux-tu dire par lĂ  ?

Moi —  Laisse-moi te montrer certaines infos que j’ai trouvĂ©es.

Des seconde aux terminale, toutes sortes de choses ont pu être découvertes en parcourant les données Dans le cas des terminale par exemple, il y avait clairement quelque chose de particulier dans leurs mouvements.

Moi — Certains groupes de terminale se sont dĂ©placĂ©s de manière assez inhabituelle tout au long de la journĂ©e d’hier. Qui plus est, ces groupes sont toujours Ă©troitement liĂ©s Ă  celui de Nagumo ou Ă  celui de Kiriyama. Quand je me suis penchĂ© sur la question, j’ai remarquĂ© quelque chose d’assez intĂ©ressant.

Ă€ partir de 7 heures du matin le sixième jour, nous avions suivi la position du groupe de Nagumo heure par heure alors qu’il se dĂ©plaçait sur l’Ă®le.

Moi — Pour commencer, le groupe de Nagumo était dans la zone B8 à 7h ce matin-là.

Nanase — Cela signifierait que sa dernière zone désignée le cinquième jour était la zone B8 ?

Moi — C’est très probable, mais il Ă©tait Ă  l’extrĂ©mitĂ© sud de la zone, donc il aurait pu commencer par la zone B9. Dans tous les cas, les seuls autres signaux GPS du secteur Ă  ce moment-lĂ  Ă©taient ceux des membres de son propre groupe.

Cependant, Ă  8h, soit une heure plus tard, plusieurs autres groupes avaient commencĂ© Ă  se concentrer dans la zone autour de celle de Nagumo. La tendance s’Ă©tait encore accentuĂ©e Ă  9h du matin, ce qui montra clairement que des groupes le recherchaient activement pour tomber sur lui. Et c’est Ă  partir de ce moment-lĂ  qu’il y a eu attroupement de groupes. Vers 10h et 11h du matin, le schĂ©ma devenait encore plus Ă©vident.

Nanase — Il y a tellement de groupes qui se dĂ©placent ensemble… On dirait  un banc de poissons.

Moi — En jetant un simple coup d’Ĺ“il aux donnĂ©es, on ne remarquerait mĂŞme pas tout ça, mais c’est une autre histoire quand on prend du recul.

Nanase hocha la tĂŞte plusieurs fois en guise de rĂ©ponse et nous commençâmes Ă  passer aux deux captures d’Ă©cran suivantes. Une fois arrivĂ©s Ă  celle que j’avais prise Ă  15h, elle posa une question.

Nanase — Est-ce qu’ils… font ça pour monopoliser les tâches ?

Moi — L’option la plus probable est que Nagumo s’assure sans effort la première place dans toutes les tâches oĂą il participe en truquant la compĂ©tition en sa faveur.

C’Ă©tait  une stratĂ©gie très simple et efficace.

Nanase — Mais les autres groupes de terminale ne pourront pas marquer de points n’est-ce pas ? Je ne peux pas non plus imaginer qu’ils fassent tous Ă©quipe. Travailler ensemble pour la rĂ©ussite d’un groupe spĂ©cifique c’est… C’est une idĂ©e que tout le monde peut avoir, mais il serait impossible de la mettre en pratique efficacement.

Les groupes devaient renoncer à leurs propres zones désignées, car ils perdaient du temps à aller voir les groupes d’autres routes. De plus, en cédant la première place au groupe de Nagumo, ils ne pouvaient pas non plus gagner beaucoup de points avec les diverses tâches.

Moi — Tu n’as pas tort. Mais la raison pour laquelle cette stratĂ©gie fonctionne est qu’elle ignore l’un des principes les plus fondamentaux de cet examen. Dis-moi, qu’est-ce qui empĂŞche les Ă©lèves de travailler ensemble pour qu’un groupe spĂ©cifique arrive en tĂŞte ?

Nanase — Ce serait en raison des points de classe et de la menace d’expulsion, bien sĂ»r.

Ă€ ce moment-lĂ , je fis signe Ă  Nanase de zoomer plus près et de regarder les Ă©lèves qui s’Ă©taient rassemblĂ©s autour de Nagumo.

Nanase — Ils… ils sont tous issus de groupes en bas du classement…

Moi — Et il n’y a pas d’Ă©lèves de la classe A avec eux. Pas un seul.

Nanase — L’Ă©cart en points de classe entre la terminale A et les autres terminale doit ĂŞtre si dĂ©sespĂ©rĂ©ment grand qu’il n’y a aucun moyen pour eux de le combler…

Moi — Ou, pour formuler autrement la chose, la situation est si chaotique que ça n’importe plus personne de savoir qui perd.

Les seconde et première n’avaient pas encore atteint le point oĂą ils envisageraient d’abandonner la lutte interclasse et c’est prĂ©cisĂ©ment parce qu’ils avaient pour objectif d’atteindre la classe A par tous les moyens possibles que sombrer dans le bas du classement n’était pas une option. Pour les terminale, la lutte Ă©tait finie, les classes pouvaient travailler ensemble.

Moi — La force de cette stratĂ©gie est que les groupes en bas du classement sont libres de faire ce qu’ils veulent pendant l’examen. Quand on est en dernière position, il n’y a pas de diffĂ©rence entre avoir un point et en avoir cinquante. Au final, on perd quand mĂŞme des points de classe et on se retrouve sous le coup de l’expulsion.

Nanase — Si nous faisons vraiment tout ce que nous pouvons pour soutenir un groupe spĂ©cifique, il est fort probable que nous finissons sans points non ? Ainsi, mĂŞme si ces groupes de terminale sont en bas de l’Ă©chelle, n’est-ce pas bizarre qu’ils aient chacun 20 Ă  30 points ?

S’ils avaient vraiment renoncĂ© Ă  toutes les zones et tâches dĂ©signĂ©es, ils auraient aussi renoncĂ© Ă  gagner des points. Par consĂ©quent, Nanase a dit qu’il aurait Ă©tĂ© plus logique pour eux d’osciller autour de zĂ©ro au vu des pĂ©nalitĂ©s reçues en manquant des zones dĂ©signĂ©es. Je choisis de ne rien dire en rĂ©ponse Ă  cette question, l’incitant subtilement Ă  y rĂ©flĂ©chir par elle-mĂŞme. Et au bout d’un moment, la rĂ©ponse lui apparut. Au final, je dĂ©cidai d’ajouter quelques mots pour accĂ©lĂ©rer le processus.

Moi — Une stratĂ©gie perd de son efficacitĂ© lorsque les gens s’en aperçoivent. Alors, que faut-il faire pour Ă©viter que cela ne se produise ?

Nanase — Si nous avons deux ou trois groupes avec zĂ©ro point, alors les autres annĂ©es scolaires vont Ă©videmment se rendre compte que quelque chose de bizarre se passe. Par consĂ©quent, tant qu’ils ont au moins quelques points en main, il Ă©tait difficile pour les autres de remarquer ce qui se passe…

Elle me regarda en parlant, ayant trouvĂ© la rĂ©ponse toute seule et elle avait raison. C’est exactement pour cela que la stratĂ©gie de Nagumo Ă©tait si brillante. Si plusieurs groupes avaient zĂ©ro point, cela aurait Ă©tĂ© bien trop voyant. C’Ă©tait comme s’il dĂ©voilait son complot au public.

Moi — En fait, si plusieurs groupes semblent apporter leur soutien à Nagumo, il y a toujours au moins un membre de chaque qui se consacre à atteindre les zones désignées.

Nanase — Ils évitent les pénalités comme ça.

Et ce faisant, ils accumulaient progressivement des points, aussi peu nombreux soient-ils.

Moi — On devrait quand mĂŞme partir du principe que les groupes qui le soutiennent sont en compĂ©tition les uns avec les autres. Bien sĂ»r, ils concèdent la première place Ă  Nagumo, mais les deuxième et troisième places sont en lice et seront prises par celui qui sera le plus habile d’entre eux. Du coup, mĂŞme parmi les groupes les plus bas, le classement change de temps en temps au point que l’Ă©cart de points entre eux commence Ă  s’accroĂ®tre. Cela permet aussi de donner l’impression qu’ils prennent l’examen spĂ©cial au sĂ©rieux.

Sans lancer ces dix recherches GPS, nous n’aurions jamais pu voir clair dans cette stratégie. Au mieux, nous n’aurions pu avoir que des soupçons.

Nanase — Est-ce qu’ils voudraient vraiment laisser Nagumo gagner, mĂŞme au prix de leur propre expulsion ? MĂŞme s’ils ne peuvent pas se hisser en classe A, je ne peux pas imaginer qu’ils veuillent quitter l’Ă©tablissement, non ?

Moi — Il pourrait y avoir quelques exceptions parmi eux, mais pour la plupart des Ă©lèves, je suis d’accord. En coulisses, Nagumo a probablement prĂ©parĂ© un stratagème dont il a le secret.

Nanase — Un stratagème ?

Moi — Il est impossible pour les autres classes de terminale de finir diplĂ´mĂ©s de la classe A. Mais s’il Ă©tait possible de l’être en acceptant de travailler avec Nagumo Ă  la place ?

Nanase — Si c’est vraiment la seule option qu’ils ont, alors… je suppose que la coopĂ©ration est comprĂ©hensible.

S’il fallait choisir entre obtenir un diplĂ´me dans l’une des classes infĂ©rieures et tout risquer pour essayer d’obtenir un diplĂ´me dans la classe A, il n’était  pas Ă©trange que certains se portent volontaires pour la seconde option.

Nanase — D’une certaine manière, je ne peux mĂŞme plus dire qui a la main sur cet examen. L’Ă©tablissement ou le prĂ©sident du Conseil ?

Moi — Tu as probablement raison lĂ  aussi. Nagumo a toute l’annĂ©e de terminale sous son contrĂ´le. Il n’est pas lĂ  pour suivre les règles, il est lĂ  pour les faire et les dicter au reste d’entre nous.

Le simple fait qu’il ait orchestrĂ© cette situation en premier lieu Ă©tait très impressionnant. Il n’était probablement pas exagĂ©rĂ© de dire que, dans toute l’histoire du lycĂ©e Ikudo Ikusei, Nagumo est et sera le premier et le dernier de son espèce.

Bien entendu, nous, Ă©lèves de première, n’allions pas non plus nous asseoir et le regarder faire ce qu’il voulait.

Le cinquième jour de l’examen, j’approchai Ryuuen et Sakayanagi avec une sorte de proposition : rĂ©soudre des tâches spĂ©cifiques ensemble avec l’aide de personnes sĂ©lectionnĂ©es parmi les première. C’était une stratĂ©gie similaire Ă  celle de Nagumo, mais elle diffĂ©rait de la sienne dans la mesure oĂą les points n’étaient pas tous concentrĂ©s dans un groupe de tĂŞte spĂ©cifique.

Puisque les flammes de la compĂ©tition entre les première Ă©taient toujours vives, la proposition n’aurait pas avancĂ© si les points avaient Ă©tĂ© impliquĂ©s. Ainsi la coopĂ©ration s’est basĂ©e sur autre chose. Ryuuen et Sakayanagi Ă©taient tous deux inquiets du succès de certains des groupes que leurs camarades de classe avaient formĂ©s, ils avaient donc acceptĂ© de nĂ©gocier sur un pied d’Ă©galitĂ© en se couvrant mutuellement.

Ainsi, certains groupes de la 1ère A aideraient 1ère D Ă  augmenter la taille maximale du groupe de Sudou et en Ă©change, nous les aidions Ă  augmenter la taille maximale d’un de leur groupe dans le besoin. Nous certes des ennemis mutuels, mais tant que nos intĂ©rĂŞts convergeaient, nous pouvions nous donner la main sans hĂ©siter. C’était clairement l’une des forces des leaders des classes de 1ère. Bien entendu c’est grâce Ă  l’expĂ©rience que nous avons acquise ensemble depuis un an et demi que nous avions pu mettre ce plan en Ĺ“uvre. Au tout dĂ©but, la coopĂ©ration n’aurait pas Ă©tĂ© possible.

Nanase — Je crois comprendre maintenant. Ces dix points dĂ©pensĂ©s  Ă©taient pour l’intĂ©rĂŞt commun, n’est-ce pas ?

Moi — En quelque sorte. Après, j’ai toujours l’attention d’atteindre le haut du classement. Heureusement, KĂ´enji a fait beaucoup d’efforts ce qui a fait que j’ai pu me concentrer sur la collecte des ressources nĂ©cessaires pour soutenir mes camarades dans le besoin.

Nanase — KĂ´enji-senpai est vraiment Ă©tonnant, n’est-ce pas ? Ă€ lui tout seul, il donne du fil Ă  retordre au prĂ©sident Nagumo.

KĂ´enji Ă©tait effectivement Ă©tonnant, mais la vĂ©ritĂ© derrière ce qui se passait ici Ă©tait probablement un peu diffĂ©rente. Chaque fois que quelqu’un allait vĂ©rifier le haut du classement, il voyait KĂ´enji et le groupe de Nagumo dans une lutte serrĂ©e, pensant que KĂ´enji affrontait tout un groupe Ă  lui tout seul. En rĂ©alitĂ©, le groupe de Nagumo ne faisait probablement que jouer la comĂ©die en ralentissant le rythme de KĂ´enji. Les classements allaient ĂŞtre accessibles au public jusqu’Ă  la fin du douzième jour, et Nagumo allait probablement continuer Ă  jouer la comĂ©die jusque-lĂ . Et puis, une fois que les classements allaient ĂŞtre de nouveau cachĂ©s, lui et son groupe allaient reprendre un bon rythme pour les deux derniers jours.

Ainsi, on finirait par croire que Nagumo est sorti victorieux d’une âpre lutte face KĂ´enji qui s’Ă©tait essoufflĂ© en fin d’Ă©preuve. Le fait qu’il ait utilisĂ© un si grand nombre de groupes complices pour accumuler autant de points dans les tâches ne serait pas non plus exposĂ©. Mais comme il ralentissait son rythme pour matcher celui de KĂ´enji afin de ne pas se faire dĂ©voiler au grand jour, cela nous donnait aussi une chance de nous emparer de la victoire.

Nanase — Pour l’instant, utilisons ces informations pour examiner les mouvements d’Amasawa lors du sixième jour.

Avec ces mots, Nanase dĂ©gagea des informations de mes captures d’Ă©cran que je n’avais mĂŞme pas prises en compte.

Nanase — Amasawa n’Ă©tait pas dans la zone dĂ©signĂ©e ce matin-lĂ .

Étant donnĂ© qu’elle avait la mĂŞme route que nous, il n’était pas Ă©trange qu’elle campe dans la mĂŞme zone dĂ©signĂ©e que la nĂ´tre. Cependant, son signal GPS indiquait qu’elle se trouvait plutĂ´t Ă  deux zones au sud. De plus, aucun autre signal ne se superposait au sien, indiquant qu’elle avait passĂ© la nuit seule.

Moi — Voici la capture d’Ă©cran de 8h, une heure après l’annonce de la première zone dĂ©signĂ©e.

Nanase — La zone oĂą nous nous dirigions Ă  ce moment-lĂ  Ă©tait B6, n’est-ce pas senpai ?

Moi — Oui. On dirait qu’elle a pris un autre itinĂ©raire pour atteindre B6.

Elle se déplaçait rapidement au vu de la distance parcourue entre les images.

Avait-elle simplement voyagĂ© plus vite que prĂ©vu, ou avait-elle simplement pris le chemin le plus optimal ? Quoi qu’il en soit, cela ne ressemblait pas au mouvement d’une fille solitaire marchant dans la forĂŞt. Nous vĂ©rifiâmes la carte suivante Ă  9h et elle se trouva dans la zone C6, une zone Ă  droite de la zone dĂ©signĂ©e. Ensuite, elle avait  mis les pieds dans la zone dĂ©signĂ©e avant de se diriger  vers une tâche voisine.

Nanase — C’est vraiment incroyable. Chaque mouvement au cours de la journĂ©e est Ă  portĂ©e de notre doigt, clairement affichĂ© sur une carte.

Pendant les heures matinales du sixième jour, elle semblait passer l’examen avec rigueur comme n’importe quel autre Ă©lève. Nous commençâmes rapidement Ă  analyser les sept captures d’Ă©cran suivantes, en concentrant notre attention uniquement sur le signal d’Amasawa. Mais finalement, elle n’avait rien fait de particulier. Elle participa juste  Ă  trois ou quatre tâches en se rendant consciencieusement dans les zones dĂ©signĂ©es. Nous pouvions probablement dĂ©couvrir si elle s’Ă©tait bien classĂ©e ou non dans ces tâches en croisant les donnĂ©es de la tablette de Nanase, mais sa performance n’avait pas vraiment d’importance ici.

Moi — Rien n’indique qu’Amasawa nous suivait ou faisait quelque chose de suspect Ă  partir de 17h hier.

Nanase — …Au final, nous n’avons rien appris ?

Moi — Non, nous avons beaucoup appris. Cela montre clairement qu’Amasawa prend cet examen spĂ©cial un tant soit peu au sĂ©rieux. Ça montre aussi qu’elle ne laisse aucune ouverture que nous pourrions dĂ©couvrir par la recherche GPS.

On pouvait supposer qu’elle prĂ©parait ses carabistouilles une fois les heures officielles d’examen terminĂ©es, c’est-Ă -dire, du crĂ©puscule Ă  l’aube, mais je ne voulais pas gaspiller de points dans une recherche GPS juste pour ça. Ă€ ce moment-lĂ , nous reçûmes une notification de l’établissement concernant la compensation de la suspension de l’examen pour la journĂ©e.

『 En raison des conditions mĂ©tĂ©orologiques chaotiques, seul un quart du quota de tâches et des dĂ©placements principaux vers les zones dĂ©signĂ©es de la journĂ©e a pu ĂŞtre rĂ©alisĂ©. Pour compenser, les points gagnĂ©s grâce aux primes d’arrivĂ©e, aux primes de rapiditĂ© et aux tâches seront doublĂ©s le dernier jour. La mĂ©tĂ©o devrait s’amĂ©liorer un peu avant demain matin 』

L’examen final avait seulement trois quarts de la journĂ©e consacrĂ©e Ă  l’examen spĂ©cial comme lors du premier jour. J’imagine que c’est le mĂ©decin qui a dĂ» faire cette recommandation.

Nanase — Senpai, on dirait que ça pourrait finir par tout changer.

Le dernier jour était le moment où la majorité des conflits allaient se régler alors avec le double de points en jeu, les chances de réussir une remontée étaient très réelles.

Moi — L’Ă©tablissement a eu raison de nous en informer aussi longtemps Ă  l’avance. Cela donnera aux groupes la possibilitĂ© de rĂ©Ă©valuer leurs plans pour la deuxième partie de l’examen.

La journĂ©e d’aujourd’hui s’Ă©tant transformĂ©e en une journĂ©e complète de repos, il y aura sĂ»rement des groupes qui penseront Ă  se mĂ©nager Ă  partir de demain pour conserver leur endurance en prĂ©vision du dernier jour. D’un autre cĂ´tĂ©, il n’allait pas non plus ĂŞtre surprenant que certains groupes choisissent d’en profiter pour se lancer Ă  fond dès demain.

Quoi qu’il en soit, ça ne m’arrangeait pas. Après avoir fixĂ© ma tablette pendant un moment, je me rendis compte que Nanase avait cessĂ© de parler et la regardai s’assoupir Ă  cĂ´tĂ© de moi. C’Ă©tait comme si elle glissait progressivement dans l’inconscience du sommeil, ses yeux Ă©tant parfois grands ouverts ou se fermant lentement.

Moi — Je sais qu’il fait encore jour, mais tu devrais te reposer.

Elle s’Ă©tait forcĂ©e Ă  escalader une montagne ce matin pour ensuite utiliser le reste de son Ă©nergie Ă  me combattre sans se reposer une fois. Elle avait dĂ©passĂ© deux ou trois fois sa limite aujourd’hui alors elle devait ĂŞtre Ă©puisĂ©e.

Nanase — Eh ? Ah… ! DĂ©solĂ©e !

Elle essaya de se redresser d’un coup, mais une forte somnolence n’Ă©tait pas quelque chose dont on pouvait se dĂ©barrasser si facilement. Et c’Ă©tait encore plus vrai pour quelqu’un avec un corps en lambeaux comme elle.

Nanase — …je vais retourner dans ma tente alors.

Elle était la seule à savoir ce qui était le mieux pour elle. Si elle continuait à s’assoupir, elle aurait fini par s’endormir ici et être une gêne.

Moi — Bonne idée.

Ă€ en juger par la façon dont la pluie continuait Ă  tomber, il ne semblait pas que nous serions en mesure de faire un voyage productif aujourd’hui. Dans ces conditions, chaque seconde Ă©tait prĂ©cieuse pour le repos de notre corps. Une tente n’était certes pas confortable, mais on n’y pouvait rien. Au moment oĂą Nanase Ă©tait sur le point de dĂ©zipper l’ouverture, elle se retourna en me regardant par-dessus son Ă©paule.

Nanase — Dès que la pluie s’arrĂŞtera, j’irai poursuivre Amasawa-san. Il est clair qu’elle vient de la White Room, et je m’inquiète de ce qu’elle compte faire après ça.

En fait, si elle continuait Ă  rester avec moi comme ça, nous n’aurions aucune chance de savoir ce qu’Amasawa prĂ©parait. Et, comme ils Ă©taient du mĂŞme groupe, je ne pensais pas qu’elle ferait quelque chose de cruel Ă  Nanase.

Moi — Le fait qu’Amasawa ait rĂ©ussi Ă  se rendre jusqu’ici alors qu’elle vient de la White Room montre qu’elle est une menace. Il est vital de ne pas la sous-estimer Ă  cause de son sexe ou de son âge.

Nanase — Je n’ai certes pas tous les détails, mais si j’ai bien compris tu dis que c’est un adversaire extrêmement dangereux.

En termes de puissance de combat pure, on pourrait dire qu’Amasawa Ă©tait mĂŞme un cran au-dessus de Sudou et Ryuuen. Bien qu’ils puissent la battre en termes de force physique brute, elle les devancerait certainement de très loin en termes de technique et d’expĂ©rience. Quels que soient ses efforts, Nanase elle-mĂŞme n’aurait probablement pas l’ombre d’une chance.

Moi — Tu devrais également te méfier de groupe de Hôsen.

Nanase — Oui. Vu sa force, je ne suis pas de taille non plus.

Nanase acquiesça, croyant manifestement avoir compris, mais la force physique Ă©crasante de HĂ´sen n’Ă©tait pas la seule chose qui le rendait dangereux. Il fallait considĂ©rer HĂ´sen comme quelqu’un de plus polyvalent.

Moi — Je pense qu’il est extrĂŞmement improbable que HĂ´sen soit un Ă©lève de la White Room, mais après ce qui s’est passĂ© avec Amasawa, je n’en suis plus si sĂ»r. Dans tous les cas, oublie-moi pour le moment et  concentre-toi sur ta propre protection.

En supposant, bien sûr, que son objectif n’était pas de me faire renvoyer.

Nanase — Je n’ai pas peur d’ĂŞtre expulsĂ©, AyanokĂ´ji-senpai. Je ferai n’importe quoi si c’est pour te protĂ©ger, quel qu’en soit le prix.

PlutĂ´t que d’offrir des conseils, mes mots Ă©taient plus un avertissement, mais d’après sa rĂ©ponse, il semble que le message n’était pas passĂ©.

Moi — Laisse-moi un peu reformuler, Nanase. Il est possible que tes actions imprudentes me causent des problèmes involontairement. Je veux que tu évites de faire quoi que ce soit pour me mettre en danger.

Je lui fis comprendre que je n’Ă©tais pas en train de m’inquiĂ©ter pour son sort, mais par extension, du mien. Ce faisant, le comportement loyal et tĂ©mĂ©raire de Nanase devint celui d’un chiot, docile et fragile.

Nanase — Ce… Ce serait inacceptable de ma part. Je ne peux pas me permettre de te causer plus de problèmes après tout ce que j’ai fait.

Moi — Si c’est ce que tu penses alors agi prudemment, compris ?

Nanase — Je comprends. Je te le promets.

Après lui avoir dit tout cela, j’avais assez confiance sur le fait qu’elle n’allait rien tenter d’imprudent. Elle ne voulait clairement pas faire quelque chose la rendant encore plus honteuse. Une fois que Nanase retourna dans sa propre tente, mon regard se posa de nouveau sur ma tablette. Je voulus passer rapidement au peigne fin les scores des dix premiers et des dix derniers groupes, puis faire le point avec mon score.

『 Classement : Top 10 』

1ère place : 1ère  – KĂ´enji 168 points
2ème place
:
Tle – Nagumo – 166 points

3ème place :Tle – Kiriyama – 150 points
4ème place
:
Tle – Mizoe– 133 points
4ème place
:
Tle – Ochiai – 133 points
6ème place
:
1ère – Ryuuen – 128 Points
7ème place
:
1ère – Sakayanagi – 127 points
8ème place
:
2nde – Takahashi – 115 points
9ème place
:
1ère – Kanzaki – 104 points
10ème place
:
Tle – Kuronaga– 101 points

J’Ă©tais actuellement classĂ© 49e au classement gĂ©nĂ©ral avec 78 points.  

Il y  avait une diffĂ©rence totale de 90 points entre KĂ´enji qui occupait la première place et moi. Bien qu’il me semble impossible de combler l’Ă©cart entre nous, je pouvais obtenir tout de mĂŞme 11 points pour les primes de rapiditĂ©. Et avec quatre chances par jour, je pouvais rattraper mon retard rien qu’en me plaçant premier neuf fois de suite. Bien sĂ»r, cela supposait aussi que KĂ´enji ne gagne pas de points Ă  son tour entre-temps.

Si KĂ´enji devait maintenir son rythme actuel et continuer Ă  accumuler assidĂ»ment des points, il finirait par obtenir un score final d’environ 350. Si je voulais combler l’Ă©cart, il fallait gagner près de 40 points par jour pendant le reste de l’examen. Si on posait la question a un autre groupe, il considĂ©rerait la chose comme impossible et abandonnerait probablement sur-le-champ. Cependant, mĂŞme une existence remarquable comme celle KĂ´enji ralentirait sĂ»rement pendant la seconde moitiĂ© de l’examen.

Moi — Mais la dixième place a 101 points, huh ?

Lorsque les règles de cet examen nous avaient Ă©tĂ© expliquĂ©es pour la première fois, je pensais que les groupes auraient eu des scores lĂ©gèrement plus Ă©levĂ©s Ă  ce stade. Cependant, au vu de la situation actuelle et du fait que j’Ă©tais actuellement classĂ© 49e, j’avais l’impression que la progression globale avait quelque peu stagnĂ© depuis que l’examen Ă©tait entrĂ© dans sa phase intermĂ©diaire. Après que l’efficacitĂ© globale ait atteint ses limites lors du deuxième ou du troisième jour, un sentiment global de fatigue persistante a commencĂ© Ă  s’installer, et il y a eu une augmentation notable du nombre de zones dĂ©signĂ©es manquĂ©es, de pĂ©nalitĂ©s et d’abstentions de tâche.

En mĂŞme temps, comme les petits groupes commençaient aussi Ă  fusionner entre eux, le nombre total de groupes diminuait peu Ă  peu. C’Ă©tait certainement quelque chose que je devais garder Ă  l’esprit Ă©galement. Pour rĂ©ussir Ă  grimper dans le classement, je devais montrer une croissance significative pendant la seconde moitiĂ© de l’examen.

Et la clé de cette réussite était le score de la dixième place, qui servait de barrière entre ce qui était connu et ce qui était caché. Ainsi, je m’étais efforcé jusqu’à maintenant de gravir silencieusement et patiemment les échelons au cours de cette première moitié d’examen, sans me surmener.

Mes efforts auraient portĂ© leurs fruits Ă  partir de demain, le huitième jour, mais comme l’examen fut suspendu aujourd’hui en raison de la forte pluie. Je devais m’attendre Ă  un autre pic d’activitĂ© de tous les groupes au cours des deux prochains jours environ. Ainsi, il y allait certainement avoir des groupes qui chercheront Ă  conserver leur endurance pour doubler les points le dernier jour.

Cet examen spĂ©cial semblait totalement impossible Ă  gagner pour des groupes avec un seul membre. Cependant, il y avait en fait quelque chose de contradictoire dans la relation entre les règles de l’examen, les dĂ©placements principaux, et les tâches.

Si on essayait de se rendre le plus rapidement possible dans les zones dĂ©signĂ©es, on risquait de manquer des tâches. Et inversement, si on se concentrait uniquement sur l’accomplissement des tâches, on risquait de manquer les primes de rapiditĂ©. Tout cela Ă©tait la vĂ©ritĂ© immuable que l’on soit seul ou dans un grand groupe.

Dans l’ensemble, l’examen avait Ă©tĂ© très intelligemment pensĂ© et Ă©tait  plutĂ´t Ă©quilibrĂ©. Ainsi pour ĂŞtre Ă©ligible pour les primes de rapiditĂ© c’était au moment oĂą la dernière personne d’un groupe mettait le pied dans la zone dĂ©signĂ©e. Le fait aussi que les groupes s’aventurent sur les sites de tâches sans mĂŞme savoir s’ils allaient pouvoir participer Ă©tait aussi un bon exemple de bon Ă©quilibrage.

Je ne savais pas exactement quand la pluie allait s’arrĂŞter, et j’Ă©tais toujours inquiet pour Nanase, mais dès demain, la deuxième partie de l’examen allait commencer, et j’allais me battre avec une toute nouvelle stratĂ©gie en main.

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