La signification d’aimer
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Traduction : Ayanokôji is the best
Correction : Nova, Raitei
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Six heures du matin. L’intérieur de ma tente commençait à chauffer lorsque j’entendis une voix venant de l’extérieur.
Nanase— Ayanokôji-senpai, es-tu réveillé ?
Moi— Un instant, j’arrive.
J’émergeai de ma tente, répondant à l’appel de Nanase.
Nanase— Je suis désolée de te déranger de si bonne heure.
Moi— J’étais déjà réveillé, donc c’est bon. Il est temps de commencer à ranger et de nous préparer pour le départ. Qu’est-ce qu’il y a ?
Je jetai un coup d’œil aux autres tentes et remarquai que personne d’autre ne s’était encore réveillé, alors je baissai la voix pour chuchoter.
Nanase— C’est à propos d’Ike-senpai. Tu ne penses pas que j’ai un peu trop parlé la nuit dernière… ?
Moi— Pour moi, au lieu d’en avoir trop dit… c’est plutôt comme si tu avais dit ce qu’il fallait.
Je pensais cependant qu’elle s’était un peu trop occupée des affaires personnelles des autres, et il semblait qu’elle-même l’avait remarqué.
Moi— Grâce à toi, Ike a réussi à se rétablir. Ou plus précisément, je crois qu’il a réussi à remettre de l’ordre dans ses idées. Je pense qu’il a apprécié ce que tu as fait pour lui.
Nanase— Réellement ?
J’acquiesçai immédiatement, mais elle ne sembla toujours pas convaincue.
Nanase— J’ai l’impression que Ike-senpai est dans une sorte de position instable en ce moment. J’ai peur que la discussion d’hier ne s’avère contre-productive en l’incitant à prendre trop de risques… C’est pourquoi je pense qu’il est préférable de ne pas nous séparer d’eux tout de suite.
Moi— Ce n’est pas que je ne comprends pas ce que tu ressens, mais…
D’un côté je m’inquiétais également du mental d’Ike, mais de l’autre, rester avec eux comportait de grands risques pour moi. Nos groupes avaient des routes totalement différentes, il n’y avait donc aucun moyen de déterminer quelles allaient être nos prochaines zones en commun.
La prochaine désignation pouvait fort bien nous envoyer dans des directions complètement opposées. Ainsi, je me demandai si ses inquiétudes étaient authentiques ou si c’était de la comédie. Ne cherchait-elle pas tout simplement à m’empêcher d’atteindre les zones désignées ? Non, un tel geste me semblait bien trop faible et irréfléchi. Cependant, je ne pouvais pas réfuter complètement l’idée qu’elle puisse chercher à me ralentir.
Nanase — Ce n’est pas bon, hein… C’est ce que je pensais. Si nous nous séparons, il sera probablement impossible de se retrouver.
Moi— Eh bien, on verra…
Je ne dirais pas que c’était la meilleure idée qui soit, mais elle ne devait pas être totalement impossible à mettre en œuvre. Il y aurait toujours moyen de garder un œil sur le groupe de Sudou sans toutefois négliger nos propres affaires.
Moi— C’est délicat, mais pour ce qui est de les retrouver, cela ne devrait pas être si difficile. Il suffit de décider à l’avance d’un lieu de ralliement. Même si c’est loin, tant qu’on a l’endurance nécessaire pour marcher, ça devrait être possible.
Qu’il s’agisse de zones désignées ou de tâches, les obligations de la journée se terminaient toujours à 17h. En d’autres termes, nous étions pratiquement libres de faire ce que nous voulions et d’aller où nous voulions entre 17het 7h le lendemain matin.
Nanase— C’est vrai, mais…
Bien sûr, que ce soit ou non la bonne chose à faire était une tout autre histoire. Plus nos zones allaient être éloignées les unes des autres, plus il allait être difficile de choisir un lieu de rencontre.
Nanase — Dans tous les cas, la première chose à faire sera de connaître leur prochaine destination.
Si leur route allait à l’opposé de la nôtre, il était préférable d’abandonner immédiatement l’idée.
Le temps de monter le camp et prendre le petit-déjeuner, nous arrivions déjà à 7h, pile pour l’annonce de la première zone de la journée.
Moi— H7, hein ?
Je ne disais pas que c’était le pire des choix, mais ce n’était pas non plus idéal, loin de là. Il n’était pas sûr que nous soyons en mesure d’y arriver dans les deux heures. Cependant, si nous n’y arrivions pas à temps, cela allait être notre deuxième zone manquée d’affilée. Dans ce cas, si la zone suivante était désignée au hasard et se trouvait quelque part à l’Ouest de la chaîne de montagnes, nous risquions d’être sacrément dans le pétrin.
Moi— Ce serait assez gênant si la zone désignée aléatoirement devait arriver à 9 heures.
En supposant que tout se passait bien pendant les deux prochaines heures, nous n’atteindrions probablement que I7 ou I8, tout au plus. Bien sûr, ce n’est pas comme s’il était impossible d’atteindre H7 en deux heures, mais embarquer Nanase dans quelque chose d’aussi éprouvant comportait un risque équivalent.
Moi— Nous pouvons toujours choisir d’économiser de l’énergie et de manquer la zone une seconde fois.
La déduction de points ne commençait qu’à partir de trois échecs d’affilée. Donc, en ce sens, même si nous n’arrivions pas jusqu’à H7, tout devait bien se passer… Cela dit, en fonction des désignations suivantes, nous pourrions très bien avoir un retard irrécupérable sur nos destinations, nous rendant incapables de trouver le cheminde la zone désignée.
Moi— Sudou, quelle est ta zone désignée ?
Sudou — On a eu I8, donc si vous allez dans le même sens, on peut partir ensemble. Je suis gonflé à bloc là, allez !
Bien que nos routes étaient différentes, nos désignations restaient assez proches. Cependant, cette tournure était loin d’être confortable. En fait, j’avais plutôt tendance à dire qu’elle était malheureuse. Elle restreignait ma progression. Si nous persistions à essayer d’arriver rapidement à destination, Ike et Hondô n’allaient certainement pas être en mesure de suivre le rythme.
Moi— Nous allons à nouveau dans la même direction du coup alors pourquoi pas rester ensemble une partie du trajet ?
J’estimai cependant que nous pouvions aussi bien voyager avec eux puisque, de toute façon, nous n’atteindrions probablement pas notre zone dans les deux heures imparties après désignation. Après tout, la situation d’Ike était toujours préoccupante, et nous pouvions au moins nous soutenir si quelque chose arrivait en cours de route.
Sudou — Carrément ! Sinon, tu vas mieux, Kanji ?
Ike— A-ah, ouais.
Ike eut l’air quelque peu agité en répondant, les souvenirs de la conversation d’hier soir étaient probablement encore frais dans son esprit. La présence de Nanase, une inconnue, avait aidé à stimuler Ike. Et même si ce début de troisième jour avait été malheureux, il y avait au moins quelques avantages à ce que tout se passe comme ça. Tel que je le connaissais en effet, Ike aurait fait des blagues et essayé de parler àNanase, lui disant qu’elle était mignonne par exemple. Mais un pareil développement était impossible ici, il aurait vraiment été incongru qu’il agisse de la sorte après tout ce qu’il avait dit sur Shinohara la nuit dernière.
Cependant, Ike était exactement le type de personne à faire ces choses de temps en temps. Le fait qu’il fasse preuve de retenue maintenant pouvait très bien être la preuve qu’il commençait à changer.
Ike— De de toute façon je vais ouvrir la route, alors suivez-moi.
Sur ce, Ike fit rouler ses épaules, les étirant toutes deux dans toute leur amplitude de mouvement avant de prendre la tête et de se mettre en route. Il avait retrouvé un peu de son énergie depuis que nous avions commencé à voyageravec eux. Après tout, une fausse démonstration de courage n’était pas si différented’une vraie.
Nanase— Tu n’as pas l’air enchanté, Ayanokôji-senpai. Ton visage est figé.
Moi— Il n’y a rien de particulier.
Nanase— En es-tu sûr ?
S’il était vrai que la zone désignée me gênait, j’étais certain de ne rien avoir laissé transparaître.
Sudou — Inutile de t’inquiéter. Ayanokôji a toujours l’air blasé.
Dit Sudou, ajoutant son grain de sel, après avoir entendu ce que nous disions par-dessus son épaule. Je ne savais pas si je devais lui être reconnaissant de son soutien ou m’en offusquer.
Moi— Voilà ta réponse.
Je décidai finalement de me contenter de l’explication de Sudou. Ce dernier me fit un sourire malicieux avant de rejoindre Ike à l’avant du groupe et engager la conversation avec lui.
Nanase— Tu penses encore à Ike-senpai, n’est-ce pas, Ayanokôji-senpai ?
Moi— Tu pousses trop loin l’interprétation. Je suis heureux de voir qu’il a un peu grandi, mais honnêtement, hormis ça, je ne vois pas trop de quoi tu parles.
Nanase— …Vraiment ?
J’écourtai la conversation car Ike et Sudou auraient bien pu entendre la suite. Ike affichait plus de motivation que la veille, il n’était donc pas incorrect de dire qu’il avait gagné en maturité. À cet égard, la réponse que j’avais donnée à Nanase n’avait techniquement pas été un mensonge.
Cependant, une grande partie de cette maturité n’était que de surface. Ce n’était rien de plus que la première étape du changement. En fonction de la situation, Ike pouvait stagner, ou même régresser.
Pour changer, émettre le souhait ne suffit pas. C’était une vérité dont Nanase semblait également bien consciente. Et à cette fin, elle voulait que je la comprenne aussi. De loin, je pouvais voir que son regard était fixé sur Ike qui marchait devant nous. En voyant cela, je ne pouvais m’empêcher de me demander si ses pensées lui concernant étaient sincères.
Juste devant nous, Ike et les autres élevèrent la voix en signe de surprise. Un oiseau sauvage avait déployé ses ailes et s’envola dans le ciel ouvert juste sous leurs yeux. C’était le genre d’expériences de la nature que nous ne pouvions probablement vivre que sur une île déserte comme celle-ci.
En tout cas, si je voulais découvrir la vérité sur Nanase, ma seule véritable option semblait être de continuer à voyager avec elle, du moins pour le moment.
1
Il était presque neuf heures du matin, et nous étions actuellement dans le coin Sud-Est de la zone I8. Le chemin devant nous était accidenté, mais la respiration de Nanase n’en était pas affectée. Il semblait qu’elle n’avait aucun problème à suivre si j’accélérais un peu le rythme. Le groupe de Sudou venait de nous quitter. Il avait choisi de participer à une tâche apparue en I9 et avait changé de route dès notre entrée en I8.
Moi— Pour l’instant, dirigeons-nous vers J9.
Nanase— C’est pour éviter de se retrouver dans la prochaine zone désignée à son annonce, n’est-ce pas ?
Moi— Oui.
De notre position actuelle, nous devions être en mesure d’atteindre J9 en seulement quelques minutes. Nous continuâmes à avancer et arrivâmes en J9 trois minutes avant 9h, les yeux rivés sur nos tablettes alors que nous mettions le pied dans la zone. Pendant les trois courtes minutes dont nous disposions, nous nous assîmes par terre et fîmes une pause en attendant l’annonce de la deuxième zone. De là où elle était assise, Nanase regarda l’écran de ma tablette. Quelques secondes plus tard, l’horloge sonna neuf heures.
Nanase— Senpai…
En voyant la prochaine zone, Nanase leva les yeux vers moi. C’était la deuxième désignation aléatoire de l’examen, mais en J5 ce n’était pas loin. Le voyage aurait été difficile si nous avions dû traversier la forêt, mais nous pouvions aussi aller à l’Est puis vers le Nord en longeant la plage. Si des élèves de notre route avaient réussi à atteindre la zone H7, il leur fallait beaucoup de temps pour traverser la forêt. Avec le second choix, nous aurions davantage de distance à parcourir, mais il y avait une chance de dépasser tous nos concurrents d’un seul coup.
Concernant les désignations aléatoires, il n’y avait vraiment aucun moyen de savoir où elles allaient apparaître alors nous avions eu de la chance que celle-là soit dans un secteur atteignable.
Nous reprîmes immédiatement notre route sans échanger un mot de plus. Il avait été tacitement entendu que nous emprunterions le chemin menant directement à la plage. Moins de vingt minutes plus tard, nous posâmes le pied sur le sable dans le coin Nord-Est de I8, et de là, continuâmes vers le Nord le long de la côte.
En traversant la zone J6, nous vîmes plusieurs adultes en train d’installer quelque chose. Je leur jetai un regard en coin, puis ouvris ma tablette pour voir qu’une tâche venait d’apparaître.
— Les drapeaux de plage[1] ?
Le drapeau de plage est une activité sportive conçue à l’origine pour les sauveteurs en mer afin de développer plusieurs compétences essentielles à leur pratique, comme la vitesse de course et les réflexes. Une activité parfaitement adaptée au littoral sablonneux. Ils recherchaient apparemment huit garçons et huit filles.
Étant donné qu’une seule personne par groupe était autorisée à participer, la tâche nécessitait un total de huit groupes différents pour chaque sexe. Seul le groupe arrivé en tête recevait des récompenses, à savoir 6 points, et la possibilité de choisir une récompense supplémentaire parmi plusieurs options proposées. En dehors de cela, chaque groupe inscrit recevait une bouteille d’eau de 500 ml.
Habituellement, nous apprenions l’apparition de nouvelles tâches via notification sur la carte de nos tablettes. Mais il était possible de l’apprendre plus tôt si on passait par hasard à proximité du site pendant que la tâche était en cours d’installation. Il était donc possible de s’inscrire avant tout autre groupe, mais sans toutefois savoir exactement de quelle tâche il s’agissait avant l’annonce officielle sur la carte. Bien sûr, on pouvait parfois deviner en observant le matériel installé, mais dans le cas d’une tâche de type QCM, c’était presque impossible.
Cette tâche, cependant, avait un délai d’inscription d’une heure. Si nous nous inscrivions maintenant, nous serions donc obligés de rester à proximité du site, ce qui nous priverait de toute chance de gagner le bonus de rapidité en atteignant la zone désignée. Pour cette raison, je décidai de donner la priorité à l’arrivée en zone. Peu de temps après, alors que je commençais à estimer que nous étions arrivés en zone J5, une notification apparut sur ma montre.
Nanase— On a réussi, Senpai.
Au total, il nous avait fallu environ une heure pour arriver ici. En temps normal, mettre une heure entière pour atteindre une zone désignée ne rapportait que le bonus d’arrivée. Cependant, j’eus la chance d’être le premier groupe à arriver, tandis que Nanase s’était assurée le bonus d’arrivée d’un point. Nous sortîmes tous deux gagnants. L’obtention de la prime de rapidité pour son groupe dépendait d’Amasawa et de Hôsen, mais je n’avais aucun moyen d’avoir l’information. Comme nous avions atteint la zone désignée, il était désormais possible de retourner en zone J6 pour nous inscrire à la tâche des drapeaux de plage.
Nous reprîmes la route, décidés à accumuler le plus de points possible. Cependant, une surprise nous attendait à notre retour sur le site de la tâche. Une longue file d’élèves, garçons et filles, s’était déjà formée au point d’inscription. L’endroit était pourtant vide lors de notre premier passage, alors d’où venaient tous ces gens ?
Nanase— Avec un peu de chance, nous pourrons peut-être prendre la dernière place ?
Moi— Peut-être. Peut-être que J6 est la zone désignée pour une autre route ?
Nanase— C’est bien possible.
Moi— Allons vite nous inscrire.
Nanase— D’accord !
2
De retour en zone J6, nous nous étions approchés du site de tâche des drapeaux de plage. Il semblait qu’il y avait déjà plus de huit garçons inscrits, mais il n’y avait aucun moyen d’en être sûr pour l’instant. Comme une seule personne par groupe était autorisée à participer, j’avais probable- ment encore une chance. Un élève de terminale nous remarqua tandis que nous nous rapprochions.
Son nom était Kiriyama, vice-président du Conseil des élèves. Jusqu’à il y a quelques secondes, il semblait s’amuser en discutant avec ses amis. Cependant, son comportement changea complètement dès qu’il nous aperçut, car il se précipita immédiatement vers le membre du personnel en charge de la tâche et commença à lui parler.
Bien que déconcerté par ce comportement étrange, j’approchai à mon tour le membre du personnel et lui fis savoir que je souhaitais participer. Malheureusement, on me répondit que l’élève juste avant moi avait pris la dernière place dans la catégorie des garçons, ce qui rendait ma participation impossible. Je regardai Kiriyama et les autres garçons qui s’étaient inscrits partir pour aller se changer dans les vestiaires de fortune que les membres du personnel avaient installés. Les filles, en revanche, n’avaient que sept participantes, il restait donc une place disponible.
Nanase— Si Senpai ne peut participer, je m’abstiendrai également. Je ne voudrais pas t’obliger à attendre.
Moi— C’est bon, je voulais faire une pause de toute façon. Tu devrais essayer.
Nanase— Mais…
Moi— Comme tu me cèdes les bonus de rapidité, ça accroît l’écart de points entre nous. J’ignore si tu vas gagner ou non, mais il faut se lancer si tu penses avoir une chance.
Il restait encore une dizaine de minutes avant l’heure limite d’inscription, mais si Nanase s’inscrivait, la tâche atteindrait sa capacité maximale. En d’autres termes, elle devait participer sans perdre plus de temps.
Nanase— Merci beaucoup. Bien… Je pense que je vais m’inscrire.
Si elle avait une chance de ravir des points aux élèves des autres années scolaires, alors elle se devait de la saisir. Étant donné que c’était elle qui avait demandé à m’accompagner, ellen’était pas vraiment en mesure de prendre des décisions en toute liberté. Mais mêmedans ces conditions, il ne lui était pas possible de se retenir afin de dissimuler sescapacités.
Une tente avait été installée un peu à l’écart pour que les gens puissent se protéger des rayons du soleil. Je m’y rendis une fois que Nanase partie se changer.
Il y avait tout un choix de maillots de bain différents disponibles pour les garçons et les filles. On pouvait aller jusqu’à dire que la compétition commençait dès l’instant où l’on choisissait lequel on allait porter. Mais comme il n’y avait pas à faire une course de natation, cela ne faisait pas de différence.
Un par un, les garçons commencèrent à sortir des vestiaires improvisés, revêtus de leur maillot de bain. Ils avaient choisi des maillots amples, et la seule différence réelle entre eux était le motif du tissu. Les spectateurs commencèrent à applaudir et à encourager leurs amis sortis au grand jour.
Je décidai de regarder de plus près l’étrange groupe d’élèves qui s’était formé ici. Les huit garçons étaient tous des terminale. De même, du côté des filles, il y avaitsept élèves de terminale. Nanase, seule élève de seconde, s’était glissée in extrémis dans le groupe.
Selon la règle, chaque groupe ne pouvait inscrire qu’une seule personne, ce qui signifiait qu’il n’y avait pas moins de quinze groupes différents de terminale réunis ici en ce moment. On ne pouvait imputer une telle concentration d’élèves de terminale aux seules routes ou apparition de tâches. Et le fait qu’il n’y ait pas d’élèves d’autres années scolaires présents était indéniablement suspect. Ainsi, je décidai de porter mon attention sur le Vice-président Kiriyama. Si autant de personnes s’étaient déplacées ensemble pour s’assurer de remporter la victoire alors j’essayai de prendre du recul et de réfléchir au pourquoi du comment.
Très vite, tout fut prêt pour que les garçons commencent l’épreuve. Le format était celui d’un tournoi classique, où les élèves s’affrontaient en duel afin de décider qui passait au tour suivant. Trois victoires consécutives étaient nécessaires pour obtenir la première place. Par conséquent, je devais être en mesure de déterminer si les terminales s’étaient entendus pour laisser Kiriyama s’imposer en observant l’intensité qu’ils allaient déployer.
Dès le premier match cependant, la compétition fut étonnamment féroce, Kiriyama étant opposé à l’un de ses camarades de classe. Les deux garçons, face contre terre, se levèrent du sol, et se lancèrent dans un sprint pratiquement en même temps. C’était tellement serré qu’ils plongèrent pour atteindre le drapeau. On pouvait même dire que tout se joua à la longueur de bras. Au final, c’est Kiriyama qui s’empara du drapeau, et avec lui, de la victoire. Et cela continua ainsi tout le long. Personne ne sembla se retenir pour favoriser la victoire de Kiriyama ou de quiconque d’autre d’ailleurs. Ils auraient pu décider de participer à fond uniquement en raison de la présence d’un élève d’une autre année mais ce n’était probablement pas le cas ici.
Kiriyama n’était pas si méfiant à mon égard, et même s’il l’était, il était extrêmement improbable qu’il puisse convaincre tous les autres de renoncer si un accord sur le résultat avait été établi au préalable. Dans ce cas, pour quelle raison tant de terminales s’étaient-ils rassemblés ici ? Il était possible que quelque chose de totalement imprévisible se produise. Alors que les matchs des garçons battaient leur plein, les filles commencèrent à apparaître. Cinq d’entre elles avaient choisi le maillot de bain réglementaire de l’école. Nanase, quant à elle, avait opté pour une tenue plus audacieuse. Qui mettait sa splendide anatomie en valeur de laplus belle des façons. Elles étaient libres de faire ce qu’elles voulaient jusqu’à ce que les garçons aient terminé. Aussi, je m’approchai de Nanase pour lui parler.
Moi— Je peux te demander quelque chose ?
Nanase— Quoi donc ?
Elle me regarda avec curiosité, continuant ses exercices d’échauffement vêtue d’un bikini vert et bleu.
Moi— Je vois que tu as choisi un maillot de bain plutôt osé. Y a-t-il une raison à ça ?
S’il n’y avait aucune raison particulière, le maillot de bain scolaire était probablement plus que suffisant pour cette épreuve.
Nanase— Une raison ? C’est le type de maillot que portent les participantes aux compétitions officielles d’après ce que j’ai observé à la télévision, non ? Je pensais qu’il aurait été étrange de concourir en maillot de bain scolaire. Ai-je mal compris quelque chose ?
En prenant comme référence ce que diffusait la télévision, elle n’avait pas tout à fait tort. Après tout, le drapeau de plage était une activité sportive et récréative des plus populaires auprès des personnes qui venaient à la plage. Nanase reporta son attention sur les matchs en cours tout en poursuivant ses exercices d’échauffement.
Le dernier match s’acheva finalement sur une splendide victoire de Kiriyama. Comme l’on pouvait s’y attendre de la part d’un rival de Nagumo. Ses compétences reflétaient parfaitement son classement B+ en capacité physique dans l’application OAA.
Le tournoi des filles allait bientôt commencer, ce qui signifiait que Nanase allait bientôt passer à l’action. En fait, elle fut même conviée pour le tout premier match. Alors, elle alla immédiatement prendre position sur le terrain. Son adversaire était une fille de terminale nommée Tomioka, qui avait une capacité physique de niveau C+. Nanase, de son côté, était un cran au-dessus avec un B+. Ceci étant dit, une meilleure aptitude physique ne garantissait pas nécessairement la victoire.
En effet, avoir eu une expérience préalable en drapeaux de plage était également important, mais j’estimais que la vitesse de course et les réflexes étaient les principaux critères. D’où la question : qui était vraiment la meilleure des deux ? Au son du pistolet, Nanase, d’un seul mouvement ultra-rapide, planta ses mains dans le sol, donna une formidable impulsion du pied dans le sable et s’élança vers le drapeau.
Tomioka avait perdu toute chance avant même d’avoir commencé à se battre, et ne put que fixer le ciel ouvert avec une expression abasourdie. Il était toujours difficile de répondre promptement à l’imprévisible coup de feu d’un starter, mais dans le cas de Nanase, elle avait réagi en parfaite synchronisation avec le son du canon. Ce seul fait prouvait que ses réflexes étaient bien supérieurs à ceux de Tomioka. Les six autres compétitrices qui avaient observé la scène eurent ainsi un aperçu de la puissance de Nanase. Après les trois matchs suivants, les autres demi-finalistes furent connues. La vitesse et les réflexes de Nanase semblaient être un cran au-dessus des autres.
Mais ce n’était pas une raison pour relâcher la pression. Un certain nombre d’autres critères comme la négligence ou la fierté pouvaient altérer ses réflexes, même s’ils étaient incroyables. Et, quelle que soit la confiance qu’elle pouvait avoir en sa vitesse de course, si elle devait se prendre les pieds dans le sable et trébucher, tout était fini. Mais au final, les résultats ne divergeaient que rarement de ce que l’on attendait. Nanase remporta son deuxième match et à nouveau avec une importante marge. Elle n’était désormais plus qu’à une marche de la victoire.
Kiriyama— Elle est vraiment très forte.
Kiriyama exprima ainsi l’impression que donnait Nanase quand on regardait les matchs. Bien sûr, ces mots n’étaient pas destinés à moi, mais aux membres de son groupe. L’autre demi-finale se termina, désignant ainsi la seconde finaliste. Nanase allait affronter une fille nommée Tokunaga, qui affichait sur l’OAA une capacité physique de B+, identique à la sienne. Tokunaga avait, comme Nanase, survolé ses deux premiers matchs. Le dernier match allait donc opposer deux compétitrices de valeur et de niveau réputé identique. Les spectateurs, qui étaient assez bruyants, firent silence lorsque les deux filles prirent position pour attendre le coup de feu. Le starter fut ainsi actionné une dernière fois, le son résonnant sur la plage. Instantanément, les deux filles se mirent en action, surgissant simultanément du sable. Le départ fut très serré, mais la similitude entre elles n’alla pas plus loin. Non seulement Nanase fut la première à faire un pas après s’être levée, mais elle se propulsa en avant avec une force bien supérieure à celle de Tokunaga. Puis, après un court sprint, elle plongea, arrachant proprement le drapeau du sable.
Tokunaga avait été assez habile pour atteindre la finale, et, ayant également réalisé un départ parfait, dût se rendre compte de la différence entre Nanase et elle. Une différence si évidente qu’elle n’éprouvait pas le moindre regret sur sa défaite, se contentant de sourire amèrement avec des traces d’étonnement sur le visage. Finalement, elle tendit la main à Nanase pour la poignée de main, rendant ainsi hommage au vainqueur, de deux ans sa cadette. Après être partie laver le sable sur son corps et son maillot de bain, Nanase revint avec la bouteille d’eau offerte à chaque participant. Après trois batailles acharnées dans cette chaleur étouffante, une boisson fraîche était probablement ce dont son corps avait besoin. La compétition terminée, je me rendis aux côtés de Nanase et lui parlai alors qu’elle se reposait.
Moi— C’était une victoire écrasante.
Nanase— Merci beaucoup. J’ai réussi à m’en sortir.
Ses épaules bougeaient de haut en bas et elle était certainement un peu essoufflée. Mais dans l’ensemble, j’eus l’impression qu’elle n’avait pas vraiment fait beaucoup d’efforts. En fait, il me semblait qu’elle avait gagné en force, dépensant l’énergie sans compter. Dans une compétition entre une élève de seconde et une de terminale, il pouvait sembler à première vue que celle de seconde était désavantagée. Mais en général, les filles atteignaient le plein potentiel de leurs capacités physiques à un âge relativement précoce. Par conséquent, la différence d’âge entre 15, 16 et 18 ans n’avait que peu d’influence sur la réalisation du plein potentiel physique de l’élève. Le principal facteur influençant le résultat devait être une expérience préalable dans le sport en question. Mais cette discipline n’était pas pratiquée par beaucoup d’adolescentes. Enfin… Était-ce vraiment la peine d’analyser autant les choses ? Le fait est que la véritable capacité physique de Tsubasa Nanase était plus élevée que ce qu’indiquait l’OAA. On nous avait dit que les élèves de seconde verraient leur cote évaluée en fonction des performances au cours de leur dernière année de collège, puis réévaluées, mais nous étions déjà bien avancés dans le début de l’été et Nanase avait toujours une note de B+. Je la situais plutôt en A- ou même un A, mais…
Nanase— U-uhm, Ayanokôji-senpai ?
Moi— C’est-à-dire ?
Nanase— Te voir me fixer de si près comme ça, c’est… Eh bien, c’est un peu déstabilisant, tu sais… ?
Elle détourna le regard, une expression quelque peu mal à l’aise sur le visage.
Moi— Ah… Ouais. Désolé.
C’était probablement bien de conserver cette image d’elle dans un coin de ma mémoire avant qu’elle ne se change. La tâche terminée, Kiriyama et les autres élèves de terminale se préparèrent à partir. On pouvait supposer qu’ils allaient se diriger vers leur prochaine zone désignée ou vers un autre site pour une autre tâche. À ce moment, Kiriyama s’approcha de moi pour la première fois depuis notre arrivée ici.
Kiriyama— Ayanokôji, ne dis rien d’inutile.
Il ne dit rien de plus, se contentant de tourner son regard vers le rivage lointain derrière moi. Je regardai par-dessus mon épaule, curieux de savoir ce qu’il voulait dire, seulement pour apercevoir plusieurs silhouettes se déplaçant ensemble le long du banc de sable. Je compris immédiatement ce que Kiriyama voulait dire.À un moment, Nagumo, le président du Conseil des élèves, s’amusait avec d’autres élèves des terminale dans l’océan, pas très loin du site des drapeaux de plage.
Il dût se rendre compte que je le regardais, car il commença à m’appeler, me faisant signe de venir.
Kiriyama— Je vais le redire juste pour être sûr. Ne te mets pas en travers de mon chemin, compris ?
Moi— Oui.
Kiriyama et ses amis quittèrent la plage pour se diriger vers la forêt.
Moi— Nanase, je vais aller parler un peu avec un senpai, comme ça tu auras tout ton temps pour t’habiller.
Nanase— Bonne idée, merci.
Je ne pouvais pas vraiment ignorer Nagumo, alors je me dis que je pouvais aussi bien aller lui parler, au moins un peu. D’ailleurs, il y avait quelque chose qui m’intriguait.
Nagumo— D’après ce que j’ai vu, tu n’as pas pu participer à cette tâche.
Moi— Idem pour toi ? À moins que tu ne sois venu par ici pour une zone désignée ?
Nagumo— Hmm, peut-être ?
Nagumo afficha un sourire dédaigneux, éludant la question.
Nagumo— Et si tu venais te baigner avec nous ?
Moi— J’aimerais accepter cette offre, mais il ne me reste pas assez de points pour louer un maillot de bain comme toi, président Nagumo.
Nagumo n’était pas seul. Asahina et plusieurs autres élèves de terminale avaient également loué des maillots de bain. Ils étaient même allés jusqu’à louer un ballon de plage pour jouer, donc il semblait qu’ils avaient pas mal d’argent de côté.
Moi— Tu as l’air de bien profiter du séjour, à jouer sur la plage comme ça. Je pensais que tu te battrais pour accumuler des points comme font les autres.
Nagumo— Eh bien, c’est important de faire des pauses, non ? Et puis… Le véritable combat commence demain.
Demain, c’est-à-dire le quatrième jour de l’examen. Le jour où les dix groupes du haut et du bas du classement allaient être annoncés sur nos tablettes.
Nagumo— S’il s’avère qu’un groupe de seconde ou de première a réussi à se faufiler parmi les trois premières places, je prendrai des mesures. Seuls les Terminale ont droit de monter sur le podium. Je ne ferai aucune exception, même pour toi, alors garde ça à l’esprit.
En résumé, cela signifiait que Nagumo avait établi une sorte de stratégie globale pour assurer la victoire. À condition, bien sûr, qu’il ne mente pas.
Moi— Merci beaucoup pour ces précieux conseils.
Après tout, Nagumo était le leader de la terminale A, qui se trouvait au sommet de tout le lycée. De plus, il était l’actuel président du Conseil des élèves. Compte tenu de sa position, il était fort probable que ses mots ne soient pas de simples paroles en l’air.
Moi— Je suis seul dans mon groupe. C’est plutôt vers le bas de la liste que mon nom risque d’apparaître.
Nagumo— Dans ce cas, tu ferais mieux de fusionner dès que possible. Horikita-senpai serait probablement déçu si tu t’autodétruisais et te faisais expulser.
— Nagumo. Tu peux venir une seconde ?
Un peu derrière moi, un élève de terminale nommé Masuwaka appela Nagumo. Ce dernier leva légèrement la main en guise de réponse et commença à sortir de la mer, se dirigeant vers l’endroit désigné par Masuwaka. Ils étaient déjà assez proches pour une conversation, mais je suppose qu’ils ne voulaient pas que j’entende quoi que ce soit.
À un moment, Asahina arrêta de jouer dans l’eau pour regarder ce qui se passait et, après s’être assurée que Nagumo était à distance suffisante, elle s’approcha de moi.
Asahina— Salut. Il paraît que tu es seul ?
Moi— Tu m’as probablement entendu tout à l’heure, un combat difficile m’attend.
Asahina— C’est donc vrai…? C’est peut-être mieux si… Enfin si Miyabi commençait à s’en prendre à toi… Les choses pourraient devenir assez risquées, non ? Alors voilà un conseil. Pendant que tu en as l’occasion, va rencontrer autant de groupes que possible et…
Nagumo— Asahina, c’est l’heure. Allons-y.
Nagumo revint au moment où elle allait me murmurer quelque chose à l’oreille, lui faisant ravaler ses mots.
Asahina— Eh bien, bonne chance.
Moi— Merci.
Bien qu’elle se soit arrêtée au milieu de sa phrase, je pouvais plus ou moins deviner ce qu’elle voulait dire. Nagumo Miyabi avait une stratégie que lui seul était capable de mettre en place. Une stratégie qui, si elle était exécutée, rendrait certainement le combat à venir encore plus impitoyable en raison de la nature particulière de l’examen. Cela dit, savoir s’il allait ou non en faire usage contre moi était une tout autre question.
Après tout, pour l’instant, je n’étais qu’un groupe inoffensif avec aucune chance de prendre l’une des premières places.
3
Notre troisième zone désignée de la journée fut H5. Nous ne pouvions pas nous y rendre en marchant le long de la plage, mais c’était un endroit relativement décent, tout bien considéré.
Nanase— C’est assez loin, mais nous devrions pouvoir nous y rendre sans trop de difficultés.
Moi— Oui, en une heure à peu près.
Bien sûr, si nous voulions obtenir la prime de rapidité, il fallait aller plus vite que ce matin. Cependant, même en pressant le pas, nous n’obtiendrions probablement pas mieux que le petit point d’arrivée. C’était une situation qui donnait envie de se diriger vers une tâche proche, mais la plupart des tâches disponibles était actuellement concentrée sur le côté Ouest de l’île. Comme nous étions à l’Est, nous n’avions pas vraiment beaucoup d’options à notre disposition.
Dans ces conditions, était-il préférable de nous hâter vers H5 pour tenter d’obtenir le bonus de rapidité, ou bien d’y aller doucement et de se contenter du bonus d’arrivée d’un point ? Cela faisait trois jours que nous avions débarqué sur l’île, il était temps de prendre une décision.
Moi— Nanase, combien de bouteilles tu as ?
Nanase— J’ai terminé mes réserves ce matin. Tout ce qu’il me reste, c’est la bouteille qui m’a été remise pour la participation aux drapeaux de plage.
Nous étions dans la même situation, car il ne me restait qu’une bouteille de 500 ml également. Même en étant prudents sur la consommation, si nous devions continuer à parcourir de longues distances comme ça, nous allions sûrement être à court à la fin de la journée. En d’autres termes, la perspective d’une pénurie d’eau était bien réelle. J’avais acheté 3,5 litres au début de l’examen. Même si les autres groupes étaient aussi prudents que nous, ils allaient bien vite manquer d’eau eux aussi. Il était difficile de dire quel pourcentage de groupes allait être concerné, mais pour la plupart, l’avenir s’annonçait sombre.
Moi— C’est notre première difficulté.
Nanase— Il nous faut obtenir de l’eau fraîche, n’est-ce pas Senpai ?
Si j’avais été seul, j’aurais choisi d’atteindre les quatre zones désignées et participer aux tâches à proximité pendant les temps morts. Et après avoir terminé la journée, je serais retourné à la zone de départ pour me réhydrater et me préparer pour la journée suivante. C’était l’une des principales stratégies que j’avais envisagées, mais il était difficile de l’exécuter avec Nanase à mes côtés. Elle allait certainement être d’accord si je le lui expliquais, mais elle risquait la fatigue, donc la maladie et la retraite de l’examen. Cependant, je n’étais pas vraiment tenu de trop considérer une élève ennemie. Pour l’instant, je me contentais de continuer à marcher vers notre prochaine destination.
Nanase— Ayanokôji-senpai, pourquoi as-tu décidé de prendre part à l’examen seul ?
Moi— Je n’ai pas beaucoup d’amis, je n’ai donc trouvé personne avec qui me grouper.
Nanase— Cela ne me semble pas être le cas.
Moi— Je ne mens pas. Il y a vraiment peu de monde que je pourrais considérer comme des amis.
Nanase— Quand bien même, je suis sûre tu aurais pu trouver quelqu’un.
Moi— Tu es vraiment si curieuse ?
Nanase— Oui. Parce que, quel que soit l’angle sous lequel on regarde les choses, agir seul comporte d’énormes désavantages, n’est-ce pas ?
Nanase, qui me suivait depuis tout ce temps, accéléra sur quelques pas pour se porter à ma hauteur. Puis, elle me regarda, essayant tant bien que mal de déterminer mes véritables intentions.
Nanase— Le jour où tu as affronté Hôsen-kun, tes mouvements n’étaient pas ceux d’un lycéen ordinaire, Ayanokôji-senpai.
Moi— Si tu as été capable de le remarquer, c’est que tu n’es pas toi non plus une lycéenne tout à fait ordinaire, Nanase.
Elle sembla un peu troublée par ma réponse immédiate et laissa échapper un sourire un peu forcé. Elle se gratta légèrement la joue avant de concéder doucement un « Je suppose que tu as raison ». J’aurais pu profiter de l’occasion pour insister sur ce point, mais elle pouvait finir par ne pas être sincère.
Moi— C’est compréhensible. Après tout, ton score dépend aussi des autres, quel que soit le nombre de personnes dans le groupe.
Nanase— Mais, il semble assez malvenu de trouver à redire. L’établissement nous a recommandé de former des groupes dès le début, donc ceux d’entre nous qui en ont décidé autrement ne sont pas en position de se plaindre.
Que ce soit sur décision personnelle ou par incapacité de créer ou intégrer un groupe, être seul relevait de notre unique responsabilité. Par conséquent, même si les règles nous désavantageaient et nous faisaient expulser, nous ne récoltions que ce que nous avions semé.
Moi— Malgré tout, ce n’est pas comme si la victoire était impossible. Si je rejoignais un groupe qui avait déjà bien accumulé les points, il y a une chance que ma présence fasse naître des synergies inattendues.
Nanase— Tu as donc choisi de commencer seul afin de faire naître ces synergies… ? C’est bien ce que tu dis, Ayanokôji-senpai ?
Moi— Eh bien, je ne sais pas. Je parlais en général. Malgré cette possibilité, il ne faut quand même pas écarter l’idée que j’ai simplement eu du mal à trouver un groupe.
Nanase— Fufu, c’est vrai. Tu sembles certainement un peu nonchalant par moments.
Malgré sa réserve habituelle, Nanase dit ce qu’elle pensait.
Nanase— Tu as toujours été comme ça ?
Moi— En général, pour les gens qui ont mon caractère, n’est-ce pas de naissance ?
Nanase— Je ne pense pas. Il est des circonstances, dans la vie, qui peuvent faire que quelqu’un d’indifférent devienne brillant et plein d’entrain, et inversement. Cela peut arriver, n’est-ce pas ?
Je comprenais ce qu’elle essayait de dire mais j’avais des doutes concernant le fait qu’une personne pouvait changer sa nature profonde.
Moi— Tu dis qu’une personne naturellement indifférente peut changer, mais pour moi, ce ne serait qu’en surface.
Nanase— Pourtant, même si c’est un peu artificiel, le fait que ce type de personne puisse aussi agir de manière joyeuse est étonnant en soi.
Moi— …Certes.
Si on me disait soudainement d’adopter une personnalité chaleureuse et aimable, je ne me sentirais guère capable de maintenir l’illusion sur le long terme. Bien sûr, je pourrais jouer la comédie un certain temps devant des personnes avec lesquelles je n’ai pas l’habitude d’interagir, mais si on me demandait si je pouvais le faire devant mes camarades de classe, alors la réponse était un non catégorique.
Moi— Je ne pense pas que je serais capable de le faire. À ce sujet, as-tu changé depuis le collège, Nanase ?
J’avais réussi à aborder le sujet du collège sans que cela ne paraisse venir comme un cheveu sur la soupe. Après tout, quelqu’un de la White Room n’avait certainement jamais connu le collège. Nanase s’arrêta pour réfléchir à ma question pendant un bref instant.
Nanase— Je l’ignore. Je n’ai pas l’impression d’avoir beaucoup changé depuis cette époque, mais je dois tout même avoir un peu changé.
Ainsi, quelque chose lui faisait penser qu’elle avait légèrement changé.
Moi— Dans quel sens ?
Nanase— Dans le passé, disons… j’ai l’impression que je souriais davantage.
Donc pour elle, le changement s’était opéré dans le mauvais sens.
Nanase— J’ai aussi le sentiment que je parle et que je sors avec les autres beaucoup moins souvent qu’à l’époque.
Disait-elle la vérité, ou était-ce simplement un mensonge qu’elle avait préparé à l’avance ?
Nanase— Après tout, un incident s’est produit qui, je crois, m’a changée à jamais…
Je me trouvai quelque peu réticent à demander quel était cet « incident ». C’était elle qui avait entamé cette conversation, et j’avais l’impression qu’elle essayait subtilement de me pousser à en parler, alors je décidai de ne pas aller plus loin. Nanase attendit patiemment que je dise quelque chose, mais à un moment, elle ralentit le pas jusqu’à se retrouver derrière moi à nouveau. J’en pris note et décidai de changer de sujet.
Moi — Au fait, comment va ton groupe ? Vous vous en sortez bien au niveau des points ?
Nanase — Oui. Hôsen-kun et Amasawa-san, ont remporté pas mal de tâches récemment. Je ne sais pas qui a le plus contribué, mais quoi qu’il en soit, ils semblent en faire plus que moi.
Si elle disait la vérité, alors son groupe s’en sortait plutôt bien tout seul. En fonction de ce qu’Amasawa et Hôsen avaient fait, il était possible qu’ils gagnent également des bonus de rapidité, bien que ce ne soit qu’une conjecture de ma part.
Moi—À l’inverse, je pourrais être dans une situation délicate.
Bien qu’ayant régulièrement marqué des points, on pouvait supposer que je m’enfonçais progressivement vers les derniers rangs. Un groupe de trois personnes faisant la même chose que moi dépassait facilement mon score.
Nanase — Faisons de notre mieux avancer, Senpai.
Moi—Oui.
Avant toute chose, nous devions arriver en toute sécurité à la prochaine zone désignée. Avec cet objectif en tête, nous commençâmes à nous frayer un chemin dans la forêt sauvage.
4
Il était 13h55. Nous avions atteint la zone H5 en un peu moins d’une heure. Un seul point vint récompenser nos efforts, mais c’était toujours ça de pris. Il restait une heure avant la prochaine désignation, alors j’envisageai de participer à une tâche. Auparavant, la plupart de celles disponibles étaient situées sur la moitié Ouest de l’île, mais maintenant elles commençaient lentement à apparaître ici, à l’Est.
Moi— Tu peux continuer ?
Demandai-je à Nanase, la voyant s’asseoir dès notre arrivée pour prendre de l’eau.
Nanase— Ah, oui !
Elle avait réussi à suivre le rythme, ce qui était déjà très louable, mais il était impossible qu’elle ne soit pas épuisée.
Moi— Tu devrais rester ici te reposer.
Nanase— Mais…
Elle semblait avoir peur que je parte et que je l’abandonne.
Moi— Si ta présence me gênait, je te l’aurais fait savoir. Je ne vais pas disparaître comme ça. De plus, si tu puises trop dans ton endurance, tu auras plus de mal à tenir le coup plus tard, non ? Même si la désignation aléatoire est déjà passée, nous devrons accélérer pour atteindre la prochaine zone si je vise le bonus de rapidité. Auquel cas je ne pourrais pas ralentir et t’attendre.
Malgré sa frustration, Nanase finit par admettre les limites de son endurance et acquiesça. Je me sentais triste pour elle, mais je pouvais ainsi me déplacer sans aucune restriction, même si ce n’était que temporaire.
En allant vite, je pouvais probablement atteindre deux ou trois sites de tâches dans la région voisine, mais rien ne m’assurait d’arriver à temps pour pouvoir m’inscrire.
Ici, en zone H5, un test d’histoire allait bientôt commencer, alors je partis pour y participer. Le gagnant ne recevait que cinq points, mais il y avait également des provisions en jeu, alors je voulais absolument arriver à temps. La participation était limitée à huit groupes, ce qui n’était pas beaucoup, alors il valait mieux que je me dépêche.
Peu de temps après le départ, j’aperçus deux groupes de trois personnes qui cheminaient à travers les arbres, et ils se dirigeaient apparemment vers ce test d’histoire, tout comme moi. Heureusement, ils ne m’avaient pas vu, ce qui me permit d’adapter ma route pour courir un peu. En effet, si j’avais continué à marcher, ils seraient arrivés avant moi sur le site de la tâche.
Sans m’arrêter, j’avançai dans la forêt et finis par arriver pour constater que beaucoup de personnes s’y étaient déjà rassemblées. Il y avait un adulte présent avec une tablette à la main, mais ce n’était pas un professeur de l’établissement. Je me dépêchai d’aller lui parler.
Moi— Puis-je m’inscrire à la tâche ?
— Oui. Vous serez le septième groupe.
Une fois mon inscription terminée, les deux groupes que j’avais vus plus tôt arrivèrent en courant. Parmi eux, le premier à s’approcher fut Hashimoto, un élève de 1ère. Il remarqua ma présence mais se hâta vers le membre du personnel.
Hashimoto— On peut encore s’inscrire ?
Cria-t-il, dégoulinant de sueur comme s’il venait de terminer un marathon.
— Vous serez le dernier groupe, mais…
Le personnel déplaça son regard vers les élèves qui suivaient derrière lui. Excepté Kamuro, qui était en tête, les trois suivants étaient des élèves de seconde de l’autre groupe. Le dernier membre du groupe de Hashimoto était à la traîne, loin derrière les autres. Cette tâche permettait la participation du groupe tout entier, mais naturellement, le personnel de service ne pouvait pas procéder à l’inscription si le groupe était incomplet. Argumenter sur la proximité du reste de l’équipe ne marcherait pas non plus, même s’ils n’étaient qu’à 30 secondes. Si le groupe de seconde arrivait au complet avant l’arrivée du dernier membre du groupe Hashimoto, alors c’était eux qui allaient prendre le dernier ticket. Ainsi, à l’approche de Kamuro Hashimoto s’exprima.
Hashimoto—Nous serons seuls à participer, juste elle et moi.
Hashimoto décida d’évincer leur dernier membre. Les trois élèves de seconde s’effondrèrent au sol, frustrés. Ce devait être vraiment démoralisant d’avoir fait tant d’efforts en vain. Hashimoto, quant à lui, semblait satisfait de cette issue, même si son groupe était amputé d’un membre pour ce test. Pour les tâches permettant de participer en groupe, il était préférable d’être le plus nombreux possible. Ceci dit, il valait mieux participer avec un membre en moins que de ne pas participer du tout.
— D-Désolée, je, je n’ai pas pu arriver à temps… !
Une fois arrivée, Ninomiya s’excusa encore haletante, mais naturellement, Hashimoto et Kamuro ne semblaient pas lui en vouloir. Ninomiya avait A- en capacité académique, ce qui aurait été précieux pour le test. Mais seulement D- en aptitude physique.
Hashimoto— En tout cas merci pour tes efforts Masumi-chan.
Kamuro — Oh, la ferme. Ne me parle pas… Il fait chaud et je suis toute transpirante maintenant, ça craint… !
Kamuro, qui essayait encore de reprendre son souffle, se tenait à distance, faisant signe à Hashimoto de s’éloigner lorsqu’il s’approchait d’elle. Son renvoi l’incita à se tourner vers moi.
Hahismoto — En y réfléchissant, c’est la première fois qu’on te croise dans examen, Ayanokôji. Alors tu étais aussi dans le coin ? Et en plus tu fais cet examen tout seul, c’est courageux. Tu as réussi à cumuler beaucoup de points ?
Moi— En toute honnêteté, je ne serais pas surpris d’être dans les dix derniers.
Hashimoto— Arrête de te moquer de moi. C’est impossible de décider departiciper seul sans idées derrière la tête.
Honnêtement, je n’étais pas si bien placé que ça en ce moment, mais je n’avais pas vraiment envie de lui montrer ma tablette pour le prouver.
Hashimoto— Je comprends ce que tu dis, mais si tu retrouves dans les dixpremiers demain… ?
Dit-il, me faisant face avec un regard inquisiteur, un peu hésitant, mais il n’y avait absolument aucune chance que cela se produise.
Hashimoto— Bref, je suis content que ce ne soit pas une épreuve de maths. On aurait eu aucune chance face à un génie comme toi.
— Très bien, la tâche va maintenant commencer !
Hashimoto— Oups, le temps n’est plus aux bavardages…
Le dernier groupe étant désormais inscrit, la tâche commença immédiatement. En examinant attentivement les choses et en participant aux tâches, je remarquai que l’on se retrouvait souvent en compétition avec des élèves de la même année scolaire. Cependant, je n’avais pas l’intention de les ménager.
De plus, le test n’était constitué que de questions à choix multiple avec quatre réponses proposées pour chaque question. Ainsi, je pouvais toujours invoquer la chance pour justifier un score élevé.
Bien que mon attention soit concentrée sur ma tablette, j’apercevais de temps en temps Hashimoto qui regardait dans ma direction avec ce même regard inquisiteur. C’était compréhensible, car, à l’inverse des autres, il s’était montré méfiant à mon égard depuis le début.
Ainsi, je m’attaquai aux vingt questions du test. Honnêtement, si on m’interrogeait sur mon niveau en histoire, j’aurais eu tendance à répondre qu’il n’était pas très bon. C’est parce que dans la White Room, on ne mettait pas particulièrement l’accent sur l’enseignement de cette discipline. Mais j’étais suffisamment familier avec le sujet pour avoir de bonnes bases.
Comme chaque question ne comportait que quatre possibilités, je pus répondre correctement à toutes les questions sans aucune difficulté. Après une courte attente, les résultats furent calculés par la machine et les scores finaux de chaque groupe furent annoncés.
Je remportai la première place avec 100 points, la deuxième place revint à un groupe d’élèves de terminale avec 80 points, et la troisième place fut pour Hashimoto et Kamuro avec 70 points.
Je me mis en route pour la prochaine destination sitôt les provisions et les points reçus. Cependant, Hashimoto, qui me suivait de près, ma rattrapa.
Hashimoto— Tu nous as vraiment écrasés là. Dire que tu étais aussi bon en histoire…
Moi— Je suis aussi surpris que toi par le résultat. J’ai eu beaucoup de chance sur plusieurs questions.
Hashimoto— Alors c’était juste de la chance, hein ? Je trouve ça difficile à croire.
Moi— Eh bien, je ne peux pas y faire grand-chose si tu ne me crois pas. Mais je suis pressé là, alors désolé.
Hashimoto— À quelle tâche tu vas t’inscrire ?
Moi— J’avais prévu de faire le test de chimie. Et toi ?
Je le regardai jeter un coup d’œil à Kamuro qui nous suivait à faible distance. Selon toute probabilité, son groupe avait pensé faire la même chose.
Hashimoto— C’est dommage. Nos routes vont devoir se séparer.
Hashimoto était quelqu’un de rusé. Au lieu de s’inscrire à la même tâche qu’un adversaire qui était certain de remporter la première place, il préférait regarder ailleurspour maximiser ses chances, même si la route pour y parvenir était plus longue. En réalité, il aurait probablement voulu s’inscrire à la même tâche que moi pourvoir de quoi j’étais vraiment capable.
En attendant Hashimoto, Kamuro laissa paraître un regard de dégoût et de déception évidents. Après tout, plus de route signifiait aussi plus de fatigue.
Hashimoto — À plus tard, Ayanokôji.
Avec Kamuro derrière, Hashimoto partit, se dirigeant vers l’une des autres tâches voisines. S’il suivait les instructions de Sakayanagi, alors tôt ou tard, ils allaient probablement rejoindre le groupe d’Ichinose pour former un groupe de six.
5
Après le test d’histoire, je participai comme prévu au test de chimie auquel j’obtins à nouveau la première place. Pour un nouveau gain de cinq points. Grâce à cela, je cumulai un total de 48 points avant la dernière désignation de zone à atteindre qui clôturait cette troisième journée. Un groupe de trois personnes qui n’aurait gagné que les points d’arrivée, c’est-à- dire un groupe qui aurait renoncé aux bonus de rapidité et aux tâches, aurait eu un total cumulé de 30 points.
Cependant, il m’était impossible de spéculer sur mon classement car je n’avais aucun moyen de connaître celui des autres groupes. Juste avant 15h, je retrouvai Nanase. Peu après, la dernière zone désignée de la journée fut révélée : zone I4.
Moi— Tu te sens mieux ?
Nanase— Grâce à ta sollicitude tout à l’heure, mon énergie est complètement remontée. Je suis à nouveau prête à faire face à toute situation.
C’était la dernière chose à faire de la journée, aussi, puisqu’elle était entièrement reposée, je me dis qu’on pouvait y aller à fond. Après avoir choisi notre itinéraire, nous nous mîmes rapidement en route, avec pour objectif le bonus de rapidité. Nous marchions en silence depuis un moment, mais notre environnement était très différent de celui d’avant.
Nanase— J’ai l’impression, que… la route est très peu hospitalière ici.
Moi— Ouais. Quand j’ai regardé la carte, je pensais que cette partie de l’île serait plus facile à traverser que les zones D ou E, mais je suppose que c’était trop optimiste.
Bien que la forêt ne soit pas aussi dense que la canopée au-dessus de nos têtes qui masquait complètement le soleil, le sol sous nos pieds n’était pas droit et parseméde racines entremêlées, ce qui ne facilitait pas la marche. Le chemin était tel que, pour maintenir le cap dans une direction donnée, il fallait constamment dévier àgauche et à droite, car il n’était pas possible de se déplacer en ligne droite.
Les élèves qui traversaient cette partie de l’île avaient probablement bien du mal à s’orienter. Et toute vitesse trop élevée augmentait les risques de chute, et donc de blessure à cause des racines.
Nanase— Senpai, comment comptes-tu te procurer de l’eau ?
L’eau ne figurait pas parmi les provisions remises au vainqueur des tests que j’avais remportés. Malgré ces deux victoires consécutives, ma réserve d’eau potable était donc toujours d’une petite bouteille de 500 ml. Tout comme Nanase.
Nanase— Si tu estimes que l’eau est prioritaire sur l’arrivée à notre zone désignée, alors je te propose de nous diriger vers la tâche en H3.
Dans la zone H3 était apparue une tâche dont le délai d’inscription était encore de 50 minutes. Non seulement elle récompensait les groupes avec des points, mais aussi avec de l’eau potable. De plus, il s’agissait d’une grande bouteille de deux litres.
Moi— La concurrence va sûrement être féroce.
Après discussion, je décidai de continuer à viser la prime de rapidité. Bientôt, d’autres groupes allaient commencer à manquer d’eau, tout comme nous.
Moi— Même si les tâches permettent d’obtenir de l’eau, les possibilités de victoire sont toutefois assez limitées.
Le premier jour de l’examen, 68 tâches au total avaient été organisées. Le deuxième jour, ce nombre était passé à 100. Et aujourd’hui, troisième jour, il y en avait déjà 94 d’effectuées. Bien que le nombre augmente de jour en jour, il était encore loin du nombre de groupes existants. Il n’y aurait pas matière à redire s’il était possible pour chaque groupe de gagner une fois par jour. Mais même en comptant le fait que certaines tâches récompensaient trois groupes, cela n’était pas suffisant. Après tout, de nombreuses tâches n’offraient de récompense qu’au groupe qui arrivait premier. Bien entendu, le fait qu’un groupe particulièrement doué puisse s’emparer de la première place trois ou quatre fois en une seule journée n’arrangeait pas les choses.
Compte tenu de tout cela, il n’était pas surprenant qu’un grand nombre de groupes ait épuisé ses réserves d’eau potable. Les groupes concernés étaient alors obligés de retourner à la zone départ pour se fournir et resteraient probablement dans ce secteur pour s’assurer la sécurité de l’approvisionnement.
Ceci les empêchera par la suite d’atteindre les zones désignées, les exposant ainsi aux pénalités en cascade. Les tâches qui apparaîtront près de la zone de départ seront par conséquent soumises à rude concurrence. Les vaincus de ces luttes acharnées verront leur situation empirer à mesure que les pénalités réduiront leur nombre de points. Plus leur zone désignée se rapprochera du coin Nord-Est de l’île, moins ils auront le contrôle sur leur capacité à se réhydrater immédiatement.
Nanase—Il y a quelque chose qui te tracasse, n’est-ce pas Senpai ?
Nanase s’était rapprochée pour marcher côte à côte avec moi, ses yeux regardant dans ma direction.
Moi—Qu’est-ce qui te fait penser ça ?
Nanase—Le fait que tu ne sembles pas très préoccupé par notre manque d’eau imminent.
Moi—Peut-être ai-je décidé de confier ma destinée à la Divine Providence.
Nanase—Cette option ne me paraît guère raisonnable…
Nanase afficha une expression de perplexité, décontenancée par ma blague.
Moi — J’avais prévu de retourner à la zone de départ en cas d’urgence.
Nanase — Notre situation actuelle ne nous permet pas vraiment de faire cela, n’est-ce pas ? Il faudrait plusieurs heures pour retourner au port d’ici. Et ce serait encore plus long si nous choisissions de faire le trajet de nuit.
Naturellement, ce n’était pas une stratégie qui pouvait être utilisée de n’importe où sur l’île. Plus on s’éloignait de la zone de départ, plus le temps et l’endurance diminuaient.
Moi—Malgré tout, c’est une option que j’ai envisagée.
Nanase—L’eau est une nécessité absolue, mais si tu envisages un si grand périple, tu pourrais finir par te blesser. Je ne pense pas que ce soit une idée très sage, loin s’en faut.
Ses objections étaient tout à fait justifiées.
Nanase—Et pourtant, tu persistes à dire que cette idée dangereuse est la seule solution que tu as envisagée, Ayanokôji-senpai ?
Moi—D’après les règles de cet examen spécial, il est clair que la seule méthode pour obtenir plus d’eau est de l’acheter au double du prix lors du retour à la zone de départ ou de la gagner en accomplissant une tâche.
Nanase—Ça… Oui, je suppose que tu as raison sur ce point.
Moi—Et entre ces deux méthodes, la seule vraiment sûre pour obtenir de l’eau potable est de l’acheter avec des points.
Nanase— De l’eau potable…
Moi—En dehors de ça, il faudrait compter sur les ressources naturelles, que ce soit de l’eau de mer, de pluie ou de rivière. Cette île est actuellement inhabitée, mais nous ignorons tout de son histoire. Si des gens ont vécu ici, il est possible que l’eau ait été contaminée.
Bien sûr, il était difficile d’imaginer que l’école nous fasse venir ici si c’était le cas, mais il n’y avait aucun moyen d’en être sûr.
Moi—En tant que groupe d’une seule personne, en cas de maladie, je serais fichu. Je ne vais pas faire quelque chose qui me mettrait en danger.
Nanase—Envisager une traversée de l’île de nuit est déjà très risqué.
Moi—Si ça échoue, alors c’est fini.
Nanase—Donc tu prétends que tu n’échoueras pas, n’est-ce pas ?
De toute façon, il était inutile de continuer à parler de cela à ce stade. Après tout, à partir du moment où j’avais autorisé Nanase à m’accompagner, je n’avaisplus l’intention d’aller jusqu’au bout de cette idée.
Moi—C’est un peu tard pour en parler maintenant, mais j’ai un moyen d’utiliser l’eau de mer ou de rivière. Si nécessaire, nous pouvons stériliser notre propre eau en la faisant bouillir dans un pot que j’ai préparé.
En entendant cela, elle laissa échapper un soupir de soulagement avec la main sur sa poitrine. Après avoir marché ensemble pendant un certain temps, Nanase finit par apercevoir la rivière qui coulait et s’empressa de sortir sa tablette.
Nanase —Uhm, Senpai, il semble que nous ayons dévié de notre route. Nous devrions aller plus à l’Est.
Nous étions censés nous diriger vers la zone I4, mais nous nous déplacions actuellement vers le centre de la zone H4 à la place. Si nous voulions atteindre la zone I4 le plus vite possible, nous devions aller vers l’Est, comme l’avait dit Nanase.
Moi—C’est bon. Nous ne visons pas le bonus de rapidité cette fois
Nanase—Eh ??
Nanase me suivit, bien qu’elle était suspicieuse sur ce qui motivait ma décision. Nous arrivâmes près du centre de la zone H4, où nous rencontrâmes M. Sakagami, affairé à la mise en place d’un site de tâche. Il semble que ma prédiction se soit avérée exacte. Le site était exactement là où je m’y attendais.
Moi—Bonjour.
M.Sakagami—Tiens… Ayanokôji ?
Bien que M.Sakagami ait eu l’air surpris à mon appel, il allait de soi que quelqu’un devait mettre en place une tâche avant qu’elle ne commence officiellement. Ainsi, il y avait donc toujours la possibilité que des élèves arrivent en avance.
Moi—Monsieur, est-il déjà possible de nous inscrire ?
M.Sakagami—Bientôt. À 15h30.
Nanase—C’est génial Senpai. On a de la chance d’avoir trouvé une autre tâche avant qu’elle n’apparaisse sur nos tablettes.
Moi— En effet.
M.Sakagami ne semblait pas avoir le temps de discuter avec nous, et retourna rapidement à la construction du site. Quelques minutes plus tard, 15h30 sonna.
M.Sakagami— Vous pouvez vous inscrire maintenant.
À peine eut-il terminé sa phrase que je m’approchai et réaffirmai mon intention de participer. Sitôt mon inscription validée à l’aide de la tablette, Nanase s’approcha et en fit de même.
Nanase— Mais nous ne savons toujours pas à quel type de tâche nous allons concourir ?
Au moment où Nanase était sur le point d’ouvrir la carte pour essayer de répondre elle-même à la question, M. Sakagami prit la parole.
M.Sakagami— C’est une tâche où l’on gagne de l’eau selon l’ordre d’arrivée, comme une course. Ayanokôji étant arrivé premier, il recevra 2 litres d’eau et trois points. Comme tu es arrivée en deuxième position, Nanase, tu recevras 1,5 litre d’eau et deux points.
Nanase— Alors cela signifie que nous avons déjà accompli la tâche, n’est-ce pas ? …Quelle surprise.
M.Sakagami alla récupérer l’eau que nous avions gagnée et nous la présenta accompagnée de ces mots :
M.Sakagami— La chance peut aussi faire partie de vos capacités. Soyez-en fiers tous les deux.
Nanase— …Nous avons vraiment eu de la chance oui.
Elle semblait quelque peu embarrassée, et inclina la tête en recevant l’eau.
Moi— Avec ça, nous n’aurons plus à nous préoccuper de l’eau. Eh bien, au moins pour un certain temps.
Peu de temps après avoir quitté la zone, je regardai Nanase qui s’était arrêtée pour me demander quelque chose.
Nanase— Dis… Pourrais-je confirmer quelque chose ?
Moi— Quoi donc ?
Nanase— Si je ne m’abuse, tu es quelqu’un qui peut viser beaucoup plus haut, Ayanokôji-senpai. Qu’il s’agisse des zones désignées ou des tâches, je suis sûre que tu serais capable de marquer un très grand nombre de points.
Elle cherchait à confirmer ce qui avait pesé sur son esprit pendant que nous voyagions ensemble ces deux derniers jours.
Moi— Je n’avais pas prévu de faire de gros efforts pendant les premières étapes de l’examen.Comme je suis seul, tout serait fini si je tombais malade ou me blessais par négligence.
Nanase— La régularité est importante. Mais, avec le rythme actuel, ne crains-tu pas de prendre trop de retard sur les autres groupes ? Ce n’est pas une chose que l’on peut rattraper en un seul jour.
Elle disait que fournir des efforts continus pour accumuler des points de façon régulière était la seule véritable approche.
C’était en effet une approche très solide que les groupes les plus forts cherchaient sans aucun doute à mettre en œuvre.
Moi— Disons simplement que ce n’est qu’une partie de ma stratégie.
Nanase— Une stratégie… qui inclut le fait de se retenir délibérément de gagnerdes points ?
Je hochai la tête et me remis à marcher. Ce n’était pas un sujet sur lequel jevoulais entrer dans les détails avec elle.
Même si nous voyagions ensemble, cela ne changeait rien au fait que nos années scolaires différentes faisaient de nous des ennemis naturels pour cet examen.
De plus, de nombreux mystères l’entouraient également.
Moi— Quoi qu’il en soit, dépêchons-nous. Nous avons encore une chance d’obtenir le bonus de rapidité pour la zone désignée.
Nanase— O-oui.
Nanase s’empressa de me rattraper alors que je me remettais en route.
Et ensemble, nous nous hâtâmes vers la zone I4.
6
Notre chance ne dura plus longtemps. Arrivés en zone I4, sans surprise, nous ne reçûmes que les points d’arrivée. Nous ne nous trouvâmes pas d’autres tâches en préparation.
C’est ainsi que le rideau se baissa sur notre troisième journée d’examen.
Nanase— Allons-nous nous diriger vers le bord de la rivière ?
Moi— Oui. Le terrain ici est accidenté, et il n’y a pas beaucoup d’endroits appropriés pour passer la nuit non plus. Continuons.
Nanase— Ok !
Nous prîmes un chemin allant vers le Sud à travers la forêt, avec en point de mire le bord de la rivière. Après vingt minutes, nous atteignîmes finalement notre destination.
Moi— Tu veux camper quelque part par ici ?
Nanase— Ça me va.
Au moment où nous étions parvenus à un accord, j’entendis une voix quelque part au loin.
— Heeey- ! Ayanokôji !
Une voix familière m’appelait de l’autre côté de la rivière. C’était Ike, qui se tenait là avec un tas de branches mortes dans les bras.
Ike— Ayanokôji ! Nanase ! Il me semblait bien que c’était vous ! C’est donc là que vous étiez !
Il se rapprocha de la rivière tout sourire, les dents brillantes !
Nanase— Quelle incroyable coïncidence ! Tu vas camper par ici ce soir, Ike-senpai !?
Nous étions obligés d’élever la voix pour couvrir le bruit de la rivière qui coulait entre nous. Mais cela n’était pas facile de nous entendre. Aussi, après avoir crié comme ça pendant un moment, Ike nous fit signe de le rejoindre de l’autre côté. Nanase et moi remontâmes ainsi la rivière.
Rapidement, nous arrivâmes sur un pont terrestre près du côté Sud de H4 et l’avons rejoint. Sudou et Hondô, également présents, étaient venus après avoir entendu le son de nos voix.
Sudou — Attendez, c’était quoi votre dernière zone désignée aujourd’hui à vous deux… ?
Moi— I4.
Sudou échangea un regard avec les autres membres de son groupe, surpris par ma réponse. Apparemment, leur dernière zone de la journée avait été I4 également.
Sudou — Bordel, c’est improbable !
Ce matin, nous avions tous commencé au même endroit, et étonnamment, nous avions également terminé la journée au même endroit. Étant donné que j’avais rencontré Sudou plusieurs fois maintenant, il semblait y avoir une sorte de tendance générale pour nos routes à nous conduire aux mêmes endroits malgré des différences.
Ainsi, nous décidâmes de camper ensemble, comme nous l’avions fait la veille. Puisque nous étions libres pour le reste de la journée, donc chacun vaqua à ses occupations pour le moment. Bien sûr, nous coopérâmes pour le nécessaire puisque nous faisions tous partie du même campement.
Je dis à Nanase que j’allais me promener et partis seul dans la forêt. Il n’y avait pas de raison particulière à cela, mais si je devais en trouver une, ce serait d’inspecter les environs pour voir s’il y avait d’autres élèves. Après tout, à l’exception du groupe de Nanase, je n’avais toujours pas rencontré d’autres personnes qui semblaient avoir la même route que moi. Je revins au campement environ une demi-heure plus tard, juste à temps pour voir Ike allumer le feu de camp sur lequel il avait travaillé.
Moi— Tu es plutôt débrouillard.
Ike— Il faut toujours mettre ses capacités au bénéfice des autres.
Tu sais qu’on nous a prévenus à l’avance qu’on allait faire un examen sur une île inhabitée cette fois ? Je pense que la plupart des élèves a cherché à se documenter pour préparer la survie en milieu naturel.
Les yeux fixés sur le feu de camp en face de lui, Ike continua.
Ike— Mais, bien entendu, il y a une différence entre la connaissance et l’expérience, n’est-ce pas ? Comment dire… Si juste lire un bouquin suffisait pour maîtriser quelque chose, rien ne serait difficile du tout.
Il est vrai qu’il n’était pas toujours aisé d’être compétent dans un domaine après avoir simplement lu quelques articles ou regardé une vidéo à ce sujet. On ne découvre ce dont on est réellement capable qu’en se frottant à la réalité.
Nanase— Ah, tu étais là, Ayanokôji-senpai.
Moi— Qu’est-ce qu’il y a ?
Nanase— Tu étais absent depuis un moment, alors j’étais partie à ta recherche.
Elle tourna son regard vers la forêt. On s’était donc manqués à mon retour.
Sudou — Très bien les gars, il est temps de manger un peu.
Ike— Ok.
Ike alla chercher un seau près de sa tente et revint avec un large sourire sur le visage. Et nous montra fièrement son contenu.
Nanase — Wow, incroyable… !
Le seau contenait plusieurs poissons qu’il avait apparemment péchés.
Ike— J’avais du temps libre quand mon groupe était près de l’océan, alors j’en ai profité pour en attraper quelques-uns. Allons manger !
Un peu à la hâte, Ike commença à préparer le dîner. À première vue, il semblait de bonne humeur, mais il était évident qu’il faisait semblant. Cependant, il semblait prendre l’examen avec beaucoup plus de sang-froid que je ne l’aurais cru. Pour le moment, il n’y a pas de quoi s’inquiéter.
—Ça sent vraiment bon par ici…
Un groupe de trois personnes qui passait par là s’approcha de nous, peut-être attiré par l’odeur appétissante du poisson que faisait griller Ike. Nous campions à l’air libre puisque nous étions près de la rivière, il n’était donc pas surprenant qu’ils nous aient vus.
Ce qui était complètement inattendu, en revanche, c’était l’identité de l’un des trois élèves du groupe.
—Ah- !
Une fille, la deuxième à s’approcher de nous, laissa involontairement échapper un petit cri de surprise en établissant le contact visuel avec moi.
Moi— Qu’est-ce qui ne va pas, Karuizawa-san ?
Karuizawa— Heu… J’étais juste, genre, choquée à propos de ces poissons grillés, c’est tout.
Elle parlait tout en essayant tant bien que mal de dissimuler sa surprise de me rencontrer par hasard comme ça. L’examen n’avait débuté que depuis trois jours mais c’était la première fois que je tombais sur Kei. Même ainsi, elle semblait bien se débrouiller pour le moment. Les deux autres membres de son groupe étaient de la classe A de Sakayanagi.
Il y avait Shimazaki Ikkei et Fukuyama Shinobu, tous deux très doués pour les études. Même si, dans l’ensemble, le groupe manquait de force physique et d’endurance, ils avaient certainement le potentiel pour prétendre à la première place dans toutes les tâches basées sur des tests académiques auxquels ils parviendraient à s’inscrire.
Karuizawa— Hey, pourquoi ne pas camper ici aussi ? Je pense que Ike- kun serait prêt à nous filer à manger.
Ike— Haah ! ? Pourquoi je devrais te donner mes poissons !?
Karuizawa— Ouais c’est bon fais pas le crevard… T’en a plein.
Ike— C’est mort ! On va pas se priver pour toi !
Ike n’aimait pas vraiment Kei au départ alors il refusa catégoriquement. Cependant, Sudou le tira à part pour lui marmonner quelques mots à l’oreille.
Sudou—Mec, où est le mal ? Elle pourrait avoir des infos sur Shinohara.
En entendant cela, Ike ne dit plus rien. Il n’avait toujours pas rencontré Shinohara sur l’île. Et comme Kei était une camarade de classe, il était raisonnable de penser qu’elle en savait peut-être un peu plus.
Ike—On n’y peut rien ! Bon bah, je vais devoir me préparer à accueillir trois autres personnes !
Karuizawa—Sérieux ? Super ! J’ai bien fait de demander !
Kei plaisantait à moitié quand elle avait lancé l’idée, mais au final, cela se concrétisa. Cela dit, préparer la nourriture allait prendre du temps et il fallait attendre un petit moment avant qu’Ike ne finisse de griller le poisson supplémentaire.
J’annonçai que j’allais me promener un peu dans la forêt, et Kei fit de même peu de temps après.
Bien sûr, nous n’étions pas allés trop loin pour éviter de nous perdre, juste assez pour être sûrs que les autres ne pourraient pas nous voir ou nous entendre. Nous nous retrouvâmes près d’un arbre assez grand et nous nous assîmes ensemble, adossés au tronc.
Moi—Vous semblez bien vous débrouiller.
Le groupe de Kei avait obtenu 37 points au cours de ces trois derniers jours. Au moins pour l’instant, ils ne s’en sortaient pas si mal que ça.
Karuizawa—Je me repose sur les deux autres, Et toi, Kiyotaka ?
Moi—On va dire que je m’en sors pas mal.
Karuizawa—Je ne m’inquiète pas pour toi de toute façon.
Kei laissa échapper un bruit en s’étirant.
Karuizawa—En tout cas, j’aimerais juste que cet examen se termine… J’arrive pas à croire qu’il nous reste encore onze jours.
Compte tenu du nombre de jours restant, il était indéniable que nous étions encore dans la phase initiale de l’examen.
Moi—Au fait, il s’est passé quelque chose ces derniers jours ?
Karuizawa—Tu veux dire concernant cette personne dont tu m’as parlé, non ? Hmm, non, rien ne me vient à l’esprit.
Avant que l’examen spécial ne commence, j’avais demandé à Kei d’aller vérifier une certaine chose pour moi. J’avais fait cela en envisageant la possibilité que l’élève de la White Room essaye d’entrer en contact avec elle. Cependant, il ne semblait pas que quelque chose se soit produit jusqu’à présent.
Karuizawa—Juste au cas où, j’ai noté toutes les personnes avec lesquelles j’ai été en contact sur ma tablette.
Elle ouvrit l’application bloc-notes de sa tablette et me montra la liste de tous les différents élèves et groupes avec lesquels elle avait interagi au cours des trois derniers jours. Il s’agissait principalement d’élèves de 1ère, sans aucun contact avec ceux de 2nde ou de terminale. Comme prévu, cette personne est un habile stratège.
Karuizawa— Au fait…
Moi— Hm ?
Elle se pencha soudainement près de mon visage et me regarda dans les yeux.
Karuizawa—J’ai entendu dire au camp que cette fille de 2nde voyage depuis le début avec toi, Kiyotaka.
Moi—Les nouvelles vont vite, on dirait.
Karuizawa—Quand j’ai demandé, Ike-kun ne s’est pas fait prier pour tout me dire… Enfin bref, c’est pas le sujet !
Même moi, qui étais ignorant en matière d’amour, je comprenais qu’une fille soit inquiète si elle découvrait que son petit ami avait volontairement voyagé avec une autre fille. Même si je devais lui donner les raisons derrière cette décision, j’étais certain de ne pas arriver à la tranquilliser.
Je pouvais dire que Nanase pourrait être impliquée dans un plan d’expulsion contre moi ou qu’elle pouvait avoir un lien avec la White Room, mais… Pour Kei, ces choses-là n’auraient aucune importance. À la fin de la journée, elle resterait toujours extrêmement contrariée et mal à l’aise avec le fait que je reste seul avec une autre fille. Je m’approchai de son visage et serrai sa main dans la mienne.
Moi—Tu es inquiète ? Que je passe tout ce temps seul avec une autre fille ?
Karuizawa—Attends attends attends… q-quoi ? Je ne suis pas, inquiète ou quoi que c… Bien sûr que je suis inquiète !
Kei essaya de jouer les dures au début, mais elle céda rapidement.
Moi—Je voyage juste avec Nanase pour réussir l’examen spécial. C’est tout.
Karuizawa—…Vraiment ?
Moi—Oui. Il va sans dire que je n’ai pas d’autres intentions avec elle.
Karuizawa—Je te crois, mais, quand même, être seul avec une autre fille… ça me…
Même s’il n’y avait rien entre Nanase et moi, en tant que petite amie, il était normal que Kei soit inquiète à ce sujet. Dans cette situation, aucun discours compatissant ne pouvait soulager son cœur.
Moi—Kei.
Quand je prononçai son nom, elle se retourna et me regarda, les lèvres légèrement retroussées en une moue provocante. Je profitai de cette ouverture pour me pencher et presser mes lèvres contre les siennes, étouffant sa moue.
Elles ne se touchèrent que pendant moins d’une seconde.
La sensation de ses lèvres, pour mon premier baiser, était bien plus douce que je ne l’avais imaginé.
Karuizawa—Hu…h ?
Un bruit confus s’échappa de sa bouche, son esprit traitant encore ce qui s’était passé. En vérité, j’aurais aimé profiter de ce moment un peu plus longtemps, mais nous étions actuellement au milieu d’un examen spécial sur une île déserte. Il n’était pas impossible que quelqu’un passe par là et nous voit.
Karuizawa—Qu… ? Huh ? Je, J-juste maintenant… un bai… baiser ? …Eh ? Eh !?
Moi—Il faut que tu continues à me faire confiance, d’accord ?
À ce moment, Kei hocha distraitement la tête comme une poupée mécanique.
Si elle était désemparée par le fait que je voyageais avec Nanase, alors, le moyen le plus rapide pour contourner le problème était de lui donner quelque chose de plus intense pour qu’elle focalise son attention dessus.
Moi—Les autres pourraient commencer à se douter de quelque chose si on reste ici trop longtemps. Tu devrais rentrer.
Je dis ainsi à Kei, alors qu’elle était encore dans un état second, de retourner au campement.
[1] Le jeu de « drapeaux de plage » est une sorte de chaise musicale des plages. Il n’y a pas de drapeau pour tout le monde, celui qui n’en attrape pas est éliminé.