COTEY3 T2 - BONUS

Histoires courtes

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Traduction : Calumi
Correction : Raitei
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Postface

L’année s’est écoulée en un clin d’œil, et nous voilà aujourd’hui. C’est moi, Kinugasa. Avec l’âge, et avec ma hernie qui recommence un peu à faire des siennes, on ne peut pas dire que je sois au mieux de ma forme. Mais, à part cela, ma santé s’améliore d’année en année. Ma tension et d’autres indicateurs autrefois médiocres s’améliorent et tendent vers un niveau conforme à mon âge. Ce qu’il reste vraiment, c’est la hernie… C’est le seul point difficile à régler, mais je vais faire de mon mieux. Le prochain volume sera le troisième de l’année de terminale et, comme le début de l’été arrive un peu plus tôt, notre rendez-vous habituel viendra aussi en avance.

Cela dit, ce tome 2 était une parenthèse pleine de chaleur au rythme lent, mais l’orientation pourrait évoluer vers quelque chose de plus tranchant. Mieux vaut toutefois ne me croire qu’à moitié. Je me dis que la fin est encore bien loin, et je m’aperçois en même temps que le premier trimestre est peut-être déjà sur le point de s’achever. Les postfaces abordent en général peu le corps du récit et ce qui viendra, je vais donc m’arrêter ici. Passons à présent à quelques sujets personnels sans importance. Vous pouvez sauter cette partie si vous le souhaitez.

Plus je vieillis, plus j’ai le sentiment de m’éloigner du jeu vidéo. Pour faire simple, Mario Kart comme Super Smash Bros., ces jeux auxquels je jouais autrefois jusqu’à pas d’heure, aujourd’hui, quand j’y joue avec les enfants, je m’en lasse au bout de quelques dizaines de minutes. Sur mon téléphone, à part le jeu mobile de Classroom of the Elite, je n’ai aucun autre jeu. Pourtant, je n’arrive pas à imaginer ce que je ferais le jour où je devrais m’en passer. À force d’y penser, la journée s’est envolée !

Et mes enfants, en un clin d’œil, ont encore grandi. À mesure que l’âge avance, on a sans doute de plus en plus l’impression que le temps s’accélère. J’ai compris très concrètement ce qu’on appelle la loi de Janus[1]. Alors, espérons avoir l’occasion de nous revoir dans le courant de l’année. Si aucun gros ennui ne survient, nous pourrons nous revoir. Si aucun gros ennui…

 

Morishita Aoi

Pistolet auriculaire

 

Yamamura — Euh… je… je, enfin…

Face à moi, Yamamura Miki bégayait, mâchait ses mots, hésitait, traînait. Elle n’arrivait pas à aligner une phrase correcte. Ce qui m’agaçait, c’était qu’Ayanokôji Kiyotaka observait calmement la scène en attendant qu’elle termine. Comptait-il jouer le père qui veille en silence au développement de sa fille ?

Yamamura — Ce que je voulais dire, c’est…

Dans ce monde, TIME IS MONEY[2] ! J’avais prévu, après les cours, de me livrer à un peu d’observation des gens, au milieu de la foule grouillante dehors, alors je voulais qu’on boucle ça vite. Se contenter de veiller ne suffit pas à éduquer un enfant. Moi qui avais fait grandir des triops vigoureux, je le savais mieux que quiconque.

Je passai à l’attaque en silence et me glissai jusqu’auprès de Yamamura Miki. À part Ayanokôji Kiyotaka, là devant, personne ne me vit.

Bien, on dirait que je ne suis pas démasquée. Olalala, la fameuse spécialiste de la filature qui se fait avoir si facilement, quelle honte.

C’est ainsi que j’exécutai ma technique fatale.

Moi — Fuu…

Je pinçai fort les lèvres et tirai de ma bouche une balle parfumée à la pêche droit dans son conduit auditif.

Yamamura — Aaaaaah !

Un cri strident comme je n’en avais jamais entendu de sa personne éclata. L’opération frayeur fut un succès total.

Yamamura — Aaah, m-mais qu’est-ce que tu fais…

Moi — Héhé. C’est le « pistolet auriculaire ». Quand on est pris par surprise, ça fait toujours sursauter.

Ayanokōji — Plutôt qu’un pistolet, c’est une simple soufflerie…

C’était vrai : le pistolet auriculaire empruntait lui aussi la force du grand souffle. Qu’il ait saisi en un instant l’essence de ma technique fatale…

Moi — Vu sous cet angle, ce n’est pas faux. Bravo pour ta perspicacité, Ayanokôji Kiyotaka.

Mais employer ma technique ici ne relevait pas d’une simple démonstration d’amusement.

C’était pour donner un coup bien placé à Yamamura Miki, trop tendue pour avancer.

Pour achever l’enchaînement, je lui pinçai doucement la joue.

Yamamura — H-hein… ?

Moi — Alors, Yamamura Miki, tes épaules se sont un peu détendues, non ?

Ainsi, elle pourrait se retrouver un peu et faire un pas en avant.

Et voilà : encore une journée où j’aidai mon entourage.

Quelle personne incroyable je suis.

Un génie inégalé. Mon propre talent en ferait presque peur…

 

 

Shiraishi Asuka

La voix cachée au fond du cœur

 

Après plus de deux années, je ne pouvais pas l’entendre prononcer cette phrase, et en même temps je désirais ardemment qu’il le fasse. Je ne pouvais nier que ces deux sentiments, contradictoires, se mêlaient en moi.

Ayanokôji — Je me fais peut-être des idées, mais… Est-ce que tu me portais déjà un certain intérêt avant mon transfert dans la classe C ?

Son regard et sa voix transpercèrent sans pitié mon cœur.

Moi — Ah…

Je m’étais laissée trahir. Il venait enfin de l’apprendre. Ces deux émotions opposées se retournaient en même temps dans ma tête. Trouver un prétexte pour m’en tirer n’aurait pas été difficile, mais c’était impardonnable.

Moi — Ah… Ça ne va pas du tout, ça.

J’avais un grand devoir à accomplir, une mission d’observation. Pour répondre aux attentes de Shirogane-sensei, je répétais, jour après jour, la même tâche. Ce jour-là, à l’approche de la remise des diplômes, on me convoqua dans une salle. Depuis le jour où j’appris son existence, ma mission avait commencé…

Ayanokôji — Ça ne va pas ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

La voix d’Ayanokôji avait toujours ce ton bien monocorde. Il n’en était pas encore sûr, mais il devait déjà se méfier de mes regards et de mes gestes que je ne parvenais pas à réprimer. Pardonnez-moi. Pour cet instant seulement, laissez-moi oublier ma mission.

Moi — Je suis Shiraishi Asuka.

Tout ce que nous venions d’échanger n’était que mensonge. Alors, au moins pour me présenter, je pouvais le dire du fond du cœur…

Moi — Et toi… qui es-tu ?

Il y répondrait, n’est-ce pas. À ma question… la voix de ma première véritable présentation, que j’avais gardée enfouie au plus profond de moi ?

 

Ichinose Honami

Je l’aime trop…

 

En entendant d’abord l’intervention de Hoshinomiya-sensei, j’avais eu l’impression que les règles de cet examen spécial reprenaient celles sur le respect du règlement appliquées à notre arrivée au lycée et, après avoir écouté la suggestion d’Ayanokôji-kun, ce sentiment s’était encore renforcé. Dès le premier jour, notre classe avait donc pris soin de garder ses distances avec celle d’Ayanokôji-kun.

Si Ryuuen-kun envoyait ses sbires pour semer le trouble, agir de concert nous exposerait tous deux comme cibles probables. Je ne savais pas si cette prudence avait porté ses fruits ou si Ryuuen-kun avait changé de stratégie, mais nous avions passé une semaine sans le moindre accroc.

Pourtant, pour moi, cette semaine avait paru interminable.

Durant tout ce temps, je n’avais pas pu voir Ayanokôji-kun. Même si nous pouvions échanger par téléphone, le seul fait de ne pas pouvoir sentir notre souffle l’un en face de l’autre me déchirait le cœur.

C’est pourquoi, aujourd’hui, à la fin de l’examen spécial, quels qu’en soient les résultats, j’avais réussi à donner rendez-vous à Ayanokôji-kun à la salle de sport afin de passer un peu de temps avec lui.

Après avoir fait le plein de ce bonheur, nous marchions sur le chemin du retour. Ayanokôji-kun disait vouloir inviter de nouveaux camarades à la salle. Si le but paraissait évident, la proposition en elle-même n’était pas mauvaise. Si nous avions davantage d’occasions d’échanger avec Kanzaki-kun et les autres, la classe ne pourrait que s’en trouver améliorée.

Ayanokôji — Dans ce cas, je vais les inviter directement.

En me voyant accueillir l’idée, il répondit ainsi.

Moi — Merci… Je suis vraiment contente de pouvoir compter sur toi, Ayanokôji-kun.

À chaque pas, le dortoir se rapprochait.

Bientôt, viendrait l’heure de dire au revoir à Ayanokôji-kun.

Même si le lien entre nous n’était pas encore profond, ce n’était pas grave.

Mais…

Le cœur serré, je touchai du dos de ma main gauche le dos de sa main droite.

Il ne se déroba pas. Mais avec… seulement les doigts…

Je pris conscience de la pulsion qui montait en moi et retirai aussitôt ma main.

Moi — P… pardon. C’est venu tout seul… Je n’ai pas réussi à me retenir. Après tout, nous ne sommes que de simples amis.

Non, je ne devais pas être la seule à changer ainsi.

Tant qu’Ayanokôji-kun ne me réclamerait pas de lui-même, je ne pouvais pas me tenir à ses côtés sur un même pied.

L’amour fou faisait donc si mal. Il fallait le ressentir pour le comprendre.

Tout en pensant cela, je cherchais le regard d’Ayanokôji-kun…

 

Shiina Hiyori

Cœur vacillant

 

Après être revenue dans ma chambre, je m’assis sur le lit et laissai la tension retomber.

Je tenais un pavot dans la main.

Il me suffisait de le regarder, et mon cœur se remplissait malgré moi.

Dans le même temps, la silhouette d’Ayanokôji venant me retrouver à la bibliothèque se dessinait dans mon esprit.

Au moment même où je m’étais résolue à croire qu’il me détestait déjà, l’imprévu survint. Il déclara vouloir me revoir le lendemain.

Ma résolution de lui dire adieu s’évanouit aussitôt.

Moi — Avoir le cœur trop plein… c’est aussi un peu effrayant…

Ce qui n’était d’abord qu’une journée confuse devint une journée d’une rare beauté. Je fus moi-même très surprise. Ainsi, un sentiment si puissant se cachait en moi.

Je compris enfin.

Moi, en tant que fille, j’étais tombée amoureuse de ce garçon, Ayanokôji.

En regardant la fleur tournoyer, je poussai un léger soupir.

Moi — C’est permis…? De l’aimer ainsi…

Je me parlai à moi-même en contemplant ce pavot qui ne pouvait répondre.

Ayanokôji s’était déjà séparé de Karuizawa.

Donc je comprenais qu’il n’y avait pas de mal à l’aimer.

Mais je n’avais pas le courage de lui avouer ce sentiment, d’autant plus que nous appartenions à des classes différentes.

Dans la lutte à venir pour le trône de la classe A, ce sentiment risquait sans doute de jouer contre moi.

Avec cet amour au cœur, pouvais-je vraiment affronter la classe d’Ayanokôji…?

Moi — Je devrais…

Peut-être devais-je renoncer à cette envie déplacée et en rester à une amitié chère avec lui. Il ne fallait pas céder à la frustration.

Et puis, rien ne disait qu’Ayanokôji poserait sur moi ce regard-là.

Pour l’instant, cela suffisait.

Comme cela, c’était bien.

Garder une distance ni trop proche ni trop lointaine.

Je pensai que mon premier amour, s’il se fanait ainsi en silence dans une brume indistincte, serait peut-être plus heureux.

Moi — Assurément… c’est bien la bonne réponse, n’est-ce pas ?

Je posai une fois encore la question aux pétales du pavot.

 

[1] Phénomène psychologique lié à la perception subjective du temps qui explique pourquoi, avec l’âge, on a l’impression que le temps passe de plus en plus vite.

[2] De l’anglais, « le temps c’est de l’argent ».

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