Hyouka t3 - cHAPITRE 3 : partie 3
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Traduction : Raitei
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037 – ♠ 10
J’ouvris mon bento tout en écoutant la diffusion en direct du club de radio.
Quel genre de journée était-ce, vous demandez-vous ? Ce genre de journée où ma sœur décide de me préparer mon déjeuner. Je devrais sincèrement la remercier de me nourrir, mais qu’est-ce que c’est que ce plat à l’allure exotique, fait de haricots de soja épicés et de poulet frit recouvert de yaourt ? Le riz de ce nasi goreng[1] avait des grains bien plus gros que celui que j’ai d’ordinaire. Où est-ce qu’elle est allée le chercher ?
La porte était fermée pendant la pause déjeuner. Ce bento d’inspiration ethnique avait l’air plutôt appétissant. Je décidai donc d’en profiter à mon rythme.
— Salut.
La porte s’ouvrit. Satoshi entra, suivi de Chitanda et Ibara.
— Beau boulot, vous tous, dis-je en pointant le plafond, ou plutôt les haut-parleurs diffusant l’émission de radio.
Un peu plus tôt, ils étaient en pleine interview avec le club de cuisine.
— C’était une compétition de haute volée, non ?
— Tout à fait. C’était très serré. J’ai pensé que le teriyaki de sériole, le plat principal du deuxième membre de Fata Morgana, serait le plus à même de l’emporter. Il en va de même pour ses palourdes vapeur. Comme il s’agit d’un festival lycéen, au lieu du saké, il a utilisé du mirin, mais le goût restait excellent. Mais comme il les avait préparées trop tôt, elles étaient refroidies au moment du jugement. C’est là que le club de littérature classique a renversé la situation. Le giseyaki et les imo-mochi avaient été conservés pour être réchauffés, et on sentait encore la chaleur du bol de kakiage de leur 3e phase. À croire que même les têtes de crevettes pleuraient. Cette chaleur a fait toute la différence.
— Et l’équipe du club d’astronomie ?
— Dans une autre galaxie.
Je reposai mes baguettes.
— Félicitations pour votre victoire.
Mais visiblement, quelque chose s’était passé. Lors de la remise du prix, Ibara n’avait même pas profité de l’occasion pour faire la promotion du club de littérature classique. Et pourtant, Satoshi s’était donné tant de mal pour participer. En tout cas, il semblait plus s’être amusé qu’avoir cherché à promouvoir quoi que ce soit. Malgré les compliments, tous trois restaient étonnamment peu réactifs à la diffusion radio.
— Merci. C’est grâce à toi Oreki-san. D’ailleurs, on a quelque chose à te montrer.
C’est Chitanda qui parla la première.
Mauvais pressentiment…
— E-en tout cas, mangeons.
Je les invitai à s’asseoir, ce qu’ils firent. Ils sortirent leur repas… tous avaient acheté du pain à la cafétéria.
Aucun effort, vraiment.
En ouvrant son pain fourré à la pâte de haricot rouge, Chitanda se retourna sans même croquer dedans.
— On a quelque chose à te montrer.
— Hmm ? Qu’est-ce que c’est ?
— Ceci, dit-elle en me tendant une carte.
On pouvait y lire : LE Club de Cuisine a perdu sa louche. Signé « Juumonji ».
— Hmm.
Je croquai un haricot épicé.
— La louche a été volée ?
— Oui… mais uniquement la nôtre.
Ibara acquiesça. Elle, qui avait réalisé le bol de kakiage, était la plus affectée par le vol. Elle aurait pu faire des boulettes avec la farine que je lui avais fournie… Qui aurait cru qu’elle ferait frire quelque chose ? C’est qu’elle est du genre pointilleux.
— Probablement une blague de quelqu’un avec trop de temps libre.
Je lui rendis la carte, pensant clore la conversation, mais elle ne s’arrêta pas là. Mâchant son pain à la pâte de haricot rouge, Satoshi sourit :
— Ce n’est pas que le club de cuisine. Le club de go aussi a été touché. Et le club d’a cappella, apparemment.
— Et l’association de divination. Tous ont reçu une carte similaire.
Je vois.
— Quelqu’un a décidément beaucoup de temps à perdre.
Je tentai de minimiser, mais Chitanda ne se laissait pas berner. Oubliant son pain, elle serra les poings. Ses grands yeux noirs, qui contrastaient d’ordinaire avec son image douce, s’écarquillèrent. L’atmosphère changea du tout au tout.
C-c’est mauvais. Pourquoi maintenant ?
À peine une demi-journée s’était écoulée. Je comptais bien traverser le festival tranquillement. Et dire que Chitanda s’était retenue jusque-là… Où est-ce que ça avait dérapé ? Une fois lancée, plus rien ne pouvait l’arrêter. Je connaissais bien le moment où Chitanda Eru allait devenir « curieuse », ce poison mortel pour les chats[2].
Elle prononça chaque mot distinctement :
— Qui donc ferait une chose pareille durant le festival ? Pourquoi Juumonji-san agit-il ainsi sous ce nom ? Pourquoi voler ces objets les uns après les autres ?
Elle allait le dire.
— Je suis vraiment très curieuse.
Ça y est. Elle l’a dit.
…Mais non, inutile de paniquer. Depuis que je suis entré au lycée, je n’avais jamais pu freiner sa curiosité. Mais aujourd’hui, j’avais un atout.
Plutôt que de perdre du temps à argumenter, je dégainai mon joker :
— Ce n’est pas le moment. Et nos anthologies, alors ?
Mais à peine avais-je parlé que Satoshi intervint.
— Justement. Même si on gagne en notoriété avec ces événements, ça ne fera pas grimper nos ventes. J’étais prêt à reconnaître que c’était une entreprise vaine. Mais j’ai pensé à quelque chose de mieux.
— De mieux ?
Ses yeux souriaient comme d’habitude, mais cette fois, il semblait sérieux.
— Une série de vols, accompagnée de cartes laissées par le coupable… C’est clairement une affaire de voleur fantôme. Le club de journal mural va sûrement en parler, et peut-être même le club de radio demain. Si on s’engouffre dans cette histoire, même sans vendre tous nos exemplaires, on pourrait facilement en écouler trente ou quarante.
…Je vois. Ce ne serait pas si mal. L’idée est d’actualité.
Satoshi avait déjà réussi à faire un peu de publicité hier avec son micro, alors si ces deux clubs s’y mettaient, on pouvait viser les trente ou quarante exemplaires. Mais…
— Et concrètement, comment on s’y prend ? Le club de littérature classique n’a rien à voir dans l’histoire.
— Ah, mais on a Oreki.
— Tout à fait. Comme dans l’affaire Hyouka ou l’affaire de l’Impératrice, Houtarou a brillé.
Attendez une seconde. Je vois où ça va, mais attendez une seconde.
— Hein ? De quoi vous parlez ?
Chitanda ne suivait pas. Satoshi expliqua avec un sourire en coin :
— En gros : « Pour savoir comment Oreki Houtarou, le fin limier du club de littérature classique, parvient à percer le mystère de Juumonji, le fléau du Festival Culturel, lisez Hyouka, l’anthologie du club de littérature classique ! » On ferait d’une pierre deux coups : capturer Juumonji et faire notre promo.
— J-je vois ! C’est une excellente idée ! Je vais de ce pas…
Argh !
Je claquai mes baguettes sur la table.
— Arrêtez vos bêtises ! Je ne joue pas à ce petit jeu ! criai-je.
On ne manipule pas les gens comme ça.
Mais à ma grande surprise, Satoshi hocha la tête.
— Tu as raison. Je veux améliorer les ventes, mais ce n’est pas une raison pour ridiculiser Houtarou.
Alors tu l’as compris… que je ne serais qu’un clown dans cette mascarade.
— Et puis ce Juumonji vole un peu au hasard. Qu’est-ce que tu voudrais lui dire si tu le chopes ?
— Aucune idée. J’espérais que ce soit toi qui improvises.
Ridicule.
— Pourquoi moi ? Et d’abord, tu sais combien de personnes entrent et sortent du lycée pendant le festival ? Sans parler des mille élèves inscrits.
Le silence. Je repris un haricot épicé. Ibara, déroulant lentement les couches de son rouleau au bacon, soupira :
— L’idée de Fuku-chan n’était pas si mauvaise. Ce serait un peu dur pour Oreki, mais si on parvenait à attraper le voleur fantôme, on pourrait rattacher ça au club.
Une autre couche se déroula.
— …Si seulement le club de littérature classique était visé.
— Ouais.
Je hochai la tête. Si cela arrivait, l’intérêt du public se porterait naturellement vers le club. Et dans ce cas, même sans attraper Juumonji, on y gagnerait.
— On pourrait… le mettre en scène…
— REJETÉ.
Ibara trancha net.
— Trop risqué.
— C’était une blague.
— Quand c’est toi qui le dis, ça ne sonne jamais comme une blague… Mais bon, que faire, alors ?
— Te prends pas trop la tête, ton rouleau va se dérouler.
Malgré la remarque, Ibara ne me lança pas son regard assassin habituel. Elle déroula une autre couche. Elle fronça les sourcils. Elle, qui avait le plus fort sens des responsabilités parmi nous, était aussi celle qui avait le moins contribué au club pendant ce festival. Elle devait en être consciente.
— Est-ce qu’on a une chance d’être ciblés ?
Tenant toujours son pain à la pâte de haricot, Chitanda demanda :
— Satoshi, combien de clubs participent ?
— Cinquante et un. Pas rien, si tu espères en faire partie.
— Ce voleur qui se fait appeler Juumonji-san choisit-il ses cibles au hasard ?
— Tu crois qu’il choisirait le club de littérature classique, s’il tirait vraiment au sort ?
La probabilité serait proche de zéro.
Je repris :
— Quels clubs ont été ciblés, déjà ?
Satoshi répondit aussitôt :
— Le club de go, le club d’a cappella, l’association de divination… et le club de cuisine, je crois.
Nos chances d’être visés seraient donc de quarante-sept sur cinquante et un. Même si c’était vraiment aléatoire, ce serait une probabilité ridiculement basse. Et comme j’étais le seul à tenir le stand, il suffirait que je parte me balader ou que j’aille aux toilettes pour que le terrain soit libre…
…Hmm ? Attendez une minute, il y a quelque chose d’étrange.
Je stoppai Chitanda, qui semblait prête à m’interpeler, et demandai à Satoshi :
— Pardon, tu peux répéter quels clubs ont été visés ?
— Bien sûr : le club de go, le club d’a cappella, l’association de divination, et le club de cuisine.
Hmm… ce serait donc…
— Autrement dit, dis-je prudemment, — le club d’a cappella, le club de go, l’association de divination, et le club de cuisine… Qui d’autre a été touché ?
Satoshi secoua la tête, l’air perdu.
— Aucune idée, j’en ai pas entendu parler.
Ibara, qui nous écoutait, ouvrit le Guide du Festival Kanya dans ses mains. Elle avait probablement compris la même chose que moi. En se servant du classement gojûon[3] au début du livret, elle énuméra les noms de clubs.
— Club de cinéma, club de jardinage, club de théâtre, club de SF…
— Et parmi ces quatre ?
— Cinéma, jardinage…
Satoshi inspira profondément et cria :
— A, B, C !
— Hein ? Hein ? Comment ça ? demanda Chitanda.
Elle seule n’avait pas encore compris. Voyant qu’elle broyait presque son pain à la pâte de haricot, j’expliquai :
— Comme tu l’avais deviné, les cibles n’ont pas été choisies au hasard. Il y a une logique simple derrière tout ça. Si on n’a pas tilté plus tôt, c’est uniquement parce qu’on nous a donné les infos dans le désordre. Si on remet dans l’ordre : club d’a cappella, club de go, association de divination, club de cinéma, club de cuisine…
— Ah !
Chitanda porta la main à sa bouche.
— L’ordre du gojûon !
Pendant ce temps, Satoshi téléphonait à quelqu’un.
— …Ouais, je voulais juste savoir si vous vous êtes fait voler quelque chose… Non, c’est pas moi ! Sérieux ! …Hein ? Un pistolet à eau ? Je vois, merci.
Il raccrocha alors que nous le regardions tous.
— C’était le club de jardinage. Un de leurs pistolets à eau a disparu pendant qu’ils étaient sortis.
— Un pistolet à eau ? Pourquoi le club de jardinage aurait ça ?
Question pertinente d’Ibara. Je répondis sans hésiter :
— Ils faisaient cuire des patates douces. Pour éteindre le feu, ils ont préféré utiliser des pistolets à eau, parce que c’était plus fun.
— O-Oreki ! Comment tu sais ça ?!
Pardon de faire preuve de perception aiguisée.
En fait, c’est grâce au Glock 17 que j’avais reçu plus tôt.
Ibara murmura :
— Attendez. Le club de cuisine s’est fait voler sa louche, non ?
— Minute.
Satoshi, toujours méthodique, sortit un carnet et un stylo de son sac à cordon.
— Chitanda-san, qu’est-ce qu’on a volé à l’association de divination ?
— La carte « Roue de la Fortune ».
— OK.
Il nota :
- Club d’a cappella (アカペラ部 – [A]) : boisson ?
- Club de go (囲碁部 – [son I]) : pierres de go ?
- Association de divination (占い研 – [son U]) : carte « Roue de la Fortune » (運命の輪 – [son U])
- Club de jardinage (園芸部 – [son E]) : pistolet à eau ?
- LE club de cuisine (お料理研 – [O]) : Louche (おたま)
Je vois…
— Hmm… Je n’ai pas vu les cartes laissées par le coupable, mais ça fait un peu tiré par les cheveux, non ?
Satoshi pencha la tête, hésitant.
— Peut-être qu’au club de jardinage, c’était leur AK ([E]-kei) qui a été volé ?
— AK ? C’est quoi ?
— Leur arme, ça avait la forme d’une Kalachnikov.
— Sérieux ? Je vais appeler le club de jardinage pour vérifier.
— Dans ce cas, pour le club de go, ce seraient les pierres (石 –[i]shi) qui comptent.
Là-dessus, personne n’eut à redire.
Quant au club d’a cappella…
— Sûrement du awamori (泡盛 – [son A]) ? ou du saké chaud (atsukan – 熱燗 – [son A]) ?
— Tant qu’on peut confirmer que l’objet commence par un [A], pas besoin de chercher trop loin.
C’était la chance rêvée pour le club de littérature classique. Pas que je renonçais à mon mode de vie économe. Comme toujours : si je peux éviter de faire quelque chose, je le fais. Mais là, ça aurait été trop bête de laisser passer cette occasion. Même moi, je me sentais électrisé par ce coup du sort.
— Mais… Jusqu’où ira ce Juumonji-san ?
Tu poses vraiment la question, Chitanda !?
— Oui, c’est bien le problème.
— Ce ne sera plus un problème s’il s’arrête au club de littérature classique.
…Est-ce que Satoshi et Ibara ne voient pas non plus ?
Je haussai la voix.
— Qu’est-ce que vous racontez ? Comment le coupable se fait-il appeler, déjà ?
— Hein ? Juumonji, non ?
— Je comprends pas pourquoi vous dites « Juumonji », alors qu’on devrait plutôt lire « Juumoji[4] ».
— …Ah ! s’exclama Ibara.
— Bien sûr ! Juumoji (十文字 – dix caractères) ! Comme Chi-chan et Fuku-chan disaient « Juumonji », je n’ai pas fait le lien ! Si c’est Juumonji, alors le son « O » du club de cuisine c’est le cinquième caractère du gojûon !
Exactement.
— La sixième cible aura le caractère KA au début. Ce qui veut dire que la dixième cible commencera par KO… à savoir, le club de littérature classique ([KO]TENBU – 古典部). Nous sommes sa dernière cible.
Exemplaires restants : 148
038 – ♥ 09
Même si je pense que Fukube-san et Mayaka-san sont tous deux des personnes formidables, il y a une chose avec laquelle je ne suis pas d’accord.
Ils se moquent un peu trop d’Oreki-san.
On le traite de mollasson, de fainéant, de dormeur invétéré, de paresseux, de bon à rien, de traînard, de trop paresseux même pour traîner, de lion qui passe ses journées à dormir ou même de « pas même un lion, même s’il passe ses journées à dormir », d’antithèse de la fête du Travail, d’apathique, et d’une foule d’autres sobriquets peu flatteurs.
Quant à moi, si je me retrouve face à quelque chose que je ne comprends pas, je cherche la réponse. Si je remarque quelque chose qui me paraît incongru, je m’y attarde. On me félicite souvent pour ma capacité à répondre à n’importe quel problème, mais je ne crois pas mériter un tel éloge. Car parmi toutes les choses incroyables auxquelles j’ai été confrontée, je n’ai trouvé la réponse que dans la moitié des cas, à peine.
C’est un peu comme si l’on croyait que l’on pouvait faire pousser du riz simplement en préparant la terre, l’eau et les semences : cela ne suffisait pas. Être riziculteur, c’est aussi surveiller la croissance des plants avec soin. Oreki-san, lui, parvenait à découvrir les clefs de questions que je ne comprenais pas, et à trouver des réponses auxquelles je n’aurais jamais pensé. Il nous a énormément aidés durant l’affaire « Hyouka », comme l’a appelée Fukube-san, et il a proposé une théorie remarquable pendant l’affaire de « l’Impératrice ».
Ce n’est pas seulement quelqu’un d’intelligent. Contrairement à ce qu’il prétend souvent, qu’il ne veut pas aider les autres si cela lui coûte trop d’efforts, etc, moi, je crois, que c’est quelqu’un au fond de passionné et de chaleureux.
Mais… Je me rends compte que j’ai trop compté sur cette chaleur-là. Voilà pourquoi je me dis que je ne dois pas m’appuyer sur lui indéfiniment…
Forte de la nouvelle vision et des possibilités que m’avait offertes Oreki-san, je me dirigeai de nouveau vers la salle du club de journal mural. En me fondant sur le schéma dont il avait parlé, il était évident que cela capterait l’attention du club. Reste à savoir si j’arriverais à leur transmettre suffisamment clairement ce message pour qu’ils se mettent en mouvement. Grâce aux conseils d’Irisu-san, je n’étais plus impressionnée par les décorations bariolées du Festival Culturel, les bavardages incessants des élèves ou l’avalanche d’affiches couvrant les murs. Cette fois, je marchais avec la certitude de ne pas échouer.
D’après ce qu’avait dit Fukube-san, l’affaire Juumoji n’avait pas encore retenu l’attention générale. Ce qui voulait dire qu’elle était tout à fait digne d’intérêt pour le club de journal mural. C’était, d’après les conseils d’Irisu-san, le genre de requête pour laquelle je n’avais pas à prévoir de contrepartie.
Je me remémorai ce qu’elle m’avait enseigné, confiante en ma mémoire, l’un des rares domaines où je me sentais à la hauteur. Pour une requête importante : formuler une attente, faire croire que le problème est trivial, et s’adresser à une personne du sexe opposé, à l’écart.
Pourquoi ces méthodes étaient-elles efficaces ? Je ne comprenais pas encore très bien… Il me déplaisait d’utiliser des systèmes que je ne saisissais pas pleinement comme de simples outils, mais je ne pouvais pas me permettre de faire la fine bouche.
M’appuyant sur ces conseils, je répétais mes phrases. Pour éviter toute erreur, je les récitais encore et encore, toute seule. Je parvins devant la salle du club de journal mural, qui n’était autre que la salle de biologie, et toquai à la porte close.
— J’arriiive~ !
Une voix éraillée répondit, et la porte s’ouvrit brusquement.
Il y avait six personnes à l’intérieur, bien plus qu’hier. Mais ce n’était pas le seul changement : Toogaito-san était là, mais les cinq autres étaient tous en communication sur leur téléphone. L’un d’eux, en raccrochant, s’adressa à un autre élève lui aussi en ligne :
— Le club de cuisine. Confirme avec leur président.
Le second dessina un cercle avec les doigts. Un signe d’argent ?… Non, un signe OK. Celui qui venait de raccrocher griffonna quelque chose sur une liste puis quitta la pièce, sans même remarquer ma présence.
C’est alors qu’une voix s’éleva.
— Désolé, Chitanda-san. On est un peu occupés, là.
Avant que je m’en aperçoive, Toogaito-san s’était approché. Un instant, fascinée par la ferveur du club, je repris rapidement mes esprits.
— Essaie de repasser plus tard.
— Oui, désolée de vous déranger…
Non ! Il ne faut pas !
Je m’interrompis net. Nous aussi, nous étions pressés. Si je renonçais aussi facilement, je ne pourrais pas me regarder en face… ni faire face à Oreki-san. Je devais au moins faire passer mon message.
— …Excusez-moi de vous déranger, mais pourriez-vous m’accorder un instant ? J’ai quelque chose à vous dire.
C’était une requête peu raisonnable, mais Toogaito-san, l’air gêné, répondit :
— Bon, vas-y, mais fais vite.
Il semblait avoir accepté ma demande. Je devais le remercier, mais, vu son empressement, je décidai d’omettre cet instant de politesse.
Je m’en souvins alors : Toogaito-san était du sexe opposé. Puisqu’il y avait d’autres membres dans la pièce, je fis quelques pas en arrière, loin de la salle de biologie. Peut-être instinctivement, Toogaito-san me suivit dans le couloir. Sans réfléchir, je refermai la porte. En plein festival, il n’y avait presque personne dans cette partie du bâtiment. Nous étions seuls.
Un des points des conseils d’Irisu-san était rempli. Je ravalai mon trac pour ne pas faillir, et pris la parole :
— Il s’agit du club de littérature classique.
— Comme je l’ai dit, on ne retient que ce qui vaut la peine d’être rapporté.
— Eh bien… je pense que ça l’est.
Maintenant, formuler une attente. Je pense que je devrais dire :
— C’est quelque chose que seul le club de journal mural peut traiter.
— Hmm ?
Toogaito-san, qui semblait vouloir abréger la conversation, changea soudainement d’attitude.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Voilà…
Je pris une inspiration.
— Pendant le festival, plusieurs clubs se sont fait voler divers objets.
Je comptais poursuivre, mais Toogaito-san réagit vivement.
— Juumonji ?!
— Hein ?
Surprise par ce brusque retournement, je restai figée. Que devais-je répondre ? C’était l’un de mes mauvais réflexes : me taire dans les moments critiques. Même Oreki-san me l’avait déjà fait remarquer. Du calme. Il fallait que je comprenne.
Toogaito-san, ou plutôt le club de journal mural, était déjà au courant de l’affaire et elle les intéressait beaucoup. Cela n’était donc plus une faveur désintéressée. C’était une demande qui appellerait une contrepartie.
Mais… cela ne devait pas changer ce que j’avais à dire. Je hochai la tête pour me calmer, et organisai mes idées en mots.
Je racontai tout, du début à la fin.
Toogaito-san parut captivé, et tout à fait ravi.
— Je vois… Le gojûon, hein ? Voilà qui explique tout. Le nom officiel du club de cuisine commence bien par [O]. Et la divination aussi… Je comprends mieux maintenant.
Je fus intriguée.
— Tu as compris quelque chose ?
— Oh.
Toogaito-san prit un air légèrement embarrassé.
— C’est le club de journal mural, après tout.
— Oui.
J’acquiesçai.
Il répéta, sur un ton différent :
— Kabeshinbun-bu (クラブ 壁新聞部)… ça commence par un [KA].
— Oh ! Alors…
— On nous a volé notre cutter (Katta-naifu カッターナイフ). C’est arrivé quand on était tous sortis.
— Et c’est pour ça que vous êtes si occupés ?
Toogaito-san hocha la tête.
— Même si c’est agaçant de s’être fait voler quelque chose, ce genre d’incident imprévu, c’est exactement ce qu’on attend avec impatience. Bien plus passionnant que les sujets habituels. Tu nous as vraiment rendu service. Qui aurait cru que ce Juumoji avait un plan aussi précis ?
Puis, il me lança un compliment :
— Beau travail pour avoir trouvé ça.
— Oh, ce mérite revient surtout à Oreki-san.
Mais dès que je mentionnai son nom, Toogaito-san afficha un drôle de sourire, entre plaisir et contrariété.
— …Ah, bien sûr. Bref, remercie-le de ma part.
— D’accord.
— Merci pour l’info.
Il regagna la salle de biologie, visiblement de bonne humeur.
C’est au moment où il allait refermer la porte que je me souvins des conseils d’Irisu-san : « Si c’est quelqu’un que tu ne reverras pas, dans neuf cas sur dix, il estimera que tu profites de lui. »
Attends ! Tu peux écrire quelque chose sur le club de littérature classique, s’il te plaît ?!
J’aurais dû lui crier cela… mais je n’en eus pas le courage. Je ne voulais pas donner l’impression que je ne lui faisais pas confiance.
…
Je regardai ma main tendue alors que je n’avais pas osé l’utiliser. L’espace d’un instant, je me sentis accablée par un nouvel échec.
Mais…
En y repensant calmement, ce n’était peut-être pas plus mal. Les conseils d’Irisu-san concernaient surtout des inconnus qu’on ne revoit plus. Or, ce n’était pas le cas de Toogaito-san. Si je bâtissais peu à peu une relation de confiance avec lui, alors ce que j’avais fait n’était pas une erreur.
Oui, c’était sûrement ça.
…Et pour un moment encore, je me sentis plus résolue que jamais.
039 – ♣ 13
J’ai découvert l’extraordinaire sens de l’observation de Houtarou lors de l’affaire « Hyouka ». Bien que nous ayons passé tout ce temps ensemble au collège, je n’avais jamais imaginé qu’il fût capable de telles prouesses.
Ayant connaissance des facultés spéciales de Houtarou, je plaçais de grands espoirs en lui pendant l’affaire de « l’Impératrice ». Je ne voyais personne d’autre que lui pour en venir à bout. Le minimum que je pouvais faire, c’était de lui apporter mon soutien. Même s’il avait été actif dans d’autres affaires, ce sont ces deux-là qui me revenaient avant tout à l’esprit.
Cependant, cette fois-ci, je n’attendais rien de Houtarou.
Comme il est chargé de tenir le stand, il ne peut quitter la salle de géologie. Connaissant sa devise, cela devait lui convenir parfaitement de ne pas avoir à se déplacer mais cela signifiait aussi qu’il ne pourrait rien résoudre, car cette affaire requiert beaucoup de déplacements. Autrement dit, Houtarou n’est pas fait pour l’affaire « Juumoji ».
Et que se passe-t-il lorsque je ne peux rien attendre de Houtarou ?
…Il ne me reste plus qu’à mener l’enquête moi-même.
En me fondant sur les déductions d’Oreki et en complétant avec les informations que j’ai pu glaner via différentes relations, j’ai réussi à compiler les données suivantes :
Jour 1
- Vers 11 h 30 — Club d’a cappella ([A]KAPERA BU アカペラ部) : une boisson gazeuse Aquarius ([A]KUARIASU アクエリアス) volée.
- Vers 12 h 30 ? — Club de go ([I]GO BU 囲碁部) : des pierres ([I]SHI 石)(?) volées.
- Un peu après 14 h — Association de divination ([U]RANAI KENKYUU KAI 占い研究会) : la carte de la Roue de la Fortune ([U]NMEI NO WA 運命の輪) volée.
Jour 2
- Vers 9 h — Club de jardinage ([E]NGEI BU 園芸部) : un AK ([E]-KEI エーケイ), un pistolet à eau en forme de AK-47, volé.
- Juste avant 11 h 30 — LE club de cuisine ([O]RYOURI KENKYUU KAI お料理研究会) : une louche ([O]TAMA おたま) volée.
- Et d’après ce que vient de rapporter Chitanda-san en revenant à toute vitesse par le couloir — il est actuellement 13 h 58 —, le club du journal mural ([KA]BESHINBUN BU 壁新聞部) s’est fait dérober un cutter ([KA]TTA-NAIFU カッターナイフ). Le vol a donc probablement eu lieu un peu plus tôt.
Globalement, il semblerait que « Juumoji » frappe toutes les une heure et demie à deux heures et demie. Le festival se tenant de 8 h à 17 h, cela paraît logique.
Comme le Festival Culturel du lycée Kamiyama s’étale sur trois jours, s’il vise dix clubs, il pourrait en cibler trois le premier jour, trois le second, et quatre le dernier. Mais comme les préparatifs de démontage commencent dès 15 h le dernier jour, il se pourrait qu’il préfère en voler quatre aujourd’hui.
J’ai sorti mon exemplaire du Guide du Festival Kanya pour rechercher les clubs dont le nom commence par [KI]… Hé, on dirait que notre voleur fantôme est prisonnier des règles absurdes qu’il s’est lui-même imposées : le seul club commençant par [KI], c’est le club de magie ([KI]JUTSU BU 奇術部).
Arrivé au club de magie, je vis une affiche : « La prochaine représentation commencera à 14 h ».
Parfait. S’il compte commettre son forfait, ce sera juste sous les yeux du public. Et même s’il parvient à voler un objet commençant par [KI], il devrait bien rester quelques indices.
En restant vigilant, j’avais une chance de l’emporter. Le point faible de Juumoji, c’est que son mode opératoire est trop facile à deviner. Le seul inconvénient à l’attraper maintenant, c’est qu’il serait stoppé avant d’atteindre la lettre [KO], ce qui desservirait notre stratégie pour faire connaître le club de littérature classique.
Mais même si on l’attrape, il y a peut-être encore moyen d’en tirer quelque chose. Je ne suis pas comme Oreki. Je ne sais ni dénouer les nœuds d’une corde, ni les trancher d’un coup sec. Si j’en étais capable, moi-même j’en serais stupéfait.
Mais au moins, je peux me déplacer, marcher sur mes deux jambes et observer de mes deux yeux. Avec cela seul, je dois pouvoir parvenir à quelque chose.
La représentation publique du club de magie se tenait dans la salle de classe de la classe 2-D. Comme toute salle ordinaire, elle disposait de deux entrées. La porte de devant fut dissimulée par un rideau, avec un carton posé devant où l’on pouvait lire : « Loge du club de magie. Entrée interdite. » Les visiteurs devaient donc passer par la porte arrière. À côté de celle-ci, une table supportait une boîte blanche. En y regardant de plus près, il s’agit des livrets de programme du spectacle.
Comme je n’avais rien de mieux à faire en attendant le début du spectacle dans trente minutes, j’en avais acheté un.
Programme
- Introduction
- Living Dead — Takamura Youichi (seconde)
- The Rainbow Ring — Nagai Kaori (seconde)
- Vanishing Act — Tayama Kazuya (première)
- Close-up Card Magic — Takamura Youichi et Nagai Kaori (seconde)
- Bowls and Balls — Tayama Kazuya (première)
- Conclusion
Je vois.
La première chose que j’en ai déduite, c’est que le club de magie ne comptaitque trois membres. Le club de littérature classique en a quatre, le club d’artisanat cinq.
Hé, on est plus nombreux qu’eux.
« Living Dead » doit désigner le tour de la « Boule Zombie ». Puisqu’on parle de magie, évidemment. « Rainbow Ring » renvoie sans doute à l’illusion des anneaux qui se séparent et s’emboîtent. « Vanishing Act » doit être un tour de disparition suivi d’une substitution. « Close-up Card Magic » est un classique, un numéro à deux. Ça pourrait valoir le coup d’œil. Et « Bowls and Balls » doit être une variante des gobelets avec des bols, où l’on fait croire que la balle se trouve sous un bol alors qu’elle a changé de place.
Rien ne sautait aux yeux ici qui commencerait par [KI]. Il y a bien les rois (キング King) dans un jeu de cartes. S’ils utilisent des pièces, alors kinka (金貨), des pièces d’or. Si on accepte les sons diacrités, alors ça donne ginka (銀貨), les pièces d’argent… Mais non, techniquement, c’est impossible. (La pièce de 1 yen est en aluminium, celle de 5 en laiton, 10 en bronze, les autres en nickel. Quant à celle de 500 yen, c’est un alliage de laiton et de nickel, non ?)
Je songeai à jeter un œil à l’intérieur, et posai la main sur la poignée de la porte. Mieux valait m’abstenir. Même si cela pourrait m’aider à coincer le voleur fantôme Juumoji, ce serait indélicat de ma part de fouiner dans les coulisses du club de magie. Et puis, en restant planté ici, je verrai bien si quelqu’un entre ou sort.
Je relisais mes notes, tout en savourant cette tournure imprévue des événements. Chercher la vérité à mon rythme me plaisait, mais j’avoue prendre plaisir à ces imprévus. Cela dit, de mon expérience, je savais que mes capacités de déduction ne surpassaient pas celles des autres. En vérité, je n’ai pas assez de sang-froid pour les situations d’urgence. Mais cette fois, j’avais réuni assez d’informations en amont pour pouvoir m’en sortir.
Je tuais le temps sur ces pensées quand…
— Tiens donc, ce ne serait pas Fukube ?
Une voix étonnée. C’était Tani-kun, avec sa mâchoire bien marquée et son nez arrondi.
— Tu as fait du bon boulot, lors du WildFire.
Ah oui, c’est vrai qu’on avait battu son équipe. Depuis qu’on a découvert la carte du voleur, j’avais complètement zappé notre duel.
Je souris.
— Tout est grâce à ma soupe miso au porc. Mes coéquipières ont redoublé d’efforts, du coup mon plat à moi a l’air bien fade à côté.
— Les concours par équipe, c’est pas simple. J’aurais dû m’inscrire en solo. Pour les deux filles de ton équipe, même Suhara était bluffé.
— Mais bon, y avait pas tant de participants. On a eu de la chance, c’est tout.
— Au fait…
Tani-kun posa les yeux sur la feuille que je tenais, la liste des clubs visés et des objets volés. Je l’ai aussitôt glissée hors de vue.
— Alors, t’as entendu parler ?
— De quoi ?
Son regard se tourna vers le panneau du club de magie. C’était donc ça, sa présence ici. Alors que j’hésitais à lui demander directement, il bomba le torse avec assurance :
— Du type qu’on appelle « Juumonji ».
Bingo. Je hochai la tête en haussant les épaules.
— Rien ne t’échappe, Tani-kun.
C’était sincère, pourtant il sembla contrarié.
— Oh, donc tu sais déjà.
— C’est pour ça que je suis là.
— Vous avez trouvé la carte de déclaration au club de cuisine, alors c’est logique… Mais comment vous avez su que ce serait le club de magie ?
— Facile, on suit la logique du gojûon.
Tani-kun afficha un sourire curieux.
— Intéressant. Je savais que tu valais le détour.
Merci bien.
Je savais à quoi m’attendre. Alors pour couper court, je le devançai :
— Alors, le prochain duel ?
— Oh, tu acceptes le défi ?
Tani-kun sourit. Puis il baissa la voix :
— Pour te montrer que je joue franc jeu… Je peux te dire que le club du journal mural a été touché.
Je le savais déjà, mais inutile de le rabaisser.
— En tout cas, eux sont à bloc. Leur prochaine édition parlera de l’affaire Juumonji. Ils vont même organiser une chasse avec récompense à la clé.
Ça, je ne le savais pas. Je réagis avec un réel intérêt :
— Des récompenses, hein ?
— Les détails seront dans leur Édition spéciale n°1… Une fois que ce sera diffusé, ça fera grand bruit.
— C’est certain.
— Les gens raffolent des rebondissements. Ce sera le sujet chaud de demain.
Personnellement, je préférais savourer ce genre d’histoire dans mon coin. Déjà que Tani-kun soit mêlé à tout ça, ça gâchait un peu le plaisir. Et si ça devient « le » sujet de conversation, je n’osais imaginer… Mais pour le club de littérature classique, qui avait besoin de visibilité, c’était une aubaine. Si l’affaire Juumoji attirait encore plus l’attention, les projecteurs finiraient bien par se tourner vers nous. La question étant : où placer mes priorités ? Au fond, je devrais surtout penser à faire sourire Mayaka de nouveau.
Tani-kun posa une main sur mon épaule, souriant :
— Impressionnant que tu sois déjà dans la boucle. Mais désolé, c’est moi qui attraperai ce type. On dirait pas, mais je suis un grand amateur de mystères.
Ah, vraiment ?
Je me contentai de sourire poliment.
— N’y va pas trop fort, d’accord ?
Il acquiesça.
— Que le meilleur gagne, Fukube !
040 – ♦ 08
Bien que j’aurais préféré profiter tranquillement de mon déjeuner pour rester le plus longtemps possible avec le club de littérature classique, je savais que cela ne pouvait pas durer. Aussi désagréable que ce fût, je devais bientôt retourner au club de manga.
Sans m’en rendre compte, j’avais déjà déballé et mis en pièces mon rouleau au bacon. Je ramassai lentement les morceaux un à un pour les porter à ma bouche. Je partirais une fois que j’aurais tout mangé. C’est alors qu’Oreki, chargé de surveiller le stand, ouvrit la bouche.
— Ibara, tu as dit avoir déjà lu des romans d’Agatha Christie, non ?
J’allais me demander comment il savait cela, puis je me rappelai que je lui en avais parlé vers la fin des vacances d’été, lors de ce que Fuku-chan avait appelé l’affaire de « l’Impératrice ». Je cessai de porter les morceaux de pain à ma bouche et répondis :
— Oui, mais seulement les plus connus. Ce n’est pas comme si j’avais tout lu d’elle.
— Et A.B.C. contre Poirot, tu l’as lu ?
— Bien sûr.
Les bras croisés, Oreki s’adossa profondément à sa chaise, les yeux fixés effrontément au plafond, et dit :
— Cette affaire « Juumonji », Satoshi disait qu’elle ressemblait à A.B.C.…
Il n’y a pas si longtemps, Oreki nous avait pourtant fait la leçon sur la mauvaise prononciation de « Juumoji », et voilà qu’il disait maintenant « Juumonji ». Cela dit, c’est vrai qu’en tant que nom propre, « Juumonji » est plus facile à prononcer. Je ne fis donc aucune remarque.
— L’association se fait facilement. Dans A.B.C., l’assassin laisse une liste alphabétique appelée A.B.C. sur les lieux du crime, alors il est naturel qu’on pense au Guide du Festival Kanya que l’on retrouve dans chaque club visé.
— Évidemment. Sinon, l’effet tomberait à plat.
— Au fait…
Oreki baissa les yeux du plafond, et son regard laissait deviner qu’il allait dire quelque chose de dérangeant.
— Je demande juste, mais pourquoi le tueur dans A.B.C. tue-t-il ses victimes dans l’ordre alphabétique ?
… Quelle drôle de question.
— Oreki, tu as seulement entendu parler de A.B.C. contre Poirot, ou tu l’as lu ?
— Non, juste le résumé.
— Le résumé, hein ? Et tu comptes le lire un jour ?
— …Je sais pas.
— Tu es sûr de vouloir savoir, alors ? Ça va te spoiler toute l’histoire.
Il réfléchit un instant, puis planta son regard dans le mien.
— Vas-y, dis-moi.
Très bien, si tu insistes.
Par précaution, je jetai un œil autour de moi. Car si quelqu’un entendait les détails de l’intrigue avant d’avoir lu le livre, ça lui gâcherait forcément la lecture.
Après m’être assurée que personne ne se trouvait à proximité, je poussai un soupir.
— En fait, c’est assez simple. Tu n’avais pas déjà deviné que le meurtrier tuait simplement dans l’ordre alphabétique ?
Oreki esquissa un sourire amer.
— Ouais, je suppose.
Bon sang. C’est bien son problème, ça : toujours revenir sur ce qu’il allait dire. Je pris un ton plus sec.
— Autrement dit, tu t’es dit que « Juumoji » volait simplement en suivant l’ordre du gojûon, pas vrai ?
— …Ouais.
Oreki répondit en se redressant sur sa chaise, l’air vaguement contrarié.
— Je ne sais pas si « Juumonji » s’est inspiré de Christie pour commettre ses vols, mais regarde un peu ce qu’il dérobe : des pierres de go, une louche… Ce ne sont que des babioles. Il ne les vole sûrement pas parce qu’il en a envie.
— Tu veux dire que ce n’est qu’un farceur qui vole selon l’ordre gojûon pour s’amuser ?
— Tu penses pas qu’il y a une autre signification derrière tout ça ?
Je pris un autre morceau de mon pain roulé et le fourrai dans ma bouche et l’écoutai.
— Quand Satoshi et Chitanda ont entendu que Juumonji suivait l’ordre du gojûon, ils se sont précipités dehors tout excités. Pour être honnête, n’importe qui aurait pu le remarquer rien qu’en observant les indices.
— C’est vrai que tu as été le premier le remarquer, mais ce n’est pas comme si c’était une révélation capitale.
— Autrement dit, ce n’est pas ça le plus important pour Juumonji. S’il avait suivi un ordre plus tordu, comme les lettres de « Gloire au lycée Kami », là il aurait dû se donner davantage de mal.
— Je vois. Le gojûon, c’est trop facile à deviner.
Je comprenais ce qu’Oreki voulait dire. Si l’objectif de « Juumoji » était simplement de voler des objets en suivant l’ordre du gojûon, alors ce farceur avait clairement un grain. Mais si ce n’était pas ça, alors cet ordre n’était qu’un moyen pour parvenir à autre chose. Je ne m’en étais pas rendue compte avant d’avoir moi-même participé au Festival Culturel, mais c’est vraiment un moment particulier.
Un instant suspendu, où tout le monde flotte un peu, pris dans une ambiance légère… Et c’est justement ce genre de climat qui permet que de telles plaisanteries se propagent. Mais est-ce là vraiment tout ?
…Je crois que je commence à devenir bizarre, moi aussi.
— Oreki, tu as déjà envisagé d’attraper « Juumoji » toi-même ?
— Moi ?
Il parut surpris.
— Pourquoi est-ce que je ferais une chose pareille ?
— Tu as l’air motivé.
Oreki souffla du nez, puis se renfonça dans sa chaise.
— Je m’en fiche complètement. Qu’il s’appelle Juumoji « les Dix Caractères » – ou L’Homme aux Mille Visages, ça ne change rien pour moi. S’il veut voler quelque chose au club de littérature classique, qu’il se serve. Tant que ce n’est pas mon portefeuille, ça me va. Même si, après coup, Chitanda risquerait d’être « très curieuse » de savoir qui était ce « Juumonji ».
— Tu peux toujours l’ignorer hein.
— Le souci c’est que c’est quelqu’un que je ne peux pas ignorer.
Oreki fronça les sourcils.
Ah là là. C’est vraiment comique.
Je mis le dernier morceau de mon pain roulé dans ma bouche et me levai. En m’éloignant, je pensai que je devrais tout de même le remercier.
— Au fait, Oreki. Merci pour le sac de farine. J’étais vraiment coincée, à ce moment-là.
— Oh. Pas de quoi.
Comme s’il venait de se souvenir de quelque chose, Oreki esquissa un sourire énigmatique.
— Ce sac de farine, je l’ai obtenu grâce au mode opératoire du Paille millionnaire
Du… quoi ?
— De quoi tu parles ?
— Tu connais pas le conte du Paille millionnaire ?
Ah. Je vois.
— Tu veux dire que tu veux quelque chose en échange du sac de farine ?
— Tu as quelque chose à proposer ? Sinon, ça brisera la chaîne.
Bon…
Après une brève réflexion, j’enlevai la broche en forme de cœur que je portais sur la poitrine.
— Tiens, prends ça.
Oreki eut l’air surpris.
— …Tu es sûre ? Tu n’en as pas besoin pour ton cos—
— Ce n’est pas un cosplay, abruti !
Je lui balançai la broche à la figure de toutes mes forces, puis tournai les talons et quittai la salle de géologie.
041 – ♣ 14
J’avais prévu de continuer à surveiller les allées et venues près de l’entrée des coulisses, mais je ne pouvais résister à l’appel de la nature. Comme le spectacle allait bientôt commencer, je me précipitai aux toilettes. De retour, je demandai à Tani-kun s’il avait vu quelqu’un de suspect. Il me réprimanda, jugeant culotté de poser une telle question à un rival, mais cela flatta suffisamment son ego pour qu’il réponde gentiment :
— Personne n’est entré ni sorti.
À ce moment-là, un élève sortit de la salle de classe 2-D. C’était un garçon, et l’insigne sur son col indiquait qu’il était en première. Il s’agissait donc du président du club de magie, Tayama. (Ce n’est pas que je le connaissais, c’est écrit dans le programme.) Il éleva la voix à travers le couloir décoré de fanions, de lanternes et d’ornements divers.
— La cinquième représentation du club de magie va commencer.
Sans un mot, Tani-kun et moi pénétrâmes dans la salle de classe plongée dans l’obscurité. Les fenêtres avaient été couvertes de rideaux noirs. La pièce avait été divisée en deux par une tenture : d’un côté, la scène et de l’autre, les coulisses. Les tables avaient été entassées près des fenêtres, et les chaises rangées en lignes. La scène était constituée de l’estrade et du bureau du professeur. L’espace entre la scène et les spectateurs était assez étroit, ce qui compliquait sans doute les déplacements du magicien, mais offrait une excellente visibilité au public. Mais ce n’était pas le moment pour moi de me laisser emporter.
Je reportai alors mon attention sur les gens qui entraient et prenaient place dans les rangées de chaises. Comme il s’agissait de la cinquième représentation, la plupart des curieux amateurs de prestidigitation l’avaient probablement déjà vue, et peu de nouveaux visages faisaient leur entrée. La première personne que j’aperçus fut quelqu’un que je n’aurais pas cru trouver ici. Lorsqu’elle se tait, elle dégage une aura glaciale et quand elle parle, c’est avec la majesté d’une impératrice. Je me levai sans réfléchir.
— Oh, bonjour, Irisu-senpai.
Irisu Fuyumi-senpai plissa les yeux dans l’obscurité pour voir qui lui parlait.
— …Ah, tu es du club de littérature classique.
Elle hocha la tête et me rendit mon salut avant d’aller s’asseoir sur une chaise au dernier rang. C’était étrange de voir la très rationnelle Irisu-senpai venir assister à un tour de magie.
Les suivantes furent deux filles. J’avais cru un instant qu’elles formaient un couple, car l’une d’elles portait un costume masculin. Mais je reconnus ce smoking : elle faisait partie du club de manga. Elle était avec Mayaka pendant leur séance de dessin. Dans ce cas, l’autre fille devait être la présidente du club, que j’avais déjà aperçue plusieurs fois. Elles bavardaient en feuilletant leur programme, avant de s’installer au deuxième rang.
Puis vint une série d’élèves dont je ne connaissais pas les noms. Bien que nous fréquentions le même établissement, je n’entretenais pas de lien particulier avec eux, même si leurs visages m’étaient familiers. Du côté des visiteurs extérieurs, un couple d’âge moyen fit également son entrée, malgré le fait que nous soyons en semaine. Une petite fille, qui semblait être en primaire, pénétra à son tour, les yeux brillants de curiosité.
Une autre élève entra ensuite, une camarade de classe. Comme je ne la connaissais pas très bien, je ne l’avais pas appelée. Elle, en revanche, m’avait sans doute aperçu et n’avait rien dit non plus. D’ailleurs, elle s’appellait Juumonji Kaho. Parmi les membres des « quatre Clans Montants », c’est celle que j’aimerais le plus apprendre à connaître. (Et par « apprendre à connaître », je veux dire que j’aimerais lui poser des questions que je n’avais jamais osé poser à d’autres. Évidemment, si Mayaka m’entendait dire ça, je serais dans de beaux draps.)
Bien qu’ils fussent peu nombreux au départ, les spectateurs affluèrent progressivement, et la salle se remplit à vue d’œil. Le club de magie devait être ravi de cette affluence. Je vis le président de tout à l’heure jeter un coup d’œil depuis les coulisses, à travers la tenture.
Un groupe de garçons entra ensuite. Tiens, c’est le président du comité exécutif, Tanabe Jirou ! Et juste à côté…
Mon Dieu, voilà Son Excellence Kugayama Munetaka, président du Conseil des élèves de l’établissement.
Le énième président, puisque je ne sais pas combien se sont succédé avant lui. Avec sa carrure athlétique et son sourire détendu, son discours vibrant m’avait marqué, même si j’ignorais complètement ce qu’un président du Conseil des élèves faisait de ses journées. Quant aux autres garçons qui l’accompagnaient, je ne les connaissais pas. Tanabe-senpai me fit un petit salut de la main en me remarquant.
Les sièges du public, qui occupaient la moitié de la salle, n’étaient pas entièrement pleins, mais on atteignait bien les 70 %. Une fille, sans doute membre du club de magie, ferma la porte. La tenture s’écarta, et un élève entra sur scène en tenant deux chandeliers, qu’il plaça sur le bureau. Il sortit une boîte d’allumettes de sa poche et alluma les bougies, projetant une lumière douce et vacillante dans la salle obscure.
Astucieux.
Avec un espace aussi réduit, ils avaient choisi une lumière tamisée pour donner une impression de profondeur. Je commençai à me laisser emporter par l’ambiance.
Une fois les chandelles allumées, l’élève quitta la scène, et le président du club prit sa place. Les cheveux tirés en arrière, une paire de lunettes cerclées sur le nez, il avait la silhouette fine et des mains très élégantes. Il attendit que le silence s’installe, puis esquissa un sourire et s’inclina avec prestance, comme un acteur de théâtre.
— Le spectacle va commencer. Mesdames et messieurs, bienvenue à la représentation du club de magie. Ouvrez grand les yeux : ce que nous allons vous présenter ici est le fruit de beaucoup d’efforts et de passion.
Je profitai des applaudissements pour jeter un nouveau coup d’œil autour de moi. Pour le moment, rien ne semblait anormal…
— Pour ouvrir le bal, le club de magie est fier de vous présenter Takamura Youichi, de la seconde B, dans un numéro intitulé Living Dead ou Mort-Vivant.
Il se retira de scène sous les applaudissements. Le lycéen qui sortit ensuite des coulisses tenait une balle, comme prévu, tandis qu’en fond sonore résonnait El Bimbo[5]… Une chanson disco française au ton doux, parfaitement adaptée à l’atmosphère. Takamura-kun semblait totalement détendu. Je pouvais comprendre en quoi ils étaient « fiers » de présenter ce numéro. Ou bien, était-ce tout simplement parce que c’était la cinquième fois qu’il donnait cette représentation et que c’était devenu mécanique de dire ça ?
Le numéro du Boule Zombie et celui des anneaux enlacés se déroulèrent sans accroc.
Les membres du club de magie avaient clairement un certain talent. J’ai eu un bon lot de prestidigitation, et bien que rien ici ne fut renversant, voir une balle flotter dans les airs ou des anneaux s’imbriquer à une distance aussi proche restait impressionnant. Le garçon du premier numéro et la fille qui suivit eurent quelques gestes hésitants, mais cela ne compromit en rien leur performance. J’applaudis sincèrement leur maîtrise.
Le troisième numéro, Vanishing Act ou Disparition, fut tout aussi réussi. Tayama-san, président du club de magie et seul élève de première, était assurément plus expérimenté que les deux autres. Il se montra aussi à l’aise sur scène que lorsqu’il avait salué le public, faisant apparaître cartes et mouchoirs comme par magie, sur fond de sonate pour piano (le titre m’échappait).
Ses tours de cartes et de mouchoirs, bien qu’élégants, n’avaient rien de stupéfiant. Toutefois, je fus réellement surpris lorsqu’il fit surgir un mouchoir noir de sa main droite, à la fin du numéro. Ce fut un moment marquant qui provoqua un murmure admiratif dans le public. Moi-même, je m’étais redressé d’un bond sur ma chaise.
Était-ce la satisfaction d’avoir réussi son numéro, ou le plaisir des applaudissements ? L’impassible président Tayama afficha un léger sourire. Il sortit alors une bougie rose, déjà allumée.
Je n’inventais rien : une bougie déjà allumée était sortie de sa poche !
La brandissant pour que chacun puisse la voir, il fut salué par une salve d’applaudissements. Assis à quelque distance de moi, Tani-kun me souffla en tapant dans ses mains :
— On dirait qu’il a sorti la torche.
Je ne savais pas pourquoi il appelait ça une torche. Certes, on peut entendre des mots comme flambeau ou chandelle, mais à mes yeux, ça restait juste… une bougie. J’étais à deux doigts de lui expliquer qu’une torche, ce n’est pas du tout la même chose qu’une bougie — mais bon, autant ne pas chipoter.
Non, attends.
J’étais tellement absorbé par le spectacle que j’en avais presque oublié la raison de ma présence ici. Pourtant, tout s’était déroulé sans encombre jusque-là. Le public n’avait rien de suspect non plus. De temps en temps, la porte s’ouvrait pour laisser entrer ou sortir quelques personnes, mais il n’y avait rien à voler à l’extérieur : uniquement des rideaux, l’affiche du spectacle, et des posters.
Hmm…
Que cherchait donc Juumoji ? Un objet commençant par [KI].
…BOUGIE ([KI]YANDORU / キャンドル) !
Je laissai échapper un souffle et tournai vivement le regard vers le président Tayama, qui remerciait encore le public. Sa bougie n’était plus allumée. Sans doute était-ce par sécurité : après l’avoir montrée à tout le monde, il avait soufflé dessus. Mais ce n’était pas la seule bougie dans la pièce. Je me retournai vers les chandeliers utilisés pour éclairer la salle.
— …AH !
— Et maintenant, au lieu des cartes à jouer habituelles, nous utiliserons des cartes japonaises[6]… Hein ?
Zut, j’avais poussé un cri trop fort.
Comme ce numéro de magie impliquait le public, il n’y avait pas de musique de fond, et Takamura-kun ainsi que Nagai-san, qui étaient à présent sur scène, s’étaient retournés vers moi. Je leur fis de grands gestes d’excuse.
Il y avait à l’origine cinq bougies sur chaque chandelier. Celui de droite en comptait toujours cinq. Celui de gauche, en revanche, n’en avait plus que quatre ! Le voleur avait frappé !
Mais quand cela s’était-il produit ? Personne ne s’était approché de la scène jusqu’à présent.
— Et maintenant, la demoiselle au fond de la salle, voudrait-elle nous rejoindre sur scène ?
Irisu-san, ainsi interpelée, se leva pour s’avancer. Avant cela, seuls les artistes étaient montés sur scène. Cela signifiait que la bougie manquante n’y était déjà plus avant même le début du spectacle.
Et moi, tout ce temps, je m’étais imaginé que « Juumoji » agirait sous les yeux de tout le monde. Or, le vol avait eu lieu avant le spectacle.
Bon sang, j’ai gaspillé mon temps pour rien !
Il devait avoir laissé quelque part sa carte. Maintenant que j’y pense, la louche n’avait pas été volée pendant le tournoi de cuisine, mais avant son commencement. Le voleur fantôme « Juumoji » ne commettait pas ses larcins de façon spectaculaire, comme le font d’habitude les voleurs de fiction. Dans ce cas, je n’avais plus aucune raison de rester. Puisque le vol avait eu lieu avant, alors les suspects ne se trouvaient pas ici. Il ne restait plus qu’à…
— La carte que tu as choisie est… le Cerf d’érable, n’est-ce pas ?
— …C’est bien ça !
Je claquai des mains. Je me redressai sur mon siège et me concentrai de nouveau sur la scène.
042 – ♦ 09
De retour au club de manga, une élève de seconde avec qui je m’entendais bien me salua.
— Tu es en retard.
Je lui répondis par un sourire indulgent et regagnai ma place derrière le stand. Les affiches que nous avions dessinées dans la matinée semblaient avoir porté leurs fruits car la fréquentation avait augmenté par rapport à la veille. Je posai ainsi à voix basse à la fille assise à côté de moi ce que je voulais savoir.
— Alors, qu’est-ce que ça donne ? Par rapport à hier.
Elle jeta un coup d’œil dans la pièce, et c’est là que je remarquai la présence de Kouchi-senpai. Vérifiant qu’elle était occupée à discuter avec ses sbires et ne prêtait pas attention à nous, la fille me répondit d’une voix encore plus basse :
— Eh bien, il y a plus de visiteurs.
— C’est grâce aux affiches, tu crois ?
— Je ne saurais dire, mais…
Tant mieux, si cela aide à vendre. Je n’étais pas opposée à la proposition de Kouchi-senpai de dessiner des affiches pour attirer le public, mais de là à me réjouir que mes dessins aient servi, c’est une autre histoire. N’allez pas vous méprendre.
Cela dit, bien que je sois consciente de pouvoir me tromper, je sentais malgré tout que quelque chose clochait. Alors que nous échangions à demi-mot en ricanant, quelqu’un, de l’autre côté de la pièce, prit soudain la parole comme pour nous faire comprendre qu’on nous avait entendues.
— Tu vois ? On aurait dû écouter senpai dès le départ.
— Oui, si une certaine personne ne s’y était pas opposée, on aurait vendu bien plus hier.
Ce n’est pas comme si ces gens, qui n’avaient même pas contribué à notre anthologie avaient le moindre droit de se plaindre… mais je me tus.
— Oh, ce n’est pas la peine d’être si dures. Elle a quand même fait l’effort de dessiner les affiches.
— C’est vrai. Bon, bon courage.
Les mots disaient une chose, mais le ton en sous-entendait une autre. Plus précisément : « Oh, ce n’est pas la peine d’être si dures. Elle a quand même fait l’effort de dessiner les affiches », avec un regard en coin qui disait : « Tu joues les victimes ? Tu l’as bien cherché. »
J’aime les mangas, et si je devais choisir, je dirais que j’aime aussi le club de manga. Ce n’est pas ce que j’avais souhaité… mais je ne pouvais pas y faire grand-chose. Elles sont trois, et je ne suis pas du genre à me languir dans la superficialité. Sans compter que je n’avais aucune preuve alors il fallait encaisser en silence. Mais dans cette atmosphère, impossible de leur demander d’aider à vendre Hyouka.
Elles continuaient leurs chuchotements incessants. Elles étaient vraiment fatigantes. En parlant de bavardages, cela me rappela une étrange conversation que j’avais eue avec Fuku-chan, lorsque je lui avais dit qu’il était comme une commère, et qu’il m’avait répondu quelque chose d’absolument invraisemblable.
— Tu veux dire que je suis courageux ?
— Hein ?
— Et patriote ?
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— Tu as dit que je suis comme Kossuth.[7]
— …C’est quoi ça ?
— Un héros hongrois.
Franchement, c’était quoi ce délire ??
Repensant à cette idiotie sérieusement prononcée par Fuku-chan, je me mis à rire. Je savais que je ne devais pas, mais je ne pus m’en empêcher. Comme prévu, les trois jacasseuses s’arrêtèrent net.
— Qu’est-ce qu’elle a ?
— Elle ne se prend pas pour n’importe qui, dis donc.
— Bizarre, cette meuf
Eh bien pardon !
Ce groupe agissait toujours de concert, chacune semblable à l’autre, mais cette fois, l’une d’elles prit les devants d’une voix plus forte que d’ordinaire.
— Elle bluffait, non ? Dire qu’elle ne l’a pas trouvé, qui peut gober ça ? Elle paradait en nous parlant de soi-disant chefs-d’œuvre du manga, et voilà qu’elle nous sort le nom d’un dôjin complètement inconnu, comme si elle s’y connaissait mieux que tout le monde. Et puis elle…
Elles allaient trop loin, même ma patience arrivait à ses limites.
— Ça suffit. Tu devrais éviter de parler de choses que tu ne connais pas.
La voix venait de l’autre côté de la pièce. Le petit groupe tourna la tête, surpris de l’endroit d’où venait la réplique. Et elles n’eurent d’autre choix que de se taire : celle qui venait de parler n’était autre que leur meneuse, Kouchi-senpai. Vêtue de son éternel smoking, elle bâilla comme si elle n’avait jamais rien dit.
J’étais sidérée. Mais pas parce que Kouchi-senpai avait tiré sur ses sbires. Tant que c’était amusant, elle se fichait bien que le manga soit fiction, non-fiction, parodie ou hommage, du moins c’est ce que je croyais. Alors qu’elle, de toutes les personnes présentes, dise à d’autres de se taire au sujet de ce qu’elles ignoraient, cela me laissa sans voix.
Les trois commères se turent aussitôt, comme des chiots grondés par leur maîtresse. Mais je sentais encore leurs regards venimeux posés sur moi.
C’était étouffant.
…Alors que je venais à peine d’arriver, j’avais déjà besoin de prendre l’air. Je fis savoir à ma voisine que je sortais un instant, et me levai. Si seulement je pouvais m’envoler comme le vent…
Le soleil d’automne déclinait rapidement.
Il n’était pas encore tout à fait le soir, mais la lumière s’affaiblissait et le vent se faisait plus frais. J’étais adossée à la rambarde du passage en plein air reliant les bâtiments, le regard tourné vers le jardin central, me demandant si ce coin avait été oublié alors que tout le reste du lycée Kamiyama était entièrement décoré.
Jusqu’à présent, je pensais toujours ne pas avoir eu tort. Mais je me demandais si je n’aurais pas mieux fait de me taire.
Je ne regrettais pas. Je crois. Je n’aurais simplement pas supporté d’entendre Kouchi-senpai affirmer que juger un manga intéressant ou non n’était qu’une question de subjectivité. Si ce qu’elle disait était vrai, alors tout le monde pouvait se prétendre expert. Je n’avais pas honte de mes dessins, puisque j’avais bien réalisé les affiches tout à l’heure, mais mes mangas, eux, étaient d’une platitude désespérante. J’aurais voulu créer quelque chose de plus prenant, de bien plus vivant. Si je n’étais pas tombée sur Cendres au crépuscule, je serais sans doute encore persuadée que j’en étais capable.
Quand Kouchi-senpai affirmait qu’il était inutile de chercher à s’améliorer, c’était comme si elle décrivait nos efforts comme une marche à l’aveugle. Elle disait que sans objectif clair, peu importait les progrès accomplis, cela ne changerait rien. Qu’on ait beau affiner sa technique, cela ne mènerait à rien. Si j’avais accepté ces mots, alors pourquoi ressentirais-je encore que mon travail n’est pas à la hauteur ?
… Pourtant, je ne lui avais pas opposé ces arguments. J’avais pensé qu’il suffirait de lui montrer un exemplaire de Cendres au crépuscule. Sans réfléchir à ce qu’elle en penserait, ni à ce que ses suiveuses pourraient dire ensuite.
Pff… Quelle idiote je fais.
…J’ai envie de voir Fuku-chan. Il doit encore participer à quelque activité un peu bête, quelque part. Moi aussi, j’aurais aimé me lancer à la poursuite de « Juumoji » avec lui. Je me demande s’il m’invitera. À force d’y penser, je n’étais toujours pas retournée au club de manga.
— Ibara.
Quelqu’un m’appela. Je me retournai.
— Je suis désolée pour ce que tu as vécu.
C’était la présidente Yuasa, arborant son habituel sourire doux, ses joues rebondies et ses paupières ourlées pleines de bonté.
Je secouai rapidement la tête.
— Pourquoi t’excuser ? Tu n’as rien fait de mal, présidente.
— Eh bien… C’est parce que je n’ai rien dit. J’aurais voulu me ranger à tes côtés.
…Venir jusqu’ici pour me dire cela… Qu’est-ce qui pouvait bien me traverser l’esprit à ce moment-là ?
Mais… c’est bon. Je n’ai jamais attendu que quelqu’un prenne mon parti.
Et même si elle avait pris ma défense, cela n’aurait fait qu’envenimer ma relation avec Kouchi-senpai et jeter le trouble dans le club de manga. Ce n’était pas souhaitable. Donc ça va.
— …Ayako ne pensait pas ce qu’elle a dit, confia la présidente Yuasa, seule, les yeux baissés.
Je mis un instant à comprendre qu’elle parlait de Kouchi-senpai, dont le nom complet était Kouchi Ayako.
— Tu veux dire quand elle a dit qu’il fallait se taire sur les sujets qu’on ne connaît pas ?
— Non, pas ça. Je parle de sa dispute avec toi, hier.
Je n’avais pas envie de m’attarder là-dessus.
Je poussai un long soupir.
— Tu veux dire quand elle a affirmé que l’intérêt pour un manga dépendait uniquement de la sensibilité de chacun ?
La présidente hocha doucement la tête.
Essayait-elle de me consoler ? Si c’était le cas, elle ne s’y prenait pas très bien.
Je lui lançai un sourire sans conviction.
— Et qu’est-ce qui te fait dire qu’elle ne le pensait pas ?
— Eh bien… C’est parce que je suis très amie avec Ayako.
— C’est tout ?
— Et Ayako est aussi très amie avec Haruna.
La présidente Yuasa sourit avec douceur, comme si tout s’éclairerait de soi-même. Je devais avoir l’air bien bête à cet instant. Qui est Haruna ? Ce n’était ni Kouchi-senpai, ni le prénom de la présidente Yuasa. Je ne connaissais personne de ce nom. Un silence un peu gêné s’installa, puis je me décidai à demander :
— Haruna, c’est qui ?
— Haruna ?
— Oui. Cette Haruna dont tu viens de parler.
Cette fois, c’est la présidente Yuasa qui sembla perplexe. Elle pencha la tête d’un air surpris, comme le fait souvent Chi-chan.
— Hein ? Mais Ibara, je croyais que tu avais lu son œuvre ?
Quelle œuvre ? Devant mon air toujours aussi perdu, elle précisa :
— Tu sais, Cendres au crépuscule ?
À l’écoute de ce titre, que je n’aurais jamais cru entendre dans cette conversation, je me redressai d’un coup.
— …Oui.
— Haruna en était l’autrice. Anjou Haruna. Son nom n’était pas indiqué ?
Quoi ?
Je me serais souvenue sans faute du nom de l’autrice de Cendres au crépuscule. Mais… comment dire… ce n’était certainement pas « Anjou Haruna ». L’auteur était crédité sous un pseudonyme étrange, dont je me souvenais très bien.
— Il me semblait que l’auteur s’appelait Anshinin ?
— Anshinin ?
— Oui, le « an » de paix, et le « shin » de tranquillité, avec un « in » comme dans « sanctuaire ».
La présidente Yuasa parut légèrement surprise, mais secoua la tête avec lenteur.
— Elle a dû utiliser un pseudonyme. Mais je sais que c’est Haruna qui a écrit l’histoire. Je ne sais pas qui a fait les dessins, mais Haruna le sait, elle.
J’apprenais, dans des circonstances les plus inattendues, l’identité de l’autrice du manga que j’admirais tant.
Je savais que le scénario et les dessins avaient été réalisés par deux personnes différentes, mais l’espace d’un instant, j’en avais oublié ma tristesse et demandai :
— Elle est dans quelle classe ?
— Oh, Haruna n’est plus ici. Elle a changé de lycée.
— …Je… Je vois.
J’essayais de mettre de l’ordre dans tout ce que la présidente venait de me dire… mais je n’y comprenais pas grand-chose. Je soupirai discrètement.
— Présidente, que voulais-tu dire en affirmant qu’Anjou Haruna était amie avec Kouchi-senpai ? Et comment savais-tu qu’elle ne pensait pas ce qu’elle disait ?
La présidente baissa les yeux et se tut.
Était-elle en train de chercher ses mots ? Alors que je me posais la question, elle releva doucement la tête.
— Si tu avais pu parler avec Haruna, tu comprendrais peut-être. Je sais que ce n’est pas une réponse satisfaisante, mais… pardon, Ibara. Même si je connais la réponse, je ne peux pas te la dire.
— …
— Parce qu’Ayako est mon amie.
Ses grands yeux ourlés avaient prirent une expression mélancolique. Si elle m’en parlait, elle aurait l’impression de mal parler de Kouchi-senpai… ou peut-être même de trahir un secret qu’elle lui aurait confié.
Dans tous les cas, si elle ne pouvait rien dire, je ne comprendrais pas. Et à présent, je réalisais que cela ne menait à rien de réfléchir à ce que je ne pouvais pas comprendre. Je secouai lentement la tête.
J’ai besoin d’être seule. Peu importe que Kouchi-senpai ait été sincère ou non. Je voulais juste sentir la caresse du vent.
— Je vais rester un peu profiter de la brise avant de revenir.
— Ibara…
Je répétai plus fermement :
— Je reviendrai. Laisse-moi juste un moment.
Alors… laisse-moi tranquille s’il te plait.
043 – ♠ 11
Il était bientôt dix-sept heures.
Tout le monde était revenu juste avant la dernière sonnerie, mais, pour une raison obscure, l’ambiance semblait étrange. Pour une fois, Satoshi affichait une mine soucieuse. À l’inverse, Chitanda paraissait satisfaite. Quant à Ibara, elle semblait franchement abattue. Comme elle n’avait probablement pas envie qu’on lui adresse la parole, je décidai de faire comme si de rien n’était.
— On s’est fait avoir, Houtarou.
Tout en parlant, Satoshi me fixa soudain avec étonnement.
— Qu’est-ce qui est arrivé à ton œil ?
Il est encore rouge ?
— Ah, j’ai reçu un cœur dans l’œil.
— Quoi ?
— Je t’ai dit que j’ai reçu un cœur dans l’œil.
Il resta un moment figé, avant de reprendre contenance.
— Bref, on s’est fait avoir. Une bougie a été volée au club de magie.
— C’est une bonne nouvelle, non ?
Je dis cela sans détour. Il ne fallait pas que « Juumonji » soit attrapé avant d’avoir atteint le club de littérature classique, n’est-ce pas ?
— Ouais, je suppose.
Satoshi hocha la tête, l’air contrarié. D’après ce qu’il me raconta, il espérait réussir à attraper « Juumonji » en flagrant délit. Tout d’abord, aucun des objets allant de [A] à [KA] n’avait été dérobé pendant un événement. Ensuite, « Juumonji » n’était pas assez idiot pour opérer pendant une représentation. Il agissait quand bon lui semblait, sans se soucier du calendrier.
— Tu aurais pu me le dire plus tôt si tu savais…grommela Satoshi.
Hé, ce n’est pas comme si je savais ce que tu comptais faire.
— Alors ? Vous avez trouvé la carte ?
— Ouais. En fouillant un peu, on l’a trouvée glissée parmi les flyers annonçant le spectacle de demain à dix heures. Il y avait aussi un exemplaire du Guide du Festival Kanya.
— Et ça, vous l’avez trouvé dans le couloir ?
— Ouais.
Ce qui signifie que le coupable peut être n’importe qui.
Chitanda, elle, avait la joue qui tressaillait. Elle voulait sourire, mais la mine sombre d’Ibara l’en empêchait. Je décidai de détendre un peu l’atmosphère.
— On dirait que tu as de bonnes nouvelles ?
Chitanda acquiesça vivement.
— Oui, en effet !
— Vraiment ?
— Les vingt exemplaires de Hyouka que j’ai confiés à Irisu-san se vendent très bien.
Je vois. C’est du Irisu tout craché. Même si c’est une nouvelle réjouissante, je n’arrivais pas à me réjouir franchement.
Pourvu qu’elle ne se serve pas de moi, cette fois.
— Ils sont tous écoulés ?
— Non, il en reste encore quelques-uns, mais ils seront certainement tous vendus d’ici demain.
Devrait-on lui en envoyer vingt autres ? C’était la question.
— Et ce n’est pas tout. L’Édition Spéciale du Mensuel de Kami sorti à seize heures parle de l’affaire « Juumoji ». Ils y expliquent la règle du gojûon que tu as découverte, Oreki-san.
Je me sentais un peu gêné qu’on m’attribue le mérite de cette déduction. Comme je l’avais dit à Ibara, n’importe qui aurait pu s’en rendre compte.
Chitanda poursuivit en joignant les mains sur sa poitrine, comme pour prier :
— Et ils mentionnent même le club de littérature classique ! Regardez ici : “Ainsi, chers lecteurs, il est probable que Juumoji commette son dernier forfait demain entre midi et quatorze heures, au sein du club de littérature classique ou du club de miniatures (Kôsaku-bu).
— Le club de miniatures ? Je ne savais même pas qu’il existait.
Satoshi hocha la tête avec gravité.
— C’est vrai que ce n’est pas le plus connu.
— S’il décide de s’en prendre à eux, tous nos efforts tomberont à l’eau.
— Oui, c’est ce qui m’inquiète aussi, reconnut Chitanda, perdant peu à peu son air rayonnant.
Je me demandais pourquoi elle était si contente tout à l’heure, puis je réalisai qu’elle était allée elle-même chercher cet article au club du journal mural. Elle était heureuse d’avoir pu nous annoncer cette nouvelle… Non, ce n’était pas que ça. Ce n’était pas le genre d’information qui la rendrait aussi joyeuse. Il devait y avoir autre chose. Mais je ne voulais pas me mettre à fouiller dans la tête des gens. Surtout pas dans celle de Chitanda Eru.
— …Alors, Houtarou, combien d’exemplaires avons-nous vendus ?
Ah, ça.
— En excluant ceux donnés à Irisu-senpai, on en a vendu seize.
— Hé, c’est mieux qu’hier !
Oui, mais à peine.
Visiblement, notre coup de projecteur d’aujourd’hui grâce au tournoi WildFire avait mieux fonctionné que l’épreuve du Grand Quiz d’hier. Quelques élèves avaient profité de leur temps libre pour venir jusqu’à ce coin perdu. Le bouche-à-oreille jouait en notre faveur.
À la fin de ce deuxième jour, notre dernier espoir pour écouler les trois quarts restants reposait sur le déroulement de l’affaire « Juumonji »…
On verra bien. Je sortis un sachet de biscuits du tiroir de la table.
— Houtarou, c’est quoi ça ?
— Je les ai achetés au club de confiserie. Je ne les ai pas encore ouverts, servez-vous si vous voulez.
En m’entendant, même Ibara s’approcha.
Nous nous partageâmes à quatre le sachet de biscuits.
Tandis que nous grignotions, la cloche annonçant la fin du deuxième jour du festival retentit.
Exemplaires restants : 141
[1] Le nasi goreng, qui signifie littéralement « riz frit » en indonésien et en malais est, comme son nom l’indique un plat de riz frit dans de l’huile, assaisonné de kecap manis (sauce soja sucrée), d’échalote, d’ail, de tamarin, accompagné d’autres ingrédients, comme de l’œuf, du poulet et des crevettes.
[2]En référence à l’expression anglaise « Curiosity killed the cat » ou la curiosité a tué le chat (équivalent de la curiosité est un vilain défaut en français).
[3] Gojûon (五十音) : système d’ordre alphabétique japonais fondé sur les sons syllabiques (ex. : a, i, u, e, o ; ka, ki, ku, ke, ko etc.). Il est utilisé pour classer les mots dans les dictionnaires ou les listes.
[4] Juumonji et Juumoji s’écrivent pareil mais il y a ainsi deux lectures possibles. La première est le nom de famille « Juumonji » et la deuxième signifie « Dix caractères » au sens de « lettres »
[5] Chanson du groupe français de disco « Bmbo Jet », actif au milieu des années 1970.
[6] Hanafuda (花札, « jeu des fleurs ») est un jeu de cartes traditionnel japonais.
[7] Lajos Kossuth, né le 19 septembre 1802, à Monok dans le comitat de Zemplin (Hongrie), et mort le 20 mars 1894 à Turin (Italie), est une figure patriotique et un homme d’État hongrois. Ici « commère » peut vaguement sonner comme « Kossuth » en japonais « コッシュート ».