COTEY3 T2 - Prologue
Le monologue de Nanase Tsubasa
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Traduction : Calumi
Correction : Raitei
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Moi — Pourquoi… pourquoi a-t-il fallu que cela arrive…
Dans la chambre d’hôpital, assise auprès de lui alors qu’il dormait sans conscience, je murmurai ces mots dans le silence.
M. Tsukishiro — Il a été diagnostiqué comme étant dans un état de conscience minimale prolongée.
L’homme, d’une voix dénuée d’émotion, énonça simplement le fait, tout en caressant doucement la carte nominative accrochée au lit, là où était inscrit « Matsuo Eiichirô ».
Un état de conscience minimale prolongée. Ou dit autrement, un état végétatif.
Il gardait les yeux ouverts et respirait normalement, mais restait inconscient, insensible à tout ce qui l’entourait. Il restait, selon le médecin, une possibilité de réveil dans les semaines ou mois suivant l’apparition des symptômes… mais cette chance était infime.
M. Tsukishiro — Il paraît que Matsuo-kun était quelqu’un de très doux.
Moi — …Oui… Si j’avais… Si j’avais remarqué plus tôt que quelque chose n’allait pas chez Eiichirô-kun, rien de tout ça ne serait arrivé… Non… je ne lui aurais jamais permis de subir une telle chose…
La douleur, la tristesse me submergeaient, et les larmes coulaient sans fin.
M.T sukishiro — La gentillesse seule ne suffit pas pour survivre dans ce monde. Non, en réalité, on se fait dévorer tout cru. Par des monstres d’une cruauté sans nom…
L’homme prononça ces mots avant de se retourner vers moi, un sourire aux lèvres.
M. Tsukishiro —Rien n’est gratuit dans ce monde. Tu l’as compris, j’espère.
Moi — Oui. Je vous suis reconnaissante pour la protection que vous nous avez offerte.
Après avoir été baladés d’un hôpital à l’autre, c’était lui qui avait finalement trouvé un établissement prêt à nous accueillir. S’il était arrivé trente minutes plus tard, peut-être Eiichirô aurait-il perdu la vie.
Moi — Que voulez-vous que je fasse ?
M. Tsukishiro —Tsukishiro — Je t’offre une opportunité. Une chance de te venger de ceux qui t’ont fait subir ça.
Moi — …Une chance, dites-vous…
M. Tsukishiro — Je vais t’apprendre à approcher ceux que tu dois faire tomber.
Tout en disant cela, l’homme posa sur la petite table pliante un « dossier d’inscription » ainsi qu’une photo.
Moi — Qu’est-ce que c’est… ?
M. Tsukishiro — Intégrer le lycée Kôdô Ikusei est la seule façon d’approcher ta cible.
Moi — …Je ne vous ai d’ailleurs pas encore demandé votre nom… Qui êtes-vous au juste ?
M. Tsukishiro — Je m’excuse. Je me nomme Tsukishiro. Je connais très bien le malheureux Matsuo-kun ainsi que toi, depuis ton jeune âge.
Moi — J’ai vu trop d’adultes prétendre savoir alors qu’ils ne connaissent rien de nous.
M. Tsukishiro — Shirogane-san se porte bien ?
À l’évocation de ce nom, malgré mes efforts pour rester impassible, mon corps réagit malgré moi. Il nous connaît vraiment depuis l’enfance…
Je compris immédiatement que ce qu’il disait était vrai.
Moi — Vous connaissez le professeur Shirogane ?
M. Tsukishiro — Il m’a beaucoup aidé dans ma jeunesse.
Il semblait avoir le même âge que le professeur Shirogane. Ce qui signifiait sans doute que ce qu’il entendait par « aidé » n’avait rien à voir avec ce que cela signifiait pour nous.
M. Tsukishiro — Tu n’es pas le mal. Mais dans le monde d’où je viens, il n’y a que ça, peu importe l’angle où on voit les choses. Soit un mal pur et simple, soit un mal caché sous un masque de justice. Mais toi, Nanase Tsubasa, tu es différente. Tu es banale, mais capable. Banale, mais encore incomplète. Banale, mais porteuse d’un certain talent. Ce sont justement ce genre d’individus qui, parfois, peuvent terrasser le mal. C’est la conviction que j’ai forgée en vivant dans ce monde.
Moi — Vous avez dit vous appeler M. Tsukishiro. Ce garçon… fait-il partie de ce mal dont vous parlez ?
Sur la photo, un jeune garçon d’à peu près mon âge.
M. Tsukishiro — Il s’appelle Ayanokôji Kiyotaka. Il détient une clé essentielle qui te mènera à la personne contre laquelle tu cherches à te venger. Il a déjà intégré le lycée Kôdô Ikusei et mène une vie banale, dissimulé parmi les autres élèves.
Moi — Vous voulez que je m’en approche, n’est-ce pas ?
M. Tsukishiro — Exactement. Je te transmettrai mes instructions au fur et à mesure. Tout cela dans le seul but d’accomplir ta vengeance. Il faudra agir avec souplesse. Mais prends garde. Ce garçon possède une intuition remarquable, presque inhumaine. Si tu t’approches imprudemment, il percera ta véritable nature sans difficulté.
Moi — Alors… que dois-je faire ?
M. Tsukishiro — Il faut dissimuler le mensonge au sein de la vérité. Ce qui est indéniable, c’est que tu as de l’affection pour Matsuo Eiichirô, et que tu veux venger ce qu’il a subi. Alors construis ton personnage sur cette vérité. Adopte une conduite telle, que ton véritable dessein restera hors d’atteinte. Ce garçon se méfiera naturellement de toi, mais il ne cherchera pas à en savoir plus. Il te jugera sans importance.
Moi — Dites-moi une chose, pour finir. Pourquoi moi ?
M. Tsukishiro — Parce que tu es justement à la croisée des chemins. Ni clairement à gauche, ni clairement à droite. C’est précisément cette indétermination qui te rend idéale pour la mission que je souhaite te confier.
Moi — Et si j’en venais à accepter Ayanokôji… ?
M. Tsukishiro — Alors j’aviserai à ce moment-là.
Il me demanda alors si j’étais prête à aller jusqu’au bout. Je hochai la tête, sans la moindre hésitation.
Je repense encore parfois à cet échange comme à un rêve. À ce moment-là, dans cette chambre d’hôpital, j’étais entièrement tournée vers la vengeance. Je voulais à tout prix faire sortir de l’ombre Ayanokôji Atsuomi, celui qui avait poussé Eiichirô-kun dans cet état.
Mais aujourd’hui, quelque chose a changé. Je veux aider Ayanokôji-senpai. Et cela, je le pense désormais du fond du cœur. S’il venait à quitter le lycée Kôdô Ikusei tel qu’il est maintenant, il ne pourrait qu’avancer sur le chemin du mal pur.
Et d’autres victimes, comme Eiichirô-kun, tomberaient entre ses mains. Je ne peux pas le permettre. Alors, puisque je suis la seule à connaître ce danger, c’est à moi d’y mettre un terme.
Aujourd’hui encore, je poursuis la recherche de cette petite clé, perdue quelque part dans les profondeurs de cette forêt.