Le son de l’expulsion
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Traduction : Nova
Correction : Raitei, Ayanokôji is the best
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Dimanche soir. Il était environ 20h30. Le jour J était enfin arrivé.
La discussion à venir allait déterminer si oui ou non nous pouvions nous joindre à la 2ndeD. Ou, du moins, nous devions tout faire pour que ce soit le cas.
En effet, la majorité des élèves en dehors de la 2ndeD et de la 1èreD avait déjà trouvé un partenaire. Si cette discussion n’apportait pas les résultats escomptés, nous étions préparés à faire plusieurs concessions.
Sudou avait insisté pour nous accompagner, Horikita et moi. Si c’était sûrement un peu lié à son désir de passer du temps avec elle, je pense que c’était surtout parce qu’il se méfiait de Hôsen. Il avait l’air si imprévisible, il pouvait tout à fait frapper une fille à mon avis. Bien sûr, Horikita avait refusé malgré les multiples supplications de Sudou. Elle pensait, et à juste titre, que la discussion à venir allait être cruciale et que la présence de Sudou n’allait faire que nous freiner. Néanmoins, j’avais fini par prendre le parti de Sudou. Après tout, en cas de pépin, ses capacités physiques allaient pouvoir se révéler utiles et m’éviteraient d’avoir à intervenir moi-même.
Au final, Horikita l’autorisa à se joindre à nous à condition qu’il n’interrompe pas la discussion et ne fasse aucune menace.
Sudou — Hé mec !
Je descendis moi-même un peu en avance dans le hall du dortoir pour les retrouver, mais je constatai que Sudou était déjà arrivé, attendant sur l’un des canapés. De plus, il me regarda avec un sourire éclatant. Je devais donc me corriger : ce n’était pas juste « un peu lié » à son désir de passer du temps avec Horikita.
Moi — Alors. Les révisions se passent bien ?
Sudou — Bien sûr. Je vais obtenir au moins 250 points cette fois !
Étant donné que sa note d’aptitude académique était de E, qu’il obtienne réellement plus de 250 points constituait un énorme exploit. Cela suffirait à faire grimper sa note d’aptitude académique jusqu’à C lors de l’évaluation du mois prochain. Ce n’était pas seulement des mots vides de sens : il avait l’air d’avoir travaillé assez dur pour rassembler la confiance nécessaire pour les soutenir. Il n’était plus jamais en retard en classe et son attitude pendant les cours était extrêmement sérieuse et appliquée.
Moi — Tu as beaucoup changé… On dirait que tu as commencé à aimer étudier.
Sudou — C’est pas comme si j’aimais ça, mec. Mais je vais te dire, ça fait du bien de résoudre ces problèmes. Et quand Suzune me félicite, je suis tellement gonflé à bloc que j’ai l’impression de pouvoir étudier éternellement !
Son attitude épineuse de l’époque où nous sommes arrivés ici avait progressivement commencé à s’estomper. Un tempérament irréfléchi ne semblait pas être l’habitude la plus facile à perdre, mais si la présence de
« Suzune » suffisait à l’aider à rester sur pieds, c’était suffisant pour moi.
Incapable de contenir son excitation, Sudou se leva et alla guetter l’écran près de l’ascenseur. Après quoi, il se rassit et commença à tripoter son téléphone en passant sa main dans ses cheveux. Puis il se leva à nouveau. Il avait un peu l’air d’un jeune garçon qui s’apprêtait à aller à son tout premier rendez-vous.
Sudou — Salut, Ayanokôji.
Réalisant que je l’avais regardé, Sudou me murmura cela tranquillement, les yeux toujours fixés sur l’écran du mur.
Sudou — Si je lui avoue tout de suite, tu crois que Suzune l’accepterait ?
Avant que je ne m’en rende compte, l’expression qui ressortait du profil de son visage se durcit d’un coup. Vu son sérieux, je ne pouvais probablement pas esquiver la question en lui donnant une réponse bancale.
Moi — Probablement pas.
Même si cela pouvait être décourageant, c’était mon opinion honnête et objective. J’étais presque certain qu’il n’allait pas apprécier mais…
Sudou — C’est clair.
Sudou accepta sans sourciller, comme pour dire qu’il connaissait déjà la réponse au fond de lui.
Sudou — Je sais que Suzune n’est pas le genre de fille à rechercher l’amour et tout ça. Mais aussi… Il n’y a aucune chance qu’elle soit attirée par moi quoi à l’heure actuelle. Combien de fois j’ai déconné et ça lui a causé des problèmes ? À elle mais aussi à la classe…
Par conséquent, il ne pensait pas avoir une chance avec Horikita en ce moment.
Sudou — Je taff dur ces derniers jours mec, mais je ne vais pas prétendre que ça annule le fardeau que j’ai fait peser sur tous les autres. Ces deux prochaines années, je vais faire de mon mieux pour améliorer mes points forts et compenser mes points faibles, petit à petit. Comme ça, d’ici mon diplôme, je serai forcément plus utile à la classe.
Moi — C’est vrai ? Franchement, c’est carrément faisable !
Sudou devenait rapidement un atout précieux grâce à ses capacités physiques inégalées. Il avait probablement le potentiel pour devenir quelqu’un d’indispensable, tout comme Yôsuke ou Kushida. Il en était également venu à pouvoir porter un regard plus objectif sur lui-même.
Face à sa maturation considérable, j’ai eu envie de lui demander quelque chose.
Moi — Disons que tu fais tous les efforts nécessaires et que tu devenais rapidement un des meilleurs éléments de notre classe… et pourtant, Horikita ne te regarde toujours pas. Que ferais-tu alors ? Arrêterais-tu d’étudier ?
Il y a toujours la possibilité de régresser à son ancien soi si tous les efforts consentis n’ont pas l’effet escompté. C’était d’autant plus vrai que Sudou travaillait dur pour les beaux yeux d’Horikita.
Sudou — Bien sûr, je voudrais arrêter. Bon sang, j’aurais envie de crever. Il y a même une chance que je finisse par frapper quelqu’un. Mais ça ne me ramènerait pas Suzune, pas vrai ? Ce serait super nul si j’abandonnais mes études ou si je faisais un carnage ou un truc du genre. Donc oui, j’essayerai juste de continuer et de passer à autre chose.
J’étais agréablement surpris de sa réponse. J’étais sûr qu’il était sincère, mais c’est toujours facile de parler avant de se retrouver en conditions réelles. En tout cas, s’il est aussi confiant maintenant, je suppose que je n’avais pas besoin de m’inquiéter pour l’instant.
Sudou — Oh, on dirait qu’elle arrive
On pouvait voir Horikita monter dans l’ascenseur à travers la caméra. Sudou se leva et tourna le dos à l’ascenseur, semblant agité alors qu’il commençait à prendre de grandes respirations et à étirer ses bras dans une sorte de démonstration de gymnastique pour se calmer. L’ascenseur arriva enfin alors que Sudou continuait ses exercices de respiration.
Horikita — Désolée de vous avoir fait attendre. Que fait Sudou-kun ? Moi — Il fait des exercices de respiration, on dirait.
Horikita eut l’air légèrement curieuse pendant un instant, mais elle reprit rapidement son expression sérieuse habituelle.
Nous nous mîmes alors en route vers le lieu de rendez-vous désigné, c’est-à- dire, le salon de karaoké du centre commercial Keyaki. C’était un endroit extrêmement populaire pour les sorties tardives car il était ouvert jusqu’à 22h00 7 jours/7. Le karaoké était donc l’un des nombreux lieux phares du campus. C’était un endroit principalement utilisé pour évacuer le stress et discuter avec des amis.
Mais, dans cette école, il présentait un autre attrait essentiel. C’était en effet un lieu plébiscité pour l’intimité qu’il offrait. C’était un endroit idéal pour tenir des discussions sans être vu de la masse. De tous les endroits du campus, c’était le lieu le plus pratique pour se rencontrer en tout discrétion. Bien sûr, aucun lieu de valait sa chambre au dortoir si l’on était en quête d’intimité, mais tout le monde n’était pas forcément ok avec l’idée de recevoir.
Avec l’examen spécial de la semaine prochaine, il ne risquait pas d’y avoir beaucoup de monde. C’était donc le meilleur moment pour tenir une discussion secrète avec Hôsen.
Sudou — Hé, vous pensez vraiment qu’on peut convaincre ce morveux de 2nde de travailler avec nous ?
Horikita — Si je ne pensais pas que nous pourrions coopérer avec eux, je n’aurais pas passé autant de temps à essayer en premier lieu.
C’est tout ce qu’il y avait à dire. Nous nous étions mis en route aujourd’hui précisément parce que nous croyions que c’était possible.
Horikita — La majorité des élèves capables sur le plan scolaire ont déjà été pris par Sakayanagi-san et Ryuuen-kun. D’un autre côté, Ichinose- san est devenue une lueur d’espoir pour les faibles. À ce stade, si nous voulions changer de tactique, nous n’aurions d’autre choix que de nous battre en utilisant nos points ou une stratégie de confiance.
Sudou — C’est vrai… Nous ne battrons pas Sakayanagi et Ryuuen aux points, et nous ne sommes pas de taille à affronter Ichinose en matière de confiance…
Horikita — Exactement. C’est pourquoi Hôsen-kun est à la fois un problème et une opportunité.
Hôsen ne se souciait pas de l’attrait de l’image de classe A ou d’une demi- somme de points privés. De plus, il n’avait même pas daigné prêter attention
à l’offre d’aide d’Ichinose. Et c’était pourquoi nous, la Classe D, avions une
chance.
Sudou — Donc on doit juste voir comment on peut les convaincre en lâchant le moins de trucs possibles.
Horikita — En effet. Lorsque le temps sera écoulé, ceux qui en pâtiront seront nous, les élèves de 1ère. Comme de nombreux élèves ont déjà trouvé un partenaire, nous ne pourrons pas éviter le désavantage.
Si nous refusions les conditions d’Hôsen, il allait simplement laisser le hasard faire les choses. Sans se soucier du sort de ses propres camarades de classe.
J’avais envie de voir comment Horikita allait l’affronter.
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Sudou — Au fait… La réunion est à 21heures, non ? On est grave en avance.
Il restait environ une demi-heure.
Horikita — C’est bon. C’était ce que je voulais.
Sudou ne comprenait pas bien le raisonnement de Horikita, mais il se tut et suivit le mouvement. Peut-être qu’elle voulait être à l’affût d’un quelconque acte de sabotage, ou peut-être qu’elle voulait simplement avoir du temps pour s’imprégner des lieux.
Quoi qu’il en soit, Sudou ne voyait notre adversaire que comme un élève de 2nde, alors que Horikita ne semblait pas baisser sa garde le moins du monde. On pouvait même penser qu’elle était excessivement prudente, mais puisque notre adversaire était Hôsen lui-même, on ne l’était jamais trop.
Après avoir reçu un bout de papier avec le numéro de la salle et le reçu de la part d’un employé, nous nous dirigeâmes vers notre salle de karaoké désignée.
Horikita — Peux-tu faire savoir à Nanase-san que nous sommes là ? Moi — D’accord.
J’envoyai un message à Nanase, lui disant que nous étions déjà arrivés, ainsi que notre numéro de salon. Elle répondit peu de temps après, disant qu’ils al- laient sûrement arriver à l’heure prévue.
Horikita — Allons-y et commandons d’abord nos propres boissons alors. Sudou — On devrait pas les attendre ?
Horikita — C’est bon.
Après que nous ayons chacun choisi une boisson dans le menu, elle dirigea notre attention sur la nourriture.
Horikita — Vous êtes partants pour quoi ? Sudou — Des frites. Ça te convient ?
Horikita — D’accord.
Sur ce, Horikita se dirigea vers le téléphone présent dans chaque salle de karaoké et passa commande. Content que la nourriture était en route, Sudou alla chercher nerveusement le micro sur la table.
Sudou — Ehm, on a un peu de temps libre alors ça te dirait de chanter une chanson ou deux Suzune ?
Horikita — Je ne suis pas intéressée. Sudou — Pas intéressée ?
Horikita fit en sorte que nous arrivions tous les trois en avance, puis nous demanda si nous voulions commander de la nourriture et des boissons. Pour Sudou, chanter quelques chansons semblait probablement être la prochaine étape logique, et n’importe qui d’autre aurait probablement accepté.
Le sentiment de déception était écrit sur son visage, probablement parce qu’il voulait entendre Horikita chanter.
Horikita — Sudou-kun. Je te rappelle encore une fois qu’il ne faut absolument rien dire d’inutile, d’accord ?
Sudou — Je… je comprends, mais genre, tu devrais pas dire ça à Ayanokôji aussi ?
Horikita — Il n’est pas le genre de personne à parler quand ce n’est pas nécessaire. Au contraire, il ne parle même pas quand il le devrait.
Au lieu de me faire des éloges, Horikita en profita pour me tacler. Sudou se mordilla la lèvre, apparemment mécontent de la réponse de Horikita.
Le temps passait et, une fois l’heure arrivée, Nanase se présenta à l’entrée de la pièce.
Nanase — Mille excuses pour l’attente. Hôsen — Dégage Nanase !
Une voix retentit derrière elle, la forçant à faire un pas de plus à l’intérieur alors que Hôsen Kazuomi faisait enfin son apparition.
Horikita — Tu es donc arrivé à l’heure. J’étais presque certaine que tu serais en retard.
Horikita disait qu’elle n’aurait pas été surprise si Hôsen était arrivé en retard exprès pour l’irriter, un peu comme la façon dont Miyamoto Musashi1 était arrivé en retard pour son duel contre Sasaki Kojirô sur l’île de Ganryû.
Hôsen — Je suis un gars ponctuel quand je veux. D’ailleurs j’aime pas les casse-couilles pour 5 minutes de retard. À part ça, on dirait que t’étais bien en avance toi… T’avais si peur que ça de me faire attendre ? Quelle poule mouillée !
Horikita — Tu penses ? Et bien nous avons juste profité de cette rare occasion pour nous amuser.
Sur ce, Horikita fit signe à Hôsen de jeter un coup d’œil à l’état de la pièce. Il y avait plusieurs boissons sur la table, certaines vides, ainsi que de la nourriture à moitié mangée. Tout était mis en place pour donner l’impression que l’on venait de s’amuser comme des petits fous.
Hôsen — On dirait bien.
1 Né en 1584, il est une figure emblématique du Japon en étant notamment son plus célèbre maître au sabre. Il est aussi connu pour son « Traité des cinq roues », un classique de la littérature sur l’art du sabre. Il sert aussi de personnage dans le manga Vagabond de Takehiko Inoue (Slam Dunk…).
Bien qu’informelle, la bataille entre les deux avait déjà commencé.
Hôsen — Eh bien, peu importe. On saura bien assez vite si tu bluffes ou pas.
Hôsen s’affala sur l’un des canapés et étala ses jambes, prenant pour lui seul l’espace d’environ trois personnes. Assis comme ça, il était difficile d’imaginer que l’homme devant nous était en fait un élève de 2nde.
Hôsen — Alors ? D’après ce que Nanase m’a dit, on dirait que vous voulez tous que ma classe vous aide.
À l’entendre, il semblait penser que la 2ndeD était déjà complètement sous son contrôle, sa propriété. Cela ne faisait qu’environ deux semaines qu’il était arrivé dans cette école, et pourtant il parlait sans même le moindre soupçon d’incertitude dans sa voix.
Horikita — C’est légèrement différent de cela. Nous souhaitons que nos deux classes collaborent l’une avec l’autre. Il n’y aurait aucune différence de statut entre nous, une relation d’égalité pour ainsi dire.
Hôsen — Oh vraiment ? Alors tu ne vas pas évoquer le fait que tu as une classe de plus que nous, hein ? Tu ne vas pas laisser ton ancienneté te monter à la tête. Bien sûr !
Pendant que Hôsen parlait, Nanase observait tranquillement sans exprimer aucune de ses propres pensées sur le sujet. Étant donné qu’elle avait endossé le rôle crucial de médiatrice et qu’elle était la seule personne que Hôsen avait amenée avec lui à la discussion, on pouvait probablement supposer que Nanase était quelqu’un qu’il reconnaissait.
Je m’étais surpris à me demander s’il était impressionné par sa capacité courageuse à déclarer qu’elle ne céderait pas à ses menaces de violence ou si c’était tout autre chose. Quoi qu’il en soit, il y avait encore un moyen de lui forcer la main et de tirer Nanase de notre côté.
Horikita — Je suis bien consciente qu’un certain nombre d’élèves de 2nde ne se soucient pas beaucoup que leurs camarades aient des problèmes. Cependant, si tu nous regardes, si tu regardes notre classe, je suis sûre que tu comprendras que tôt ou tard, il y aura un moment où tu auras besoin de l’aide de tes camarades.
Hôsen — Donc, tu dis que nous devrions travailler ensemble et éviter que quelqu’un soit recalé. C’est ça ?
Horikita — Si tu possèdes vraiment une telle autorité que tu en es venu à considérer tes camarades de classe comme ta propre propriété, alors cela ne fait que rendre tout ce processus encore plus facile. Il devrait suffire d’un seul commandement et tu aurais la plupart de tes camarades de classe prêts à suivre. Non ?
Au lieu de répondre, Hôsen enfonça son petit doigt gauche dans son oreille puis souffla dessus après l’en avoir sorti, en direction d’Horikita.
L’expression de Sudou se durcit immédiatement, mais il ne bougea pas par respect des consignes d’Horikita et prit sur lui. Ses poings serrés tremblaient, plaqués contre ses cuisses.
Cependant, Horikita prit simplement de front la conduite manifestement vulgaire de Hôsen.
Horikita — Tu veux bien arrêter ? Hôsen — Pour commencer…
On ne savait pas si Hôsen avait complètement ignoré la question de Horikita ou non, car il évoqua quelque chose de totalement différent.
Hôsen — Tu es le chef de la 1èreD ?
Il passa finalement aux choses sérieuses, vérifiant que Horikita était quelqu’un qui valait la peine qu’on lui parle.
Horikita — On peut dire ça.
Nanase — Je ne pense pas qu’il est trop présomptueux que d’affirmer que Horikita-senpai est le leader de sa classe, au vu de ses capacités.
Pour la première fois depuis leur arrivée, Nanase ouvrit la bouche et s’adressa directement à Hôsen.
Hôsen — Alors je vais donner un avertissement à ce « leader ». Je n’ai pas l’intention de coopérer avec tes idées à la con. « Égalité », mon cul oui.
Il ne semblait pas qu’il allait nous faciliter la tâche après tout. Il était inévitable qu’il y ait une sorte de contraste entre nous, qui voulions protéger nos camarades de classe à tout prix, et Hôsen, qui ne se souciait pas particulièrement des siens.
Sans compter qu’entre l’expulsion et trois mois sans points privés, il y avait une différence bien trop importante dans nos sanctions respectives en cas d’échec à l’examen.
Horikita — C’est vrai ? Eh bien je suppose que c’est le type de personne que tu es.
Hôsen — Si tu le sais, alors pourquoi n’arrêtes-tu pas d’être aussi avare
? Je suis tout ouïe.
Horikita — Tout ouïe ? A quoi t’attends-tu ? Tu crois vraiment que nous allons te payer pour que tu nous aides ?
Malgré le fait que nous étions dans une position moins que favorable, Horikita refusait de céder.
Hôsen — Tu vas payer. J’en suis sûr. Il n’y a rien que tu puisses faire sans dépenser à ce stade. Nanase. De l’eau.
Hôsen fit part de ses exigences à Nanase tout en survolant le menu du karaoké.
À cela, Nanase hocha la tête et commanda une carafe d’eau par téléphone.
Horikita — Je sais que je me répèter ici, mais notre proposition est ba- sée sur l’égalité. Cela n’a rien à voir avec le fait que l’un de nous deux remette des points, des biens ou toute autre forme de com- pensation.
Hôsen — Si tu continues à dire de la merde, alors je suppose que je n’ai pas besoin de rester à attendre que l’eau arrive.
Il n’y avait pas une once d’hésitation sur son visage alors qu’il commençait à faire un spectacle en brossant la poussière inexistante sur ses cuisses, laissant entendre qu’il allait bientôt se lever et partir.
Nanase — S’il te plaît, patiente un moment, Hôsen-kun. Je pense que tu devrais attendre que Horikita-senpai ait terminé d’abord.
Nanase, qui avait écouté tranquillement sur le côté, l’incita à s’arrêter.
Hôsen — La laisser finir ? Ce n’est pas nécessaire.
Nanase — Si, ça l’est. Si nous continuons comme ça maintenant, notre classe ne pourra jamais s’unir.
Horikita observa stoïquement l’échange des deux 2nde.
Hôsen — On s’en fout. Les déchets désobéissants devraient être laissés à l’abandon. Ce n’est pas un gros problème si nous perdons quelques nuls de toute façon.
Nanase — Ce n’est pas une bonne idée non. Hôsen — Nanase, t’es conne ?
Hôsen expira bruyamment, apparemment plus par exaspération que par colère.
Hôsen — Je n’ai rien à gagner à accepter leurs conditions comme une petite pédale. Qu’est-ce que j’y gagne ?
Nanase — Je comprends ce que tu dis, Hôsen-kun, vraiment. Il est certainement vrai que Horikita-senpai et les autres élèves de 1ère sont plus désespérés que nous pour protéger leurs camarades de classe. En fait, il y a même une raison pour laquelle ils n’ont pas d’autre choix que de les protéger : si nous ne leur prêtons pas main forte, leurs camarades de classe courent le risque d’être expulsés. Même s’ils font semblant d’être fermes en ce moment, à un moment donné, ils devront céder, et c’est exactement ce que tu attends, n’est-ce pas ?
D’après ses paroles, il semblait que Nanase avait choisi de parler parce qu’elle savait exactement ce que Hôsen essayait de faire.
Nanase — Je ne pense pas qu’il y ait nécessairement quelque chose de mal dans ta stratégie, Hôsen-kun. Pendant que les autres classes se démenaient pour chercher des partenaires, tu es resté ferme, renonçant intentionnellement aux premières étapes des négociations interclasses. Tout cela a été fait dans le but de t’assurer le dessus plus tard.
À mesure que la date limite se rapprochait, les autres élèves de 1ère qui n’avaient pas trouvé de partenaires commençaient à se sentir de plus en plus impatients. Et par conséquent, même les élèves pour qui, à l’origine, il ne valait pas la peine de dépenser des points se retrouvaient soudainement susceptibles de valoir quelque chose.
Hôsen — Puisque tu as déjà tout compris, pourquoi tu n’essaies pas de me dire pourquoi je devrais jeter un os à Horikita alors ?
Nanase — Une relation de confiance mutuelle.
Nanase se retourna et regarda Horikita pendant un moment, ce à quoi Horikita répondit par un hochement de tête.
Hôsen —Une confiance mutuelle ? Mais c’est de la merde putain. Mais à
quoi vous servez ?!
Nanase — Tu es sûr de ça ?
Nanase prit Hôsen de plein fouet, le mettant au défi alors qu’elle s’apprêtait à parler une fois de plus.
Nanase — Il est vrai que pour cet examen spécial nous sommes à l’abri. Cependant, il se peut qu’il n’en soit pas de même pour les futurs examens, n’est-ce pas ? Si tu finis par te faire des ennemis parmi tous les élèves de 1ère maintenant, il est possible que tu ne puisses pas nouer de partenariats de long terme pour plus tard, quel que soit le nombre de points que tu leur offres. Et cette fois-ci, même si cela ne te poserait pas de problème de simplement accepter la pénalité de 5 %, que crois- tu qu’il se passerait si la personne avec laquelle tu te retrouvais ratait intentionnellement l’examen ? Tu ne pourrais pas éviter l’expulsion. Voilà ce qui se passerait.
Hôsen — Ha ! Tu penses vraiment qu’un bouffon aurait les couilles de se sacrifier comme ça ?
Nanase — Je te ferai savoir que j’ai entendu dire que cette école propose quelque chose que l’on appelle des points de protection.
À ce moment-là, Nanase détourna son regard de Hôsen et fixa celui de Horikita pour la première fois. Des points de protection… La chose même que j’avais mentionnée à la fin de notre conversation dans la bibliothèque vendredi.
Bien que Horikita ait été légèrement surprise d’entendre Nanase en parler, elle saisit immédiatement où Nanase voulait en venir et acquiesça.
Horikita — Nanase-san a raison. Ce sont des points d’un type particulier qui permettent d’éviter une expulsion. Une sorte de joker.
D’après l’expression du visage de Hôsen, il ne faisait aucun doute que c’était aussi la première fois qu’il en entendait parler.
Horikita — C’est compréhensible que tu n’en aies jamais entendu parler, étant donné que tu viens seulement de débarquer. C’est pourquoi tu devrais les garder à l’esprit. S’il y a une sorte d’examen similaire à celui- ci à l’avenir, si la personne avec qui tu t’associes est en possession d’un point de protection, alors… eh bien, selon la situation, tu pourrais finir par prendre la porte.
Qui sème le vent récolte la tempête. Il s’ensuit que, plus quelqu’un détestait Hôsen, plus il allait être susceptible d’utiliser tous les moyens nécessaires pour le faire expulser.
Horikita — C’est pourquoi il est important de commencer à établir une relation de confiance avec les autres, tu n’es pas d’accord ?
Hôsen — Je vois. Alors mes petites attardées, vous aviez préparé quelques tours stupides pour essayer de m’affronter, hein ?
Nanase — Je suis élève de 2nde, donc naturellement ma priorité absolue est la 2ndeD. De plus, Hôsen-kun, je crois que tu es vital pour le bien- être de notre classe, alors je ne veux pas que tu fasses l’erreur d’être myope.
Horikita avait fait l’effort de comprendre Hôsen avant de reporter son attention sur Nanase. Elle avait réussi à faire coopérer Nanase et, ensemble, elles ont porté le coup final. Le vent avait commencé à tourner très légèrement. Il ne restait plus qu’à attendre de voir si Hôsen allait accepter notre proposition une fois qu’il aurait tout compris. Voire s’il allait demander encore une sorte de compensation, résolu à affronter les inconvénients à venir.
Hôsen — Je comprends que vous ayez tous les deux pris la peine de
venir avec tout ça, mais─ je ne vais pas coopérer sur un pied d’égalité.
Horikita et Nanase avaient fait l’effort de préparer tout le terrain pour qu’il accepte. Et pourtant, Hôsen refusa tout sans même faire semblant d’y réfléchir.
Sudou — Oi Hôsen. T’es sûr que tu es prêt à faire de nous tes enne…
La colère de Sudou commença à prendre le pas, mais Horikita le retint avant qu’il ne puisse terminer.
Horikita — Arrête. Il n’a toujours pas quitté la table des négociations pour l’instant.
Hôsen — La fille a raison. Ne va pas tirer des conclusions hâtives.
Hôsen était toujours affalé sur le canapé, ne montrant aucun signe de départ prématuré, son attitude aussi bourrue et arrogante que jamais.
Horikita — Alors quelle est la suite ? Nous n’avons pas l’intention de former une relation non égalitaire.
Hôsen — Sans blague. Tu as déjà été très claire à ce sujet. Tu as du cran, je te le dis.
Il tapa lentement dans ses mains en guise d’applaudissements, semblant féliciter Horikita pour ses efforts acharnés.
Hôsen — Cela dit, ton idée de relation merdique n’est même pas
« égale » en premier lieu.
Horikita — Donc tu dis que si nous pouvons prouver que notre offre est égale, tu coopéreras avec nous ?
Hôsen — Eh, on peut dire ça.
Horikita — Je suis légèrement confuse. Pourquoi penses-tu que mon offre n’est pas équitable ?
Hôsen — Tu as du culot de me vendre cette connerie de relation de confiance comme ça, mais ça doit aller dans les deux sens. Et de mon point de vue ce n’est pas suffisant. C’est vraiment gentil de ta part de nous dire comment nous pourrions nous retrouver dans telle ou telle
situation à un moment donné. Ça me touche que tu penses autant à
nous ! Mais au final tu spécules sur du vent, non ?
Hôsen avait certainement raison sur ce point.
À un niveau fondamental, la proposition de Horikita reposait sur le principe que nos classes s’entraideraient. Cependant, c’est nous qui avions vraiment besoin d’aide à ce moment-là. L’accord n’allait vraiment être égalitaire que lorsque la 2ndeD allait avoir besoin de notre aide à son tour.
C’était une sorte d’assurance que nous proposions, pour ainsi dire, et il y avait donc de fortes chances qu’ils n’aient pas à s’en servir.
Horikita — Je vois donc. Eh bien, puisque tu y es, pourquoi ne pas nous dire ce que tu veux exactement alors ? Juste comme ça.
Hôsen — Le transfert d’un million de points privés comme garantie. Si jamais nous venions vous demander de l’aide dans le futur, je vous rembourserai cette somme.
Le montant était tout à fait raisonnable comparé à ce que cela nous aurait coûté de conclure un accord avec les autres classes. Cependant, s’ils ne finissaient par jamais s’en servir, cela représentait un million de points privés reçus gratuitement et dans la poche de Hôsen.
Hôsen — Si cette merde de relation de confiance est vraiment si importante, alors où est le problème ?
S’ils finissaient vraiment par avoir besoin de notre aide plus tard, alors on allait revoir ces points.
Hôsen — Si tu es inquiète, pourquoi ne pas mettre ça part écrit ?
Même si un contrat écrit aurait été reconnu et appliqué par l’école, cela partait encore du principe que Hôsen nous sollicite à l’avenir. Il y avait une chance qu’il le fasse s’il se trouvait en danger d’expulsion, mais il ne semblait pas très
probable qu’il abandonne autant de points juste pour aider ses camarades de
classe. En d’autres termes, cet accord n’allait pas être si avantageux.
Hôsen n’était pas seulement un tas de muscle. Il avait prévu son coup avec la plus grande habileté et précision.
Un adversaire calculateur et redoutable, tout comme Ryuuen.
Horikita — Oui, tu n’as pas tort. Cela dit, je ne peux toujours pas accepter tes conditions.
Hôsen — Ah ouais ? Quel dommage. Je t’ai tendu une perche mais pourtant tu continues de prendre la tête.
Horikita — En effet.
Il ne semblait pas que Horikita ait l’intention de faire de compromis. Mais vu la tournure que prenaient les choses, il semblait que nous pourrions finir par devoir laisser nos partenaires être décidés au hasard. Auquel cas, nous n’allions pas avoir d’autre choix que de refourguer nos camarades ayant une faible note d’aptitude académique à d’autres classes, même si cela signifiait raquer énormément.
Hôsen — Ha !
Après avoir forcé un court rire, Hôsen se redressa sur le canapé pour la première fois, et se pencha légèrement en avant. Puis il tendit le bras pour attraper le col de la chemise de Horikita. Le premier à réagir fut bien sûr Sudou, qui était très attentif depuis le début. Avec une lueur bouillonnante dans les yeux, il saisit le bras musclé de Hosen.
Sudou — Oi, enfoiré… Ne lève pas la main sur une fille.
Hôsen — Oho, alors le plus grand des attardés ici a finalement décidé d’intervenir ?
Horikita — Calme-toi Sudou-kun.
Sudou — Mais─ !
Horikita — Pas de « mais ». Les négociations ne sont pas encore terminées.
Même s’il semblait que les négociations avaient été rompues, Hôsen ne l’avait pas encore explicitement déclaré lui-même.
Hôsen — Tu as les yeux pleins de confiance là. Tu crois vraiment que je ne battrais pas une fille ? Ou peut-être que tu essaies d’abuser du fait que tu es une garce de bas étage pour pouvoir me battre ?
Horikita — Que c’est grossier ce que tu dis, à notre époque. Et si tu diminuais ta misogynie pour éviter de te mettre toutes les femmes à dos ?
Hôsen — Alors si tu peux me battre dans un combat, j’accepterai ta petite proposition. Qu’est-ce que tu en dis ?
À ce moment-là, Hôsen nous présenta une offre plutôt enfantine.
Sudou — Et si je te prenais au mot alors ? Ça te va ?
Hôsen — Toi, ce Ayanokôji à l’air terne là-bas, ou même cette putain. Aller, je vous prends tous les trois en même temps !!
Hôsen parla de manière effrontée.
Sudou — C’est bon, hein Suzune ? Si je gagne, on en aura fini avec toutes ces conneries. En plus, j’en ai vraiment ma claque de ce débile !
Sudou atteignait les limites de sa patience avec Hôsen, dont la main était toujours agrippée au col de Horikita.
Horikita — Décider de l’issue de cette négociation avec un combat est
bien trop absurde. Je n’accepterais pas même si c’était notre dernière carte à jouer.
Hôsen — Et pourquoi pas ? Le demeuré a dit qu’il était d’accord, je ne vois pas de problème.
Ignorant les objections de Sudou, Horikita expliqua calmement ses pensées.
Horikita — Je pensais vraiment que tu serais un peu plus intelligent que ça, Hôsen-kun. Quand tu t’étais manifesté devant les classes de 1ère, l’autre jour, ce que tu as dit m’avait donné l’impression que tu voulais que nos classes travaillent ensemble. C’était aussi ce que je voulais, et j’avais pensé qu’une alliance entre classes D aurait été vraiment formidable.
Hôsen — Eh bien, j’ai peut-être dit quelque chose comme ça. Horikita — Mais… Il semble que ce n’était qu’un malentendu. Horikita ferma les yeux un instant et se calma avant de poursuivre.
Horikita — Cette discussion est terminée.
Au final, ce ne fut pas Hôsen qui finit par mettre fin aux négociations, mais Horikita elle-même.
Ces mots suffirent à perturber Hôsen, dont l’expression changea et sembla exprimer une légère colère. Ce dernier lâcha prise sur la chemise de Horikita, ce qui calma Sudou qui lui lâcha à son tour le bras. Hôsen semblait aller se rassoir. Quand soudain…
Milles éclaboussures ! Des gouttelettes d’eau s’éparpillèrent dans toute la salle de karaoké. Hôsen avait balancé l’eau contenue dans son verre à la figure de Horikita. Elle ne l’avait certainement pas vu venir celle-là.
Bien entendu, avant qu’elle ne puisse émettre le moindre son, Sudou était déjà
debout sur la table, à quelques instants de se jeter sur Hôsen.
Sudou — Espèce d’enfoiré !!!
Sudou avait fait tout ce qu’il pouvait pour garder son sang-froid avant cela, mais ce fut littéralement la goutte d’eau. Personne ne pouvait le lui reprocher. Après tout, la fille qu’il aimait venait d’être humiliée sous ses yeux.
Hôsen, de son côté, était resté aussi suffisant et méprisant que jamais.
Horikita — Arrête !
Alors que Sudou fonçait sur lui en beuglant de rage, Horikita cria d’une voix sévère, le forçant à l’arrêt. Si elle avait appelé ne serait-ce qu’une seconde plus tard, le poing de Sudou se serait écrasé directement sur la joue de Hôsen.
Horikita — Sudou-kun… Ne tombe pas dans son piège aussi facilement.
Sudou — Je sais bon sang, mais quand même !
Horikita fixa Hôsen dans les yeux sans même prendre la peine de sécher ses cheveux mouillés.
Horikita — Je peux comprendre que la fin des négociations puisse te déplaire, mais il fallait y réfléchir avant de te comporter comme un imbécile.
Horikita voulait plus que personne établir une relation de coopération avec Hôsen, quel qu’en soit le prix. Et pourtant, à ce stade, même elle comprenait la futilité de toute discussion supplémentaire. Après un court regard fixe entre eux deux, Horikita se retourna comme pour dire qu’elle avait fait ce qu’elle avait à faire.
Horikita — Allons-y.
Sudou — V-vraiment ?
Bien que Sudou soit frustré, il demanda à nouveau à Horikita, juste pour être sûr.
Nanase — Tu es sûr, Hôsen-kun ?
Nanase posa la même question à Hôsen presque au même moment.
Hôsen — Bah ouais !
Nanase — Je pense personnellement que nous aurions dû coopérer avec elle.
Hôsen — Hah ! Ce sont eux qui ont tout arrêté. Tu veux que j’aille là- bas et que je me prostitue ?
Et ainsi, la discussion se termina sans que Hôsen ne dise rien de plus, et sur cela, les deux groupes se séparèrent.
Je jetai discrètement un regard en coin à Horikita. Après tout, cet échec allait nous mettre dans de beaux draps.
Mais, là comme ça, l’expression de Horikita ne semblait pas être celle de quelqu’un de découragé. Au contraire, son visage disait plutôt que ce n’était pas encore fini.
2
Une fois que Horikita eût payé l’addition, nous quittâmes tous les trois le salon de karaoké.
Alors qu’il semblait que c’était la fin de tout ce calvaire, Hôsen et Nanase nous suivirent. Pendant que nous marchions, Sudou regardait de temps en temps par-dessus son épaule pour leur jeter un regard menaçant, mais il ne pouvait rien dire était donné qu’il était logique que nous chemins soient les mêmes au départ.
Hôsen, qui remarqua ce que Sudou faisait, nous interpella de manière quelque peu suspicieuse.
Hôsen — Attends !
Horikita — Il n’y a aucune raison pour nous de t’attendre. Nous avons fini de parler.
Horikita fit la sourde oreille, mais Hôsen ne montra aucun signe de recul. Il semblait que la stratégie du « tout ou rien » de Horikita avançait dans la bonne direction.
Hôsen — Bon, j’avoue. T’avais raison Horikita. Ce jour-là, je suis parti à la recherche de la 1èreD. Dès mon arrivée ici j’ai bien compris qu’on était en bas de l’échelle, en classe D. Au lieu d’être traité comme une merde, j’avais pensé travailler avec vous pour qu’on se soutienne.
Hôsen semblait effectivement avoir envoyé des signaux à la 1èreD ce jour-là, comme Horikita le pensait. Cela dit, je n’allais pas mettre ma main à couper que ses objectifs étaient les mêmes que ceux de Horikita.
Horikita — Oui. Et ?
Hôsen — Et ? Tu es sûr que tu ne veux pas continuer la discussion ? Toi
et moi sommes semblables. Deux leaders qui pensent la même chose. Des collègues même.
Horikita — Tant que tu as l’intention de continuer à faire des demandes ridicules, non.
Hôsen — Quoi, tu vas vraiment y aller à l’aveuglette ? Prendre la pénalité et tout faire à l’arrache ?
Horikita — Très juste. Si c’est la seule option je n’hésiterai pas une seconde.
Bien qu’il s’agisse certainement d’une position douloureuse, ce n’était pas quelque chose que nous ne serions pas capables de surmonter. Grâce aux efforts de Kushida et des autres, beaucoup de ceux qui avaient des notes D et E avaient déjà trouvé des partenaires, ce qui garantissait à peu près leur sécurité.
Hôsen — Je vois. Alors que dirais-tu si je te proposais quelque chose comme ça ?
Horikita n’avait pas encore accepté de rouvrir les négociations que Hôsen démarra déjà des propositions.
Hôsen — Je vais ordonner aux crétins de ma classe de former des paires avec vous. Le tout pour 2 millions !
Au lieu de concéder, Hôsen força la réouverture de la discussion, se payant même le luxe de monter les enchères.
Horikita — Deux millions ? Tout va bien dans ta tête ?
Hôsen — Tu es libre de dire ce que tu veux, mais c’est ton seul moyen de garantir que personne ne sera expulsé. La plupart des gars des autres classes ont déjà trouvé des partenaires. Tu gagneras rien en fraisant la radine. Ou peut-être veux-tu vraiment que je t’écrase ?
À ce moment-là, nous arrivâmes à la jonction des deux chemins pour les dortoirs des 2nd et 1ère. Horikita s’arrêta avant de se retourner pour lui répondre.
Horikita — Et comment comptes-tu t’y prendre au juste ? En faisant intentionnellement chuter tes notes ? Tu ne serais pas assez courageux pour faire ça. Tu ne pourrais pas. Après tout, tu dois respecter les règles comme tout le monde. Cela dit, tout ce que mes camarades et moi devons faire, c’est nous concentrer sur l’obtention d’au moins 501 points, quelles que soient les combinaisons aléatoires qui finissent par se produire.
Hôsen — Ce n’est pas la peine de faire quelque chose de si compliqué. Je vais le faire là, maintenant !
Avec un sourire intrépide, Hôsen brandit son poing.
Horikita — Régner par la violence, hein ? Décidément tu n’es vraiment pas commun.
Hôsen — Je n’en ai rien à faire de ce que tu penses à ce sujet. C’est comme ça que je fais les choses.
Horikita — C’est admirable. Dans ce cas, il semble que nous ne verrons jamais les yeux dans les yeux alors.
Sur ce, Horikita se remit à marcher. Il semblait qu’elle n’avait pas l’intention de reculer jusqu’à la fin. Ou, peut-être devrais-je dire qu’elle ne pouvait pas se permettre de montrer sa faiblesse à un adversaire comme Hôsen au risque de perdre toute sa crédibilité.
Hôsen — Attends ! Horikita — Quoi encore ?
Hôsen — J’ai compris. Je vais y réfléchir, deux secondes
Au dernier moment, Hôsen dit quelque chose d’assez inattendu.
Horikita — Alors ?
Hôsen — Essayer de garder le dessus jusqu’à la toute dernière minute, c’est naturel dans une négociation hein ?
Par cela, Hôsen semblait vouloir dire qu’il avait fait exprès de forcer le trait pour éventuellement gratter quelques faveurs à Horikita.
Horikita — Alors, en d’autres termes, tu acceptes mon offre ?
Hôsen — Pense à ça comme si on allait jouer les prolongations. Mais il y a sûrement des gens qui regardent ici, alors pourquoi ne pas aller ailleurs ?
Il était environ 22 h 00 un dimanche soir. La plupart des élèves étaient rentrés chez eux, mais n’importe qui passant pouvait certainement entendre notre conversation.
Horikita — Même ainsi, nous ne pouvons pas t’emmener avec nous dans nos chambres.
Étant donné le couvre-feu, il n’y avait plus d’endroit suffisamment approprié pour continuer la discussion. Le temps commençait à manquer et aucune des parties ne voulait faire traîner les choses plus longtemps que nécessaire.
Hôsen — N’importe quel endroit convient. Derrière le dortoir, ailleurs, peu m’importe. Ça ne prendra pas longtemps.
Hôsen débordait de confiance, alors Horikita n’avait pas beaucoup de raisons de le repousser. Après tout, voir Hôsen lui courir après comme ça était exactement ce qu’elle espérait.
Horikita —…Très bien. Je te donne dix minutes.
Hôsen — Par-là alors.
Hôsen nous dirigea vers les dortoirs de 2nde, ceux des terminale de l’an dernier. Nous fîmes le tour et arrivâmes à l’arrière du bâtiment.
C’était une zone sombre et tranquille qui ne servait pas à grand-chose d’autre qu’à jeter les ordures, donc il semblait sûr de supposer que nous ne croiserions personne vu l’heure.
Horikita — Alors reprenons. Nos conditions n’ont pas du tout changé. Tu es d’accord avec ça, n’est-ce pas ?
Hôsen — Eh bien…
Comme pour souligner sa considération, Hôsen croisa les bras pendant un instant. Peu après, il les décroisa et leva trois doigts de sa main.
Hôsen — Trois millions. Et je sauve immédiatement tous tes camarades de classe attardés.
Toutes les personnes présentes, moi y compris, étions absolument stupéfaites par sa proposition ridicule.
Horikita — Mais qu’est-ce que tu racontes ?
Même Horikita ne put s’empêcher de soupirer plusieurs fois. Hôsen était censé essayer de sauver la discussion, pas de faire grimper le prix encore plus haut. Il était incorrigible.
Hôsen — T’es sourde, grognasse ? J’ai dit que tu donnes trois millions et qu’on va s’arranger.
Sudou — Quoi, tu te fous de nous ? Suzune t’a déjà dit qu’elle ne voulait rien dépenser.
Hôsen — Je ne plaisante pas. Après tout, j’ai fait tous les efforts possibles pour vous donner une autre chance ici, non ?
Il parlait comme si c’était lui qui avait arrangé tout cela en premier lieu.
Horikita — J’ai essayé de te donner une autre chance, mais il semble que ce soit une perte de temps…
La possibilité que Hôsen prenne une décision raisonnable n’était finalement qu’une chimère. Une belle fausse joie !
Hôsen — Arrête-toi tout de suite ! Tu penses vraiment que tu peux partir comme ça ?
Hôsen tapa légèrement du poing contre le mur à côté de lui, mettant son attitude intimidante en valeur.
Horikita — Oh, alors juste parce que nous sommes derrière les dortoirs, tu veux résoudre ce problème avec l’un de tes accès de violence caractéristiques, c’est ça ? Tu penses vraiment que tu vas t’en sortir avec ça ?
Hôsen — Au moins, je vais pouvoir vous casser la gueule, bande de connards. Qu’est-ce que tu en dis ?
Horikita — Bien, fais comme tu veux.
Secouant la tête, Horikita continua sa route. Elle ne pensait probablement pas qu’il allait réellement en venir aux mains. Et pourtant…
Nanase, qui se tenait près de lui, détourna le regard. Presque comme si elle avait prévu ce qui allait se passer ensuite.
Hôsen passe à l’action.
Sudou — Suzune !!!
Sudou cria frénétiquement en se précipitant vers elle et en la tirant en arrière. Le pied de Hôsen balaya rapidement l’endroit même où Horikita se tenait
quelques instants auparavant. Mais ce dernier ne s’arrêta pas là, et repassa à
la charge.
Horikita — Qu’est-ce que─ !?
À ce moment-là, Horikita comprit enfin compris que Hôsen ne blaguait pas, mais son corps était figé et ne voulait pas bouger comme elle le voulait. Pour la protéger, Sudou s’interposa et prit le coup.
Sudou — Guh !
Hôsen — Hahaha ! Voyons combien tu peux en supporter !
Sudou — Amène-toi ! Je n’aurai aucune pitié pour un enfoiré qui lève la main sur Suzune !
Riant joyeusement, Hôsen lança une attaque sur Sudou. Et, ayant atteint les limites de sa patience depuis longtemps, Sudou répondit de plein fouet.
Horikita — Dis-donc…. À quoi pense ce type… !?
Il était compréhensible que Horikita se sente secouée par le début d’une bagarre générale sous ses yeux. Peu importe à quel point cet endroit était discret, être surpris aurait tout de même été un problème. Peut-être pas au point de risquer une expulsion, mais une exclusion temporaire aurait largement pu être sur la table.
Nanase — Horikita-senpai, et si cette école avait légèrement changé cette année ?
Nanase, qui observait cette tournure inexplicable des événements avec un regard un peu froid, posa une question à Horikita.
Nanase — Tout comme vous autres, les élèves des classes supérieures, êtes plus familiers avec les règles de l’année dernière, nous, les élèves de 2nde, comprenons mieux le nouveau système.
Horikita — Qu’est-ce que tu veux dire… ?
Nanase — Peu après l’inscription, plusieurs représentants des 2nde ont été convoqués dans la salle du Conseil des élèves pour recevoir une explication personnelle du président Nagumo. Ce dernier leur avait affirmé qu’à partir de cette année, les élèves auraient droit à certaines libertés afin que l’école mute naturellement vers la méritocratie.
Horikita — Et tu me dis que se battre est l’une d’entre elles ?
Nanase — Je ne dirais pas ça. Bien que, d’après les dires de Hôsen-kun, le président lui-même avait déclaré que les bagarres, inévitables selon lui, allaient être jugées de façon plus indulgente.
Comparé à Manabu, le frère aîné de Horikita, Nagumo était plus permissif. Étant donné que le Conseil des élèves faisait office d’arbitre dans les conflits entre les élèves, il allait être sûr que les affaires de ce genre n’allaient rien donner s’ils devenaient vraiment plus tolérants là-dessus.
Alors que la conversation entre Horikita et Nanase progressait, le combat entre Sudou et Hôsen avait déjà commencé à basculer dans une direction.
Sudou — Woaah !
Même si Sidou avait des réflexes et une force qui dépassaient l’entendement, ceux de Hôsen étaient encore à un autre niveau dans la mesure où il plaquait Sudou contre le mur. Hôsen l’attrapa par le col avec ses deux mains et le força à se relever, faisant en sorte que ses deux jambes flottent en l’air.
Sudou — Connard !!
Ayant perdu la domination à plus d’un titre, Sudou fit une démonstration désespérée de résistance, vaine. Sa cible étant complètement immobilisée, Hôsen commença à exercer une pression sur sa prise, comme s’il essayait de l’enfoncer dans le mur lui-même.
Sudou — F…fils de pute !
Sudou s’agrippa aux bras de Hôsen et, malgré son espace limité, porta un coup avec son genou, faisant légèrement bouger Hôsen. Il en profita pour se libérer de l’emprise de Hôsen, mais ce dernier en profita pour assener un coup de pied quelques secondes après. Alors que Sudou s’était préparé à encaisser le coup, la force de celui-ci l’envoya se faire fracasser contre le mur derrière.
Les deux hommes avaient semblé faire jeu égal avant le début du combat, mais après un petit instant la différence entre eux était considérable.
Étant donné sa tendance à se faire constamment des ennemis, Sudou avait très probablement été impliqué dans de nombreux combats dans sa vie. Ceci sans compter sur ses nombreuses années de basket, qui avaient affiné sa condition physique. Il n’avait donc probablement jamais rencontré quelqu’un qui pouvait se mesurer à lui auparavant.
Hôsen, cependant, était encore plus exceptionnel. Comparé à Sudou, Hôsen avait probablement pris part à un nombre inconcevable de combats et bravé d’innombrables autres situations dangereuses. La différence d’expérience était aussi claire que le jour. Sa grande carrure et ses bras puissants semblaient irréels étant donné qu’il n’y avait qu’un an d’écart d’âge entre eux. Et pourtant, malgré sa taille massive, il était toujours remarquablement rapide et agile.
C’était vraiment fascinant, et probablement la raison pour laquelle même Ryuuen, même lui, s’était retenu de le combattre. Ryuuen savait qu’il n’était tout simplement pas un adversaire qui pouvait être battu dans un combat direct au corps à corps.
Mais même ainsi, Sudou n’allait pas se laisser abattre aussi facilement. Après tout, sa force pure était presque inégalée parmi toutes les personnes de notre année scolaire. Cependant, cela signifiait simplement qu’il allait être le punching-ball de Hôsen jusqu’à ce qu’il daigne abandonner. Hôsen procéda donc au déchaînement d’un nombre incroyable de coups de poing vers le bas du ventre de Sudou. Ce dernier ne pouvait pas riposter tant il y avait déjà à faire défensivement chaque fois qu’il essayait de passer à l’offensive, ne serait-ce que légèrement, un autre coup arrivait et transperçait instantanément ses défenses.
Horikita — Aucun de nous n’a rien à gagner à faire des choses comme ça !
Horikita cria, mais Hôsen n’écoutait pas. À ce stade, il allait être impossible d’arrêter Hôsen uniquement avec des mots. Sa voix avait toutefois atteint Sudou, qui avait jeté un coup d’œil dans sa direction pendant une fraction de seconde.
La voix de Horikita, la voix de la fille qu’il devait protéger, avait en quelque sorte allumé une flamme en lui.
Sudou — Graaaah !!!
Résolu à se sacrifier s’il le fallait, il s’élança vers Hôsen et le poussa au loin du mur, essayant tant bien que mal de renverser son adversaire.
Hôsen — Oho. Alors tu veux essayer de m’attaquer avec de la force pure, hein ?
Hôsen absorba l’impact du grand Sudou de plein fouet, ricanant en s’agrippant au corps de Sudou et en le soulevant à nouveau.
Sudou — W-woaah !?
Il fit ensuite une rotation sur lui avant de laisser retomber Sudou et de le repousser avec sa main gauche, échangeant efficacement sa place avec lui.
Hôsen — Être contre le mur, c’était trop pour toi ? Cela devrait être un handicap suffisant, alors sois un homme et viens me voir !
Sudou — Arrête de te foutre de moi !
Sudou rugit, son moteur tournant à plein régime. Il se prépara à charger Hôsen,
pleinement décidé à prendre le dessus, mais avant qu’il ne le fasse─.
Hôsen — Oi Sudou, regarde le visage de Horikita. Elle te lance un regard
féroce, ah ?
En parlant, Hôsen desserra ses poings et pointa Horikita, qui se tenait derrière Sudou. Au moment où leur combat atteignait son apogée, Hôsen avait donc baissé sa garde. Mais Sudou avait soudain réalisé qu’il avait perdu son sang- froid et qu’il s’était laissé entraîner dans une bagarre totale. Inquiet de la colère que Horikita devait avoir contre lui pour avoir rompu sa promesse, il tourna le dos au formidable ennemi qui se tenait devant lui.
Bien sûr, ce n’était pas comme si Horikita était ravie que Sudou se batte de la sorte. Cependant, son expression n’était pas celle de la colère, plutôt celle de l’inquiétude et de la détresse de ne pas savoir ce qu’elle devait faire. Elle ne pouvait que crier vers lui, le suppliant de faire demi-tour. Lorsqu’il s’était rendu compte qu’il avait gaffé, il était déjà trop tard.
Avec un sourire diabolique sur le visage, Hôsen écrasa son poing directement dans la joue de Sudou alors que celui-ci avait le dos tourné. Un coup cinglant qui avait apparemment surgi de nulle part. Bien que Sudou fût plus que capable d’encaisser un coup de poing, il n’avait probablement jamais connu un coup comme celui-ci. S’il avait été un élève ordinaire, donc sans un coup aussi musclé, ce coup de poing aurait pu avoir des conséquences très graves. Il vola en arrière avec une telle force qu’il glissa sur le sol après avoir atterri, incapable de ne serait-ce que tenter d’amortir sa chute.
Sudou — Guh─ !?
Sudou cria d’une voix presque inaudible, manquant de s’évanouir à cause du début de la douleur. Même s’il aurait probablement gagné de toute façon, Hôsen avait délibérément choisi de mettre fin à cette confrontation par un petit coup bas. Il avait voulu blesser Sudou non seulement physiquement mais aussi mentalement. Il ne semblait pas que Sudou ait perdu conscience pour autant, car il se tordait sur le sol dans une pure agonie.
Après avoir été témoin de tout ce que j’avais vu aujourd’hui, je m’étais retrouvé à réévaluer quel genre de personne était vraiment Hôsen Kazuomi.
À quoi pensait-il ? Qu’est-ce qu’il ressentait ? Qu’est-ce qui l’avait poussé à
venir aux négociations d’aujourd’hui en premier lieu ? Horikita avait raison quand elle avait dit qu’il avait l’air de vouloir se joindre à notre classe lors de notre première rencontre. De plus, il avait même admis plus tôt qu’il voyait un intérêt à ceux que les deux classes D travaillent ensemble. Jusqu’à récemment, il utilisait pleinement sa position avantageuse pour faire pression sur nous, et ce n’était pas vraiment une mauvaise approche à adopter.
Cependant, lorsqu’il avait vu à quel point Horikita n’était pas prête à plier, il avait probablement compris que son approche ne fonctionnerait pas. Il avait compris que, si rien ne changeait, Horikita passerait à autre chose. Mais même dans ce cas, au lieu de chercher un compromis, il avait choisi d’augmenter encore plus son agressivité, ce qui fit prendre des proportions énormes à cette affaire ; il avait d’abord déversé de l’eau sur Horikita plus tôt, et maintenant il était allé jusqu’à forcer une confrontation sérieuse avec Sudou.
Comment pouvait-il au juste maintenir une attitude aussi arrogante et violente alors qu’il y avait une suspension et une expulsion en jeu ? Cela faisait longtemps que je me posais cette question. Pensait-il vraiment qu’il pouvait tout décider par la seule violence ? Non, ça ne collait pas… Il n’était sûrement pas aussi stupide. Dans ce cas, qu’est-ce qu’il cherchait ? Qu’est-ce que Hôsen pouvait bien obtenir en forçant un combat comme celui-ci ?
Hôsen — Bon, on dirait que ton fidèle garde du corps est en train de morfler au sol. Qui est le suivant ?
Hôsen commença à s’approcher, alternant son regard entre Horikita et moi. Malgré le fait qu’il venait à peine de se battre contre Sudou, sa respiration ne montrait aucun signe de fatigue.
Horikita — Est-ce que… Tu crois vraiment que nous allons nous soumettre à la violence ?
Sudou — Si ce n’est pas le cas, je vais te frapper, te faire pleurer un peu et te faire écrire quelques accords contraignants. Et si vous dites non, je reviendrai et je vous poursuivrai jusqu’à ce que vous soyez morts sur le sol.
Peu importe à quel point le Conseil des élèves avait décidé d’être complaisant vis-à-vis des bagarres, il ne pouvait pas tout accepter si ça allait trop loin. De plus, s’il la forçait à signer une sorte d’accord écrit dans ces circonstances, il n’y avait aucune chance que cela tienne sur la durée. Il était possible de faire semblant de lui obéir pour s’en sortir, mais Horikita n’était pas de ce genre- là. Après tout, céder à la façon de faire de Hôsen n’était tout simplement pas une option.
Horikita —…Qu’il en soit ainsi. C’est moi qui t’arrêterai alors.
Horikita prit une position offensive.
Hôsen — Ooh, intéressant. Si tu veux mordre la poussière, je serai ravi de rendre service !
Hôsen ne s’attendait probablement pas à ce que Horikita ait la moindre expérience de combat ou d’arts martiaux. Mais il n’était pas non plus un adversaire sur qui le simple effet de surprise pouvait marcher, et ça Horikita ne semblait pas l’avoir compris. Tout à coup, sans crier gare, Hôsen tenta de la charger avec son bras. Horikita glissa agilement hors de portée, avant de donner un coup précis à la mâchoire. Elle avait tout misé sur cette action.
Horikita — Oh ?
Cependant, avant que la frappe ne puisse le toucher, Hôsen s’empara de son poignet délicat.
Hôsen — On se calme salope ! C’était bien tenté franchement. Mais…
Hôsen leva son autre main très haut dans les airs et la chargea, donnant une violente claque à Horikita en plein visage. Horikita fit ce qu’elle pouvait pour esquiver ou se protéger, mais face à la vitesse et à la puissance de Hôsen, il n’y avait tout simplement rien qu’elle puisse faire à part encaisser un coup direct. Son corps vacilla comme si elle avait été frappée par un poing. Elle dégringola ainsi sur le sol, amortissant tout de même sa propre chute.
Sudou — S-Suzune !
Sudou cria en faisant de son mieux pour se remettre sur pieds, les dents serrées par la douleur. Mais ses jambes ne bougeaient pas comme il le voulait, alors il ne pouvait pas se relever correctement.
Hôsen — Yo Horikita. Passons un putain de marché.
Horikita leva les yeux vers Hôsen depuis l’endroit où elle se trouvait au sol, alors qu’il était près d’elle, exprimant ses exigences.
Hôsen — Cinq millions de points. Autant, et tous tes problèmes disparaîtront. Qu’en dis-tu ?
Le prix avait encore grimpé en flèche. Si haut, en fait, que nous ne pouvions pas nous permettre de le payer même si nous le voulions.
Horikita — Espèce de malade ?! Ayanokôji-kun… Appelle quelqu’un, appelle les professeurs…
L’intervention des adultes était probablement le seul moyen qui restait pour contenir la situation à ce stade. Si du monde accourait, même Hôsen n’aurait d’autre choix que de retenir son poing.
Hôsen — C’est donc à cela que tu es réduite… ? Eh bien, je suppose que c’est logique. Mais tu es sûre de vouloir me dénoncer ? Même si aucun d’entre vous n’a fait de conneries, qu’est-ce que vous comptez faire, bande d’enfoirés, du fait que vous avez aussi essayé de rendre les coups
? Tu veux vraiment être suspendue en même temps que moi ?
Même en plaidant la légitime défense, nous allions forcément avoir des problèmes également. Cela dit, il était sûrement quand même bien mieux de faire intervenir une tierce personne que de laisser les choses pourrir.
Sudou — Fils de chien !!!
Hôsen — Reste à terre, l’attardé !
Remis sur ses pieds, Sudou se jeta sur Hôsen une fois de plus, mais il fut impitoyablement renvoyé au sol à coups de pied.
Après quoi, il ne restait donc plus que moi.
Hôsen — Combien de temps tu comptes nous regarder comme ça, enculé ?
Horikita — F-fuis… Ayanokôji… Kun…
Hôsen — S’enfuir ? N’y pense même pas. Tu te mets en boule ici, et je veillerai à ce que ces deux paillassons souffrent un peu moins…
Même maintenant, je continuais à réfléchir. Qu’est-ce que Hôsen voulait exactement dans tout ça ? Essayait-il vraiment de nous forcer à satisfaire des demandes qui n’avaient aucune chance d’être acceptées ? Non, c’était tout simplement beaucoup trop irréaliste.
Hôsen — Horikita. Je vais te donner une dernière chance. Horikita — …Dernière ?
Hôsen — Si tu te soumets à moi ici, maintenant, et que tu déballes les points, je laisserai Ayanokôji vivre.
Sur ce, Hôsen enfonça sa main dans sa poche et en a sorti quelque chose. Il faisait si sombre… Alors il était difficile de savoir ce que c’était exactement, au début. Mais un éclat argenté scintilla au clair de lune, laissant entrevoir quelque chose de pointu.
Horikita — Qu’est-ce que tu es, ce… !?
Hôsen — T’es bigleuse ? C’est un couteau, tout simplement !
D’après la façon dont la lame étincelait, ce n’était pas un couteau ordinaire.
Sudou — Si tu fais encore la maligne, je poignarde Ayanokôji avec ça.
Horikita — Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures !
Hôsen — J’ai l’air de plaisanter depuis t’aleur ? Je poignarderai avec plaisir ce clown si ça me permet de mettre la main sur les points.
Maniant le couteau dans sa main droite, Hôsen me fit face.
Hôsen — Pourtant, même après tout ça, je n’arrive toujours pas à m’y retrouver. Qu’est-ce qui rend quelqu’un comme toi si spécial, putain ?
Son regard verrouillé sur le mien, Hôsen s’exprima, sa voix empreinte d’exaspération.
Hôsen — Peut-être que je n’avais même pas besoin d’y aller et de faire toute cette merde risquée en premier lieu !
De la façon dont il parlait, il semblait que la chaîne d’événements ridicules qu’il avait orchestrée jusqu’à présent avait été faite parce qu’il se méfiait de quelque chose. Il s’attendait à quelque chose.
Il se rapprocha de moi, un pas après l’autre. Cependant, Nanase, sa camarade de classe, s’interposa entre nous deux, le stoppant net dans son élan.
Nanase — S’il te plaît, ne va pas plus loin ! Je ne peux pas approuver tes méthodes après tout… Je ne peux pas !
Elle écarta les bras pour tenter de lui barrer la route.
Hôsen — Dégage, Nanase. T’es juste là pour les empêcher de se barrer, connais ta place.
Nanase — J’ai pris la décision de te prêter ma force en me disant que c’était pour le bien de la classe. Peu importe à quel point ta stratégie était déplorable, je pensais être prête à l’accepter. Mais je vois main- tenant que c’était une erreur.
Les pieds fermement plantés entre Hôsen et moi, elle regarda Horikita.
Nanase — Horikita-senpai, travailler ensemble avec Hôsen-kun était impossible depuis le tout début. Tu as eu cette idée en tête après l’avoir entendu mentionner la 1ère D devant ta classe l’autre jour… Mais ce n’était qu’un stratagème pour vous attirer ici. Payer les frais scandaleux qu’il te demande ne te sera d’aucun secours.
Naturellement, la détresse de Horikita s’était encore accrue en entendant Nanase faire une révélation aussi choquante. Peu importe à quel point elle essayait de négocier, Hôsen n’avait en fait jamais eu l’intention d’accepter. Et elle n’y était pour rien… Aucun d’entre nous n’aurait pu prédire que les choses tourneraient ainsi.
Tout bien considéré, cette série d’événements incompréhensibles s’expliquait probablement par un déséquilibre d’informations. Hôsen et Nanase avaient reçu des informations que nous n’avions pas. En partant de ce principe, nous n’avions aucune chance d’aboutir à des négociations saines.
Hôsen — Tout ton blabla me vénère. C’est toi qui m’as demandé de m’occuper de cette merde pour commencer. Notre classe va rafler des tas de point si nous éliminons ce type, Ayanokôji. Pense juste à tout ce qu’on va en tirer !
Nanase — C’est vrai. Cependant, je n’arrive pas à comprendre la raison pour laquelle nous devons le cibler comme ça.
Hôsen — Mais ça c’est pas mon problème. Va te faire mettre si tu veux
me barrer la route !!!
Hôsen balaya Nanase d’un revers de main, tout comme il l’avait fait avec Horikita plus tôt.
Alors que je me tenais seul, regardant cette scène se dérouler devant moi, j’arrivai à une seule et unique conclusion. Et avec elle, le puzzle se rassembla.
Hôsen — Prépare-toi, Ayanokôji !
Il s’approcha de moi, une arme mortelle à la main. Naturellement, toutes les personnes présentes s’attendaient pleinement à ce qu’il essaie de me poignarder avec. En riant, il leva le couteau comme s’il allait porter une attaque.
Je pouvais sentir mon esprit commencer à s’éclaircir alors que j’étais en mode défense.
Horikita — Ayanokôji-kun─ !
Alors que la plupart des gens auraient essayé de s’échapper, j’avais fait le choix de me précipiter vers lui. Tous les spectateurs avaient dû me prendre pour un taré. Après tout, foncer la tête la première sur un adversaire avec un couteau n’était pas vraiment une marque de bon sens. Surtout quand ledit adversaire était quelqu’un d’aussi formidable que Hôsen. Ce dernier semblait pleinement satisfait de mon pas. Il pensait probablement que j’étais stupide.
Mais je n’essayais pas du tout d’éviter de me faire poignarder, en réalité. Alors que je me rapprochais, Hôsen leva la lame vers le haut. La cible de ce couteau, ce que sa lame cherchait… Ce n’était pas mon corps.
C’était le sien.
J’utilisai ma main gauche pour empêcher la lame d’atteindre la cible souhaitée. Je n’essayais pas d’attraper la main de Hôsen ou de l’éviter, mais de laisser la lame transpercer ma paume.
Hôsen — Q-Quoi !?
Ce n’était clairement pas ce que Hôsen avait prévu. Il aurait été impossible qu’il le prévoie en fait. Après tout, qui aurait pensé que quelqu’un se laisserait délibérément poignarder ? Le bras qui tenait la lame se figea et, avec lui, le sourire de Hôsen disparut.
Hôsen — Tu… Ayanokôji !
Il était confus. Toute personne saine d’esprit l’aurait été après avoir vu ce que je m’étais fait. Dans la plupart des cas, mes actions ici auraient été considérées comme dangereuses, voire autodestructrices. Du sang frais et brillant commençait à jaillir de la blessure sur ma paume.
Moi — Ce couteau, ou pour être plus précis, ce petit couteau, c’est celui que j’ai acheté, n’est-ce pas ?
Hôsen — Mais qu’est-ce que tu racontes… ?
Moi — Tu allais te poignarder à la cuisse avec mon propre couteau. Après ça, tu aurais fait un scandale à l’école au sujet de ta blessure en utilisant ça comme preuve pour me faire expulser. C’était ton plan, hein ?
D’après la façon dont il tenait le couteau dans sa main, il était évident qu’il n’était pas destiné à poignarder un adversaire. Il avait orienté la lame vers le haut pour faire croire que quelqu’un d’autre l’avait poignardé. De plus, il le tenait à l’envers afin d’enfoncer la lame dans sa jambe plus efficacement.
Hôsen — Ha ! Alors même que tu as tout compris, tu es quand même venu te faire poignarder ? T’es con ou quoi ?
Hôsen avait l’air un peu secoué en laissant échapper un rire sec.
Moi — C’était le meilleur moyen de te faire taire. De plus, je ne pense
pas que nous soyons si différents. Après tout, tu es également venu ici dans le but de subir une blessure majeure toi aussi.
Même en se disant que c’était la meilleure façon d’agir, personne n’aurait été aussi fou pour aller jusqu’à s’automutiler. C’était la raison principale pour laquelle il aurait pu se poignarder lui-même et me faire porter le chapeau.
Moi — Il semblerait qu’il y ait une sorte d’examen bonus qui n’aurait été donné qu’à un nombre limité d’entre vous, les 2nde. Et d’après ta conversation avec Nanase, il semble que la mission de cet examen soit de me faire expulser. À cette fin, tu as donc commencé à échafauder un plan. D’abord nous attirer ici et nous forcer à nous battre. Puis, après avoir un peu giflé Sudou et Horikita, tu m’aurais accusé d’avoir sorti un couteau que je portais sur moi en cas d’urgence et de vous avoir poignardés avec dans un accès de rage. Tel était le récit absurde que tu as essayé de construire pour me faire partir.
Même si le Conseil élèves se montrait plus tolérant, brandir un couteau lors d’une bagarre n’aurait pas pu être considéré comme acceptable. Cela aurait pu justifier pleinement une expulsion, voire même des poursuites judiciaires.
Hôsen — J’avais entendu dire que tu étais un sacré numéro, mais tu me semblais plutôt dégonflé, alors je ne pensais pas vraiment à toi. Penser que tu viendrais et que tu te laisserais poignarder… Comment t’as su que le couteau était le tien ?
Moi — J’ai fait quelques recherches de mon côté. Jusqu’hier, j’étais encore le seul à avoir acheté ce modèle de couteau petty. C’est donc tout naturellement que j’ai rassemblé les pièces du puzzle en te voyant sortir exactement le même.
J’aurais pu facilement me glisser devant le couteau et m’emparer du bras de Hôsen. Mais faire cela n’aurait pas résolu le problème fondamental qui se posait ici. Tout ce qu’il aurait eu à faire aurait été de s’éloigner et de recommencer son plan. Pour l’empêcher de faire ça, je n’avais pas d’autre choix que de me poignarder moi-même.
Hôsen essaya de lâcher le couteau, mais j’utilisai ma propre main pour bloquer son poing en place.
Hôsen —…Bon sang… ? Qui es-tu… ?
Ayant été témoin de ma force de première main, le sang-froid que Hôsen avait conservé jusqu’à présent était de l’histoire ancienne.
Moi — Et maintenant ? Même si je suis le propriétaire du couteau, c’est toi qui m’a poignardé avec. De plus, une enquête révélera que tu as déjà essayé d’acheter le même modèle de couteau auparavant. Si tu ne trouves pas le moyen de t’en sortir par la parole, tu seras expulsé, Hôsen.
Si mes empreintes digitales étaient sur le manche du couteau, celles d’Hôsen l’étaient aussi. Et le fait que le couteau soit maintenant percé dans ma paume n’était pas quelque chose qui pouvait être expliqué très facilement. Sa propre stratégie avait fini par se retourner contre lui.
Hôsen — Alors tu as prévu aussi loin à l’avance… ?
Après m’avoir lancé un regard noir pendant un moment, Hôsen relâcha sa prise et prit ses distances, laissant le couteau transpercer ma paume. Et avec ça, il perdit totalement le contrôle.
Pendant ce temps, Horikita et Sudou s’étaient lentement remis sur leurs pieds et récupéraient maintenant leurs forces.
Horikita — T-tout va bien, Ayanokôji-kun ? Sudou — Ayanokôji…
Moi — Ne vous inquiétez pas pour moi.
Il était tout à fait logique qu’ils s’inquiètent, en fait. Mais disons que ce n’était pas tout à fait le moment. Le plus important maintenant était de s’assurer que Hôsen n’ait pas une autre ouverture.
Hôsen — Jusqu’où vous êtes au courant, bande de fils de putes ? Attends, Nanase… Tu leur as quand même pas tout déballé, non ?
Nanase — Je ne leur ai rien dit du tout.
Moi — J’ai d’abord eu l’impression que quelque chose ne tournait pas rond quand Amasawa et moi sommes allés faire des courses ensemble au centre commercial Keyaki.
Surprise de m’entendre lâcher le nom d’Amasawa, Horikita prit la parole elle- même.
Horikita — Amasawa-san ? Tu veux dire qu’elle est mêlée à tout ça… ?
Moi — Oui. Selon le vendeur du magasin, au moment où Hôsen allait finir de payer le couteau, elle l’avait empêché d’aller jusqu’au bout de l’achat.
Après avoir répondu à Horikita, je me retournai vers Hôsen.
Moi — C’est toi qui as imaginé cette stratégie ridicule, mais c’est Amasawa qui a contribué à en élaborer les détails. Après tout, si tu te poignardais avec ton propre couteau, cela t’aurait naturellement attiré des problèmes une fois que l’école aurait enquêté sur ce qui s’est passé. Cependant, me faire acheter le couteau à la place changeait tout…
La raison pour laquelle Amasawa et Hôsen avaient choisi d’utiliser ce couteau Petty coûteux était qu’il était le seul à être fourni avec un fourreau, ce qui en faisait l’option la plus pratique disponible. Bien sûr, bien qu’il y ait une variété d’autres façons de dissimuler une lame nue, il aurait été plus rapide et plus facile d’en acheter simplement un avec un fourreau étant donné le confort que cela offrait.
Lorsque je faisais du shopping avec Amasawa, elle avait repéré et choisi ce couteau, celui-ci et pas un autre, sans même y réfléchir alors que c’était censé être la première fois qu’elle venait dans ce magasin. Et ce n’est que la première
chose qui m’avait marquée. Vendredi, elle s’était présentée dans ma chambre
en disant qu’elle avait perdu sa broche à cheveux, mais cela n’était qu’une excuse pour récupérer le couteau. Il était naturel de supposer qu’elle avait volontairement laissé sa broche, voire qu’elle avait menti de A à Z. Et elle avait exprès attendu le dernier moment afin que je n’aie pas le temps de me rendre compte de l’absence du couteau. Après cela, il lui suffisait de sortir le couteau de ma chambre sans y laisser d’empreintes digitales et de le remettre à Hôsen.
Si elle n’avait pas réussi à mettre la main sur le couteau, alors ils auraient probablement reporté le plan.
Hôsen — Tss, j’aurais jamais dû faire confiance à cette tchoin !
Moi — Non, c’est grâce à Amasawa que ce plan a pris forme. Sans son aide ça n’aurait clairement ressemblé à rien.
Hôsen — Peu importe. Il me semble que tu as le dessus maintenant. N’est-ce pas, Senpai ? Alors quoi, maintenant ?
En plus de tout ce qui s’était passé, le sang de ma main avait taché les vêtements de Hôsen. Il n’y avait aucun moyen pour lui de s’en sortir maintenant. Même s’il reprenait le couteau et se poignardait lui-même dans la cuisse, il n’était tout simplement plus possible pour lui de fuir. Bien sûr, même s’il essayait de faire ça, j’aurais utilisé ma force pour l’arrêter.
Hôsen lui-même l’avait sûrement compris. Mais ce qui était important, c’était la suite.
Moi — Horikita, Sudou et moi pouvons tous promettre de ne rien dire de ce qui s’est passé ce soir. Qu’est-ce que tu en dis ?
Hôsen — Qu’est-ce que tu dis ? Tu vas vraiment laisser passer ta chance de me faire virer d’ici ?
Moi — En échange de ne pas le faire, j’ai deux conditions.
Hôsen — Deux ?
Il connaissait probablement la première sans même que j’aie à la dire.
Moi — Premièrement, établir cette fameuse relation égale et coopérative entre nos deux classes.
Hôsen — Bah, c’est pas comme si j’avais trop le choix maintenant… Et la deuxième ?
Moi — Je veux que tu fasses équipe avec moi pour cet examen spécial.
Dès que j’avais vu Hôsen, je m’étais tout de suite dit que ça aurait été un partenaire idéal. Bien qu’il y ait plusieurs raisons à cela, la plus importante était qu’il n’avait pas peur d’attirer l’attention. Si j’étais à la place de Tsukishiro, j’aurais probablement demandé à mon exécuteur d’éviter de se faire remarquer autant que possible. J’avais envisagé l’option de lui tendre la main en privé pour discuter de l’idée de travailler ensemble si la discussion de Horikita finissait par tomber à l’eau. Donc, en ce sens, cette série d’événements s’était avérée assez pratique pour moi.
Hôsen —…Tu es sérieux ?
Moi — Tu viens seulement de t’inscrire ici, alors je suis sûr qu’il y a plein de choses que tu n’as pas encore eues l’occasion de faire. Si tu es expulsé maintenant, tout sera terminé avant que tu ne puisses profiter. Je ne sais pas comment les choses se passaient lorsque tu étais au collège, mais les rumeurs disant que tu es un égal de Ryuuen finiront par rester telles quelles. Et c’est tout ce dont on se souviendra de toi. En tout cas, de ce que j’ai vu de Ryuuen depuis un an qu’il est ici, tu ne lui arrive pas à la cheville dans ton état actuel.
Hôsen — Espèce d’enfoiré… !
De toute évidence, le jeune homme connu sous le nom de Hôsen Kazuomi avait un sentiment de fierté inébranlable.
Cela venait d’une croyance égoïste et habituelle qu’il était l’une des personnes les plus fortes du coin. Même s’il était probablement un cran au-dessus de Ryuuen en termes de force physique, le fait que j’avais dit que Ryuuen était meilleur était inacceptable pour lui. Mais surtout, il n’y avait aucune chance qu’il parvienne à tolérer le fait que j’avais été plus malin que lui.
Il avait une note d’aptitude académique B+, alors s’il se retenait et ratait l’examen, il allait définitivement se faire renvoyer. Et je ne pensais pas qu’il était prêt à se sacrifier. Même si Hôsen était pour moi innocent, le fait est qu’il n’y avait vraiment aucun moyen pour moi d’être sûr à 100 % qu’il ne venait pas de la White Room. À cet égard, peu importe à quel point j’avais essayé, je n’étais pas capable de totalement le laver de tout soupçon. Cependant, après ce qui s’était passé ce soir, les choses étaient différentes.
Même si Hôsen se retenait de passer l’examen, le fait que j’avais été poignardé restait. Tant que je faisais péniblement comprendre que quelque chose d’inhabituel s’était passé en coulisses, même Tsukishiro ne pouvait pas forcer mon expulsion en claquant des doigts, et l’école enquêterait et finirait par comprendre le petit jeu d’Hôsen.
Quels que soient les tours que Tsukishiro pouvait essayer de jouer, j’allais rester ferme comme un roc jusqu’à ce que l’expulsion ne soit plus sur la table.
Hôsen — Putain de bonne came là, Ayanokôji-senpai ! Tu es le premier adversaire qui fait bouillir mon sang comme ça. Te vaincre ne sera plus suffisant pour moi. Je vais plutôt te battre à mort, alors j’espère que tu as hâte d’y être.
Les faibles traces de tremblements qu’il avait montrées plus tôt appartenaient au passé. À présent, Hôsen s’était déjà concentré sur la préparation de son prochain combat.
Nanase — Je vais rester ici. Il y a quelque chose que je pense devoir expliquer à Ayanokôji-senpai.
Hôsen — Hein ? Qu’est-ce que tu vas leur dire, Nanase ?
Nanase — Quelque chose que je considère dans l’intérêt de la 2ndeD dans son ensemble. Ayanokôji-senpai et Horikita-senpai sont déjà très méfiants à notre égard. Cela étant, ne serait-il pas préférable qu’ils restent également vigilants vis-à-vis des autres classes ?
Hôsen — Comme tu veux.
Bien que cela paraisse peu clair, Hôsen accepta la proposition de Nanase. Au final, Hôsen fut la première personne à partir et à rentrer au dortoir.
3
Il ne restait plus que nous trois et Nanase.
Même s’il y avait BEAUCOUP de choses à dire sur ce qui s’était passé ce soir, une question primait sur tout le reste. Et c’était de calmer Horikita, qui avait littéralement perdu son sang-froid en voyant le couteau transpercer ma main gauche.
Horikita — Qu-qu’est-ce que nous devrions faire… ? Devrions-nous, uhm, t-tirer le couteau ?
Horikita, habituellement calme, n’avait probablement jamais été dans une situation comme celle-ci.
Moi — Non. Je sais que ce n’est pas vraiment agréable à regarder, mais il vaut mieux laisser le couteau où il est pour le moment.
Si le couteau n’était pas retiré correctement, je risquais l’hémorragie.
Moi — Plus important encore, est-ce que vous allez bien tous les deux ? Horikita — Comparée à toi, je suis pratiquement indemne…
Sudou — Oui… Je vais bien aussi.
Sudou s’approcha pour mieux voir et grimaça en voyant l’état grotesque de ma main.
Sudou — Mec, comment peux-tu rester si calme avec ta main dans cet état ?
Moi — Hmm, je ne sais pas.
Je faisais juste les choses comme je les faisais habituellement, pour moi c’était
un peu un non-évènement.
Sudou — Mais, mec… Je ne savais pas que t’étais si fort…
Moi — J’ai juste essayé ce que je pouvais pour bloquer le couteau. Sudou —…Ce n’est pas ce à quoi ça ressemblait pour moi.
Il exprima son impression honnête sur ma confrontation avec Hôsen. Sudou avait bravé un bon nombre de combats en son temps, alors il ne semblait pas que j’allais être capable de le tromper, ni Horikita d’ailleurs.
De ma main droite, je sortis mon téléphone portable et appelai Chabashira.
Moi — Il m’est arrivé une mésaventure assez dingue, et j’aurais besoin d’un peu d’aide. Pourriez-vous rapidement venir me retrouver derrière les dortoirs des 2nde ? Seule, bien sûr. Et apportez une serviette de bain, s’il vous plaît.
Bien que Chabashira ait semblé surprise par mon appel à cette heure, elle avait réussi à sentir l’urgence de la situation et promit de venir immédiate- ment. En attendant, il était préférable que nous restions sur place et que nous attendions qu’elle arrive. Il aurait été dangereux que d’autres élèves voient l’état de ma main pendant que nous changions d’endroit.
En tout cas… même après avoir vu les séquelles de près, Nanase n’avait pas l’air perturbée le moins du monde. Il y avait un couteau percé dans ma paume et du sang éparpillé partout, mais pour elle tout allait bien !
Horikita — Pourrais-tu d’urgence nous fournir une explication sur ce qui vient de se produire, Nanase ?
Nanase — Si je ne le fais pas, il semble que la 2ndeD sera placée dans une position assez difficile, alors très bien.
Horikita — Tu savais que les négociations allaient se dérouler de cette
façon… N’est-ce pas ?
Nanase — C’est exact. Le plan était de demander à Hôsen-kun de se poignarder dans la cuisse pour faire expulser Ayanokôji-senpai.
Elle parla sans réserve, expliquant leur plan sur le même ton poli que d’habitude.
Horikita — Donc la gentillesse et la motivation que tu nous avais exprimées n’étaient que mensonges ?
Nanase — Non, Horikita-senpai. Je voulais vraiment me joindre à toi et établir une relation de soutien entre nos deux classes. C’était réel. Mais… Cibler Ayanokôji-senpai avait été notre priorité absolue, c’est tout.
La raison pour laquelle Hôsen et Nanase avaient fait une telle fixation sur la 1èreD était simplement parce que j’en faisais partie.
Horikita — Pourquoi était-ce ton objectif ? Et je te conseille de parler car je ne me souviens pas t’avoir pardonnée, moi. Ayanokôji-kun a décidé de garder ça secret mais ça n’engage que lui. En fonction de ton explication, je pourrais finir par rapporter cela directement à l’école.
Horikita pressa Nanase pour obtenir des réponses, incapable de comprendre pourquoi je me faisais cibler.
Nanase — Même si je reconnais qu’il y avait un problème avec notre méthode, l’école approuve en fait l’idée de faire expulser Ayanokôji- senpai. Seuls quelques rares élèves de 2nde le savent actuellement, mais il est possible de recevoir un nombre énorme de points privés juste pour forcer son expulsion.
La raison pour laquelle Hôsen s’en était pris à moi avait enfin été révélée.
Nanase — On nous a dit que l’élève qui parviendrait à expulser Ayanokôji
Kiyotaka recevrait une somme globale de 20 millions de points pri- vés. C’est l’examen spécial qui nous a été donné.
Horikita — Je ne comprends pas ce que tu dis. Cela n’a aucun sens. Qui diable pourrait concevoir un examen spécial aussi ridicule qu’in- juste ?
Nanase retint sa langue, ne voulant pas répondre à la question de Horikita.
Nanase — Pour l’instant, j’ai dit tout ce que j’avais à dire. Avec ça, tu devrais réaliser à quel point tu dois être prudent vis-à-vis des autres classes de 2nde, n’est-ce pas Ayanokôji-senpai ?
Elle n’était pas entrée très profondément dans le vif du sujet, ne révélant que le strict minimum nécessaire pour transmettre l’essentiel. Inutile de dire que si Hôsen et Nanase étaient au courant de cet « examen spécial », alors Amasawa l’était probablement aussi. En prolongeant cette logique, il était logique que les élèves des classes 1èreB et 1èreC soient également dans le coup.
Horikita — Tu ne t’attends pas à t’en tirer juste avec ça, non ? Le fait est qu’Ayanokôji-kun a reçu une blessure grave─…
Horikita commença à harceler Nanase de questions par égard pour moi, alors je décidai d’intervenir pour l’arrêter.
Moi — C’est bon, Horikita. Une compréhension générale de la situation est plus que suffisante. J’apprécie ton aide, Nanase.
Nanase — Pour le bien de ma classe, de la 2ndeD, j’ai choisi de coopérer avec Hôsen-kun en sachant très bien à quel point ses méthodes étaient vraiment horribles. Parce que, si la prime de 20 millions de points devait tomber entre les mains d’une autre classe, cela entraînerait de graves problèmes pour nous à l’avenir.
20 millions de points, cela représentait un ticket pour la classe A. D’autant que
le poids financier d’une classe est capital, en témoigne l’examen dans lequel nous étions en plein dedans.
Nanase — Cependant, ce n’est pas la seule raison pour laquelle j’ai coopéré avec Hôsen-kun.
Le ton de Nanase était doux et calme, et pourtant il y avait quelque chose dans la façon dont elle me regardait, une lueur vive mais subtile dans ses yeux.
Nanase — Je… pensais tout simplement que tu n’avais pas ta place ici, Ayanokôji-senpai.
C’était la première fois que Nanase me témoignait ouvertement tant de haine. Je ne comprenais même pas pourquoi.
Peu de temps après, Nanase baissa la tête et commença à s’en aller.