Le génie solitaire de la 1ère D
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Traduction : Raitei
Correction : Nova
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Un peu avant 7 h le lendemain, le cinquième jour de l’examen, nous nous dirigeâmes vers le sud le long de la rivière, de la zone D4 Ă D5. Après avoir mis le pied dans la zone G3 hier, nous dĂ©cidâmes de renoncer Ă la zone suivante, H4, et de nous diriger vers l’ouest pour retourner Ă la zone de dĂ©part. En consĂ©quence, nous manquâmes aussi les deux dĂ©signations suivantes, H6 et I7, ce qui signifiait, trois zones d’affilĂ©e de manquĂ©es.
Ă€ moins qu’une zone dĂ©signĂ©e n’apparaisse au hasard par miracle quelque part le long de notre itinĂ©raire, ce nombre passerait inĂ©vitablement Ă quatre. Au final, les chances ne jouèrent pas en notre faveur car lorsque sonna 7h du matin, la première zone dĂ©signĂ©e de la journĂ©e se rĂ©vĂ©la ĂŞtre I8. Le point positif Ă©tait que l’endroit Ă©tait très Ă©loignĂ© alors nous l’aurions manquĂ© de toute manière.
Probablement parce qu’il était encore très tôt, le doux murmure de la rivière voisine était très agréable. Mais c’était sans compter les mauvaises nouvelles qui suivirent peu après, gâchant ainsi une journée qui aurait pu être tranquille.
Nanase — La situation de Shinohara-senpai ne semble pas très optimiste…
Shinohara fut dĂ©sormais livrĂ©e Ă elle-mĂŞme suite au retrait de Komiya et de Kinoshita hier. MĂŞme si Ike et Sudou faisaient ce qu’ils pouvaient pour la soutenir, le nombre de points qu’elle pouvait marquer seule Ă©tait, au final, limitĂ©. Hier, son groupe n’avait pas Ă©tĂ© inclus dans les dix derniers, mais lorsque nous avions vĂ©rifiĂ© le classement ce matin, il Ă©tait dĂ©jĂ tombĂ© dans les huit derniers. Vu que les groupes classĂ©s en dessous d’elle gagnaient des points plus rapidement, dans un ou deux jours elle allait se retrouver Ă la dernière place. Ironiquement, cela permit au groupe d’Akito de rester au-dessus de la ligne rouge, du moins pour le moment.
Je n’avais pas eu l’occasion de regarder hier les premiers du classement. La première place Ă©tait occupĂ©e par le groupe de Nagumo, composĂ© uniquement d’Ă©lèves de terminale A, tandis que la deuxième place Ă©tait dĂ©tenue par le groupe de Kiriyama, de la terminale B. Les deux meilleurs reprĂ©sentants des terminale faisaient donc tous acte de prĂ©sence dans le top.
Nanase — Ah, Senpai. Il y a quelqu’un qui pĂŞche devant nous.
Un Ă©lève solitaire apparut devant nous. Il Ă©tait assis sur un flanc rocheux, passant tranquillement le temps avec une canne Ă pĂŞche Ă la main. En raison de son apparence extĂ©rieure particulière, je le reconnus immĂ©diatement. Il faisait partie du groupe que je voulais rencontrer Ă tout prix. Je ne m’attendais pas Ă avoir la chance de le voir aussi tĂ´t. En raison de la nature de l’examen et de la taille de l’Ă®le, trouver une personne en particulier revenait Ă chercher une aiguille dans une botte de foin. J’avais mĂŞme envisagĂ© d’utiliser le GPS une fois activĂ© demain pour tenter de rencontrer le groupe. Je ne pouvais donc pas passer Ă cĂ´tĂ© de cette chance.
Moi — Ça te dérange si on fait un détour, Nanase ?
Bien que plusieurs tâches intéressantes fassent leur apparition dans les environs, nous allions probablement devoir y renoncer.
Nanase — Je ne fais que t’accompagner Ayanokôji-senpai. N’éprouve pas le besoin de me demander mon avis.
Je pris ses paroles pour argent comptant et dĂ©cidai d’approcher cet Ă©lève. Il ne semblait pas encore nous avoir remarquĂ©s, mais je choisis de ne pas l’appeler de loin pour ne pas interrompre sa pĂŞche. Nous nous approchâmes ainsi tranquillement en marchant le long du gravier sablonneux du bord de la rivière. Très vite, nous nous rapprochâmes suffisamment pour qu’il remarque notre prĂ©sence. Il se tourna lentement nous.
— Tu as commencé tout seul, mais il semble que tu ne sois pas encore tombé dans les dix derniers.
C’est avec ces mots que nous fûmes accueillis par Katsuragi de la 1ère B.
Moi — En effet. Mais si je prends les choses à la légère ne serait-ce qu’un jour alors mon rang chuterait probablement rapidement.
Ayant entendu l’agitation, Ryuuen Ă©mergea de l’intĂ©rieur de sa tente et me lança un regard quelque peu surpris.
Ryuuen — Alors tu te balades pepouze sur l’Ă®le avec une nana, hein ? Tu t’es lassĂ© de Karuizawa ou c’est comment ?
Katsuragi — Karuizawa ? Pourquoi parles-tu d’elle ?
Katsuragi reporta son regard sur Ryuuen, confus.
Ryuuen — Kuku, laisse tomber, c’est rien.
Moi — On dirait que vous vous débrouillez plutôt bien tous les deux.
On pouvait facilement vĂ©rifier le classement grâce Ă la tablette. Ce matin, j’avais un total cumulĂ© de 52 points, ce qui me plaçait Ă la 74e place au classement gĂ©nĂ©ral. Pour un groupe d’une seule personne, c’était une prouesse. Ryuuen et Katsuragi occupaient la dixième place avec un total cumulĂ© de 92 points. Sur ces 92 points, 29 provenaient des primes d’arrivĂ©e, 41 des primes d’anticipation et 22 des tâches.
Ryuuen — Oh, arrête tes conneries. Ce monstre avec une case en moins est dans ta classe si je ne m’abuse ?
Moi — Certes.
Le « monstre avec une case en moins » auquel Ryuuen faisait rĂ©fĂ©rence n’Ă©tait autre que KĂ´enji. Comme moi, il passait l’examen seul mais malgrĂ© cela, il se trouvait actuellement Ă la quatrième place. De tous les groupes du top 10, c’Ă©tait lui qui avait obtenu le plus de points grâce aux primes d’arrivĂ©e, sans compter le nombre considĂ©rable de points qu’il avait gagnĂ©s grâce aux tâches, soit un total cumulĂ© de 126 points. Jusqu’Ă prĂ©sent, ses performances Ă©taient vraiment exceptionnelles et il n’y avait pratiquement aucune marge d’erreur.
Cependant, il restait encore dix jours d’examen en comptant aujourd’hui. Si un accident devait se produire en raison d’un surmenage ou d’une blessure, il perdrait sa place parmi les dix premiers en un instant.
Au cours de cet examen de deux semaines sur une Ă®le dĂ©serte, nous n’avions pas droit Ă un seul jour de repos et, pour le coup, celui ou celle qui malmenait son corps allait forcĂ©ment subir un contrecoup tĂ´t ou tard. Cela commençait par des symptĂ´mes Ă©vidents, comme des douleurs musculaires et des courbatures, puis, petit Ă petit, les jambes finissaient par s’alourdir au point que mĂŞme des choses simples comme la marche devenaient difficiles. De plus, comme nous Ă©tions soumis au strict minimum concernant les nutriments essentiels pour notre corps, la fatigue mentale se faisait aussi ressentir.
Moi — Quelle est votre prochaine zone désignée ?
Ryuuen — Hah ?
Moi — Il est dĂ©jĂ plus de 7h du matin. Vous avez l’air de vous reposer.
Katsuragi — C’est en effet ce que j’ai décidé de faire.
Katsuragi répondit en jetant sa ligne dans la rivière.
Katsuragi — Nous avons avancĂ© Ă un rythme rapide ces quatre derniers jours avec une bonne organisation. Ceci Ă©tant dit, notre première zone dĂ©signĂ©e aujourd’hui s’est avĂ©rĂ©e ĂŞtre la dĂ©signation alĂ©atoire en E10, nous devions donc nous fatiguer si nous voulions arriver dans le temps imparti. J’ai dĂ©cidĂ© qu’un ou deux points ne valait pas tous ces efforts.
Ryuuen laissa Ă©chapper un sourire en coin en haussant les Ă©paules. Il Ă©tait le type de personne qui cherchait toujours Ă dĂ©passer ses limites, et pourtant, Katsuragi avait rĂ©ussi d’une manière ou d’une autre Ă le persuader de faire une pause. Ishizaki ou Kaneda n’auraient probablement pas Ă©tĂ© capables de contrĂ´ler Ryuuen Ă ce point. Il semblait que Katsuragi jouait dĂ©jĂ un rĂ´le important dans leur classe.
Nanase — Alors, tu as attrapé quelque chose ?
Nanase posa cette question à Katsuragi en regardant le flotteur de pêche dans la rivière.
Katsuragi — Malheureusement, ça n’a pas été très fructueux. Il faut aller à la mer si on veut attraper beaucoup de poissons.
Autrement dit, il pĂŞchait ici simplement pour passer le temps.
Moi — Je suppose que vous vous débrouillez bien sur le plan alimentaire.
Je ne savais pas s’il allait me rĂ©pondre honnĂŞtement ou non, mais j’ai dĂ©cidĂ© de tenter le coup.
Katsuragi — Il y a vraiment de quoi se nourrir dans la mer, les rivières et la forĂŞt. L’eau est au final en abondance puisqu’il suffit de faire bouillir l’eau de la rivière.
Moi — Mais n’est-ce pas risquĂ© de boire l’eau de la rivière ?
Katsuragi — Tu n’as pas tort. La faire bouillir ne garantit pas qu’elle soit parfaitement sĂ»re, c’est pourquoi je suis le seul Ă la boire. Ryuuen boit seulement l’eau en bouteille.
Ils gĂ©raient les risques Ă la perfection. Ă€ ce stade de l’examen, il devait y avoir des groupes qui Ă©taient en proie aux luttes internes pour s’en sortir, mais ces deux avaient rĂ©ussi Ă trouver un Ă©quilibre.
Moi — Il se trouve que je te cherchais, Ryuuen.
Ryuuen — Tu me cherchais ?
Moi — Je suppose que vous savez tous les deux quels groupes sont dans les dix derniers pour le moment, n’est-ce pas ?
Ryuuen — Bien sûr. Mais je ne sais pas ce que font ces idiots de ma classe dans les huit derniers.
Avec deux membres en moins, leurs gains avaient fortement baissĂ©, crĂ©ant une disparitĂ© toujours plus grande entre eux et les autres groupes situĂ©s en bas de l’Ă©chelle.
Moi — Komiya et Kinoshita se sont retirés.
Le sourire sur le visage de Ryuuen disparut instantanĂ©ment, remplacĂ© par une expression sĂ©rieuse. Katsuragi regarda Ă©galement dans ma direction, son attention s’étant dĂ©tournĂ©e de la canne Ă pĂŞche qu’il tenait dans les mains.
Katsuragi — Comment ça ? Explique-toi.
Puisque Katsuragi Ă©tait maintenant un membre Ă part entière de leur classe, Komiya et Kinoshita Ă©taient des camarades qu’il devait protĂ©ger.
C’est Nanase qui répondit à la question de Katsuragi.
Nanase — Ils ont Ă©tĂ© gravement blessĂ©s. Il est peu probable que l’un d’entre eux puisse marcher de sitĂ´t.
Katsuragi — C’Ă©tait un accident ?
Nanase — Eh bien, c’est…
Moi — Selon Shinohara, le dernier membre restant de leur groupe, ils ont Ă©tĂ© attaquĂ©s par quelqu’un.
Ryuuen — Je suppose que ce ‘quelqu’un’ a Ă©tĂ© virĂ© d’ici en mĂŞme temps qu’eux, non ?
Moi — Malheureusement, le tĂ©moignage de Shinohara Ă©tait la seule preuve qu’ils avaient. Ni Komiya ni Kinoshita n’ont pu se rappeler s’ils avaient Ă©tĂ© rĂ©ellement attaquĂ©s ou non. L’Ă©cole devrait toujours enquĂŞter, mais je ne me ferais pas d’illusions.
Nanase — Ils considèrent que Shinohara-senpai a menti pour que son groupe puisse s’en sortir avec des circonstances atténuantes.
Katsuragi — Que devrions-nous faire Ryuuen ? MĂŞme si nous parvenons Ă nous placer dans les trois premiers, cela n’aura aucun sens si Komiya et Kinoshita finissent expulser.
Si le groupe de Shinohara arrivait en dernière position, les classes de 1ère D et de 1ère B subiraient toutes deux des revers importants.
Ryuuen — Tu as dit que tu me cherchais, non ? Shinohara est ta camarade de classe, donc je suppose que tu as déjà trouvé un plan pour empêcher les expulsions. Ou je me trompe ?
Comme prĂ©vu, bien que ne connaissant aucun dĂ©tail, Ryuuen avait su instinctivement que j’avais pensĂ© Ă quelque chose.
Moi — Désolé Nanase, mais je ne peux pas te laisser écouter la suite de cette conversation. La survie des 1ère est en jeu.
Nanase — Je comprends.
Après avoir confirmĂ© que Nanase s’Ă©tait Ă©loignĂ©e suffisamment de nous, je m’approchai de Ryuuen et lui fit part des dĂ©tails de ma stratĂ©gie. Il pourra ensuite en faire part Ă Katsuragi.
Ryuuen — Kuku, je vois. Avec un tel plan, il y a vraiment un moyen pour Shinohara de survivre. Cela dit… est-ce que tout se passera bien ?
Moi — Il devrait y avoir de bonnes chances aussi longtemps que tu coopères. Le reste se fera naturellement.
Ryuuen — T’as vraiment des couilles mon gars pour penser à ce genre de trucs dans des situations aussi pourries. Si les autres groupes réalisent ce qu’il se passe, ils vont commencer à agir.
Je rĂ©pondis par un petit signe de tĂŞte. C’Ă©tait justement la raison pour laquelle je ne voulais pas que Nanase nous entende. Si les 2nde l’apprenaient, cela allait probablement entraĂ®ner une confrontation entre les 1ère et le reste des Ă©lèves.
Moi — Il y a aussi des 2nde intelligents. Il faut partir du principe que certains feront leur entrée plus tôt que prévu.
Il était également impossible de prédire ce que les terminale feraient s’ils découvraient la chose.
Ryuuen — Si c’Ă©tait du menu fretin, je n’hĂ©siterais mĂŞme pas Ă les laisser se faire exclure, mais Komiya et Kinoshita ont encore leur utilitĂ©.
Moi — Donc tu vas travailler avec moi si je comprends bien ?
Ryuuen — Nos intĂ©rĂŞts convergent alors il n’y a pas moyen que je passe Ă cĂ´tĂ© de ton plan.
Le groupe de Shinohara Ă©tait composĂ© d’Ă©lèves de nos deux classes, après tout. Si nous ne nous donnions pas la main ici et maintenant, il allait devenir impossible de les sauver.
Moi — Si tu vois Ichinose, tu pourras lui divulguer le plan aussi ?
Ryuuen — Hormis ce paillasson d’Ichinose, ça m’étonnerait que Sakayanagi nous aide aussi facilement.
Moi — Elle n’est pas du genre Ă s’asseoir et Ă laisser des 2nde la prendre de haut.
Ryuuen — Kuku, pas faux.
C’est ainsi que notre rencontre impromptue prit fin. Nous nous saluâmes et nous nous mĂ®mes immĂ©diatement en route vers la zone de dĂ©part.
1
Nanase et moi prîmes la direction du sud vers la zone de départ, mais en cours de route, une tâche apparue près du sommet de la zone C5. Nous modifiâmes ainsi notre itinéraire en conséquence. La tâche en question était un duel de tir à la corde.
Le dĂ©lai d’inscription Ă©tait court, 40 minutes, et le nombre de participants Ă©tait limitĂ© Ă deux garçons et deux filles, donc les conditions gĂ©nĂ©rales Ă©taient très strictes. Cependant, on gagnait cinq points simplement pour avoir participĂ©, et si on gagnait, on empochait dix points supplĂ©mentaires, pour un total cumulĂ© de quinze points.
Comme le sommet n’Ă©tait qu’Ă une courte distance devant nous, il Ă©tait plus ou moins impossible pour les autres Ă©lèves de nous battre en rapiditĂ© Ă moins d’ĂŞtre dĂ©jĂ dans la zone. Après avoir pris en compte le fait que j’allais bientĂ´t manquer ma quatrième zone dĂ©signĂ©e d’affilĂ©e (et donc une perte de deux points en consĂ©quence), je dĂ©cidai que nous devions nous lancer. De plus, il y avait une bonne chance que quinze points nous tombent directement dessus si personne d’autre ne se prĂ©sentait.
MalgrĂ© l’altitude Ă©levĂ©e de la montagne, nous avançâmes Ă un rythme rapide et arrivâmes Ă la tâche avec environ cinq minutes d’avance. Je pensais que nous serions les premiers Ă arriver, mais apparemment quelqu’un nous avait devancĂ©s.
Ce « quelqu’un » semblait avoir remarquĂ© notre prĂ©sence, mais il ne faisait aucun effort pour regarder dans notre direction.
Nanase — Il est arrivĂ© ici assez rapidement, n’est-ce pas ? Il devait ĂŞtre encore plus près que nous.
Moi — Je me le demande.
MĂŞme s’il se trouvait dans la zone sud de C5 quand la tâche avait Ă©tĂ© annoncĂ©e, il lui aurait fallu tout de mĂŞme un certain temps pour arriver ici.
Moi — Je ne sais pas si cela va t’éclairer mais c’est le fameux Kôenji Rokusuke.
Nanase — KĂ´enji… ? Le mĂŞme KĂ´enji de votre classe qui est actuellement Ă la quatrième place du classement gĂ©nĂ©ral ? …Eh bien, il semble dĂ©gager une… aura de grandeur en quelque sorte.
C’Ă©tait une chose qu’il soit arrivĂ© plus tĂ´t que nous, mais ce qui Ă©tait encore plus Ă©trange, c’est qu’Ă part la seule bouteille d’eau minĂ©rale qu’il tenait, il n’avait aucun sac ou bagage avec lui.
S’il voyageait lĂ©ger, alors il Ă©tait logique qu’il puisse atteindre le sommet plus vite que nous, mais… Cela signifiait alors qu’il se dĂ©plaçait sans tablette, ce qui, je suppose, Ă©tait normal pour quelqu’un comme KĂ´enji.
Après avoir pris une seule gorgĂ©e de son eau, il versa le reste au-dessus de sa tĂŞte, se douchant avec ce qui restait dans la bouteille. D’une certaine manière il semblait se complaire dans la satisfaction d’avoir atteint le sommet de la montagne.
KĂ´enji — Ah… Quel bel homme je suis, quelle splendeur ! Et ces gouttes de beautĂ© masculine qui ruissellent sur mon corps magnifique. Il semblerait que j’ai gagnĂ© en puissance depuis l’annĂ©e dernière.
Nanase — Il semble dire… quelque chose… Est-ce qu’il nous parle… ?
Moi — Non, il est définitivement en train de se parler à lui-même. Il est probablement trop concentré à s’admirer.
Nanase — Je… c’est donc…heu…
Perplexe, Nanase inclina la tĂŞte, incapable de comprendre son comportement.
Je ne pensais pas que quelqu’un d’autre se prĂ©senterait, mais il ne restait que quelques minutes pour s’inscrire, alors je me disais que nous devions nous concentrer pour en finir. Ainsi, nous procĂ©dâmes tous deux Ă l’inscription et obtĂ®nmes nos places. Cependant, comme les règles prĂ©voyaient une sĂ©paration des sexes, j’étais obligĂ© d’affronter KĂ´enji. Nanase, en revanche, fut la seule fille Ă se prĂ©senter et gagna ainsi par dĂ©faut.
Kôenji — Il semble que mon adversaire ce soit toi mon petit Ayanokôji.
Moi — En effet.
Dans les tâches prĂ©cĂ©dentes, j’Ă©tais indirectement en compĂ©tition avec mes propres camarades de classe en faisant simplement partie de la masse. Mais c’Ă©tait la première fois que je devais affronter un camarade de classe dans un duel direct. De plus, l’adversaire de ce match n’Ă©tait autre que KĂ´enji. J’espĂ©rais sincèrement que ce n’Ă©tait pas le dĂ©but de quelque chose d’Ă©crit dans les Ă©toiles.
Le membre du personnel chargĂ© de la tâche nous prĂ©senta une corde et nous demanda d’en enrouler les extrĂ©mitĂ©s autour de notre corps. Étant donnĂ© que ma sĂ©rie de dĂ©signations manquĂ©es ne faisait qu’augmenter, je voulais obtenir un maximum de points , mais…
PlutĂ´t que de prendre la victoire pour moi alors que je ne faisais mĂŞme pas partie des dix premiers, il semblait plus raisonnable de concĂ©der les points Ă KĂ´enji pour que notre classe ait finalement plus de chances de sortir vainqueur. Avec les quinze points qu’il obtiendrait en gagnant, il dĂ©passerait le score de Kiriyama (135 points) et se hisserait seul Ă la deuxième place, mĂŞme si c’était temporaire.
De toute façon, si je devais vraiment concĂ©der la victoire, il valait mieux abandonner maintenant pour ne pas perdre plus de temps ou d’Ă©nergie que nĂ©cessaire. Je pouvais simplement prendre mes cinq points, redescendre de la montagne et reprendre ma route jusqu’à l’embarcadère de la zone de dĂ©part.
— Le match va commencer dans un instant, alors préparez-vous.
Nanase — Il y a un problème, Senpai ?
Alors qu’on nous informait du dĂ©but imminent du match, Nanase remarqua que j’Ă©tais perdu dans mes pensĂ©es et me fixa avec un air interrogateur.
Moi — Eh bien, je…
Kôenji — Fufufu, tu es du genre à chercher l’efficacité.
Kôenji capta instantanément mes pensées comme si elles avaient été écrites sur mon visage.
KĂ´enji — Tu pensais qu’il Ă©tait prĂ©fĂ©rable de t’abstenir de participer au match plutĂ´t que de te donner la peine de m’affronter, n’est-ce pas ? Après tout, cĂ©der les points serait en effet le plus avantageux pour notre classe. Et ce serait la meilleure utilisation de notre temps.
Nanase — Est-ce… Est-ce vrai, Senpai ?
Moi — Je n’ai pas Ă me plaindre tant que ça aide KĂ´enji Ă rĂ©ussir Ă grimper dans le classement.
KĂ´enji — Cependant, je doute que la petite Horikita soit très satisfaite de cela, n’est-ce pas ? Pour elle, il n’est pas difficile d’imaginer qu’il serait prĂ©fĂ©rable que je prenne la deuxième ou troisième place plutĂ´t que la première.
Il Ă©tait si prĂ©cis dans ses conjectures qu’une partie de moi se demandait s’il ne nous avait pas Ă©coutĂ©s lorsque Horikita et moi en parlions.
Moi — Ça aurait eu un sens si des groupes de notre classe bataillaient pour la première place mais pour le moment ton groupe est le seul parmi les dix premiers composĂ© uniquement d’Ă©lèves de 1ère D. Nous battre ici n’est clairement pas optimal.
KĂ´enji — Je comprends mais ce ne sont que des sottises. Le fait que tu crois avoir une chance de me vaincre est la raison fondamentale pour laquelle tu as ces pensĂ©es inutiles. Quel que soit l’adversaire, celui qui gagnera ce combat ce sera moi.
KĂ´enji avait pris part Ă un nombre assez important de tâches jusqu’Ă prĂ©sent et il avait obtenu des rĂ©compenses dans chacune d’entre elles. De tous les groupes qui se sont succĂ©dĂ©s au cours des trois annĂ©es scolaires, il Ă©tait le seul Ă avoir pris le contrĂ´le total comme ça. Dans certaines tâches, il Ă©tait arrivĂ© premier ou deuxième, mais dans celles de force ou d’endurance, il avait raflĂ© la première place Ă chaque fois de loin. Il Ă©tait tout naturellement convaincu qu’il allait Ă©galement remporter la première place.
KĂ´enji — Mon petit AyanokĂ´ji, cesse de te surestimer. Après tout, ce n’est pas tous les jours que tu auras la chance de te mesurer Ă ma motivation.
Le fait qu’il avait une confiance aveugle en sa force Ă©tait probablement le plus grand charme de KĂ´enji. Je ramassai lentement la corde Ă mes pieds et l’enroulai autour de ma taille.
— Maintenant, si vous voulez bien vous mettre en position, je vais commencer le compte Ă rebours. Vous pourrez commencer Ă tirer quand j’arriverai Ă zĂ©ro.
Tout ce que j’avais Ă faire Ă©tait de donner l’impression de faire des efforts et de perdre contre lui. De cette façon, je n’aurais pas gaspillĂ© inutilement de l’Ă©nergie.
KĂ´enji — On dirait que la sagesse dont j’ai fait preuve Ă ton Ă©gard n’a pas fait grand-chose pour te stimuler.
Pour KĂ´enji, mes vĂ©ritables intentions Ă©taient probablement aussi transparentes qu’elles pouvaient l’ĂŞtre.
Kôenji — Eh bien, essaye du mieux que tu peux. De toute manière, sache que peu importe comment tu lutteras, la victoire ne te sourira pas cette fois.
À partir du moment où chacun de nous s’empara de la corde, le compte à rebours commença.
— ────Trois, deux, un… zĂ©ro !
Dès le signal, je tirai lĂ©gèrement la corde dans ma direction. Étant donnĂ© le peu de force que j’exerçais, si KĂ´enji devait faire un effort sĂ©rieux, il me traĂ®nerait probablement au-delĂ de la ligne en moins d’une seconde. Cependant, la corde ne bougea pas du tout dans sa direction. Il se tenait en face de moi avec un sourire sans peur, attendant que je commence le duel pour de bon. MĂŞme si je n’avais pas l’intention de prendre cette affaire au sĂ©rieux, je ne voulais pas non plus perdre mon temps ici. Dans ce cas, il Ă©tait peut-ĂŞtre plus productif pour moi de me dĂ©fendre un peu pour qu’il se sente menacer. Si je devais soudainement commencer Ă tirer avec plus de force que prĂ©vu, il n’aurait d’autre choix que de paniquer et de rĂ©agir en consĂ©quence.
Pour gagner cette Ă©preuve, il ne suffisait pas de tirer sur la corde de toutes ses forces. Il y avait la force de la friction de la corde dans nos mains, la force de friction entre nos pieds et le sol, ainsi que la force normale qui liait le tout. Et pour ĂŞtre encore plus prĂ©cis, il fallait aussi prendre en compte la force de gravitĂ©. Je maximisai ma prise sur la corde et plantai fermement mes pieds sur le sol. J’inclinai ensuite mon corps vers l’arrière sans me pencher au niveau de la taille pour finir par plier les genoux en tirant la corde près de ma taille…
Le drapeau marquant le milieu de la corde bougea légèrement dans ma direction. Tout bougeait conformément à mes calculs. Cela dit, la force exercée fut moins importante que prévu. Une autre force écrasante commença à tirer sur la corde, bloquant ma contre-attaque en un instant.
Kôenji — Pour gagner au tir à la corde, nous n’avons pas besoin de ces petits calculs ridicules. Il faut une puissance brute et débridée.
Ce n’est pas comme si j’y Ă©tais allĂ© doucement avec lui, loin de lĂ . La force qu’il exerçait sur la corde Ă©tait si grande qu’elle avait ramenĂ© le drapeau central Ă sa position initiale, ramenant le match Ă un Ă©tat d’Ă©quilibre.
Après analyse, il semblait que Kôenji et moi étions à peu près égaux en termes de force dans les bras. Qui plus est, il pesait plus lourd que moi.
Le facteur le plus important ici pouvait bien ĂŞtre le poids, et puisque j’étais plus lĂ©ger que lui, il Ă©tait difficile de le battre sans s’assurer un avantage d’une autre manière. Si j’utilisais toute ma force, je pouvais facilement transformer cela en une bataille d’attrition et attendre qu’il fasse une erreur, mais c’était une perte totale de temps et d’Ă©nergie. J’avais une autre stratĂ©gie que je pouvais utiliser pour prendre le dessus, mais il Ă©tait trop tĂ´t pour l’utiliser maintenant.
Alors que la corde s’enfonçait douloureusement dans mes doigts et mes paumes, je pensais une fois de plus Ă nos forces Ă©quivalentes. KĂ´enji avait des capacitĂ©s physiques vraiment hors du commun. MĂŞme des gens comme Sudou et Albert, eux-mĂŞmes des ĂŞtres d’exceptions, Ă©taient bien infĂ©rieurs en comparaison. En fait, mĂŞme le titre de « super lycĂ©en » ne lui faisait pas honneur. Lorsque je mis de la force dans mes bras et tirai sur la corde une deuxième fois, KĂ´enji sentit tout de suite mon mouvement et rĂ©pondit avec une force Ă©quivalente. Profitant pleinement de l’occasion, je relâchai immĂ©diatement ma prise et arrĂŞtai de tirer. Naturellement, la corde fut tirĂ©e Ă fond par KĂ´enji. Le match se termina ainsi.
KĂ´enji — L’efficacitĂ© jusqu’Ă la fin, n’est-ce pas finalement ?
KĂ´enji parut un peu surpris, mais l’issue Ă©tant dĂ©cidĂ©e, il perdit apparemment tout intĂ©rĂŞt Ă aller plus loin car il ne dit rien d’autre.
Nanase — C’est assez malheureux, Senpai.
Moi — Non, mĂŞme si j’avais tout donnĂ©, je n’aurais certaine eu aucune chance. C’est normal que ça se termine de cette façon.
Dans l’ensemble, cette tâche se traduisit par un gain net de 20 points pour la 1ère D. C’était plus que suffisant pour que notre dĂ©placement vaille le coup.
Moi — Tu peux continuer, Nanase ?
Nanase — Pour être honnête, mes jambes sont légèrement douloureuses.
Elle se frotta un peu le côté de sa cuisse en parlant.
Nanase — Mais comme je te l’ai déjà dit, agis comme bon te semble Ayanokôji-senpai.
Sa dĂ©termination Ă rester avec moi n’avait pas faibli le moins du monde.
Moi — En avant toute alors.
Nanase — Compris !
Apparemment, Kôenji avait déjà commencé à emprunter un autre itinéraire vers le bas de la montagne pendant le bref laps de temps où je m’étais entretenu avec Nanase. En effet, je ne le voyais plus nulle part.
2
Après environ deux heures de voyage supplémentaires, nous arrivâmes finalement à notre destination. Nanase avait commencé à prendre du retard pendant la dernière partie du voyage, et elle arriva environ une minute après moi, complètement essoufflée.
Nanase — Haaaa… J’ai finalement rĂ©ussi Ă rattraper mon retard.
Elle essuya sa sueur avec une serviette tout en essayant de stabiliser sa respiration.
Moi — C’est difficile de croire que tu es une lycĂ©enne de 2nde. Je ne m’attendais pas Ă ce que tu aies autant d’endurance.
Tout au long de notre temps ensemble, il y avait eu plusieurs occasions où ses prouesses physiques avaient piqué mon intérêt, mais celle-ci était de loin la plus intrigante.
Nanase — Non non, comparĂ© Ă moi, tu n’es mĂŞme pas essoufflĂ©, AyanokĂ´ji-senpai… Tu es tout aussi exceptionnel que je le pensais.
Moi — C’est juste que je ne laisse rien transparaître. D’ailleurs, regarde là -bas.
Nanase — Wow─ ! Il y a beaucoup de personnes.
Nanase, qui avait plus ou moins repris son souffle à ce moment-là , exprima sa surprise quant au nombre de personnes près de l’embarcadère. Non seulement on pouvait y acheter des fournitures supplémentaires avec nos points restants, mais on pouvait également recevoir des soins médicaux gratuits, prendre une douche rafraîchissante ou même utiliser des toilettes propres et bien entretenues.
C’Ă©tait, pour ainsi dire, une oasis pour les Ă©lèves… Le seul et unique endroit sur l’Ă®le oĂą l’on pouvait baisser sa garde et se dĂ©tendre un peu. Qu’il s’agisse de ceux qui ne faisaient qu’une halte en raison de la proximitĂ© de l’endroit avec leur dernière zone dĂ©signĂ©e ou de ceux qui avaient choisi d’abandonner les prochaines zones pour faire une pause, il y avait ici autant d’élèves que d’objectifs et motivations.
En outre, un grand nombre de responsables de l’Ă©cole fut mobilisĂ© pour rĂ©pondre aux divers besoins et services des Ă©lèves ici.
Nanase — Alors… Pourquoi avons-nous fait tout ce chemin jusqu’Ă la zone de dĂ©part, Senpai ?
Moi — Avant ça, allons voir la tâche.
Nanase — Ah, oui, j’avais oubliĂ© la chose.
Juste au moment oĂą nous mĂ®mes le pied dans la zone C8 en nous dirigeant vers le sud après le tir Ă la corde en C5, une autre tâche apparut dans la zone de dĂ©part. La tâche en question s’appelait « Nage en eau libre ». Il s’agissait d’une course oĂą les participants devaient nager environ 2 km du dĂ©but Ă la fin.
Bien qu’il y ait eu beaucoup de tâches physiquement Ă©prouvantes jusqu’Ă prĂ©sent dans l’examen, la barre avait Ă©tĂ© placĂ©e drastiquement plus haute que d’habitude pour celle-ci. C’est peut-ĂŞtre pour cette raison que cette tâche offrait Ă©galement la plus grande rĂ©compense Ă ce jour, avec 20 points. La zone de dĂ©part Ă©tant très facile d’accès, les inscriptions allaient se faire vite mais pour compenser, pas tout le monde n’avait le courage de se lancer dans un tel dĂ©fi. Il convenait Ă©galement de mentionner que la mer ne semblait pas vraiment calme aujourd’hui.
Nager en pleine mer est complètement diffĂ©rent de nager dans une piscine et, en raison du danger, on pouvait supposer que la nage allait se dĂ©rouler seulement dans le secteur de la zone. Des sauveteurs Ă©taient aussi sĂ»rement en attente, prĂŞts Ă entrer en action en cas d’urgence. C’est ainsi que nous approchâmes du stand pour les inscriptions, situĂ© Ă l’extrĂ©mitĂ© de l’embarcadère. D’après ce que je pus voir de loin, il semblait y avoir un rassemblement assez important mais ça ne devait pas reprĂ©senter le nombre d’inscrits. Rapidement, nous arrivâmes tous les deux au stand et dĂ©clarâmes notre intĂ©rĂŞt Ă participer.
— Je dois m’excuser. La dernière place pour la catĂ©gorie des garçons a Ă©tĂ© donnĂ©e il y a dĂ©jĂ quelques minutes.
Chez les filles, en revanche, il ne restait qu’une seule place, ce qui n’était pas sans rappeler la tâche des drapeaux de plage il y a quelques jours. Je savais qu’il n’y avait pas beaucoup de place mais je fus quand mĂŞme Ă©tonnĂ© de la popularitĂ© de l’épreuve.
Ce qui m’avait le plus surpris cependant, c’Ă©tait…
Nanase — Senpai… Est-ce que… Est-ce que c’est KĂ´enji-senpai ?
On pouvait apercevoir un jeune homme debout, le dos tournĂ© devant le stand, juste devant nous. Et, bien entendu, ce n’Ă©tait nul autre que KĂ´enji. Le voir ici juste après l’annonce de la tâche Ă©tait… pour le moins choquant.
Nanase — Hum… Senpai…
Moi — Si tu veux participer, tu ferais mieux de te dépêcher. Cela dit, tu es sûre que tu te sens bien ?
Le voyage jusqu’ici n’avait pas Ă©tĂ© facile. Il n’aurait mĂŞme pas Ă©tĂ© surprenant qu’elle soit dĂ©jĂ Ă©puisĂ©e. Elle Ă©tait forcĂ©e de rĂ©cupĂ©rer son endurance dans le bref laps de temps dont elle disposait pour se changer.
Nanase — Bien que je sois rĂ©ticente Ă spĂ©cifier que je sois en parfaite condition… c’est une opportunitĂ© rare. Ainsi j’aimerais donner le meilleur de moi-mĂŞme.
Malgré les circonstances, elle semblait être assez enthousiaste et motivée.
Moi — Je vais attendre lĂ -bas alors. Viens me trouver quand c’est fini.
Nanase — Entendu.
Après avoir vu Nanase partir, je décidai de quitter un peu la zone du stand. En attendant, je voulais entrer en contact avec une certaine personne. En fait, la rencontre avec cette dernière était la raison principale de ma venue ici. Peu de temps après avoir commencé à chercher, je trouvai la personne que je cherchais assise élégamment sur une chaise pliante sous un parasol qui avait été installé sur la plage de sable.
— Bien le bonjour, Ayanokôji-kun. Il semble que la chaleur va être au rendez-vous aujourd’hui, n’est-ce pas ?
Moi — Comment vas-tu, Sakayanagi ?
Sakayanagi — Bien, je suppose. Ichinose-san et Shibata-kun font de leur mieux pour moi, alors je ne peux vraiment pas en demander plus.
Ichinose et Shibata Ă©taient les camarades de Sakayanagi. Elle participait Ă l’examen disons Ă moitiĂ© Ă cause de son handicap. Comme elle ne pouvait pas se dĂ©placer avec son groupe, ils ne pouvaient obtenir qu’une prime d’arrivĂ©e maximale de deux points par zone dĂ©signĂ©e.
Moi — Je suis curieux de savoir si ton groupe est éligible pour les bonus de rapidité.
Si un groupe voyait un de ses membres abandonner, il perdait la possibilitĂ© d’obtenir des primes de rapiditĂ©. Sakayanagi, cependant, Ă©tait un cas spĂ©cial.
Sakayanagi — L’Ă©cole a gracieusement dĂ©cidĂ© de faire une exception pour mon groupe. Après tout, ce n’est pas de ma faute si je ne peux pas me mouvoir comme je le veux.
MĂŞme si son groupe ne faisait pas partie du top 10 pour l’instant, on pouvait supposer qu’il avait obtenu des rĂ©sultats plutĂ´t corrects jusqu’Ă prĂ©sent.
Sakayanagi — Puis-je te demander ce qui t’amène ici aujourd’hui ?
Moi — Il y avait plusieurs raisons, mais la première ne s’est pas dĂ©roulĂ©e comme prĂ©vu.
Je dĂ©plaçai mon regard vers la tâche de nage en eau libre qui allait probablement commencer d’une seconde Ă l’autre.
Moi — Malheureusement, la dernière place a été prise par Kôenji.
Sakayanagi — Il Ă©tait en quatrième position ce matin encore, et pourtant maintenant il est dĂ©jĂ montĂ© Ă la deuxième place du classement. C’est un vrai prodige, tu ne trouves pas ?
Moi — Je suis du même avis.
La plupart des groupes de tĂŞte s’affrontaient avec une marge de points assez mince. Si KĂ´enji prenait la première place dans cette Ă©preuve, il se hisserait temporairement Ă la première place.
Sakayanagi — Il devrait y avoir environ une demi-heure avant que la tâche ne soit terminĂ©e et que Nanase-san ne revienne, alors tu es le bienvenu si tu veux te joindre Ă moi. Je dois dire que l’ombre ici rafraĂ®chit Ă merveille.
Elle me fit signe de me diriger vers l’espace libre sous le parasol, me donnant ainsi la pleine permission de partager son espace.
Moi — Comment es-tu au courant pour Nanase ?
Sakayanagi — Parce que je reçois des mises Ă jour rĂ©gulières sur les diffĂ©rents Ă©vĂ©nements de l’Ă®le.
J’avais croisĂ© des Ă©lèves de la classe de 1ère A plusieurs fois jusqu’Ă prĂ©sent, donc je supposai qu’il n’était pas surprenant que l’un d’entre eux ait fait un rapport Ă Sakayanagi ici. Après tout, voyager seul avec un Ă©lève de 2nde, et une fille de surcroĂ®t, attirait l’attention de manière nĂ©gative.
Moi — Es-tu sûr que ça ira ? Je suis un ennemi après tout.
La chaleur des rayons du soleil Ă©tait si intense qu’il Ă©tait difficile de justifier une demi-heure d’exposition directe. En restant immobile sous la lumière directe du soleil, on ne faisait qu’inutilement perdre notre endurance.
Sakayanagi — Fufu, ne fais pas le timide je te prie.
Elle semblait sous-entendre que moi, qui ne faisais pas partie du top 10, ne reprĂ©sentais mĂŞme pas une menace perceptible. Alors que je me demandais si je devais ou non accepter son offre, les diffĂ©rents participants arrivèrent sur le bord de plage et entrèrent dans l’eau pour se prĂ©parer au signal. Peu de temps après, les garçons commencèrent leur course.
Sakayanagi — C’est à sens unique.
KĂ´enji s’Ă©lança Ă toute vitesse, dès le dĂ©part, et procĂ©da Ă une nage directe jusqu’Ă la ligne d’arrivĂ©e, dĂ©passant complètement le reste de la compĂ©tition. En d’autres termes, malgrĂ© toute la force et l’endurance qu’il avait utilisĂ©es en se dĂ©plaçant rapidement d’une zone Ă l’autre, il lui restait encore beaucoup Ă dĂ©penser.
Sakayanagi — Kôenji-kun semble motivé comme jamais pour cet examen. Les autres doivent le considérer comme une sacrée menace.
Concernant cet examen spécial en particulier, on pouvait même dire que c’était un élément fiable de notre classe.
Moi — En fait, il y a une faveur que j’aimerais te demander, Sakayanagi.
Sakayanagi — Ayanokôji-kun en personne qui me demande une faveur ? Voilà qui est bien surprenant. Je t’écoute, parle en toute quiétude.
La plupart des gens ne voudraient mĂŞme pas rĂ©pondre Ă la demande d’un adversaire mais les yeux de Sakayanagi pĂ©tillaient d’impatience.
Moi — Cinq jours se sont Ă©coulĂ©s depuis le dĂ©but de l’examen, et pourtant, seules deux personnes se sont retirĂ©es.
Sakayanagi — Komiya-kun et Kinoshita-san, c’est ça ? Tu m’as l’air bien informĂ©.
Moi — J’étais là par hasard quand ils ont dû se retirer.
En entendant cela, Sakayanagi, apparemment fascinée, hocha la tête.
Sakayanagi — D’après ce que j’ai compris en regardant le classement, Shinohara-san semble encore faire des efforts pour rester en lisse… Je suppose qu’elle travaille avec quelqu’un d’autre maintenant afin de ne pas rester seule jusqu’à la fin de l’examen, je me trompe ?
Moi — C’est bien ça.
Sakayanagi — Mais étant donné ses capacités limitées, il lui sera très difficile de rester seule dans son groupe pour la seconde moitié de l’examen. Idéalement, elle devrait chercher à être absorbée par un autre groupe dès que possible. C’est ce que tu voulais dire, n’est-ce pas ?
MĂŞme si je n’avais pas encore dit grand-chose, elle avait rĂ©ussi Ă dĂ©duire ce que je voulais lui demander. C’est ainsi qu’elle continua.
Sakayanagi — Tu veux que je coopère ? As-tu déjà vu Ryuuen-kun ?
Moi — Il est d’accord avec mon plan. Il veut garder Komiya et Kinoshita.
Sakayanagi — Ah oui ?
Sakayanagi laissa échapper un sourire amusé avec son regard perçant.
Sakayanagi — Il est tout Ă fait naturel que Ryuuen-kun prĂŞte main-forte compte tenu des circonstances, mais je ne vois pas l’intĂ©rĂŞt de le faire de mon cĂ´tĂ©. D’une manière gĂ©nĂ©rale, je suppose qu’il serait prudent d’empĂŞcher les points de classe des 1ère de tomber entre les mains des autres annĂ©es scolaires. Mais pour ĂŞtre honnĂŞte, mĂŞme s’il n’y a pas de prĂ©judice pour notre classe, je ne pense pas que cela justifie une quelconque intervention de ma part.
Ecouter attentivement une demande n’était pas synonyme d’approbation.
Sakayanagi — Mais si je peux compter sur toi pour me tendre la main dans les mêmes conditions une autre fois alors tu auras mon aide.
Sakayanagi répondit à ma demande par une proposition extrêmement équitable de sa part. Grâce à son intuition rapide, il semblait que les négociations allaient se terminer rapidement.
Moi — J’aimerais accepter tes conditions, mais je n’ai pas la main d’œuvre nĂ©cessaire pour le moment.
Sakayanagi — J’attendrai bien entendu le moment oĂą tu seras prĂŞt. Ta stratĂ©gie demandera Ă la fois du temps et des efforts pour ĂŞtre exĂ©cutĂ©e, donc il faudra passer Ă l’action aussi vite que possible.
Moi — Bien.
De plus, j’avais des raisons de croire que Nagumo avait appliquĂ© une stratĂ©gie similaire depuis relativement longtemps. Je me doutais que ce genre de plan allait plutĂ´t ĂŞtre utilisĂ© dans la deuxième moitiĂ© de l’examen.
Moi — Je te contacterai plus tard.
Sakayanagi — Je te laisse donc décider du choix de l’intermédiaire. Que ce soit Horikita-san ou Ryuuen-kun, cela ne m’importe guère.
Je rĂ©pondis d’un signe de tĂŞte avant de prendre rapidement congĂ©, ayant dĂ©cidĂ© qu’il valait mieux ne pas traĂ®ner trop longtemps. Après tout, si je devais ĂŞtre vu avec Sakayanagi, j’allais finir par beaucoup trop attirer l’attention.
Après cela, je retournai une fois de plus au centre de l’embarcadère. En me rapprochant, j’aperçus un groupe de 2nde en train d’acheter un assortiment de fournitures diffĂ©rentes Ă Mashima-sensei. Il semblait que c’Ă©tait lui qui Ă©tait chargĂ© de vendre les provisions. MĂŞme si je n’avais pratiquement plus de points, je dĂ©cidai de m’arrĂŞter et de jeter un coup d’Ĺ“il.
Moi — Bonjour.
M. Mashima — Ah, AyanokĂ´ji. Tu tombes bien. J’ai quelque chose Ă te dire alors fais comme si tu regardais la marchandise et Ă©coute bien.
Je m’alignai sur sa suggestion, laissant tomber mon regard sur les diffĂ©rents produits exposĂ©s tout en me rapprochant discrètement de lui.
M. Mashima — Le directeur intĂ©rimaire Tsukishiro n’a rien fait d’étrange jusqu’Ă prĂ©sent, du moins pas depuis le dĂ©but de l’examen. Je ne l’ai pas vu planifier quoi que ce soit pour interfĂ©rer.
Moi — Donc vous dites que je n’ai pas besoin de m’inquiĂ©ter ?
M. Mashima — C’est ce que j’aimerais te dire, mais il y a encore certaines choses qui ne sont pas nettes.
Moi — Comment ça ?
Je me déplaçai lentement parmi les marchandises exposées, prenant de temps en temps les produits dans mes mains.
M. Mashima — Dans cet examen, on ne peut pas dire quand et oĂą quelqu’un peut se trouver en danger. Au cas oĂą un Ă©lève subirait une blessure particulièrement critique, l’Ă©cole a prĂ©parĂ© un petit bateau et un hĂ©licoptère pour accĂ©lĂ©rer le processus de sauvetage.
Moi — C’est pour le moins normal.
L’hĂ©licoptère et le bateau avaient chacun leur utilitĂ©, il n’Ă©tait donc pas Ă©trange que l’Ă©tablissement ait prĂ©parĂ© les deux. Si, par exemple, un Ă©lève devait avoir des problèmes de l’autre cĂ´tĂ© de l’Ă®le pendant une pĂ©riode d’intempĂ©rie, il aurait Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rable d’utiliser un bateau, tandis que l’hĂ©licoptère l’emporterait dans les cas oĂą le temps Ă©tait comptĂ©.
M. Mashima — Nous avions initialement prĂ©vu d’emmener un hĂ©licoptère et un bateau, mais pour une raison quelconque, nous avons fini par emmener deux bateaux avec nous. Lorsque je me suis renseignĂ©, j’ai dĂ©couvert que le directeur avait pris des dispositions en ce sens, par mesure de prĂ©caution.
Il semblait que, mĂŞme pendant l’examen, Mashima-sensei avait consciencieusement gardĂ© un Ĺ“il sur les moindres dĂ©tails en recueillant des informations sur les mouvements de Tsukishiro.
Moi — Alors, il est bien possible qu’il s’attende Ă ce que le besoin de deux bateaux se fasse sentir en mĂŞme temps ?
M. Mashima — C’est une possibilité. En tout cas j’ai préféré relever la chose mais prends cette information comme tu veux.
Ce qui devait ĂŞtre Ă l’origine un seul petit bateau de sauvetage se transforma finalement en deux bateaux. Bien que le bateau soit de petite taille, il serait quand mĂŞme remarquĂ© dès qu’il commencerait Ă se dĂ©placer. Et puis il Ă©tait assez difficile d’en envoyer un sans le signal SOS d’un Ă©lève. Plus important encore, mĂŞme s’il parvenait Ă faire mobiliser le bateau, qu’est-ce que cela avait Ă voir avec moi, exactement ?
Moi — Où est-ce que directeur intérimaire passe-t-il habituellement son temps ?
M. Mashima — En gĂ©nĂ©ral, il reste dans la tente oĂą l’Ă©quipement de surveillance a Ă©tĂ© installĂ©, pour s’assurer que rien ne cloche dans les montres des Ă©lèves. Bien sĂ»r, d’autres membres du personnel sont Ă©galement prĂ©sents pour surveiller. En dehors de ça, il a tendance Ă sortir et Ă patrouiller sur l’Ă®le une ou deux fois par jour, parfois pendant plusieurs heures.
Moi — Le directeur par intĂ©rim va de lui-mĂŞme patrouiller sur l’Ă®le et tout seul ?
M. Mashima — Oui.
Bien que je ne sache pas ce qu’il faisait exactement, je pus en tirer une conclusion concrète : il y avait plusieurs heures par jour oĂą personne ne le surveillait.
M. Mashima — Quoi qu’il en soit, j’ai un mauvais pressentiment Ă propos de tout ça alors veille Ă surveiller tes arrières, AyanokĂ´ji.
Moi — Merci d’avoir pris la peine de me prĂ©venir.
J’avais bien l’intention de rester aussi prudent que possible, mais je ne pouvais pas oublier l’examen en cours.
Au final, quel que soit mon degré vigilance, j’avais les pieds et les poings liés avec les règles de l’examen spécial.
3
La tâche en eau libre se termina assez rapidement et mĂŞme si Nanase manqua la première place, elle rĂ©ussit tout de mĂŞme Ă se hisser de justesse Ă la troisième place et Ă gagner quelques points pour ses efforts. Elle avait parcouru une longue et âpre distance en un temps très court, alors elle s’en Ă©tait admirablement bien sortie. J’allais la fĂ©liciter pour ses efforts Ă son retour, mais comme elle avait l’air mĂ©contente, j’optai pour une autre approche.
Moi — La fille qui a pris la première place est ma camarade de classe, Onodera. C’est une adversaire redoutable en natation, tu ne dois pas te laisser abattre.
Face Ă un membre du club de natation comme Onodera comme adversaire, Nanase s’Ă©tait bien dĂ©brouillĂ©e.
Nanase — Oui. Onodera-senpai est certainement très douĂ©e. Mais celui qui me prĂ©occupe vraiment est…
Nanase s’Ă©clipsa en regardant par-dessus son Ă©paule et fixa du regard une certaine personne. Ce quelqu’un n’Ă©tait autre que KĂ´enji, celui qui avait arrachĂ© la première place dans la catĂ©gorie masculine dans une dĂ©monstration Ă©crasante de supĂ©rioritĂ©.
Nanase — En plus de se rendre ici plus rapidement que nous, il a gagné en un temps record.
Il se tenait Ă©lĂ©gamment face Ă la mer et d’après ce que je pouvais voir, sa respiration n’Ă©tait en aucun cas laborieuse.
Moi — C’est autant un monstre qu’un surhomme. Penser Ă lui plus que nĂ©cessaire n’en vaut pas le coup.
J’avais beau dire cela mais en tant que camarade, j’avais dĂ» personnellement changer mon Ă©valuation de lui deux ou trois fois jusqu’Ă prĂ©sent lors de cet examen spĂ©cial. La tâche du tir Ă la corde Ă©tait un bon exemple.
Il avait un potentiel insondable. Si c’Ă©tait un aperçu de ce dont il Ă©tait vraiment capable, alors il Ă©tait certainement juste de le qualifier de prodige en quelque sorte.Ayant obtenu 20 points grâce Ă sa victoire, KĂ´enji se hissa temporairement Ă la première place du classement gĂ©nĂ©ral. Cependant, il Ă©tait incorrect de dire que cela dĂ©savantageait Nagumo. Au contraire, ce dernier se trouvait dans une position extrĂŞmement avantageuse par rapport Ă KĂ´enji.
Ă€ l’avenir, il allait sans doute maximiser la taille de son groupe grâce aux tâches. Lorsque son groupe atteindra six membres, il commencera Ă accumuler des points Ă un rythme accĂ©lĂ©rĂ© et prendra probablement la tĂŞte du classement. Aussi extraordinaire que soit KĂ´enji, au bout du compte, il agissait seul. Il lui manquait les ressources humaines nĂ©cessaires pour arriver au sommet. Ainsi lorsqu’il passera Ă l’action, je me demandais comment KĂ´enji comptait exactement surmonter ce revers.
Ă€ ce stade, nous dĂ©cidâmes de nous reposer jusqu’Ă ce que la prochaine zone dĂ©signĂ©e soit annoncĂ©e. Nous nous rĂ©hydratâmes avec de l’eau potable gratuite qu’ils avaient sur place puis avions profitĂ© d’une pause bien mĂ©ritĂ©e en toute sĂ©rĂ©nitĂ©. Ă€ 13h, la troisième zone dĂ©signĂ©e de la journĂ©e fut rĂ©vĂ©lĂ©e.
C’Ă©tait la dĂ©signation alĂ©atoire du jour, passant directement de la zone H9 Ă la zone B6 – d’un cĂ´tĂ© de la carte Ă l’autre. Jusqu’Ă prĂ©sent, j’avais manquĂ© cinq zones d’affilĂ©e, ce qui m’avait coĂ»tĂ© un nombre considĂ©rable de points. Ainsi, je voulais atteindre cette nouvelle zone dĂ©signĂ©e par tous les moyens.
Nanase — Senpai… Vu la distance, c’est certainement gĂ©rable, mais…
Ayant vu la zone qui avait été désignée sur sa propre tablette, Nanase me regarda avec des yeux brillants.
Moi — Ce sera difficile si nous essayons de passer directement par la forĂŞt. Mais nous pouvons prendre la plage en D8 et C8 et couper Ă travers une plus courte parcelle de forĂŞt jusqu’Ă la plage en B8. Ensuite, si on se dirige vers le nord Ă partir de lĂ , on peut arriver en B6 sans trop de problèmes.
J’avais continué avant qu’elle ne puisse terminer sa phrase en y ajoutant l’itinéraire que j’avais en tête. Elle opina du chef en conséquence et se leva. Apparemment, elle avait envisagé la même chose.
Nanase — Heureusement, j’ai pu rĂ©cupĂ©rer mes forces et me rĂ©hydrater un peu. Je devrais ĂŞtre en mesure d’avancer sans problème.
Bien que nous fussions réticents à partir loin d’ici, nous prîmes ainsi le chemin de la forêt.
Au dĂ©but, nous pouvions voir de nombreux groupes mais dès que nous mĂ®mes le pied un peu plus profondĂ©ment dans la forĂŞt, nous retrouvâmes ce sentiment familier de la solitude. Contrairement aux plages de sable oĂą nous Ă©tions soumis aux rayons intenses du soleil, la chaleur moite et l’humiditĂ© de la forĂŞt nous rongeaient le corps.
Moi — On vient juste de commencer mais j’ai dĂ©jĂ soif.
Nanase — Je m’estime heureuse d’avoir pu m’hydrater ici mais l’accès facile Ă l’eau potable va Ă©galement me manquer.
Le fait de passer de la consommation d’eau Ă volontĂ© Ă l’obligation de conserver de l’eau Ă©tait plus difficile que prĂ©vu en terme d’accommodation. C’est pourquoi, mĂŞme si gagner des points Ă©tait une prioritĂ©, il Ă©tait normal que des groupes essaient de rester près de la zone de dĂ©part.
Nanase — Il y a plus de groupes autour de la zone de dĂ©part que je ne le pensais. Je me demande si c’est dĂ» au stress et Ă la difficultĂ© de vivre sur l’Ă®le pendant quatre ou cinq jours d’affilĂ©e ? Qu’en penses-tu Senpai ?
Moi — Je pense que c’est une partie du problème, mais ce n’est pas la seule raison. Je dirais que le facteur le plus important est la rĂ©vĂ©lation des dix derniers groupes.
Nanase — …Ah oui ? Eh bien, la peine d’expulsion ne s’applique qu’aux cinq derniers groupes, et comme ils ont eu la possibilitĂ© de connaĂ®tre leur situation actuelle grâce Ă leurs tablettes, le quatrième jour, je suppose qu’il est logique qu’ils soient devenus complaisants…
Ă€ la fin du troisième jour, presque tous les Ă©lèves avaient fait des efforts pour se hisser au sommet du classement. On nous avait demandĂ© de survivre dans une Ă®le inhabitĂ©e inconnue, d’accumuler un maximum de points en Ă©tant tenus d’accomplir les tâches et les zones dĂ©signĂ©es. Tout cela, dans le seul but d’Ă©chapper Ă cette menace connue de tous, « l’expulsion ».
Le quatrième jour, cependant, tout avait changĂ©. Les Ă©lèves avaient commencĂ© Ă comparer les points qu’ils avaient gagnĂ©s avec les groupes moins bien classĂ©s. En utilisant leurs trois premiers jours sur l’île comme rĂ©fĂ©rence, ils avaient fait des approximations arbitraires du nombre de points qu’ils pouvaient gagner en une journĂ©e afin de voir s’ils pouvaient terminer l’examen sans risquer les dernières places.
Nanase — Mais, mĂŞme s’ils ont une avance de 10 Ă 20 points sur les cinq derniers, il n’y a pas de garantie absolue d’être en sĂ©curitĂ©, n’est-ce pas ? Si c’Ă©tait moi, je ferais de mon mieux pour Ă©tablir une avance de 30 Ă 40 points et travailler pour la maintenir.
Moi — Bien sĂ»r, Ă un certain moment, tout le monde sait qu’il doit procĂ©der de cette façon. Après tout, tout le monde veut surmonter cet examen spĂ©cial avec la volontĂ© de se donner Ă fond du dĂ©but Ă la fin. Mais la rĂ©alitĂ© est tout autre. Tout comme toi et moi sommes impatients de boire un verre d’eau, une fois que l’on a goĂ»tĂ© Ă quelque chose de sucrĂ©, notre dĂ©termination est vouĂ©e Ă faiblir.
Nanase — Je vois… Je suppose que je peux comprendre un tant soit peu. Par exemple, mĂŞme si nous sommes rĂ©solus Ă rester debout toute la nuit pour Ă©tudier la veille d’un grand examen, dès que nous commençons Ă penser Ă l’envie de faire une petite sieste, nous nous retrouvons sous les couvertures de notre futon, finissant par se laisser gagner accidentellement par le sommeil jusqu’au petit matin…
Elle avait l’air embarrassĂ©e en le disant, comme si c’était du vĂ©cu.
Moi — Depuis le dĂ©but du quatrième jour, la plupart des groupes ont commencĂ© Ă manquer de nourriture et d’eau, et la fatigue gĂ©nĂ©rale s’est fait ressentir. Quand on voit le degrĂ© de confort de la zone de l’embarcadère, il est normal de vouloir faire une halte ici mĂŞme pour un court instant.
Élire domicile dans la zone de départ ou tracer sa route ?
Moi — Après consultation, les membres d’un même groupe sont sûrement arrivés à la conclusion de vouloir se détendre là -bas pour profiter de l’eau en abondance et de la sécurité de la zone tout en glanant quelques taches faciles. Et ce n’est qu’après avoir fait le plein, que le groupe reprendrait la route.
Nanase hocha la tĂŞte pendant que je parlais, apparemment convaincue. Cependant, elle me posa une question quelques instants plus tard.
Nanase — Alors, le bon choix, c’est de renoncer Ă la facilitĂ© et d’ĂŞtre plus strict avec soi-mĂŞme… c’est lĂ oĂą tu veux en venir, non ?
Moi — Nanase, tu as dit que tu voulais Ă©tablir une bonne avance et la maintenir, mais la fatigue a commencĂ© Ă te rattraper, n’est-ce pas ? Tu as aussi pris part Ă des tâches plus exigeantes physiquement que moi.
Nanase — O-oui. Je sais avoir affirmĂ© plus tĂ´t que je travaillerais dur, mais je dois admettre que mon rythme a bien ralenti par rapport au dĂ©but de l’examen. D’ici demain ou après-demain, je serai probablement encore plus lente.
Bien qu’elle ne l’ait pas dit explicitement, l’usure de son corps Ă©tait probablement plus importante que je ne l’imaginais. L’Ă©nergie dĂ©pensĂ©e pour participer aux tâches mise Ă part, combien de dizaines de kilomètres avions-nous parcourus, elle et moi, au cours de ces cinq derniers jours ?
Moi — Le repos est important. Il y a des moments oĂą l’on n’aura pas d’autre choix que de se surmener pour gagner des points, mais la clĂ© est de savoir quand pousser et quand prendre du recul et faire une pause. En fin de compte, il suffit d’Ă©viter de faire les mĂŞmes choses que la majoritĂ© des autres Ă©lèves.
Bouger quand les autres ont choisi de se reposer et se reposer quand les autres ont choisi de bouger.
Nanase — Je pensais que tu avais abordĂ© l’examen avec nĂ©gligence ces derniers jours, AyanokĂ´ji-senpai. Mais, tu t’es conduit ainsi parce que tu ne voulais pas trop te faire remarquer pendant la première moitiĂ© de l’examen, n’est-ce pas ?
Moi — C’est Ă peu près ça. Bien sĂ»r, je mordrai Ă l’hameçon si une occasion adĂ©quate se prĂ©sente, mais mĂŞme si je parvenais Ă m’imposer dans une tâche très disputĂ©e, le nombre de points que je peux gagner reste limitĂ©.
Il y a eu de nombreuses tâches jusqu’Ă prĂ©sent oĂą j’aurais pu gagner si on m’avait donnĂ© la chance de participer, mais je n’avais jamais eu cette chance parce que quelqu’un d’autre avait dĂ©jĂ pris la dernière place.
Nanase — Uhm, si je peux me permettre… pourquoi me parles-tu de ton plan ? Jusqu’Ă prĂ©sent, il m’a toujours semblĂ© que tu cherchais Ă me tromper chaque fois que le sujet Ă©tait abordĂ©, senpai.
Elle voulait savoir pourquoi, et elle avait raison. Après tout, je n’avais pas l’habitude de laisser les autres m’entendre parler comme ça. Alors, pourquoi avais-je choisi de partager avec elle une partie de ma stratĂ©gie globale au lieu d’essayer de la dissimuler comme je le faisais habituellement ? Ayant passĂ© les derniers jours Ă parcourir l’Ă®le avec elle, j’avais naturellement appris Ă mieux la comprendre.
Nanase Tsubasa… Quel genre de personnalitĂ© avait-elle ? Quel genre de mentalitĂ© ? C’Ă©tait une Ă©lève assidue dont les capacitĂ©s physiques et scolaires Ă©taient bien supĂ©rieures Ă la moyenne. Elle suivait les instructions sans se plaindre, mais n’hĂ©sitait pas Ă dire ce qu’elle pensait quand elle sentait que quelque chose devait ĂŞtre dit. Par-dessus tout, elle avait la confiance et la dĂ©termination nĂ©cessaires pour ne pas s’effondrer facilement.
Au total, c’Ă©tait tout autant une force qu’une faiblesse, ainsi qu’une façon assez maladroite pour quelqu’un de vivre sa vie. C’est prĂ©cisĂ©ment parce qu’elle Ă©tait une telle personne que je ne pouvais m’empĂŞcher de ressentir un sentiment bizarre quant au fait qu’elle avait choisi de s’allier Ă quelqu’un comme HĂ´sen.
Était-ce parce qu’elle essayait de me faire expulser car elle viendrait de la White Room ?
Ou peut-être y avait-il une autre raison derrière ?
Lorsqu’elle proposa pour la première fois l’idĂ©e de passer l’examen ensemble, j’avais pensĂ© qu’elle cherchait une occasion de frapper au moindre signe de faiblesse de ma part. C’est pour cette raison que j’avais essayĂ© de donner l’impression d’ĂŞtre dĂ©tendu ou insouciant Ă de multiples reprises pendant notre temps ensemble.
Si elle avait choisi de frapper alors que nous Ă©tions au plus profond de la forĂŞt noire, ses actions auraient Ă©tĂ© camouflĂ©es Mais au final, Nanase n’avait mĂŞme pas essayĂ© de profiter des opportunitĂ©s que je lui avais donnĂ©es.
Au contraire, entre l’Ă©coute des problèmes d’Ike et l’aide Ă Shinohara et aux autres lorsqu’ils Ă©taient en danger, elle avait toujours fait un effort sincère pour essayer d’aider ceux qui en avaient besoin.
Moi — Pour faire simple, il n’y a aucun doute sur le fait que tu sois une ennemie, Nanase. Non seulement parce que cet examen nous oblige Ă nous affronter en tant qu’Ă©lèves de diffĂ©rentes annĂ©es scolaires, mais aussi parce que tu as 20 millions de points privĂ©s Ă gagner pour me faire expulser.
Nanase — …C’est vrai. Après tout, j’ai dĂ©jĂ essayĂ© de comploter contre toi, senpai.
Moi — Ceci Ă©tant dit, tes actions jusqu’Ă prĂ©sent ont rendu impossible pour moi de te voir comme une menace.
Nanase — MĂŞme si j’ai agi avec une hostilitĂ© flagrante Ă ton Ă©gard auparavant… ?
Moi — C’est Ă©trange, n’est-ce pas ? Eh hormis ça, j’ai aussi le sentiment que mĂŞme si je ne disais rien, tu comprendrais quand mĂŞme ma stratĂ©gie dans une certaine mesure.
Elle avait fait semblant d’ĂŞtre surprise quand je dis ça, mais au fond, elle avait dĂ©jĂ dĂ» comprendre mes vĂ©ritables intentions. Et malgrĂ© le fait qu’elle Ă©tait dĂ©jĂ vaguement au courant de mes plans de par sa perspicacitĂ©, elle chercha Ă feindre l’ignorance afin d’en savoir plus.
Moi — Mais bon, c’est juste une intuition.
Ă€ ce moment-lĂ , Nanase se mura dans le silence. Je n’avais pas l’intention de la presser davantage sur le sujet, me contentant de poursuivre tranquillement notre chemin dans la forĂŞt. Pour l’instant, ma prioritĂ© absolue Ă©tait d’atteindre la prochaine zone dĂ©signĂ©e.
4
Nanase — Ouf ! Nous avons enfin réussi à atteindre notre dernière zone.
Avec un souffle lourd, Nanase s’effondra sur le sol, succombant Ă la fatigue qui envahissait tout son corps. La quatrième zone dĂ©signĂ©e de la journĂ©e avait Ă©tĂ© la zone B5, juste au-dessus de la zone B6. Pour Nanase, mĂŞme une courte distance comme celle-lĂ dut ĂŞtre considĂ©rablement pĂ©nible.
Moi — On dirait que tu t’es beaucoup dépensée.
Elle allait bien lorsque nous avions quittĂ© la zone de dĂ©part, mais après un certain temps, son rythme commença Ă ralentir progressivement. Dans ces circonstances, j’avais envisagĂ© la possibilitĂ© de la laisser derrière moi et de me rendre seul Ă la zone dĂ©signĂ©e, mais elle rĂ©ussit finalement Ă persĂ©vĂ©rer grâce Ă sa seule volontĂ©.
Nanase — Pour être franche, participer à l’épreuve de nage était beaucoup trop pour moi.
Cette tâche l’avait clairement vidée de toute son énergie.
Moi — Heureusement pour toi, on en a terminĂ© pour aujourd’hui. On peut se la couler douce Ă partir d’ici et chercher un bon endroit pour Ă©tablir le camp.
Nous nous reposâmes un peu en attendant qu’elle se sente prĂŞte Ă marcher de nouveau, puis nous partĂ®mes Ă la recherche d’une zone de camping appropriĂ©e. Peu après, nous tombâmes sur une grande ouverture dans la forĂŞt oĂą un autre groupe avait dĂ©jĂ installĂ© son camp. On aurait dit qu’ils se prĂ©paraient Ă dĂ®ner car il y avait un assortiment de diffĂ©rents ustensiles de cuisine alignĂ©s devant leurs tentes.
C’Ă©tait un endroit idĂ©al avec beaucoup d’espace pour nous installer pour la nuit, mais c’était gĂŞnant dans la mesure oĂą nous n’étions pas proches du groupe en question. Alors que nous essayions de les ignorer et de regarder ailleurs, l’un des Ă©lèves nous interpella.
— Yo !
L’Ă©lève en question Ă©tait Hamaguchi Tetsuya, un garçon de la 1ère C. Je levai lĂ©gèrement la main en rĂ©ponse, ce qui incita Nanase Ă faire de mĂŞme en s’inclinant.
Hamaguchi — Vous ĂŞtes pressĂ©s d’aller quelque part ?
Moi — Non. Nous avons déjà atteint notre zone désignée pour la journée. On pensait juste trouver un endroit un peu plus proche de la mer.
Hamaguchi — Alors pourquoi ne pas y aller doucement et rester un peu dans le coin ?
Je n’avais pas parlĂ© avec Hamaguchi depuis l’examen du bateau de croisière qui avait eu lieu sur le chemin du retour de l’île. Nous n’avions passĂ© qu’une brève pĂ©riode ensemble Ă l’Ă©poque, et nous n’avions jamais interagi plus que ça. On ne pouvait guère se considĂ©rer comme des amis, alors pourquoi cherchait-il Ă engager la conversation avec moi ?
Hamaguchi — Tu n’as pas à te forcer bien sûr.
Après un long silence, il ajouta quelques mots d’excuse. Nanase m’avait suivi sans Ă©mettre la moindre plainte, mais sa fatigue devait ĂŞtre au plus haut, alors je m’étais dit qu’il fallait accepter son offre.
Moi — Allez, faisons une pause alors.
Hamaguchi — Faites comme chez vous.
Hamaguchi nous fit entrer dans sa zone de camping comme s’il invitait un couple d’amis proches chez lui. Cette atmosphère si accueillante Ă©tait exactement ce que l’on pouvait attendre d’un camarade de classe d’Ichinose. Cela dit, ce qui suscita vraiment mon intĂ©rĂŞt ici n’était pas Hamaguchi, mais les deux autres membres de son groupe. Elles Ă©taient sorties de leur tente peu de temps après que Hamaguchi nous ait appelĂ©s, ayant entendu des voix. C’étaient AndĂ´ Sayo et Minamikata Kozue qui nous dĂ©visagèrent pendant un petit moment tout en chuchotant quelque chose sans gĂŞne.
Moi — Si vous n’ĂŞtes pas d’accord avec l’invitation de Hamaguchi, on part d’ici sans problèmes.
En tant qu’Ă©lèves de classes diffĂ©rentes, si notre prĂ©sence les mettait mal Ă l’aise, il Ă©tait probablement prĂ©fĂ©rable que nous partions. Du moins, c’est ce que je pensais, mais AndĂ´ s’empressa de clarifier la situation.
AndĂ´ — Non, t’en fais pas. On ne faisait pas de messes basses. En fait, on voulait parler avec toi, AyanokĂ´ji-kun. Tu es donc clairement le bienvenu ce soir, n’est-ce pas Kozue ?
Sur ce, elle se tourna vers Minamikata, qui acquiesça à plusieurs reprises.
Hamaguchi — Si on est tous sur la mĂŞme longueur d’onde alors on va fĂŞter ça.
En disant cela, Hamaguchi sortit un sac Ă dos de l’intĂ©rieur d’une des tentes. Il dĂ©fit la fermeture Ă©clair, rĂ©vĂ©lant une quantitĂ© considĂ©rable de conserves alimentaires Ă l’intĂ©rieur.
Moi — C’est beaucoup.
Avec la seule quantité que je pus voir actuellement, un groupe pouvait facilement survivre pendant une semaine.
Hamaguchi — Faut dire qu’on a eu un sacrĂ© coup de bol. Toutes nos cartes donnaient 50% de points de provisions en plus lorsque l’examen a dĂ©butĂ©. C’est pour ça qu’on a beaucoup plus de nourriture que les autres groupes.
Bien que je l’aie dĂ©jĂ compris moi-mĂŞme, je dĂ©cidai de faire croire que j’Ă©tais rĂ©ellement impressionnĂ© par cette situation. Un groupe habituel de trois personnes aurait eu 15000 points de provisions Ă utiliser, mais le groupe de Hamaguchi en avait 22500. MĂŞme s’ils choisissaient d’acheter un barbecue et une bonne sĂ©lection de viande, il leur resterait encore beaucoup de points. Bien sĂ»r, de tels achats Ă©taient mal adaptĂ©s au transport, Ă©tant donnĂ© leur poids.
L’une des principales forces de la 1ère C Ă©tait que ses Ă©lèves n’agissaient pratiquement jamais de manière Ă©goĂŻste. MalgrĂ© cela, on pouvait ĂŞtre amenĂ© Ă penser que le groupe de Hamaguchi gaspillait ses achats, Ă©tant donnĂ© l’abondance de nourriture et d’ustensiles de cuisine qu’il avait achetĂ©s, mais ce n’Ă©tait probablement pas du tout le cas ici.
Il y avait des chances que ce soit une idĂ©e d’Ichinose. Il Ă©tait extrĂŞmement difficile de se dĂ©placer sur la carte avec une telle quantitĂ© de nourriture. C’Ă©tait particulièrement vrai pour les ustensiles de cuisine et les outils comme les rĂ©chauds Ă gaz et autres, qui finissaient par gĂŞner.
Cependant, c’Ă©tait une autre histoire lorsque qu’un groupe Ă©tait chargĂ© de surveiller de ces choses. Ichinose avait voulu probablement mettre en place une sorte de système permettant aux Ă©lèves de partager des outils de cuisine utiles entre eux.
Au niveau du règlement, l’Ă©tablissement avait dĂ©jĂ officiellement dĂ©clarĂ© que nous Ă©tions autorisĂ©s Ă partager la nourriture avec d’autres groupes. Ainsi, il Ă©tait assez juste de penser que ces trois-lĂ Ă©taient les cuisiniers de la 1ère C. Hamaguchi sortit un paquet de brochettes de son sac Ă dos.
Nanase — Quelle stratégie extrêmement intéressante.
Nanase marmonna cela de loin, ayant apparemment suivi le même processus de réflexion que moi.
Moi — Je suppose qu’on peut dire ça.
Nanase — Nous, les 2nde, manquons de solidaritĂ©. J’imagine que ceux d’entre nous qui sont prĂŞts Ă agir pour le bien d’autrui sont peu nombreux.
Cependant, une telle stratĂ©gie n’allait pas sans son lot de problèmes. Rester en arrière et garder la nourriture et les fournitures Ă©tait certainement important, mais il Ă©tait difficile de marquer des points pour l’examen. Dans le meilleur des cas, la pĂ©nalitĂ© pour avoir manquĂ© les zones dĂ©signĂ©es pouvait ĂŞtre attĂ©nuĂ©e par une seule personne. Cependant, l’écart ne ferait que se creuser progressivement par les autres groupes. Au final, la menace d’expulsion Ă©tait rĂ©elle.
Hamaguchi— Les gens, ça vous dit un peu de yakiniku[1] ?
Moi — Eh, comment ça ?
Hamaguchi — On doit au moins vous offrir un bon dîner. Vous n’êtes pas d’accord les filles ?
Lorsque Hamaguchi regarda pour vérifier avec les autres membres du groupe, les deux filles répondirent par un hochement de tête immédiat, totalement emballées par l’idée. Voyant cela, je pris la parole.
Moi — Non, attendez. J’apprĂ©cie le geste, mais on ne peut pas accepter une offre aussi gĂ©nĂ©reuse.
Nanase — C’est exact. Votre nourriture est bien trop prĂ©cieuse pour ĂŞtre utilisĂ©e pour nous.
Bien que Nanase et moi nous sentions reconnaissants pour leur dĂ©monstration de bonne volontĂ©, nous avions tous les deux dĂ©clinĂ© l’offre. MalgrĂ© cela, Hamaguchi fit comme si de rien Ă©tait et continua Ă prĂ©parer le repas. C’Ă©tait vraiment quelqu’un de bien trop gentil. PlutĂ´t que de gaspiller ses ressources pour nous, il devrait les utiliser pour soutenir ses propres camarades dans le besoin. Sans la moindre hĂ©sitation, Hamaguchi sortit de la viande emballĂ©e d’une glacière rangĂ©e dans le sac Ă dos.
Hamaguchi — Vous en faites pas. Il se trouve qu’on a mis la main sur du bon bĹ“uf en rĂ©compense d’une tâche aujourd’hui. La conservation ne va pas durer longtemps de toute façon, alors autant en profiter tant qu’on peut.
Il prit les morceaux de viande et commença Ă les percer avec des brochettes. Nous Ă©tions ainsi sur le point de recevoir un repas complet. Ils apportèrent mĂŞme une boĂ®te anti-moustique pour nous prĂ©server des piqures afin de rendre l’atmosphère encore plus accueillante et confortable.
Moi — Est-ce que c’est… vraiment, vraiment bien pour vous de nous offrir un repas comme ça ?
Hamaguchi — On se fiche bien des formalités. Ne te retiens pas.
Même si leur classe avait tendance à aider les autres, je devais quand même demander pourquoi ils faisaient ça pour moi. En effet, je doute qu’ils auraient offert un tel repas pour n’importe quel élève qui passait dans le coin.
Hamaguchi — Tu es curieux de savoir pourquoi je t’ai appelé ?
Moi — Vu ta générosité, ça soulève des questions en effet.
Après s’ĂŞtre arrĂŞtĂ© un moment pour trouver les bons mots, Hamaguchi s’exprima.
Hamaguchi — C’est parce que nous avons entendu beaucoup de choses sur toi ces derniers temps, AyanokĂ´ji-kun. Nous voulions avoir l’occasion de te parler en face Ă face, n’est-ce pas, les filles ?
— Ouaip.
Minamikata et Andô acquiescèrent aux mots de Hamaguchi.
Moi — Qu’est-ce que tu veux dire ?
AndĂ´ — Eh bien, comme… tu sais…
AndĂ´ me lança un regard interrogateur, me disant que je devais comprendre de quoi il parlait. Lorsqu’ils rĂ©alisèrent que je n’en avais vraiment aucune idĂ©e, leur expression devint encore plus surprise qu’auparavant.
Andô — Eh ? Attends, alors y’a pas eu de progrès ?
Minamikata — Je pensais qu’ils Ă©taient passĂ©s au moins Ă la première Ă©tape.
AndĂ´ — Bah ouais ! Honami-chan n’arrĂŞte pas de parler de lui lĂ !
Nanase — Vraiment ?
Minamikata — Je sais que ça ne nous regarde pas mais… y a une raison pour qu’ils ne sortent toujours pas ensemble ?
J’avais déjà entendu quelque part que les filles adoraient parler de ce genre de choses mais était-ce vraiment approprié pour elles de le faire devant la personne concernée ? Nanase semblait avoir fait le lien en tout cas car elle me regardait avec un intérêt vif et sans partage.
Moi — …Je ne suis pas sûr à 100% de comprendre ce que vous voulez dire, mais je ne pense pas que nous devrions sortir ensemble.
Minamikata — Non non non non non non. Comment ça tu ne penses pas ? Juste pour être sûr, on parle bien de NOTRE Honami-chan ! Allô quoi !
Andô — Je ne peux pas vraiment parler pour tous les mecs mais environ 80 à 90% des première aiment Honami-chan, non ?
Minamikata — Je suis d’accord.
S’il Ă©tait certainement indĂ©niable qu’Ichinose Ă©tait populaire auprès des garçons et des filles, 90 % Ă©tait clairement une exagĂ©ration. Sudou aimait Horikita, Ike aimait Shinohara, et ce n’Ă©tait sans doute que la partie Ă©mergĂ©e de l’iceberg.
Minamikata — Vous êtes dans des classes différentes, mais faut pas que ça te bloque ! Il y a des tonnes de couples comme ça. Y’en a même qui ne sont pas de la même année.
Moi — Qui vous dit qu’Ichinose s’intéresse à moi ?
Andô — Ooooo, c’est de la modestie que je vois ? Faut dire que t’avais pas mal de succès auprès des filles à notre inscription Ayanokôji-kun.
Quand j’y repense, je me souvenais que Kushida avait dit quelque chose de relativement similaire l’an passĂ©. Je n’avais tout simplement pas considĂ©rĂ© la chose, ou plutĂ´t, j’avais choisi de ne pas trop y penser.
Nanase — Quel succès auprès de la gent féminine, Ayanokôji-senpai !
Moi — Pas du tout. C’est la première fois que j’entends ça.
AndĂ´ — Vraiiiiment ? Ah, je me souviens d’une fois oĂą tu es apparu dans une conversation, mais le sujet avait vite changĂ©.
Minamikata — Pour aimer quelqu’un il faut pouvoir lui parler et le Ayanokôji-kun de l’an passé était plus réservé.
Andô — Tu me diras, ça n’a toujours pas changé. Je rigole. Un peu !
Les deux filles rirent de bon cœur à mon sujet.
Nanase — En quoi Ayanokôji-senpai aurait un peu changé ?
Elle observa les deux personnes qui bavardaient avant de poser sa question.
— Hum… il semble beaucoup plus… doux maintenant ?
Celui qui rĂ©pondit cette fois Ă©tait Hamaguchi, qui revenait tout juste d’un passage aux toilettes quelques instants avant que Nanase ne pose sa question. Si je n’avais jamais parlĂ© avec AndĂ´ ou Minamikata auparavant, j’avais passĂ© un peu de temps avec Hamaguchi pendant l’examen sur le bateau de croisière. Il Ă©tait la personne idĂ©ale pour comparer objectivement.
Mais ceci mis Ă part, ces trois-lĂ n’avaient peur l’air d’avoir peur d’être renvoyĂ©s. Bien sĂ»r, il n’y avait aucun moyen pour moi de dire exactement combien de points ils avaient, mais il n’y avait aucune chance qu’ils soient dans le top du classement. Si c’Ă©tait le cas, alors…
Après avoir fini de dĂ®ner, nous dĂ©cidâmes d’accepter leur chaleureuse hospitalitĂ© et choisĂ®mes de rester lĂ pour la nuit.
[1] Méthode japonaise de cuisson des viandes et des légumes au charbon de bois, au gaz ou sur une plaque chauffante.
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