CLASSROOM Y2 V11 Chapitre 7

Douce nuit

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Traduction : Sacha
Correction : Raitei
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Il était plus de 23h. Nous étions en pleine extinction des feux. Dans la chambre, tout le monde semblait encore éveillé. Certains discutaient en chuchotant, tandis que d’autres regardaient leur portable. Au début du camp, comme on se connaissait peu, cela rendait l’atmosphère inconfortable, mais maintenant, ce n’était plus le cas. En hochant sporadiquement la tête dans une conversation avec Hashimoto, Oda et d’autres seconde, mon téléphone vibra pendant le visionnage d’une vidéo sur la thématique du patchwork.

[Hiyori Tu ne dors pas encore ?]

Ce fut un message de Hiyori qui apparut sur le haut de mon écran.

[Moi Non. Comme tous les garçons d’ailleurs alors pas d’inquiétude.]

J’avais dit cela afin qu’elle ne se retienne pas d’envoyer d’autres messages.

[Hiyori Merci. En fait, Yamamura-san n’est pas là.]

Elle n’est pas là ?  Il est pourtant interdit de trainer après l’extinction des feux.

[Moi Elle a quitté la chambre ? Elle n’a pas son portable ?]

[Hiyori Oui, il est là. Je me demandais si je devais partir à sa recherche. Pourrais-tu m’aider, Ayanokôji-kun ?]

Sans être méchant Hiyori n’était probablement pas très douée pour ce genre de chose. Si elle n’agissait pas discrètement, alors un professeur en patrouille pouvait la repérer facilement. Demander mon aide était la bonne chose à faire. Le camp était presque terminé, mais il valait mieux ne pas laisser Yamamura livrée à elle-même. Elle avait une expression particulièrement morose lorsque nous avions joué aux cartes hier. Une explication me vint à l’esprit. Il ne faut pas perdre plus de temps.

[Moi Je comprends. Je vais aller la chercher alors reste dans ta chambre. Tu me préviendras comme ça si elle est de retour.]

En lui disant qu’elle serait plus utile en restant dans sa chambre, elle répondit avec un sticker d’animal mignon disant « merci ».

Moi — Je vais sortir un petit peu

Hashimoto — Hein ? Tu sais que c’est déjà l’extinction des feux ? S’ils te trouvent, tu vas avoir des problèmes.

Moi — Je vais chercher quelque chose. Je ferai attention, mais si quelque chose arrive, ne m’en voulez pas.

Hashimoto et les autres n’essayèrent pas de me convaincre. Au contraire, ils semblaient très heureux et m’avaient accompagné joyeusement vers la sortie. Le couloir était sombre et silencieux depuis l’extinction des feux. Par où devrais-je commencer à regarder ?  Errer sans stratégie était inefficace. Il y avait deux raisons possibles à la disparition de Yamamura, qui n’était pas du genre à briser les règles. Soit elle avait été appelée par quelqu’un, soit elle avait quitté la chambre de son plein gré. Toutefois, la probabilité qu’il s’agisse du premier cas était relativement faible, car elle avait laissé son portable dans sa chambre. Je partais de l’hypothèse que c’était volontaire de sa part.

La deuxième chose à prendre en compte était la raison pour laquelle elle devait être sortie après l’extinction des feux. Le brouhaha dans mes pensées contrastait avec l’environnement silencieux de la nuit. Il était possible qu’elle veuille se réfugier quelque part. À ce moment-là, il ne serait pas étrange de chercher inconsciemment un endroit où elle se sentirait à l’aise. C’était en tout cas la déduction que je faisais au vu du mode de pensée de Miki Yamamura.

Je me dirigeai ainsi rapidement vers la salle principale. Immédiatement après mon entrée, je sentis la présence de quelqu’un dans l’ombre. Il semblait qu’un professeur patrouillait, lampe torche à la main. C’était difficile de le voir clairement, mais la provenance de la lumière était clairement identifiable. Il illumina minutieusement les alentours, mais il ne semblait pas chercher activement de potentiels élèves qui auraient quitté leur chambre. Il faisait juste une partie de son travail comme s’il s’agissait d’une obligation.

Par conséquent, il était facile de l’éviter, et il disparut de l’entrée après une petite attente de ma part. Il semblait partir pour la salle à manger. En considérant le chemin emprunté, il devrait après se rendre dans les salles communes et les ateliers. J’avais donc un peu le temps pour souffler. Je me dirigeais ainsi vers le distributeur automatique sans hésiter.

J’avais l’intuition que mes chances de réussite étaient élevées, et j’avais pu confirmer cette intuition immédiatement. Elle n’était pas seulement assise seule, mais dos au distributeur, les yeux rivés sur le sol. Il faisait frais dans le couloir et cette position la maintenait un peu au chaud, mais l’avait-elle fait exprès ? Difficile à dire. Je pensais qu’elle finirait par me remarquer, mais elle ne semblait pas se rendre compte de ma présence. Il n’y avait aucun changement dans son expression, aucun soupir, comme si rien ne l’animait. Elle regardait juste le sol, sans bouger.

Moi — Aucun prof ne se douterait de la présence de quelqu’un ici.

Je n’avais pas le temps d’attendre, alors je décidais de lui adresser la parole.

Yamamura — Ah ? … Hein ?

Yamamura, surprise, tourna son visage dans ma direction. On pouvait voir la terreur dans ses yeux, mais dès qu’elle vit qu’il ne s’agissait que de moi, cette peur disparut en un instant.

Yamamura — P-Po-Po-Pour-Pourquoi tu es ici ?

Moi — Je suis venu te ramener avant que l’on ne te trouve.

Yamamura — J’étais pourtant certaine que… que j’étais bien cachée. Mais, tu m’as trouvée alors je n’ai pas d’excuse, n’est-ce pas ?

Elle pouvait sûrement éviter les professeurs et retourner dans sa chambre.

Yamamura — Comment as-tu remarqué que j’étais partie ?

Moi — Hiyori a remarqué ton absence et me l’a notifié. Elle était inquiète.

Yamamura — Je suis désolée… Je voulais juste être seule…

Moi — En effet, tu ne peux pas être seule dans une chambre partagée, à moins que tu t’enfermes dans la salle de bain.

Elle acquiesça d’un mouvement de tête, indiquant qu’elle avait compris.

Yamamura — Est-ce que… Est-ce que je peux rester encore un peu ?

Moi — Est-ce que tu as vraiment besoin d’être près du distributeur ?

Yamamura — Oui. Quand j’écoute le bruit continu du distributeur, les petites voix dans ma tête disparaissent…

Ça devait être comme ça qu’elle se protégeait.

Moi — Et bien, je vois qu’on est condamné à rester ici. Les petites voix dans ta tête ont disparu ?

Yamamura — Pou…Pourquoi tu me demandes ça ?

Moi — Si elles n’avaient pas disparu et que je t’avais ramené, tu aurais pu t’enfuir à nouveau. Dommage que ça n’est pas déjà parti.

Yamamura — Habituellement, les bruits partent immédiatement, mais…

Vu son expression abattue, je devinais le sérieux de la situation.

Moi — Si quelque chose te tracasse, tu dois le verbaliser.

Yamamura — Ça ira.

Moi — Vraiment ? Je t’ai observé cinq minutes durant, et je n’ai clairement pas eu cette impression.

Yamamura — Cinq minutes ?! Sérieusement… ?

Moi — Désolé, j’ai menti. Cela ne faisait que 30 secondes.

Cela montrait qu’elle était déconnectée de la réalité vu qu’elle m’avait cru.

Moi — Tu ne veux donc pas parler de tes soucis ?

Yamamura — Non. C’est juste que c’est une première pour moi.

Même sans en parler, ce n’était pas difficile d’imaginer la vie de Yamamura. Enfant, elle avait dû passer beaucoup de temps seule. Ainsi, elle ne parlait pas beaucoup. Bien que les circonstances et les situations soient différentes, je pouvais affirmer que nous partagions des expériences semblables.

Moi — J’ai moi-même des difficultés pour communiquer. Si je fais face à un problème peu important, j’ai tendance à intérioriser ou à le résoudre par moi-même. De ce fait, j’ai rarement l’opportunité de partager mes problèmes à autrui.

Yamamura — Toi aussi, Ayanokôji-kun ? Mais à mes yeux… tu parais normal. Tu sembles avoir de nombreux amis. Il en est de même pour Shiina-san. Elle est étincelante et mignonne… Je suis jalouse…

En regardant le présent, il était logique de penser ça. Toutefois, chaque personne a évolué. Avec le temps, les choses se débloquent.

Moi — Sais-tu comment j’étais l’an dernier ?

Je ne pense pas vu qu’elle n’aidait pas encore Sakayanagi à ce moment-là.

Yamamura — Maintenant que tu le dis… Je n’en sais rien.

Moi — Voilà. Donc tu ne peux pas savoir si j’avais laissé ou non une forte impression sur les autres. Bien heureusement, j’ai été tiré vers le haut par mes camarades, et ai été capable de construire des relations, mais ce n’est pas quelque chose que j’ai fait par moi-même.

Yamamura — Mais pourquoi es-tu devenu celui que tu es aujourd’hui ?

Moi — Je n’étais pas proche de ceux qui m’entourent, mais j’ai commencé à réduire la distance qui nous sépare petit à petit. Je pense que cela a eu un impact significatif, car j’ai pu commencer à apprendre à exprimer ce que j’avais envie de partager.

Yamamura ne pouvait toujours pas le comprendre

Yamamura — Je suis… probablement effrayée. Effrayée de donner une voix à mes pensées, et que l’une d’entre elles s’échappe involontairement. Effrayée que l’on puisse me connaître…

Jusqu’ici, elle écoutaits les autres dans l’ombre pour divulguer leurs secrets. Il n’était pas étonnant qu’elle ait du mal à devenir celle qui est exposée.

Moi — Je ne te forcerai pas. Tu dois choisir par toi-même.

Sans qu’elle ne s’en rende pleinement compte, je m’assis devant le distributeur, laissant une certaine distance entre nous.  Je pouvais sentir les faibles vibrations qui oscillaient de la machine à travers mon corps ainsi que le son du ventilateur dans mon dos. Yamamura n’était pas la seule atteinte de monophobie. Qu’il s’agisse de Yôsuke, Kei, Ryuuen, Sakayanagi, ou n’importe quel autre élève, la nature humaine était la même, incapable de solitude.

C’est pourquoi ceux qui se tiennent à nos côtés sans rien demander en retour sont importants. Même si je sentais que cela ne s’appliquait pas à moi, je savais que c’était une réponse logique vu la contradiction que cela engendrait. Mais il n’était plus question de ça maintenant. La Yamamura qui se tenait devant moi n’était pas sotte. Elle ne cherchait pas la solitude. Elle ne pensait pas non plus que la solitude était une bonne chose. Si quelqu’un lui tendait la main, elle n’aurait pas hésité à la prendre.

Yamamura — …Puis-je te parler ?

Ne sentant aucune animosité, elle commença à extérioriser son refoulement.

Yamamura — Depuis le dernier examen spécial, je me questionne.

Il s’agissait de l’examen de survie et d’élimination. Dans une situation où la défaite était certaine et qu’un élève devait être exclu, Sakayanagi avait fait le choix du tirage au sort. Peu importe la décision, il y aurait eu des avantages et des inconvénients. Étant donné que tout le monde n’avait pas les mêmes capacités, il allait toujours y avoir des mécontents, quelle que soit la méthode d’exclusion. Pour Sakayanagi, qui voyait tous ses subalternes de la classe A comme égaux entre eux, le tirage au sort était la décision la plus équitable.

Toutefois, elle avait dû réaliser son erreur. Même si elle n’avait pas été appréciée par ceux qui l’entouraient, elle aurait mieux fait de garder la personne qui lui était la plus utile. Si Kamuro était restée, les faiblesses de Sakayanagi n’auraient pas été exposées. Mais cette dernière n’était pas la seule à avoir été blessée. Yamamura avait été aux portes de l’exclusion après tout.

Yamamura — Quand j’avais hésité à tirer un papier, Sakayanagi-san a menacé d’arrêter le tirage au sort et de m’exclure si je m’abstenais.

Il est vrai que tirer en dernier était un choix possible. Mais Yamamura s’était sentie forcée de tirer le papier avant Kamuro.

Moi — Est-ce que Sakayanagi aurait tenté de t’évincer ?

Elle réfuta en silence. Ce n’était pas une supposition, mais sa conviction.

Yamamura — J’ai l’intime conviction qu’elle voulait que j’abandonne.

Et elle continua.

Yamamura — Je sais que je ne peux rien y faire. La différence entre Kamuro-san et moi est claire. Je n’espérais pas un traitement spécial. Je n’étais pas avide au point de vouloir être considérée comme une proche. Mais ce fut un choc d’apprendre que mon existence pouvait être annihilée en un instant, quand bien même elle me trouvait utile.

Sakayanagi avait trouvé dans la solitude de Yamamura une force. Elle avait une haute estime de ses capacités. Néanmoins, en se comparant à Kamuro, elle réalisa que la distance qui les séparait était si importante qu’elle était hors-jeu. Elle savait que Kamuro allait être le choix logique, mais elle pensait que Sakayanagi aurait eu un tant soit peu hésité. Le petit souhait de Yamamura, avait été réduit à néant sans pitié.

Moi — Sakayanagi a sans doute vu une différence entre toi et Kamuro, mais qu’elle t’estime inutile ou non, n’est-ce pas un problème distinct ?

Yamamura — Je veux bien croire cela, mais…

Elle n’avait eu probablement aucun contact avec Sakayanagi depuis ce jour. Elle avait dû se remettre en question tout ce temps.

Yamamura — J’ai pensé à parler à Sakayanagi-san durant le camp, mais je n’ai pas su trouver le courage. Je n’ai pas réussi à l’appeler.

Bien qu’elle ait croisé son chemin à plusieurs reprises, il semblerait qu’elle n’avait pas été capable de lui parler. Cela avait dû être une épreuve considérable pour Yamamura, qui attendait souvent qu’on fasse le pas.

Yamamura — Bien plus de personnes l’entouraient que prévu. Et puis, Tokitô-kun s’est attiré des ennuis. C’est une période trouble.

Elle mit en avant le fait que Tokitô tentait d’aider une Sakayanagi découragée. Toutefois, cela lui avait valu d’être agressé dans un atelier par ses pairs.

Yamamura — Tokitô-kun a été menacé par Ryuuen-kun et son groupe.

Il s’agissait probablement d’une décision censée pour Ryuuen, dans une ambiance sous haute tension en vue de la préparation de l’examen spécial de fin d’année. Si l’ennemi qu’ils s’apprêtaient à combattre était faible, c’était l’occasion de le laisser tel quel ou de l’affaiblir. Mais plus facile à dire qu’à faire.

Il semblait avoir développé un bon niveau de vigilance, essayant d’aborder l’examen de fin d’année en étant minutieusement préparé. Pour Ryuuen, qui devait affronter Sakayanagi, il était évident qu’il ne voulait ni la stimuler, ni la requinquer, de sorte à prendre avantage de la situation dans laquelle elle s’était enfoncée après cette défaite inattendue.

Autrement dit, c’était une preuve que Sakayanagi était un ennemi qui ne pouvait pas être sous-estimé et qui manquait de faiblesses.

Les actions de Tokitô allaient forcément être mise en déroute rapidement. Toutefois, ses camarades de groupe, Hôsen et Utomiya, l’avaient rejoint, et une bagarre avait failli éclater. La situation se calma quand d’autres élèves vinrent sur les lieux à cause du brouhaha.

Moi — Mais je suis impressionné. Tu as assisté à l’entièreté des événements et personne ne t’a remarquée ?

Yamamura — C’est tout ce dont je suis capable…

Elle était taillée pour rassembler des informations en utilisant sa capacité à s’effacer. Le fait que Sakayanagi ait repéré et tiré profit de ça était une fois de plus impressionnant. Cette fois, Yamamura avait été capable d’assister à la scène parce qu’elle était elle-même concernée par la situation de Sakayanagi. En effet, cette dernière était maintenant sur une pente descendante.

Moi — Que veux-tu faire maintenant ?

Yamamura — Hein ?

Moi — En tant que camarade et en tant que personne qui va bientôt se faire lâcher par Sakayanagi, que veux-tu que je fasse ?

Yamamura — Je… Euh…

Moi — Je veux entendre ce que tu ressens.

Yamamura — Je pense que… la défaite ne sied pas à Sakayanagi-san. Je ne veux pas la voir perdre durant l’examen de fin d’année. J’espère la voir gagner !

Elle n’avait aucune volonté égoïste. Elle ne voulait pas gagner pour la classe A. Elle était juste inquiète pour Sakayanagi.

Moi — C’est donc ça.  Je vois.

Sakayanagi pourrait avoir besoin d’un petit coup de main et rapidement.

Moi — Pourquoi n’essayes-tu pas de lui dire ? Personne n’a le droit de te critiquer pour tes actions.

Yamamura — Et s…Et si elle n’avait pas envie de m’écouter… ?

Moi — Dans ce cas, disons que je serais entre deux distributeurs et que nous en parlerons à nouveau.

Que je lui dis ceci, elle regarda timidement les distributeurs, et acquiesça.

1

Il était presque une heure du matin et c’était le quatrième jour du camp. Cela faisait déjà longtemps que les lumières étaient éteintes alors Nagumo alla silencieusement dans l’entrée. Il savait qu’il aurait eu une petite remontrance orale s’il avait été découvert, mais il n’y avait aucune pénalité d’encourue. Bien sûr, ce ne serait plus le cas s’il résistait, en refusant de retourner dans sa chambre par exemple. Il avait déjà évalué les risques, qui avaient été démontrés par des élèves les jours précèdent. Par-dessus tout, il avait remarqué que les rondes des professeurs s’arrêtaient à minuit.

Par conséquent, Nagumo ne craignait pas d’être vu. Les lumières de l’entrée étaient très faibles, et seulement le son énervant des compresseurs des distributeurs atteignait son oreille. Il traversa l’entrée jusqu’à la cafétéria, où personne n’était supposé être. Il ne pouvait sentir aucune présence, mais son intuition lui disait le contraire.

Elle est juste devant moi, pensa-t-il

Amasawa — Tu as tenu ta promesse.

Depuis le fond de la cafétéria, une douce voix lui parvint.

Nagumo — Je n’ai jamais refusé l’appel d’une femme jusqu’à présent.

Dit-il dans la pénombre.

Amasawa — Aw, quelle phrase de dragueur. Honnêtement, je déteste les mecs comme toi.

Nagumo — Rassure-toi, je n’aime pas les filles comme toi non plus.

Nagumo, qui renifla d’amusement, entra dans la cafétéria, les mains dans les poches.

Amasawa — Nul besoin de me chercher des noises. Ça serait inutile.

Alors que ses yeux s’adaptaient à la luminosité, elle émergea de l’ombre.

Nagumo — Amasawa, tu veux à ce point être seule avec moi ?

Amasawa — L’opportunité d’être seule avec l’ancien président ne se présente pas tous les jours, n’est-ce pas ?

Nagumo — Je veux vérifier quelque chose. Qu’est-ce que tu aurais fait si je n’étais pas venu ?

Amasawa — J’aurais passé à tabac ta chère Asahina, Nagumo-senpai.

Nombreux sont ceux qui auraient ri d’Amasawa en remarquant son visage souriant. Et Nagumo ne faisait pas exception. Mais il resta sérieux. Il était convaincu qu’elle ne rigolait pas du tout.

Nagumo — As-tu fait la démonstration de tes capacités d’archère à Ayanokôji pour rendre tes menaces plus légitimes ?

Amasawa — Eh bien, oui. Si je ne montre pas de quoi je suis capable, les gens pourraient bien ne pas prendre au sérieux les menaces d’une fille.

Nagumo — Ok, recentrons la conversation. Pourquoi m’as-tu menacé ?

Amasawa — Il y a un problème que toi seul peux résoudre, Nagumo-senpai. C’est de ça que je veux parler.

Nagumo — Tu aurais déjà pu saisir ta chance durant le camp.

Pendant qu’il répondait, Nagumo se préparait intérieurement. Il sentait que la fille devant lui n’était pas n’importe qui. Son aura était floue et singulière, comme celle d’Ayanokôji. Elle possédait également des capacités inhabituelles, ce qu’il avait pu observer durant l’épreuve de tir à l’arc. C’était plus que suffisant pour le mettre en garde.

Awasawa — D’ailleurs, je suis sérieusement en train de réfléchir si je devrais te passer à tabac, Nagumo-senpai.

Nagumo — Me passer à tabac ? C’est nouveau ça.

Amasawa, qui essaya de jouir de la surprise de Nagumo face à sa proposition inattendue, rit d’incrédulité.

Amasawa — C’est un peu trop fantaisiste ? Ou tu ne te penses pas perdre face à une fille ?

Nagumo — Je me le demande. C’est sans doute un peu des deux.

Amasawa — Vas-tu fuir ?

Dans cette situation, Awasawa utilisa ces mots pour ne lui laisser aucune échappatoire. C’était à but préventif pour éviter de l’apeurer. Mais Nagumo semblait confiant, il ne montrait pas de signe d’inquiétude.

Nagumo — Pourrais-tu au moins m’en donner la raison ?

Amasawa — La raison ? Hmm, disons qu’il s’agit d’une vendetta[1] personnelle.

Nagumo — Une vendetta personnelle, hein ?

Amasawa — En effet, mais si nous prenons trop de temps, les professeurs vont finir par nous retrouver, et il serait embarrassant que tout le monde sache que tu t’es fait tabasser par une fille. Alors go.

Nagumo — Pour être sûr, penses-tu vraiment pouvoir me battre ?

Amasawa — Ahah, j’étais impatiente que tu dises ça. Essayons donc !

Nagumo — Facile à dire, mais ça n’a pas de sens pour moi. Ce serait un problème si je ripostais contre une fille qui veut accomplir sa vendetta.

Amasawa — Inutile de résister alors, tu peux juste me laisser te tabasser. De cette manière, tu perdras toute crédibilité ou fierté, mais tu ne seras pas puni par l’école. C’est d’ailleurs le choix que je te recommande.

Nagumo — N’as-tu pas peur de te faire expulser ?

Amasawa — Bien sûr que non. L’expulsion est le cadet de mes soucis.

Nagumo — Inutile que j’essaye de te convaincre alors ?

Amasawa — Oui, je n’ai aucune « valeur ». Autrement dit, je suis invincible.

Nagumo sorti doucement les mains de ses poches. S’il avait eu son téléphone, il ne fait aucun doute qu’Amasawa aurait pris les mesures nécessaires pour l’empêcher d’appeler de l’aide.

Nagumo — Je n’ai pas pris mon téléphone.

Amasawa — Oh…

Amasawa se lécha les lèvres.

Nagumo — Tu te retenais par peur d’être sur écoute ? Réponds donc maintenant à mes questions sans crainte. Dis-moi les raisons qui te poussent à accomplir cette soi-disant vendetta.

Amasawa — Tu as coopéré avec Ayanokôji-senpai pour expulser Yagami Takuya, n’est-ce pas ? C’est un juste retour de bâton.

Nagumo avait considéré bien des raisons, mais il fut complètement sidéré quand il entendit l’inattendu.

Nagumo — Yagami ? Ne me dis pas que tu étais sa petite amie ?

Amasawa — Ce n’est pas ça, nous étions comme des jumeaux qui avaient largement dépassé ce genre de relation.

Nagumo — Tu n’as donc pas l’impression de t’en prendre à la mauvaise personne ? Je ne suis pas celui derrière tout ça.

Amasawa — Je le sais ça. Je te l’ai dit, ce n’est qu’une vendetta personnelle. Malheureusement, même à mon apothéose, je ne pourrais pas battre Ayanokôji-senpai. J’avais pensé à tabasser Karuizawa-senpai et l’expulser, mais c’est un peu effrayant.

Nagumo — Effrayant ? De te venger ainsi d’Ayanokôji ? Je doute qu’il se sente concerné par le sort de Karuizawa.

Amasawa — Ayanokôji-senpai a ses propres objectifs. Je ne veux pas interférer.

Expulser Karuizawa, interfèrerait avec les plans d’Ayanokôji. Ayant conscience des circonstances, Amasawa pensait qu’elle ne pouvait faire une telle chose.

Amasawa — Les gens comme Nagumo-senpai sont taillés pour les histoires où le protagoniste finit par faire face à sa chute.

Nagumo — Je suis taillé pour ça, hein ?

D’habitude, Nagumo aurait ressenti de l’énervement et mécontentement si de tels mots lui avaient été adressés. Mais pour l’heure, les émotions laissaient place au vide. Pensant qu’il s’agit ici d’une perte de temps, Amasawa s’avança.

Nagumo — L’année précédente, celui qui animait cet établissement était Horikita Manabu.

Mais quelque chose d’inattendu se produisit, et elle s’arrêta.

Nagumo — Cette année, c’est Ayanokôji. Je suis sûr que cela ne changera pas l’année prochaine quand je serai parti. J’ai intégré cette école pour trois ans, et j’ai aussi servi en tant que président du Conseil. Même si j’ai attiré l’attention au sein de ma promotion, cela n’était pas le cas pour les promotions précédente et suivante. Je me sens vide.

C’était pourquoi il poursuivait désespérément le combat.

Nagumo — Je le réalise un peu avant notre diplôme. Ni Horikita-senpai ni Ayanokôji ne sont à blâmer. Je n’ai juste pas pu conquérir ce royaume.

C’est pourquoi il n’était pas en colère quand on lui disait que la chute lui allait comme un gant. Si seulement Nagumo avait été plus capable. Les noms de Horikita, Nagumo et Ayanokôji auraient été traité sur un pied d’égalité. Réalisant ceci, il n’y aurait pas besoin de chercher une clarification par des challenges ou par l’établissement d’une hiérarchie ; ils auraient été égaux.

Nagumo — Mais… Ce n’est pas le cas. Je n’aurais pas non plus été satisfait de cette situation.

Si les trois étaient égaux, il aurait tout de même voulu les dépasser pour se hisser à la première place.

Nagumo — C’est pour ça que je ne vais pas quitter ce jeu. L’année prochaine, je le ferai à nouveau avec Horikita-senpai. Et un jour j’aurai un vrai match avec Ayanokôji et j’y mettrai fin.

Une partie de lui pouvait être honnête, car il parlait à Amasawa qui n’avait aucun lien avec lui. Bien qu’il ne pût le dire, Nagumo ressentait de la gratitude.

Nagumo — Avant que tu ne mettes quoi que ce soit en œuvre, j’ai un cadeau pour toi.

Amasawa, qui n’était guère intéressée jusqu’à présent, était intriguée que Nagumo mette tout à nu. Donc elle s’arrêta et l’écouta jusqu’à la fin.

Amasawa — Un cadeau ? Je suis de celles qui jettent les cadeaux des hommes qui ne m’intéressent pas, et ce, sans même les ouvrir.

Nagumo — Je vois. Donc tu pourrais bien finir par le jeter sans l’ouvrir. Après tout, il s’agit d’un message d’Ayanokôji.

Amasawa — Ayanokôji-senpai ?

Son corps se raidit involontairement quand elle entendit son nom.

Amasawa — Ne crois pas que tu peux t’en tirer comme ça.

Nagumo — Crois moi ou non, cela ne dépend que de toi. Le message d’Ayanokôji est : « Tu as toujours de la valeur, ne gâche rien »

La raison pour laquelle Amasawa s’approcha de Nagumo pendant le camp fût pour ce moment de vengeance. Ayanokôji avait remarqué quelque chose d’anormal chez Amasawa dès le premier jour. Elle prétendait ne rien connaître sur les règles de l’examen, alors qu’elle avait obtenu toutes les informations de la part de Tsukishiro. L’émergence d’une contradiction révèle un mensonge, mensonge fabriqué de toute pièce pour éviter que Nagumo ne réalise la raison pour laquelle elle l’approchait. Au moment où elle entendit ce message, Amasawa perdit toute volonté de se battre.

Nagumo — Est-ce une coïncidence ? Le message semble même avoir prévu que tu te définirais comme quelqu’un n’ayant aucune « valeur »

Il avait prévu qu’elle viserait Nagumo en prenant des mesures drastiques, car elle n’avait rien à perdre. Ce qui avait été dit au moment de leur séparation avait réellement eut lieu devant les yeux de Nagumo. C’est vraiment un type que je n’aime pas. Nagumo le maudit dans son cœur. Pourtant, il ressentit une pointe de satisfaction. Maintenant, c’était une perte de temps de combattre sérieusement Ayanokôji.

Nagumo — Je suis fatigué, donc je pars en premier. Tu devrais retourner dans ta chambre avant d’attraper froid.

Nagumo quitta la cafèt’, laissant Amasawa debout, seule.


[1] À l’origine « haine et hostilité entre deux familles », la vendetta désigne aujourd’hui une volonté de vengeance suite à un meurtre ou une offense. Je ne l’ai pas traduit par vengeance, car la vendetta implique la notion de solidarité familiale et sociale pour son accomplissement. Ici, Amasawa considère sans doute sa vendetta comme liée à la « rivalité » entre Nagumo et Yagami, et, a fortiori, à la « famille » de la White Room.

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