Hyouka t3 - cHAPITRE 6

Et ainsi cela s’achève

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Traduction : Raitei
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066 – ♠ 19

— Alors, combien d’exemplaires il nous reste, au final ?

Je retournai silencieusement les cartons posés à même le sol.

Seuls cinq exemplaires de Hyouka en tombèrent. L’effet « Juumonji » avait été incroyable, à plus d’un titre.

— W… wah, dire qu’on est allés aussi loin… !

Satoshi parlait, la voix emplie d’émotion.

— Mais… c’est aussi dommage qu’il en reste aussi peu…

Chitanda se montrait étonnamment combative.

Quant à Ibara :

— … Moi qui pensais que c’était fichu, je réfléchissais déjà à comment me faire pardonner…

Sa voix tremblait.

Nous avions dépassé le seuil de rentabilité. Si l’on prenait en compte les volumes vendus par Irisu à notre place, nous avons même fait un bénéfice. Dommage que le règlement du lycée imposât que tout gain réalisé par les clubs soit reversé à l’établissement. Je suppose que je suis agressif, moi aussi, en un sens.

— Mais… vraiment, on en a vendu plus de cent rien que cet après-midi, non ?

Aussi émue fût-elle, Ibara restait perspicace. Comme il n’y avait plus besoin de le cacher, je me raclai la gorge avant de dire :

— En fait, j’ai demandé à ce que Hyouka soit mis en vente sur le site du lycée Kamiyama. J’ai remis trente exemplaires au Comité d’orga.

— Quoi ?! Quand ça ?!

Les yeux de Chitanda s’écarquillèrent.

— Désolé, je ne voulais pas te prendre au dépourvu. C’est juste que je n’ai pas eu l’occasion de t’en parler.

La première moitié était vraie. La seconde, un mensonge.

— Mais, Oreki, et si le site n’arrivait pas à tous les vendre ?

— Ça ne poserait aucun problème !

Mon complice Satoshi tapota joyeusement l’épaule d’Ibara :

— Puisque les exemplaires ont déjà été achetés par le Comité d’orga c’est leur affaire désormais. Le club de littérature classique n’a plus rien à voir avec eux.

— Oreki-san, quand as-tu conclu un tel accord… ? Je n’ai rien remarqué…

J’avais justement veillé à ce qu’elle ne remarque rien, en réalité.

Avant même de découvrir qu’il s’agissait de Tanabe, j’avais déjà prévu de vendre les exemplaires de Hyouka à « Juumonji ». En fonction de son identité, je comptais ajuster mon approche selon le risque encouru. Pour être précis, j’avais eu recours au chantage, ce que je ne pourrai jamais dire à Chitanda.

Mais puisqu’il s’est avéré que « Juumonji » était Tanabe, et qu’il appartenait au Comité d’organisation, l’affaire a été plus simple : ce fut une transaction honnête, et non une extorsion. Une chance, pour moi comme pour le club. Quand j’y pense, c’est étrange que j’aie joué le rôle du maître chanteur.

En effet… en repensant à ces trois derniers jours, on a vraiment eu de la chance. Non seulement l’existence de la boutique en ligne, mais aussi le fait que le dernier club ciblé par « Juumonji », celui qui commence par [KO], soit justement le nôtre. Recevoir Cendres au Crépuscule de la part de ma sœur, en plus… Sans ce manga, il aurait été impossible de résoudre l’affaire.

D’après Satoshi, les apprentis détectives qui s’étaient lancés sur la piste ont fait chou blanc. Dans leurs conditions, c’était insoluble. Les plus proches du but ? Moi et… Satoshi, si je devais citer un deuxième nom.

Le fait que j’aie identifié Tanabe tenait vraiment du coup de chance. Quant à cette histoire du Paille millionnaire, je n’ai toujours pas compris à quoi elle a servi.

Si quelqu’un veut bien m’éclairer…

Tout bien pesé, c’est peut-être l’application parfaite de mon proverbe favori : « Tout vient à point à qui sait attendre ». Autrement dit, la fortune sourit à qui sait patienter.

En ce qui me concerne, ça semble s’appliquer… Pour Satoshi et Chitanda, je ne sais pas trop.

Alors, que faire des cinq derniers exemplaires ?

— Autant ne pas les laisser là. On n’a qu’à en acheter un chacun.

Nous adoptâmes la suggestion de Satoshi et déposâmes chacun 200 yens dans la boîte à bonbons. Chitanda serra son exemplaire contre sa poitrine, Satoshi glissa le sien dans son sac, et Ibara caressa la couverture du sien.

Il en restait un.

… Je déposai encore 200 yens.

— Hein ? Houtarou ?

— Je vais laisser celui-là dans la chambre de ma sœur.

C’était ma façon de la remercier pour le manga. Je ne sais pas si elle comprendra que c’est un remerciement. Et si elle n’en veut pas, elle pourra toujours s’en servir comme dessous de plat.

Je ramassai le dernier exemplaire.

Nous fixions la boîte en carton désormais vide.

Comme sous l’emprise de l’émotion, Chitanda parla la première :

— Nous avons… tout vendu.

— Tout vendu…

— T-tout vendu…

Tout vendu, hein ?

La montagne brun foncé du désespoir, que nous contemplions au premier jour, avait désormais disparu.

Mais Chitanda poursuivit, comme envoûtée :

— Il ne reste plus que l’affaire Juumoji. Je peux à présent y consacrer toute ma curiosité !

— Ah, à ce propos…

Satoshi sourit et déclara :

— Je crois que Houtarou a compris quelque chose.

— Vraiment ?

Aussitôt, le regard de Chitanda changea, et elle s’approcha de moi.

Hé, t’es pas obligée de te coller comme ça. Tu sais combien de fois tu m’as fait sursauter ?

Même si je ne me mettais pas à paniquer, nous avions encore du temps. Comme pour échapper à ses grands yeux noirs plantés dans les miens, je me laissai tomber contre le dossier de ma chaise.

— Tu sais quoi ? Et si on organisait une fête, pour accompagner ça ? Une fête pour célébrer notre succès ?

— Q-quoi ?! Oreki qui propose quelque chose ?!

Qu’est-ce que c’est que cette réaction ? On dirait que t’as vu le monde s’écrouler.

Satoshi se leva d’un bond :

— J’approuve ! Même le Comité d’organisation fait la fête ! Seule une fête peut apaiser les peines d’une vie éphémère, après tout ! Et demain, c’est dimanche, alors pourquoi pas ?

Ibara, qui avait gardé un air sombre ces trois derniers jours, retrouva enfin le sourire :

— Oui, t’as raison. J’ai presque pas mis les pieds au club, ces derniers temps. J’aimerais bien savoir ce qui s’est passé… Il y a eu des trucs intéressants, non ?

Chitanda détourna le regard et sourit calmement.

Avec un sourire aussi élégant, elle dégageait une vraie grâce. C’est injuste.

— Dans ce cas, on pourrait le faire chez moi. Ce n’est pas très animé, mais vous êtes les bienvenus.

Chez Chitanda, hein ? C’est un peu loin, mais spacieux et tranquille. C’est parfait, en somme.

— Alors c’est décidé. On y va ?

— Oui, le lycée va bientôt fermer.

— Oh ! Et si je faisais des sushis ?

— Chi-Chi-chan, c’est pas un peu trop ?

Comme si c’était prévu, la sonnerie retentit au moment où nous nous levions tous.

C’était la sonnerie qui indiquait aux élèves de rentrer chez eux, celle qui annonçait la fin du Festival Culturel de trois jours. On aurait dit une sonnerie de clôture… ou de victoire.

Je pense que nous avons tous ressenti la même chose.

TOUT VENDU

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