CLASSROOM Y2 V12 : CHAPITRE 1

Un examen spécial de fin d’année unique

Nous étions la deuxième semaine du mois de mars, un jeudi. Cette deuxième année de vie lycéenne touchait finalement à sa fin. Cette année de première fut autant voire encore plus intense et inoubliable que l’année précédente. Je pense qu’il y a eu beaucoup de bons comme de mauvais moments, mais pour tous les élèves de ce campus, leur avis pouvait basculer en fonction de s’ils arrivaient à surmonter le prochain examen ou non. L’examen spécial de fin d’année en lui-même est d’une plus grande importance que les autres examens spéciaux. Il fallait se souvenir de l’année dernière, l’examen qui nous avait été octroyé lorsque nous étions en seconde. Un examen fut organisé sous forme de duel de classes où nous tirions au sort parmi un nombre d’épreuves précis. Il y avait 7 manches avec à la clé à chaque victoire 30 pc que l’on dérobait à la classe adverse. Ce fut un duel serré, mais gagner les sept manches signifiait obtenir à la fin 210 pc. Le tout, avec 100 pc de plus pour la classe gagnante. Autrement dit, le différentiel maximal entre les vainqueurs et les perdants était de 520 pc. Rien que ça permettait de comprendre l’importance d’un examen spécial de fin d’année.

Mlle. Chabashira — Bonjour.

Chabashira-sensei entra avec calme. Les élèves la saluèrent. Depuis quelques jours, tout le monde était concentré sur les premières paroles qu’elle allait prononcer après les salutations. Il n’y avait pas eu d’annonces spécifiques jusque-là mais le moment fatidique arriva tout de même aujourd’hui.

Mlle. Chabashira — Je vais maintenant vous transmettre le contenu de l’examen spécial de fin d’année. Cependant, j’aimerais tout d’abord vous parler de quelque chose de personnel.

Nous avions bien entendu écouté à plusieurs reprises des explications d’examen spéciaux de la part de Chabashira-sensei en tant que professeur principal de cette classe, mais cette entame était clairement inédite.

Mlle. Chabashira — Cette année, cela fait huit ans que je suis professeur au lycée Kôdo ikusei. Avant vous, j’ai pris en charge deux classes pendant six ans mais jamais la classe D n’avait pu monter. Ce n’est pas spécialement surprenant au vu de mon attitude à votre arrivée ici.

C’est difficile à imaginer aujourd’hui mais il est vrai que Chabashira-sensei avait toujours été froide avec nous lors de notre début de scolarité. Même si je connaissais un peu mieux les circonstances de ça que les autres élèves, il n’y avait pas de quoi trop s’interroger là-dessus.

Mlle. Chabashira — Par le passé, lorsque j’ai eu à ma charge ces deux classes, je ne pensais qu’à une chose. Ne pas laisser transparaître mes sentiments afin d’éviter toute perturbation, et continuer à veiller sur eux avec une position neutre et impartiale. Je pensais qu’en tant que professeur, je devais rester distante dans les bons comme les mauvais moments. Bien entendu, le lycée encense ce type d’attitude alors ce n’était pas une erreur en soi. Mais aujourd’hui, je crois que c’était une manière pour mon moi immature de fuir ses responsabilités d’enseignante.

Les élèves se turent, écoutant attentivement son discours.

Mlle. Chabashira — L’impartialité est importante. Dans cette guerre des classes, les professeurs ne peuvent pas se permettre d’intervenir pour influencer les résultats. Mais en tant que professeure principale, en tant qu’adulte, en tant que citoyenne, je me dois de veiller à la progression de mes élèves. Voilà de quoi je me suis rendue compte récemment.

Elle montrait ainsi qu’elle s’en voulait.

Mlle. Chabashira — Ce qui m’a fait réaliser cela, ce n’est nul autre que les élèves de cette classe. Vous l’aviez sûrement entendu quelques fois lors de votre arrivée. Par le passé, la classe D n’avait jamais pu s’élever une seule fois. Des rumeurs s’étaient ensuite propagées, stipulant que ceux qui avaient été placés là étaient des déchets. Les moqueries avaient donc augmenté en conséquence.

Après une courte respiration, Chabashira-sensei reprit.

Mlle. Chabashira — Mais aujourd’hui il n’y a plus aucun élève qui vous traite de la sorte. On peut dire que votre classe seule a réussi à dissiper cette mauvaise image qui s’est construite au fil des années.

C’est ainsi qu’elle adressait des compliments envers les élèves. Chabashira-sensei prit alors la tablette et alluma l’écran. Le classement général avec la situation de chaque classe au 1er mars fut affiché.

Classe A    1098 points

Classe B    983 points

Classe C    730 points

Classe D    654 points

Pour être plus précis, l’ordre était le suivant en prenant en compte chaque leader de classe, Sakayanagi, Horikita, Ryuuen et enfin Ichinose pour la classe D. Lorsqu’un examen spécial était organisé, le classement pouvait se retrouver chamboulé, alors que lors des périodes mensuelles ordinaires, les points baissaient juste un peu. À nos débuts ici, il pouvait y avoir des retards, des absences ou des malus inconnus mais depuis, on ne pouvait plus compter sur ça pour que le classement change. En regardant une nouvelle fois l’écran, on pouvait comprendre à quel point cette classe était en pleine ascension. Et il n’y avait pas que les élèves qui ressentaient la chose.

Mlle. Chabashira — 983 points de classe. Même en regardant à plusieurs reprises, je n’en reviens pas. Il est difficile d’imaginer que c’est cette même classe qui avait perdu tous ses points un mois après la rentrée.

Observant avec admiration ce classement, l’on pouvait voir qu’elle était admirative. Elle repensait ainsi à ces deux années passées avec nous.

Mlle. Chabashira — Vous êtes effectivement en 1ère B. La classe B ! Même en me le répétant à plusieurs reprises, j’en ai des frissons. Mais la classe B n’est pas votre objectif bien sûr. En fonction du résultat de l’examen spécial, vous aurez l’opportunité de passer en classe A.

Actuellement, il y avait environ 100 pc d’écart. Le rêve de Chabashira-sensei, ou plutôt, son rêve inavoué d’aller en classe A était désormais à sa portée.

Mlle. Chabashira — Mais il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. C’est justement maintenant qu’il ne faut plus se relâcher. Je veux que vous continuiez à avancer vers votre objectif. C’est la demande solennelle de votre professeure incompétente.

Chabashira-sensei s’inclina[1]. Après s’être redressée doucement, elle prit une profonde inspiration, puis, après avoir ouvert les yeux, elle redevint sérieuse.

Mlle. Chabashira — Je vais désormais vous transmettre le contenu de l’examen spécial de fin d’année.

À ses mots, les élèves se reconcentrèrent. Pas de précipitations, tout le monde avait bien compris que c’était le moment. En utilisant la tablette, Chabashira-sensei afficha le contenu de l’examen spécial sur l’écran.

Examen spécial de fin d’année

Lieu : Bâtiment spécial
Les duels : Classe A vs Classe C | Classe B vs Classe D

Introduction

  • Chaque classe doit décider avant la date butoir trois représentants : un garde, un pilier, et un général. (Au moins une fille et un garçon).
  • En cas d’absence des représentants, on peut désigner des remplaçants.
  • Le jour de l’examen, si en comptant les remplaçants, il n’y a pas trois représentants, l’établissement en désignera aléatoirement.

Haut du formulaire

Les règles de l’examen pour les représentants

  1. Les représentants de chaque classe (garde -> pilier -> général) vont s’affronter dans un format de matchs à élimination.
  2. Des points de vie sont attribués. Les gardes 5 points, les piliers 7 points, et les généraux 10 points.
  3. Si le général n’a plus de vie, alors la classe est déclarée perdante.
  4. Il y aura des matchs en un contre un avec règles précises.
  5. L’égalité n’est pas permise alors l’examen sera allongé autant qu’il le faudra pour qu’il y ait une fin.

Nous vîmes ainsi quelles classes allaient s’affronter même si on le savait d’avance. L’introduction, le contexte et des règles basiques avaient été indiqués. Pour le moment, le déroulé des matchs était totalement inconnu.

Mlle. Chabashira — Tout d’abord, en vue de l’examen spécial de fin d’année que nous organisons, nous allons vous demander une préparation en amont. Je pense que vous allez comprendre en regardant, je vais tout de même expliquer. Après vous avoir donné toutes les informations nécessaires, vous allez devoir discuter entre vous en classe pour désigner ces trois représentants. Il s’agit de rôles très importants, donc concertez-vous bien de sorte à n’avoir aucun regret.

C’était donc la défaite de la classe si ces 3 représentants échouaient. Même sans connaître les détails de l’examen, on pouvait comprendre l’importance de ces rôles. En principe, nous pouvions choisir qui nous voulions mais avec cette contrainte d’égalité des sexes, nous ne pouvions pas aligner trois filles ou trois garçons en même temps. En cas peu probable d’absence d’un représentant, il était possible de faire appel à des remplaçants. Il était donc judicieux d’en choisir au cas où pour éviter le tirage au sort.

Mlle. Chabashira — Vous devez désigner le garde, le pilier, et le général. Sachez que c’est l’ordre d’affrontements. Ce seront des matchs à éliminations entre les représentants de chaque classe. Ainsi, l’examen commencera avec un match entre les gardes. Le garde qui a gagné, affronte ensuite le pilier adverse en ayant conservé son nombre de points de vie restants et ainsi de suite jusqu’au général. Donc en théorie, le garde peut à lui tout seul battre les trois représentants adverses si vous choisissez à ce poste quelqu’un de fort. Mais je vous le déconseille.

Le scénario que proposait Chabashira-sensei était le plus optimal, mais difficile à réaliser. Le général ayant plus de points de vie que le garde et le pilier avec ses 10 points, il était évident aux yeux de tous que le meilleur plan était de placer l’élève le plus compétent à la fin. Il y avait ainsi très peu de chance de voir Sakayanagi, Ryuuen, ou Ichinose prendre le rôle de garde pour une attaque surprise vu le peu d’avantage qu’il y avait à en tirer sauf si indication contraire mais rien ne laissait présager ça au vu de l’attitude de Chabashira-sensei. On pouvait vraisemblablement ignorer cette petite probabilité.

Mlle. Chabashira — Vous n’avez pas tant de temps que ça pour décider de vos représentants. La limite est fixée à ce dimanche. Si vous n’y arrivez pas, trois représentants seront désignés au hasard.

C’était la règle habituelle à chaque examen, et c’était tout le temps respecté.

Hirata — Alors… seuls les représentants auront un impact ?

Sa question était pertinente car on avait l’impression que c’était le cas. Yôsuke voulait ainsi avoir confirmation.

Mlle. Chabashira — En effet, d’après ces préparations préliminaires et les règles de l’examen, on peut voir les choses comme ça. Cependant, bien évidemment que les autres élèves auront un rôle important à jouer avec une tâche qui leur sera assignée.

Hirata — Un rôle important…

Elle utilisa sa tablette pour changer de slide sur l’écran.

Les règles de l’examen pour les participants

  1. Tous ceux qui ne sont pas des représentants sont considérés comme des participants.
  2. S’il y a moins de 35 participants dans une classe, peu importe les raisons, alors il y aura pénalité de 5 pc par élève manquant.
  3. Pour les classes qui auront 36 ou plus de participants, ils gagneront au contraire 5 pc par élève en surplus.

Mlle. Chabashira — À l’instar des représentants, les participants seront présents durant toute la durée de l’épreuve. Comme vous êtes 38, si on enlève les trois représentants alors cela fait 35 élèves. Il vous suffit d’une absence pour perdre déjà 5 points de classe. Cela donne une petite marge pour les classes ayant plus d’élèves face à d’éventuels imprévus.

La classe de Horikita avait trente-huit élèves, et la classe de Sakayanagi trente-sept, donc pas de surplus de participants possible. Les classes de Ryuuen et d’Ichinose avaient quarante élèves ce qui signifie un bonus de 10 pc. Cela serait exagéré de dire que c’est une grande quantité de points mais c’était déjà ça. En recevoir aussi facilement faisait toujours plaisir.

Ce n’était pas non plus injuste car la classe d’Ichinose a continué de se battre durant deux années sans mettre en danger personne. On pourrait presque dire que c’est insuffisant comme récompense. Concernant la classe de Ryuuen après avoir éjecté Manabe, ils avaient mis une grosse somme d’argent pour s’offrir Katsuragi. C’était bien peu cher payé contre 5 pc.

Contrairement aux représentants, je n’arrivais toujours pas à comprendre le rôle des participants alors qu’ils allaient être là tout le long de l’examen. Par la suite, j’ai cru qu’on allait nous afficher plus de précisions à ce sujet, mais d’un coup, l’écran s’éteignit. Je pensais que c’était un problème technique ou une erreur de manipulation, mais ce n’était visiblement pas le cas.

Mlle. Chabashira — C’est tout ce que je peux vous expliquer actuellement.

Horikita — Qu’est-ce que cela veut dire ? Honnêtement, je ne comprends rien au contenu de l’examen spécial.

Alors qu’elle s’était tue et écoutait jusque-là, elle prit la parole face à cette étonnante annonce de Chabashira-sensei.

Mlle. Chabashira — Je m’en doute. Cependant c’est exactement comme je l’ai dit. Je ne peux pas vous en dire davantage. Ce n’est pas par méchanceté ou parce que je me dois de vous cacher la chose mais l’établissement ne m’a pas transmis plus de détail. Ils seront sûrement transmis le jour de l’examen spécial.

Face à cette déclaration impensable, l’ambiance de la classe changea. C’était vraiment une surprise que les professeurs principaux ne soient pas au courant. On pouvait même dire que c’était du jamais vu en deux ans.

Mlle. Chabashira — La première mission qui vous incombe est de choisir trois représentants, ce qui n’a ni avantage ni désavantage en particulier. Pour expliquer simplement, avoir ce rôle ne permet pas de gagner un grand nombre de points privés, mais même en cas de défaite il n’y a aucun risque de subir une expulsion.

Il s’agissait donc juste d’une position importante.

Horikita — J’ai bien compris que vous ne connaissez pas les détails mais actuellement nous n’avons aucun indicateur pour décider de nos représentants. Sur quels critères devons-nous baser pour choisir ?

Mlle. Chabashira — J’aimerais bien te le dire, mais malheureusement je ne connais absolument pas le contenu de l’examen.

Nous étions donc dans l’obscurité la plus totale. Elle apparassait embêtée.

Mlle. Chabashira — Je ne peux pas te l’assurer, mais le sexe n’a pas l’air d’influer et vu les lieux, il n’y aura pas de séances sportives.

Au vu des règles et du lieu, cette hypothèse semblait la bonne. Ainsi, est-ce que nos représentants devaient avoir de bonnes aptitudes académiques ? Je ne le pensais pas. Sinon, ils n’auraient pas caché le contenu.

Dans ce cas, quelles allait être la thématique de ces duels ?

Horikita — Un concours d’éloquence… est-ce possible ?

Horikita, qui s’était levée de sa chaise, marmonna cela à elle-même.

Mlle. Chabashira — C’est bien possible.

On ne pouvait pas être certain, mais on ne pouvait pas nier la possibilité d’un débat ou quelque chose de proche. S’il était nécessaire d’avoir des aptitudes en communication, alors Yôsuke et Kushida étaient les candidats les plus aptes. Mais même si ce n’était pas ça, ils étaient flexibles. Finalement, c’était une situation où il fallait choisir des élèves polyvalents.

Mlle. Chabashira — Puis le plus important, concernant les récompenses, la classe victorieuse gagnera 200 points de classe. En cas de défaite, vous n’aurez juste tout simplement pas de récompense. Cependant, pour récompenser le fait d’avoir choisi l’expulsion lors de l’examen du consensus, vous gagnerez 250 points de classe et non 200 en cas de victoire.

Même si nous perdions, il n’y allait avoir aucun point de classe en moins. C’était un soulagement de savoir que l’on ne perdait rien mais les écarts allaient sans aucun doute grandement se creuser ou se réduire. Pour la classe d’Ichinose par exemple, ce serait une situation sans revirement possible en cas de défaite. Si l’écart au classement se creusait davantage, même si elle gagnait ensuite tous les examens spéciaux, il était incertain de savoir jusqu’où la situation pourrait redevenir normale.

Mlle. Chabashira — Voilà pour les explications. Contactez-moi lorsque vous aurez décidé de vos représentants.

Chabashira-sensei mit ainsi fin à la discussion.

1

Alors que je rentrais des cours avec Kei, je réfléchissais à la conversation que j’avais eue avec Hashimoto. L’examen spécial de fin d’année fut enfin fixé et c’était la semaine prochaine. Le contenu de l’examen était encore inconnu, mais le classement allait se retrouver chambouler quoi qu’il arrive au détriment des perdants. La  joie de la victoire allait cependant être extatique. Honnêtement, comme il s’agissait d’un examen spécial, c’était du 50/50 mais je n’avais clairement pas prévu le pari entre Ryuuen et Sakayanagi qui déboucherait sur le départ du vaincu. Et selon les règles, pas d’égalité. Un gagnant devait être déterminé pour assurer l’expulsion.

L’objectif que j’avais secrètement envisagé, à savoir celui de maintenir les chances d’atteindre la classe A pour les quatre classes en ce début de terminale avait pratiquement été anéanti. Peu importe le gagnant ou le perdant, je m’étais préparé en conséquence. Pour les figures irremplaçables comme Sakayanagi et Ryuuen, j’avais prévu de leur donner un coup de pouce au besoin afin qu’ils restent dans la course. En effet, avoir une situation où les quatre classes pouvaient encore toutes se battre pour atteindre la classe A n’était clairement pas quelque chose de normal.

Malgré la nature compétitive du système, les élèves ne souhaitaient pas se battre les uns des autres. C’est pourquoi, il était crucial de gagner quand il était nécessaire en appliquant toutes les meilleures stratégies possibles. Les classes de Horikita Manabu et de Nagumo Miyabi avaient ainsi créé un système de domination. Et même si ce n’était pas le cas, le combat final était généralement réservé à des joutes multiples entre les classes A et B. L’historique de ce lycée était une répétition de tels événements. C’est ainsi que j’avais pensé à casser cette routine afin de maintenir la compétitivité des quatre classes pour renverser l’ordre établi.

C’est en effet un avenir que j’avais imaginé…

Mais pour ça, il fallait que ce pari soit annulé et intervenir dans un accord passé entre deux personnes n’était pas du tout approprié. N’y avait-il vraiment pas d’autre choix que de perdre l’un d’eux ? Les classes de Ryuuen et de Sakayanagi avaient toutes deux des leaders capables de maintenir leur groupe. Ils étaient clairement irremplaçables ce qui signifiait qu’un départ romprait toute équilibre. Comment pouvais-je empêcher l’effondrement ? Cette réflexion, je n’avais d’autre choix que de la remettre à plus tard, une fois le contenu de l’examen spécial de fin d’année connu.

Karuizawa —  Hé, Kiyotaka…

Kei marchait à côté de moi, parlant assez fort pour être entendue.

Moi — Oui ?

Demandai-je brièvement. Même si elle avait engagé la conversation, elle semblait quelque peu surprise.

Karuizawa —  Ce film qui va sortir… Il a l’air grave cool, non ?

Moi — Oui.

Kei sembla peu intéressée par mon affirmation.

Karuizawa —  Tu pensais à quelque chose, c’est ça ? Alors ?

Moi —  Désolé. C’est vrai que je suis un peu préoccupé par l’examen.

Je ne l’avais pas montré dans mon expression ou ma gestuelle, mais elle avait peut-être ressenti la chose. Un sens qu’elle avait dû développer après tout ce temps passé en couple à force de me côtoyer.

Karuizawa —  Quand on rentre ensemble, on évite de penser à ce genre de trucs.

Moi —  Tu es en colère ?

Karuizawa —   Non mais, cette fois, tu comptes coopérer avec la classe ?

Moi —  Je me le demande. Je réfléchis à diverses choses. Si tu as quelque chose à dire, je t’écouterai volontiers.

J’avais peut-être l’air de cacher mes vrais sentiments, mais je préférai recentrer les choses sur Kei. Elle semblait malgré tout hésitante.

Karuizawa — T’en fais pas pour moi. Les examens de fin d’année sont vraiment importants, n’est-ce pas ? Si tu participes sérieusement, notre classe gagnera à coup sûr les 250 pc. On peut même viser la classe A. Je ne veux pas être un obstacle.

Répondit Kei en souriant. Il était clair comme le jour que cette attitude louable était feinte. Mais je profitai de sa considération sans une once d’hésitation.

Moi —  Alors, est-ce que je peux annuler notre rendez-vous de ce week-end ? Bien sûr, je me rattraperai la semaine prochaine.

Karuizawa — Je comprends mais… tu es obligé d’annuler ? J’aimerais qu’on soit ensemble cette semaine et celle qui vient aussi.

Moi —  J’aimerais rencontrer et discuter avec les responsables de chaque classe avant le jour J.

Outre les quatre leaders, il y avait plusieurs autres personnes que je voulais contacter. Mais j’ai décidé qu’il n’était pas nécessaire d’en parler ici.

Karuizawa — …Pas seulement avec Horikita-san, mais aussi avec les responsables de chaque classe… ?

En temps normal, on se focalise sur sa classe alors il n’était pas étonnant de penser que seulement voir Horikita était nécessaire.

Moi —  Oui, les quatre. Tu ne veux pas que je vois Ichinose, c’est ça ?

Karuizawa — Heu…

Comme j’avais vu juste, Kei tressaillit et paniqua.

Karuizawa — Ce n’est pas… que je n’aime pas ça, mais… Je veux dire, bien sûr que oui… Mais c’est nécessaire pour toi, n’est-ce pas ?

Moi — Cette fois, c’est très important.

J’opinai du chef en guise de réponse, et Kei hocha la tête à contrecœur.

Karuizawa — En soi, tu pourrais secrètement rencontrer les gens autant que tu veux dans tous les cas. Mais au moins, tu me tiens au courant et demande mon avis.

Elle marmonnait la chose comme si elle essayait de s’auto-persuader.

Moi —  Tu me fais confiance ?

Demandai-je pour avoir confirmation.

Moi —  Si je rencontre les responsables de chaque classe cette fois-ci, c’est pour planifier notre futur. Rien de plus, rien de moins.

Même si je faisais part de mes véritables intentions, la réponse de Kei n’en serait pas pour autant claire. En observant son comportement ces derniers temps, quelque chose avait commencé à changer. Bien sûr, il était clair que j’en étais la cause. Dans une relation amoureuse entre un homme et une femme, il est essentiel de se faire confiance mutuellement. Cependant, des fissures pouvaient se former dans cette relation. Les éléments déclencheurs étaient nombreux. L’argent, la violence, l’infidélité, l’apathie. Les raisons de l’échec d’une relation étaient innombrables, mais il n’était pas facile d’affronter son partenaire.

« Tu as cessé de m’aimer ? » « Es-tu tombé amoureux de quelqu’un d’autre ? » « En as-tu marre de moi ? » Même s’il y avait des préoccupations, il fallait beaucoup de courage pour les exprimer. Et même si elles étaient exprimées, rien ne garantissait que le problème soit résolu.

Karuizawa — Je comprends. Je ne dirai plus rien à ce sujet. Je n’ai donc pas besoin d’un rapport détaillé.

Ainsi, Kei ne montra aucune volonté d’être informée de mes réunions.

Moi — Merci.

Maintenant, je pouvais me concentrer sur la préparation de l’examen spécial de fin d’année sans aucun souci.

Karuizawa — Alors, je peux rester ce soir ?

Ce que Kei, incapable d’exprimer ses pensées, pouvait faire, était de passer le plus de temps possible avec moi. Elle voulait faire ce qu’elle pouvait pour maintenir notre connexion. Il n’y avait pas de raison particulière de refuser ici. Quand bien même mon cœur pouvait être meurtri, il n’y avait aucune conséquence pour moi.

Moi — Faisons une pause cette semaine. Il faut vraiment que je prépare tout ça.

J’avais décidé de refuser malgré tout. Ce n’était plus la période où il fallait maintenir cet espoir, bien au contraire. C’était précisément le moment où il fallait couper ce fil. Peu importe la finesse et la fragilité de ce dernier, Kei allait pour sûr s’y agripper saisir de toutes ses forces.

Karuizawa — …Même juste un peu ? Ce n’est vraiment pas possible ?

Moi —  Même juste un peu. Je n’ai pas envie d’être à moitié là, ce ne serait pas cool pour toi.

Pourtant, elle semblait vouloir persister. Elle ne lâchait rien.

Karuizawa — Ça ne me dérange pas, je vais me consacrer à toi, Kiyotaka… Je vais… Je vais faire plus d’efforts pour que tu m’apprécies davantage. 

Lorsque je tournai mon regard en sa direction, comme pour répondre à ses paroles, elle se mordit légèrement la lèvre et ferma les yeux.

Karuizawa — Désolée… Tu as dit que tu ne voulais pas alors je n’aurais pas dû agir comme ça. Désolée d’avoir été égoïste alors que c’est l’examen spécial de fin d’année qui nous attend.

Moi —  Ce n’est pas grave. Allons voir un film ensemble après tout ça.


2

Kei et moi entrâmes dans le dortoir et nous nous séparâmes devant l’ascenseur. Entre ce vendredi et dimanche, j’avais un objectif très clair. Il s’agissait de rencontrer et discuter avec Horikita, Ichinose, Ryuuen et Sakayanagi, les quatre leaders de chaque classe. Après avoir examiné de près le contenu de l’examen spécial de fin d’année, la possibilité qu’il se termine pacifiquement sans que personne n’en subisse les conséquences était extrêmement faible. Comment ils allaient faire face à la situation et préparer l’avenir, compte tenu de ma situation, je voulais avoir une dernière confirmation.

Alors que je réfléchissais à qui j’allais voir en premier en regardant mon téléphone, un message arriva. Apparemment, quelqu’un voulait me rencontrer en personne, me précisant la date et le lieu, ce qui m’évitait des échanges inutiles. J’envoyais une réponse positive et décidai de reconsidérer l’ordre des rendez-vous. Même si je n’étais pas très regardant sur la chose, il valait mieux être un peu prudent si je voulais atteindre un certain objectif en même temps.

De retour dans ma chambre, j’envoyai sur-le-champ des messages aux chefs de chaque classe, demandant aux trois, à l’exception de Horikita, si l’on pouvait se voir samedi ou dimanche. Pour Horikita, j’avais légèrement modifié le texte en incluant la date du vendredi. Bien entendu, je n’avais pas mentionné que j’avais prévu de rencontrer tout le monde. Il n’aurait pas été étrange que certains leaders deviennent méfiants, préférant garder leurs distances. Le premier à lire le message fut Ryuuen. C’était la personne qui était la plus à même à refuser ce rendez-vous.

[Ryuuen —  Je peux te trouver du temps après les cours demain.]

Alors que je posais mon sac sur la table, je lus la réponse. Il avait probablement proposé le vendredi parce que son week-end était booké, mais je trouvais un peu étrange qu’il ne puisse même pas me consacrer un peu de temps.

Cependant, il n’y avait pas de signification plus profonde, et j’avais l’impression qu’il refusait simplement les jours que j’avais spécifiés. C’était aussi un peu typique de Ryuuen.

Eh bien, si je faisais en sorte de rencontrer Horikita d’abord, le vendredi ne serait pas un problème. En réponse à son message, nous échangeâmes légèrement des informations sur le lieu de rendez-vous et d’autres détails. Finalement, nous décidâmes de nous rendre au karaoké à 19h. Plus tard, Ichinose me répondit également, suggérant que nous nous rencontrions assez tôt le dimanche car, elle avait des projets ensuite la journée. Je confirmai la chose.

Environ une heure plus tard, j’eus des nouvelles de Horikita. C’était prévisible. Elle avait l’intention de discuter avec moi de l’examen spécial de fin d’année et m’a dit qu’elle serait reconnaissante si nous pouvions en parler. Pour ce qui était de l’heure et du lieu, elle était flexible, alors j’optai pour le café du Keyaki après les cours du vendredi. La dernière personne, Sakayanagi, répondit un peu plus tard, mais son week-end semblait chargé pour elle. Elle me demanda alors si un appel téléphonique était suffisant le dimanche soir.

Je voulais surtout des rendez-vous en personne autant que possible mais un appel n’allait pas poser pas de problème. Je répondis à Sakayanagi alors que c’était ok. Voici donc le programme :

  • Vendredi après les cours : Horikita au café Keyaki
  • Vendredi 19h : Ryuuen au karaoké
  • Dimanche matin : Ichinose sur le banc, le long du chemin du bâtiment scolaire, avant le gymnase.
  • Dimanche soir : Discussion par téléphone avec Sakayanagi.

Ces quatre rendez-vous étaient incontournables, mais il fallait aussi que je m’occupe de plusieurs petites choses encore.

Je me mis donc en ordre de marche.

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[1] Au japon on peut s’incliner dans de nombreux cas comme pour s’excuser ou demander quelque chose (comme ici).

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