COTEY3 T1 - CHAPITRE 8
Alliés et ennemis
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Traduction : Gatotsu
Correction : Raitei
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(Horikita)
Qui était responsable de la défaite de la classe A ?
C’était un fait qui avait été indéniable dès le départ. Cette responsabilité m’incombait car on m’avait confié le rôle de leader et je n’avais pas su me remettre du choc du transfert d’Ayanokôji, incapable de formuler ne serait-ce qu’une simple stratégie.
Peut-être que si j’avais pu en mettre en place une ou deux stratégies efficaces, nous aurions eu une chance…Ou bien nos résultats paraissaient serrés, alors qu’en réalité, il s’agissait d’une défaite écrasante ?
Après les cours, je me trouvais dans la salle de classe déserte de la classe A. Je restais seule dans cet endroit, incapable de trouver la moindre réponse. Après notre défaite, personne ne m’avait vraiment blâmée. C’était même le contraire, tout le monde m’avait réconfortée en disant qu’il y aurait une prochaine fois.
Cependant, les réconforts chaleureux de Sudou et des autres ne m’atteignirent pratiquement pas. Je ne me souvenais même plus de ce qu’ils avaient dit exactement. Je n’arrivais pas à m’en rappeler. Et avant même que je ne m’en rende compte, j’étais restée assise là, l’esprit totalement vide, restant sur ma chaise jusqu’à ce que je sois la seule
Depuis la salle de classe plongée dans la lumière du crépuscule, je regardai soudainement par la fenêtre. Ce fut alors là que je réalisai que le soleil était sur le point de se coucher.
Horikita — Je devrais rentrer…
Sans réfléchir, je me levai et me dirigeai vers la porte. Je me rendis compte que j’avais oublié mon sac alors je retournai à ma place le chercher. Puis, je marchai dans le couloir désert et me dirigeai vers le hall d’entrée.
Qu’est-ce que je fais ici ?
Quel est mon but en ce lieu ? Un intense sentiment de solitude m’envahit.
Je deviens inutile… désespérément inutile…
Est-ce que je pourrai me relever d’ici demain ?
Est-ce que je pourrai recommencer à avancer après-demain ?
Je ne savais pas.
Je ne savais plus rien.
J’étais bloquée dans une boucle.
Je mis mes chaussures, sortis à l’extérieur et me mis en marche.
…Rentrons à la maison.
Quoi qu’il en soit, je voulais retourner au dortoir et m’allonger sur mon lit.
Soudainement, mes pensées furent interrompues et ma vision vacilla violemment. Un choc inattendu me frappa au plus profond de mon être. Je ressentis une douleur intense dans le dos et, fus projetée en avant aussitôt. Bien que mes mains se tendirent par réflexe, je ne pus amortir correctement ma chute. Je glissai ainsi sur le sol recouvert de gravier. Mon sac roula, provoquant un nuage de poussière.
Moi — Ugh… !
La douleur survint avec un petit temps de latence. Mes mains et mes genoux, qui avaient tenté de me protéger, me brûlaient particulièrement.
Moi — Que… Qu’est-ce que c’était que ça ?!
Ce n’est qu’après que j’ai réalisé avoir reçu un coup de pied. Puis, avec un temps de latence, mon cerveau m’envoya une alerte me disant de vérifier le responsable.
— T’es vraiment devenue pitoyable, Horikita. T’es même pas capable d’esquiver un vieux coup de pied comme ça.
La voix de l’assaillante ne contenait pas la moindre trace de malveillance. Les bras croisés, elle me regarda de haut avec mépris. C’était Ibuki.
Moi — A quoi tu joues… ? Tu es devenue folle.
Tu ne sais pas ce qui peut arriver quand on frappe de toutes ses forces quelqu’un sans défense ? Avant même que je puisse lui crier dessus et diriger ma colère contre elle, Ibuki me lança un regard noir.
Ibuki — Ton air pathétique m’a toujours soulée. Juste te voir me donne envie de tout péter.
Moi — Alors ne me regarde pas… C’est simple.
Pourquoi une sauvage comme elle me frappait sans aucune raison, surtout dans une période aussi difficile et après une défaite aussi douloureuse ?
C’était littéralement le coup de trop.
Je poussai un soupir en observant les petites gouttes de sang sortir de ma main.
Ibuki — Tu vois, c’est ce que je dis. Ce genre d’attitude de merde me sort par les yeux. Je n’y peux rien. Tu devrais me remercier de t’avoir simplement donné un de pied.
Moi — Je ne comprends pas ce que tu veux dire.
Je n’avais aucune envie de m’occuper d’Ibuki à ce moment-là. Avant de me relever et de ramasser mon sac, j’essayai de retirer la poussière. Fort heureusement, mes genoux ne semblaient pas écorchés.
Ibuki — Hmph. Tu n’es même pas capable de riposter ? Eh bien, même si tu le faisais, je te contrerais facilement.
Moi — Je ne ferais jamais ça… Et puis, je ne suis pas…
Même dans un moment pareil, l’image d’Ayanokoji me traversa l’esprit.
Ibuki — Ugh, tu viens encore de penser à Ayanokôji, pas vrai ?
Moi — …Et alors ? Ce ne sont pas tes affaires.
Ibuki — Tout le monde ne parle que de lui, Ayanokôji par-ci, Ayanokôji par-là. Alors que c’est bon, la peste a enfin disparu de votre classe !
Moi — Je te savais un peu dépourvue de bienveillance, mais tu es vraiment stupide. Comment je pourrais être heureuse de son départ ?
Ibuki — Moi je sauterais de joie. Juste voir sa tête me donne envie de tout casser… Ah, rien que d’y penser, ça me rend folle. Je croyais enfin pouvoir le surpasser, mais c’est Ryuuen qui se retrouve à morfler.
Ibuki, vraiment énervée, donna un coup de pied dans le sol.
Moi — Qu’est-ce que tu racontes au juste… ?
Je murmurai dans la confusion, puis les résultats de l’examen du jour me revinrent en tête. Ayanokôji avait encore vaincu la classe de Ryuuen…
Et d’une manière particulièrement spectaculaire, laissant une forte impression.
Jusqu’à ce moment-là, les résultats de l’examen semblaient lointains.
Ibuki — Si tu comptes rester pathétique comme ça pour toujours, alors j’en ai fini avec toi. Ne viens même plus ne serait-ce que m’adresser la parole, et ne viens plus me montrer ta sale tête devant moi.
Moi — Je ne me souviens même pas t’avoir déjà dérangée, et de toute façon, nous n’avons jamais été proches.
En réalité, j’avais pas mal investi de mon temps, de mon argent et de mes efforts pour l’aider quand elle était en difficulté. Je ne me souvenais que de ses critiques, jamais de ses remerciements.
Ibuki — Ok super. Allez salut.
Après avoir vidé son sac, Ibuki s’éloigna. Je m’accroupis sur place, les yeux fermés pour contenir la douleur qui me provenait du dos.
Moi — Pourquoi c’est toujours comme ça… ?
Mon année de terminale venait tout juste de commencer. Le seul moment de joie avait été celui où j’avais vu la plaque indiquant « Classe A ».
C’était si douloureux. Quelqu’un…
À l’aide… Ayanokôji…
— Tu vas bien ?
Alors que j’étais accroupie, la tête baissée vers le sol, une voix s’adressa à moi.
— On dirait qu’elle t’a frappée fort dans le dos, tu es blessée ? Je vais chercher un professeur ?
C’était Karuizawa qui me regardait, inquiète, apparemment témoin de tout ce qui s’était passé. Elle était encore en uniforme, ce qui laissait penser qu’elle n’était pas encore rentrée chez elle.
Moi — Je vais bien… la douleur commence enfin à partir. Elle n’a vraiment aucun bon sens…
Alors que j’allais attraper la main qu’elle me tendait, je me rappelai que cette dernière était couverte de sang en plus d’être sale. Alors je tentai de la retirer, mais Karuizawa saisit doucement mon poignet et m’aida à me relever.
Puis, elle essuya la poussière de mon uniforme avec son mouchoir. Je n’avais pas la force de refuser, alors je me contentai de la regarder, la laissant faire.
Moi — Je suis désolée, et merci. J’ai dû te montrer quelque chose de ridicule… Tu as entendu ce qui se disait ?
Karuizawa — Non… J’étais assise sur un banc quand je vous ai aperçues Ibuki et toi.
Elle montra du doigt un banc se situant en direction du dortoir. Normalement, j’aurais dû la remarquer, mais Karuizawa n’était pas apparue dans mon champ de vision. C’est aussi pour cela que je n’avais pas senti la présence d’Ibuki. Elle ramassa mon sac et me pressa de m’asseoir sur le banc. Malgré ma contenance, la douleur était toujours présente, alors je me laissai guider.
Moi — Désolée pour le mouchoir. Il doit être tout sale, non ?
Karuizawa — C’est rien. C’est fait pour ça non ?
Moi — Je suis vraiment lamentable en ce moment…
Je poussai un soupir et fermai les yeux. Quel visage pathétique j’avais.
Moi — Je suis désolée pour l’examen aussi. Je n’ai pas su mener la classe.
Karuizawa — Je ne pense pas que ce soit ta faute. Si on avait marqué plus de points, on aurait pu gagner le combat de groupe.
Moi — Mais ça reste ma responsabilité.
Je devais vraiment faire plus attention à l’avenir…J’en venais même à inquiéter sérieusement Karuizawa.
Karuizawa — C’est assez surprenant.
Assise à côté de moi, elle exprima ses pensées pleinement.
Moi — Surprenant ?
Karuizawa — Je t’ai toujours vue comme quelqu’un de très calme.
Moi — Ce n’est pas vrai. Je suis juste…
Je faillis nier mais aucun mot ne sortit. Tenter de démentir était un mensonge.
Moi — …Non. Je croyais être assez forte, mais en réalité ce n’était pas moi qui faisais preuve de force…
Je serrai les mains posées sur mon genou. Une certaine douleur se propagea depuis l’une d’elle, écorchée.
Moi — J’ai réalisé que si je pouvais me tenir debout, c’était uniquement par la présence d’Ayanokôji au sein de la classe.
J’étais simplement soutenue. Ce n’était pas ma force.
Moi — Je suis une personne faible. Tu peux te moquer de moi.
Être moquée m’aurait peut-être procuré le plus grand bien, bien plus que d’être réconfortée.
Karuizawa — Je ne rigolerai pas. Je suis tout aussi faible.
Mais elle ne chercha pas à me blâmer.
Moi — Ce n’est pas vrai. Tu avais une vraie force en toi dès ton entrée au lycée. Quant à savoir si toutes tes méthodes étaient exemplaires, c’est un autre sujet.
Elle s’était rapidement liée d’amitié avec des camarades du même sexe et était devenue le centre de son groupe en peu de temps. Il y avait quelques rumeurs désagréables, mais il ne faisait aucun doute qu’elle occupait une place majeure. Je ne pouvais même pas imaginer reproduire ce qu’elle avait réalisé.
Je me demande si le transfert d’Ayanokôji a été une bonne chose pour elle…
Puisque c’était elle qui avait provoqué la rupture, peut-être s’était-elle dit qu’il valait mieux qu’il parte. Mais depuis ce jour-là, j’avais l’impression que Karuizawa ne souriait plus.
Est-ce simplement parce qu’elle s’inquiète pour l’avenir de la classe ?
Moi — Quel genre de personne était Ayanokôji pour toi… ?
Je sentais que je ne devais pas poser la question mais c’était sorti comme ça.
Karuizawa — Quel genre, hein… ? Difficile de résumer en un seul mot…
Elle leva les yeux vers le ciel et replongea dans ses souvenirs.
Karuizawa — C’est quelqu’un d’essentiel pour moi. Quelqu’un d’important… quelqu’un que j’aime…
Son attitude et ses mots… Ce n’était pas quelqu’un qui avait tourné la page.
Moi — …Était-ce son idée ? Peut-être…
Karuizawa — Je peux pas dire. Rien dire, c’est devenu ma raison d’être.
Moi — …Tu…
Comment pouvais-je être si superficielle et si stupide… ? Ma souffrance n’était rien comparée à celle de Karuizawa. Je venais enfin de le comprendre.
Karuizawa — C’est difficile quand tout nous tombe sur la tête, pas vrai ?
Moi — …C’est vraiment, vraiment difficile…
Ce qui était resté coincé au fond de ma poitrine jusque-là avait commencé à se desserrer face à Karuizawa. Je sentais ma vision s’éclaircir peu à peu.
Moi — Ouch… ! Franchement, elle exagère. C’est de la violence pure !
Alors que je commençais à me calmer, la douleur dans ma main se réveilla.
Karuizawa — Ok, mais… peut-être qu’elle s’inquiétait à sa manière ?
Moi — Elle ? C’est impossible.
Karuizawa — J’étais assise sur ce banc toute la journée, mais Ibuki traînait ici et ne semblait pas vraiment vouloir rentrer chez elle. On aurait dit qu’elle attendait quelqu’un.
Moi — Elle devait attendre quelqu’un d’autre.
Si même Ibuki s’inquiétait, c’est que la situation était vraiment sérieuse. Quelle brute. Peu importe ses véritables intentions, je suis dans un sale état.
Karuizawa — Hey. Je peux te poser une question un peu indiscrète ?
Moi — Une question indiscrète ? Je t’écoute.
Karuizawa — Est-ce que toi aussi… tu aimes Ayanokôji ?
Moi — Eh ?
Son regard n’avait rien de moqueur. Il était rempli de sincérité.
Moi — Qu’est-ce que tu racontes ? C’est ridicule.
Est-ce que je l’aime… ? Il n’y a aucune chance que ce soit le cas…
Malgré ça, les événements des vacances de printemps me revinrent en tête.
Les battements de mon cœur à ce moment-là…
C’était une sensation agréable que je ne pourrais décrire, et en même temps… embarrassante. Des émotions que je n’avais jamais ressenties auparavant.
Moi — Il n’y a aucune chance que ce soit le cas…
C’était tout ce que je parvins à dire.
Moi — Aimer quelqu’un… ça m’est étranger, excepté pour ma famille…
Karuizawa — Mais tu n’as pas pu répondre tout de suite, n’est-ce pas un signe ? Si tu ne l’aimais vraiment pas, même un peu, tu l’aurais nié immédiatement, pas vrai ? Tu aurais dit un truc du genre « C’était juste un camarade » … Enfin, je ne sais pas si je suis claire…
Plutôt que de se mettre en colère en posant cette question, Karuizawa afficha un petit sourire. Sa tristesse, sa frustration, c’était quelque chose d’incomparable à ce que moi j’éprouvais.
Moi — Tu es… une bien meilleure personne que je ne le pensais.
Karuizawa — Wow, tu t’en rends compte seulement maintenant ?
Moi — Oui. Je te pensais plus agaçante.
Karuizawa — C’est dur~ Je plaisante.
Karuizawa, avec une part d’autodérision, poursuivit.
Karuizawa — Je pense qu’en fait, j’étais vraiment quelqu’un d’exécrable. J’étais arrogante, égoïste, je pensais que ce n’était pas grave de ne pas rendre l’argent que j’empruntais aux autres et que je pouvais faire ce que je voulais. En tout cas, juste après mon entrée au lycée.
Moi — Ah, je suis désolée. C’est à cause de ma remarque maladroite tout juste avant… Ce n’est pas quelque chose dont on peut se vanter.
Karuizawa — Non, ça va. C’est la vérité. Moi aussi, je détestais cette partie de moi. Je peux le dire maintenant car j’ai changé.
Moi — …Comment as-tu réussi à changer ?
Karuizawa — Kiyotak…non, Ayanokôji… il m’a sortie de l’obscurité.
Moi — L’obscurité… ?
Karuizawa me regarda avec une expression un peu distante.
Karuizawa — Je vais te confier un secret que je n’ai partagé qu’avec Ayanokôji. Même Maya ne le connaît pas.
Elle me prit chaleureusement la main. Sa main était froide, mais pour une quelconque raison, elle dégageait une chaleur assez réconfortante. Ma main qui pourtant devait encore brûler sembla oublier la douleur à ce moment-là. Et ce qu’elle me raconta, ce fut la vie d’une fille nommée Karuizawa Kei.
Un passé inimaginable. Le harcèlement qu’elle avait subi au collège. Sa décision de devenir très populaire, quitte à se faire détester. La fausse relation avec Hirata. Et puis… comment certains élèves, en découvrant la vérité, avaient relancé une nouvelle vague de harcèlement. Comment elle en avait été libérée grâce à l’intervention d’Ayanokôji. Et comment, en fin de compte, elle réalisa que cela avait été orchestré. Les événements de son année de seconde. Le combat avec Ryuuen sur le toit.
J’en avais entendu parler en discutant avec Ibuki cet été, mais ses souvenirs étaient flous. Les détails m’échappaient, certains éléments manquaient. Je savais que Karuizawa avait beaucoup souffert à cause de Ryuuen, mais j’ignorais les circonstances. J’avais désormais le puzzle entier et je sentis une larme couler sur ma joue, compatissante envers son passé si dur. Essayer de devenir forte en jouant le rôle de quelqu’un de détestable, Je réalisais à quel point ce chemin avait dû être difficile et parsemé d’embûches. Mais ce n’était pas pour cela que je pleurais. J’aurais largement dû comprendre ce qu’Ibuki m’avait dit à ce moment-là.
Moi — Je… je n’ai rien appris de lui…
Il avait toujours été à mes côtés. Proche de moi, je pensais le connaître.
Mais je me fourvoyais. Peut-être que je le connaissais moins que n’importe qui d’autre. Tout ce qu’il m’avait montré, c’était seulement son dos.
Il ne s’était jamais retourné. Il ne m’avait jamais attendue.
Moi — Tellement pathétique.
Je me sentais pathétique. Comme si c’était moi qui étais mise de côté, la plus blessée et la plus triste, persuadée d’être la victime.
Moi — Je suis pathétique, pas vrai… ?
Karuizawa — Je ressens également la même chose.
Elle se mit à rire en disant ça. En voyant son sourire, mon expression s’adoucit.
Karuizawa — Ça doit être la première fois que je ris depuis un moment.
Moi — Moi aussi.
Je hochai la tête. Je n’aurais jamais cru que nous pourrions avoir quoi que ce soit en commun.
Mais maintenant, je me sentais plus proche d’elle que de n’importe qui d’autre dans la classe.
Je serrai sa main en retour. Puis, peut-être parce que les émotions retenues de Karuizawa commencèrent à déborder, une larme scintilla sur sa joue.
Karuizawa — On est toutes les deux tombées sur un gros con, pas vrai ?
Moi — Oui, vraiment… C’est le cas de le dire.
Je réalisai qu’il valait mieux ne pas trop creuser à son sujet. Mais…
Je ne pouvais plus reculer maintenant.
Moi — Au point où on en est, je n’ai pas d’autre choix que de le forcer à me regarder. J’obtiendrai mon diplôme avec tous les élèves de la classe A. Je le promets.
Ce ne sera pas facile.
Avec lui comme adversaire, parvenir à la classe A était devenu un défi sans précédent.
Mais je ne m’arrêterai plus.
Karuizawa — Tu es vraiment forte, Horikita.
Moi — Pas du tout. Je suis une personne faible, mais j’ai compris que je ne suis pas seule.
Avec des camarades à mes côtés, rien ne sera impossible.
Karuizawa — D’accord… alors moi aussi… je dois commencer à changer ma mentalité.
Elle essuya ses larmes, s’étira tout du long et se leva du banc.
Puis, elle se retourna avec un nouveau sourire.
Karuizawa — Faisons en sorte qu’il regrette d’avoir quitté notre classe.
Moi — Oui, faisons-le regretter.
J’avais finalement fait un pas en avant.
Tant dans la réalité que dans mon cœur.
1
L’examen spécial se termina avec des victoires pour les classes C et D. Après ça, Shimazaki et les autres organisèrent une petite fête de bienvenue en ma faveur au Keyaki, où nous avions célébré notre victoire. Alors que je rentrais, le soleil était déjà en train de se coucher. C’était le crépuscule, tout juste avant la tombée de la nuit. Après avoir raccompagné mes camarades, je fis le détour pour me rendre au dortoir. Je levai les yeux vers le ciel et me mis à penser à l’avenir. Il faudra sans doute attendre plusieurs semaines avant que le prochain examen spécial ne soit annoncé. En général, la plupart des élèves profitaient de cette période pour vivre comme des lycéens lambdas et pour se ressourcer.
Cependant, les jours passaient inévitablement, et le temps restant diminuait un peu plus chaque jour. Pour les terminale, l’orientation était un sujet important. « Ce n’est qu’avril » était une pensée trompeuse. Il fallait dire plutôt « c’est déjà avril ». Pour qu’une classe rattrape son retard, il n’y avait pas de temps à perdre. Par conséquent, il était nécessaire de se préparer à tout donner dès maintenant. C’était un peu comme stocker des vivres et du matériel d’urgence en cas de catastrophe. Et si les choses allaient pour le mieux, alors tant mieux. Dans la lumière crépusculaire, je vis Kushida, une élève de la classe A que j’avais contactée. Elle m’attendait calmement, posée contre la rambarde.
Moi — Pourquoi as-tu choisi cet endroit ?
Alors que je m’approchais, Kushida répondit sans se retourner.
Kushida — Quand on est entré au lycée, tu as vu pas mal de choses que tu n’étais pas censé voir, Ayanokôji.
Bien qu’elle ait esquivé la question, je ne cherchai pas à l’arrêter dans son élan.
Moi — En effet.
Kushida, qui avait retrouvé Horikita du même collège de manière totalement inattendue, avait accumulé beaucoup de stress en elle. Ses camarades, la pensant douce et gentille, avaient dû être vraiment choqués en découvrant sa vraie nature.
À l’époque, Kushida avait montré qu’elle était prête à utiliser son propre corps dans un moment de désespoir pour me faire garder au silence.
Ça ne fait que deux ans, mais étrangement, j’ai l’impression que c’est bien plus lointain.
Moi — C’était en quelque sorte comme un accident, mais j’étais assez inquiet quand tu m’avais menacé.
Kushida — Ah oui ? Tu as toujours voulu me piéger depuis ce moment, pas vrai ?
Moi — Je n’ai jamais eu de telles intentions. Vraiment.
Bien que je réponde de cette façon, Kushida me jeta un bref regard et ne semblait pas me croire. Lorsque je suis entré au lycée, il y avait encore énormément de choses que j’ignorais, notamment les situations de mes camarades qui occupaient une place importante. Au sein de la White Room, les gens de mon âge abandonnaient et disparaissaient les uns après les autres. J’avais été seul dans cet environnement pendant très longtemps.
Avant d’entrer au lycée, je ne m’étais jamais rapproché d’une fille de mon âge après avoir quitté la White Room. Non… En réalité, j’en avais rencontré une là-bas avant qu’elle n’abandonne. Peut-être que mon cerveau avait jugé cela inutile, car j’avais presque complètement oublié son existence mais il m’arrivait parfois de me souvenir de futilités comme fragments du passé.
Comment s’appelait cette fille ? Quel genre de conversation avions-nous eu ?
Ou peut-être que nous n’avions jamais parlé ensemble. Je ne me souvenais guère de tout cela. C’était peut-être un effet secondaire lorsqu’on consacrait toutes ses capacités cérébrales à l’apprentissage. Si je n’avais pas quitté la White Room, je n’aurais jamais porté attention à de telles choses.
Mais peut-être qu’en découvrant divers modes de pensée dans cette école, je me suis mis à m’intéresser un peu plus à mon propre passé. Je me demandais comment cette fille et les autres allaient. Certains comme Yagami, étaient peut-être en train de subir une rééducation.
Kushida — Pourquoi tu m’as fait venir ?
Peut-être parce que je m’étais perdu dans mes souvenirs et que j’étais resté silencieux, Kushida m’interpela.
Moi — Je me demandais comment allait la classe. Je suis un peu inquiet.
Kushida — Ah ? Si tu l’étais, tu n’aurais pas demandé ton transfert.
Moi — C’est vrai.
Kushida — Le vrai sujet est complètement différent, pas vrai ?
Alors que je me plaçais à côté d’elle, je décidai de lui exposer la raison pour laquelle je l’avais appelée ici.
Moi — Pour réduire l’écart qu’on a avec la classe A, il serait plus simple d’avoir un espion en place le plus vite possible.
Kushida — Quoi ? T’es en train de me demander de trahir la classe ?
Moi — Exactement. Si tu as des résultats, je te paierai en points privés.
En entendant mes réelles intentions, Kushida sembla arborer ce qui ressemblait être un léger sourire.
Kushida — À cause de notre précédent échange de points privés, j’ai eu de sérieux problèmes. Tu penses vraiment que je vais encore coopérer avec toi maintenant que tu es devenu un ennemi ?
Kushida, sans jamais se tourner vers moi, exprima son refus catégorique.
Moi — Tu es libre de refuser. Mais dans ce cas, je ne peux pas te garantir que je garderai tes secrets.
Sa véritable nature avait déjà été exposée au sein de la classe A. Cependant, cela ne s’était pas répandu à travers les autres classes.
Kushida — Tu penses vraiment pouvoir me menacer ? Ryuuen est lui aussi au courant je te signale.
Moi — Si c’est Ryuuen, ses rumeurs manqueront réellement de crédibilité.
Même si Ryuuen tentait de diffuser des rumeurs sur la nature malveillante de Kushida, elle pourrait facilement prétendre ne rien savoir. Les élèves de la classe A n’iraient certainement pas venir en aide à Ryuuen non plus.
Kushida — Ce n’est pas pareil pour toi, Ayanokôji ? Tu t’es transféré de ton plein gré, donc rien ne garantit que les gens te croiront.
Moi — Tout dépend de comment tu fais les choses.
Kushida — …Tu parais confiant.
Moi — Je ne le nie pas.
Elle plissa les yeux, ne montrant aucune surprise, comme si elle s’y attendait.
Que pouvaient bien refléter ses yeux alors qu’elle admirait le paysage ?
Kushida — Tu n’as même pas besoin de moi pour faire tomber cette stupide classe de Horikita.
Moi — Ce ne sera pas si simple. Elle se relèvera certainement bientôt.
Kushida — Huh ? Tu ne la surestimes pas un peu trop là ?
Avec le soutien de ses camarades, c’est une tout autre histoire. Tôt ou tard, Horikita deviendra un obstacle de taille pour les classes C et D.
Moi — En expulsant certaines personnes à l’avenir, ça peut changer la donne.
En entendant ces mots, Kushida se tourna vers moi pour la première fois, essayant de percer mes véritables intentions.
Kushida — Des expulsions… en classe A ?
Moi — Je n’ai pas de raison particulière d’exclure qui que ce soit.
Elle comprit que je pourrais très bien provoquer une expulsion dans la classe A… simplement en utilisant ce que je savais sur elle comme point de départ.
Kushida — C’est bien trop risqué. Même si je touche un peu de points et que je nuis à la classe, ça ne sert à rien si je ne peux pas obtenir mon diplôme en classe A. Si jamais on apprend que j’ai un lien avec toi, je perdrais complètement ma position.
Moi — Alors tu devras économiser assez de points privés pour changer de classe avant la fin de l’année.
Kushida — T’es sérieux, là ?
Elle faisait semblant d’être sceptique. Elle n’essayait pas vraiment de discerner quels mots étaient vrais ou faux.
Partait-elle du principe que je mentais depuis le début, ou y avait-il une autre raison ?
Elle essayait également de masquer ses véritables intentions, sans me laisser la possibilité de les lire. Elle ne voulait pas que je comprenne.
Moi — Je ne te demande pas une réponse dans l’absolu. Tu es libre d’en parler à Horikita ou à n’importe qui vis-à-vis de cette proposition de trahison. Si tu l’enregistres sur ton téléphone, je te laisse la possibilité de la diffuser. Cela renforcerait les liens de la classe de Horikita.
Kushida — Qu’est-ce que tout ça veut dire ? Qu’est-ce que tu veux vraiment, Ayanokôji ? Tu veux faire tomber la classe A, pas vrai ?
Moi — Ce que je veux ne se limite pas à une seule chose.
J’évitai d’entrer dans les détails, et Kushida ne sembla pas vouloir insister.
Kushida — Je ne comprends pas trop, mais on dirait que tu veux juste que tout aille dans ton sens. Tu es le seul à avoir obtenu un score parfait à l’examen spécial, donc j’imagine que tu n’as plus besoin de te cacher.
Moi — C’est exact.
J’en avais dit assez. Je pourrais lui demander sa réponse une autre fois.
Kushida — Tu as aidé la classe d’Ichinose. Ils en ont eu trois de bons.
Moi — Juste un peu. Vu l’état mental de Horikita, Hirata a probablement pris les choses en main. Yukimura a dû dire qu’ils pouvaient gagner même avec quelques points de pénalité, et Wang Mei-Yui aurait probablement suivi, cherchant à répondre aux attentes de Hirata. Vous n’alliez pas utiliser Horikita, qui se distingue étant le leader de la classe, pour la laisser se reprendre en main. Kôenji, qui prend généralement ses études au sérieux, a offert à la classe une réelle opportunité à exploiter.
Kushida — Tu n’avais pas peur qu’on te blâme si tu t’étais trompé ?
Moi — Bien sûr, je ne pouvais rien garantir avec certitude. Mais ça valait le coup plutôt que de choisir cinq personnes au hasard, non ?
Derrière ses déductions se trouvaient non seulement mon influence, mais aussi des infos qu’Ichinose elle-même avait obtenues, comme ceux que Hirata avait réuni et comment le plan avait été construit. Ce n’était pas à négliger.
C’est pour cela qu’Ichinose avait pu accepter mes conseils. Ce n’était pas une relation où l’un se reposait simplement sur l’autre.
Mon téléphone vibra et je le sortis pour vérifier l’écran.
Kushida — Qui est-ce ?
Moi — Hashimoto. Il m’invite à poursuivre ma fête de bienvenue au dortoir.
Kushida — Je vois que tu as été accepté par la classe C après tes résultats à l’examen spécial.
Moi — Exactement.
Kushida — Hey.
Alors que je me tournais pour partir, Kushida m’interpela à nouveau.
Moi — Qu’est-ce qu’il y a ?
Kushida — Tu vas vraiment me préparer des points privés ?
Moi — Bien sûr. Je te dirai le montant avant que tu fasses quoi que ce soit. Si tu n’es pas satisfaite, tu pourras toujours refuser. Cela dit, ce n’est pas nécessaire pour l’instant. Ma classe et moi sommes un peu à la rue financièrement en ce moment.
Malheureusement, je ne pouvais pas lui proposer une somme assez satisfaisante dans l’absolu.
Kushida — Laisse-moi y réfléchir un peu.
Moi — Bien sûr. Il n’y a pas de date limite.
Alors que je me remettais à marcher, je sentis un regard dans mon dos, et me retournai.
Kushida était appuyée contre la rambarde en me fixant.
Kushida — Je tenais à te le dire, même si c’est à contrecœur, je t’apprécie vraiment, Ayanokôji.
Avant que je ne puisse répondre, Kushida détourna les yeux.
Kushida — C’est tout. Je pensais juste que je devais te le dire.
Moi — Je vois. Bon… à plus tard.
Ses mots avaient un certain sens, mais ce n’était pas le moment d’y prêter davantage attention.
C’était désormais à Kushida de choisir si elle devait privilégier son propre bien être ou celui de sa classe.
Avec ce choix, on pouvait se dire que l’avenir promettait d’être encore plus palpitant.