COTEY3 T1 - CHAPITRE 6

La vie scolaire en classe C

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Traduction : Gatotsu
Correction : Raitei
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Dimanche arriva. Aujourd’hui, j’avais prévu de retrouver mes nouveaux camarades de classe, Yoshida et Shiraishi, afin de renforcer nos liens. De plus, Shiraishi avait également prévu de ramener un ami, bien que je ne lui aie pas demandé de qui il s’agissait.

Le rendez-vous était prévu pour 10h30, donc une fois prêt, je sortis de ma chambre environ quinze minutes avant. L’endroit dont nous avions convenu se situait simplement devant le dortoir. En sortant du hall, j’aperçus la silhouette de Yoshida, visiblement agité.

Yoshida — Y-yo, tu es en avance, Ayanokôji.

Moi — C’est également ton cas, Yoshida.

Yoshida — Eh bien, je suis un gentleman. Je ne peux me permettre de faire attendre les dames.

Moi — La façon dont tu le dis suggère que tu attends depuis un moment.

Il était drôlement tôt. Attendait-il depuis une heure ? Il paraissait vraiment impliqué lorsque quelqu’un lui plaisait, mais attendre aussi longtemps ne signifiait pas forcément que cela augmenterait ses chances. Ce serait même plutôt étrange de le souligner volontairement, et cela risquerait de donner l’impression qu’il en faisait trop.

Cette sensation… Auparavant, je n’aurais probablement pas été capable d’interpréter cette situation aussi clairement que maintenant. Mais à travers ma relation avec Karuizawa, j’avais appris à mieux saisir cette façon de penser.

Cependant, en matière d’amour, il n’existe aucune réponse absolue, et toute la difficulté résidait dans la perception de la personne qui nous intéressait, puis de s’en approcher de manière appropriée.

Moi — Tu aimes Shiraishi ?

Je pensais que c’était le cas, et que Shiraishi, la personne envers qui il semblait éprouver de l’affection, semblait elle aussi le ressentir, il n’y avait donc probablement pas de malentendu à ce sujet, mais je voulais m’en assurer.

Yoshida — Quoi !? C-ce n’est pas comme si je l’aimais ou quoi que ce soit ! Qu’est ce qui te prend d’un coup ?

Je vois. Donc il l’aime.

L’opposé de « ne pas aimer » est « aimer » et celui d’« aimer » est « ne pas aimer ». Lorsque l’on parle d’amour, il arrive parfois des choses assez dénuées de sens. C’était un exemple qui correspondait parfaitement à la situation actuelle.

Moi — Je veux juste m’en assurer.

Yoshida — Attends, est-ce que… tu aimes Shiraishi ? Tu n’as quand même pas rompu avec Karuizawa et demandé ton transfert simplement pour elle, hein ? Je me trompe ?!

Bien qu’il ait affirmé qu’il ne l’aimait pas, il était visiblement loin d’être calme. Au contraire, il faisait clairement preuve d’hostilité sans même en être conscient. Son interprétation se montrait bien présomptueuse.

Moi — Malheureusement, je n’ai pas ce genre de sentiments envers elle.

Yoshida — Tu n’as pas à me mentir, mec. Ça ne me dérange pas. Hey, je pourrais même t’aider à te rapprocher d’elle si tu le souhaites ?

Il se forçait à rester calme, mais il ne se sentait pas à l’aise du tout. Il continuait de creuser sa propre tombe, il n’y avait pourtant aucun intérêt à poursuivre.

Moi — Je passe. À la place, je veux que tu me parles de la classe. Il y a des choses que je veux savoir.

Yoshida — …Tu fais le coq bien fier et tout, hein ? Bon, ok, tu viens d’être transféré, et c’est tout à fait normal que tu veuilles en savoir plus sur la classe. Je vais faire un effort pour t’en apprendre davantage, alors n’hésite pas à me demander… ou plutôt, demande à Hashimoto. Il te tient en haute estime, et il t’en dira même bien plus.

Moi — Il y a des choses que je ne peux pas demander à Hashimoto.

Yoshida — Qu’est-ce que tu veux dire ?

Moi — Comme la manière dont la classe évalue Hashimoto et ce qu’elle pense de lui. Ce genre de choses.

Même Hashimoto, qui avait généralement une bonne compréhension de la classe, aurait du mal à analyser cette question de manière objective et à en faire un rapport précis.

Yoshida — Notre évaluation de Hashimoto, hein ? Eh bien, elle est clairement plus négative que positive, c’est sûr. Je pense néanmoins qu’il a tout de même certaines compétences.

Alors qu’il exprimait ses propres pensées, Yoshida dirigea son regard vers le hall. Au même moment, une voix vive et enjouée se fit entendre.

Nishikawa — Bonjour, Yoshi, Ayanokôji !

La personne qui arriva au lieu de rendez-vous n’était pas Shiraishi, mais, de manière inattendue, Nishikawa Ryouko. Elle semblait simplement là pour saluer un nouveau camarade, mais elle s’arrêta juste devant nous.

Nishikawa — J’espère qu’on passera un bon moment ensemble aujourd’hui.

Yoshida — Ah, c’est juste Nishikawa…

Nishikawa — Pas besoin d’avoir l’air aussi peu accueillant~

Moi — Est-ce que tu es avec Shiraishi par hasard ?

Nishikawa — Bien sûr. Tu ne pensais quand même pas pouvoir obtenir un rencard avec Asuka, n’est-ce pas, Ayanokôji ?

Moi — Je ne pense pas qu’on puisse qualifier ça de rencard…

Ce n’était pas comme si je n’avais aucune attente à l’idée d’approfondir mes liens d’amitié ici, mais c’était différent de ce que Nishikawa imaginait.

Nishikawa — Hein ? Vraiment ? Tu es pourtant sorti si facilement alors qu’on n’a pas cours. Tu devais bien t’attendre à quelque chose de sympa, surtout toi, Yoshi, c’est évident.

Yoshida — Non, pas du tout ! Qu’est-ce que tu t’imagines par la ?!

Il semblait évident que c’était bien les intentions de Yoshida.

Nishikawa — Écoute, Yoshi. Je vais te donner un conseil important en tant que camarade.

Yoshida — Je t’écoute.

Nishikawa — Asuka est la seule personne qu’il ne faut surtout pas tenter. Oh, et ce conseil vaut également pour toi, Ayanokôji.

En s’approchant, Nishikawa jeta un coup d’œil autour d’elle et baissa légèrement la voix.

Nishikawa — Le niveau d’expérience d’Asuka n’est pas celui d’une élève ordinaire, vous savez ?

Niveau d’expérience ? Qu’est-ce que ça voulait dire ?

Yoshida — Hein… ? N-Niveau d’expérience ?

On semblait tous deux avoir la même interrogation, mais Yoshida lui semblait avoir réalisé quelque chose.

Nishikawa — Tu vois ce que je veux dire. Asuka la « Pourfendeuse de Cent Hommes » —tu as déjà entendu ce surnom, pas vrai ?

Yoshida — …Cette rumeur est réelle… ?

Nishikawa — Bien sûr. Ce n’est pas le genre d’histoire qui se répand si ce n’est pas avéré.

Je ne savais pas exactement ce qui s’était passé, mais il était clair que Yoshida eut un choc. Cependant, je ne comprenais pas la signification de ce surnom.

Moi — Ce n’était pas cent amis ?

Yoshida — Eh ? C’est quoi cette histoire encore ?

Moi — Laisse tomber.

On dirait que ça n’a rien à voir

Je n’arrivais toujours pas à oublier l’air que Morishita avait chanté ce jour-là.

Nishikawa — Le surnom de « Pourfendeuse de Cent Hommes » vient du fait qu’elle a eu ce genre de relation avec une centaine de garçons. Elle est mignonne et, tu vois, elle dégage un petit côté sexy bitchy, non ?

Moi — Ce genre de relation.

Ça paraissait vague, mais il s’agissait probablement de relation intime.

Moi — Je n’en sais trop rien. Je ne connais pas vraiment ce genre de chose, mais je comprends ce que tu veux dire.

Apparemment, ma camarade semblait bien plus expérimentée que moi en termes de romance.

Nishikawa —Tu penses que Yoshi pourrait dominer Asuka ?

Yoshida — J-J’ai déjà dit que je ne suis pas intéressé !

Nishikawa — Alors il n’est pas nécessaire d’en rajouter davantage. Profites-en pour ne pas chercher plus loin. Ou alors… si tu te mets à genou, tu pourrais peut-être passer une douce nuit.

Yoshida — …Sérieusement ?

Nishikawa — Hmm ? Il me semblait que tu n’étais pas intéressé ?

On dirait bien que Nishikawa aimait taquiner les gens. Si je devais la comparer à quelqu’un, je dirais qu’elle ressemblerait à Amasawa.

Moi — Est-ce que « Pourfendeuse de Cent Hommes » devient « Pourfendeuse de Deux Cents Hommes » si elle atteint deux cents ?

C’était simplement par curiosité. Nishikawa ouvrit grand les yeux.

Nishikawa — Ayanokoji, malgré les apparences, tu fais des remarques vraiment intéressantes.

Moi — Vraiment ? J’ai simplement posé la question comme ça.

Nishikawa — Probablement que non.

Moi — Je vois. Ce n’est pas très fluide à dire.

Nishikawa — Non mais c’est plutôt suffisant cent ? Le nombre n’a pas vraiment d’importance, c’est plutôt l’image, voilà ce que je veux dire.

L’image, hein ? En parlant Amour, ce genre d’avantage peut faire la différence.

Yoshida Ha…je suis un peu fatigué. Attendre depuis ce matin m’a complètement lessivé. Je vais simplement aller m’asseoir et attendre.

Peut-être avait-il épuisé toute son énergie du matin, Yoshida se dirigea vers un banc assez proche avec un air un peu découragé. Tout en regardant Yoshida d’un air amusé, Nishikawa dirigea ensuite son regard vers moi.

Nishikawa — En général, les garçons qui apprennent cette histoire sur Asuka réagissent de deux façons. Soit ils sont choqués, déprimés, et complètement dégoutés par cette histoire, soit ils laissent refléter leurs vraies motivations, espérant devenir le 101e. Je me demande quel chemin Yoshi suivra. Quant à toi, Ayanokôji, tu ne sembles pour l’instant appartenir à aucune de ces catégories. Que ressens-tu vraiment ?

Moi — Un certain respect. Franchement, c’est assez impressionnant d’être impliquée avec une centaine d’hommes à notre âge.

Nishikawa — Eh ? Tu le penses vraiment ? Tu as l’air sincère, huh ?

Moi — Un spécialiste, quel que soit le domaine, ne mérite-t-il pas d’être respecté ? Désolé d’évoquer ma précédente classe, mais c’est comme Sudou au basket, Onodera en natation, ou encore Inogashira en couture.

Nishikawa — Eh bien, je n’y connais pas grand-chose à la couture, mais… Ayanokôji, tu es même allé jusqu’à te transférer dans une classe inférieure de ton plein gré. Tu es vraiment un sacré spécimen.

Complimenter le titre de « Pourfendeuse de Cent Hommes » de Shiraishi était vraiment intentionnel de ma part, mais cela semblait l’avoir perturbée. Le sourire qu’arborait Nishikawa depuis son arrivée changea complètement.

Nishikawa — …Hmm. Non, attends une minute.

Elle pinça ses lèvres d’un air troublé, visiblement plongée dans ses pensées.

Nishikawa — Hey. Si tu veux vraiment savoir, je peux ta raconter quelque chose d’intéressant, ça te dit ?

Avec un tout nouveau sourire et un air légèrement malicieux, Nishikawa s’approcha.

Nishikawa — Pourquoi elle a ce surnom et pourquoi elle voulait sortir avec toi aujourd’hui, il y a une vraie raison derrière tout ça.

Moi — Une vraie raison ?

C’était bien explicite, mais c’était une remarque un peu inquiétante. Je me replongeai dans mes souvenirs du jour de la cérémonie d’ouverture. Morishita avait pris l’initiative de s’occuper de ma place dans la classe. C’était une coïncidence que Shiraishi Asuka soit à côté de moi, mais si Morishita était impliqué avec elles, cela pourrait être une tout autre histoire…

Nishikawa — Tu veux écouter ? Surtout que c’est une histoire que je ne peux pas laisser Yoshi entendre.

Moi — Bien sûr.

À cause de notre différence de taille, je me penchai légèrement pour entendre ce qui allait sortir de la bouche de Nishikawa.

Nishikawa — C’est parce qu’Asuka pense que ce serait pas mal de faire de toi son 101e, Ayanokôji. Bien sûr, elle n’est pas intéressée par toi. Elle veut juste s’amuser. Alors, qu’est-ce que tu en penses ? Content ?

Cela ressemblait à une sorte de message secret mais je doutais de sa véracité.

Moi — Quelle est ton intention derrière ça ?

Nishikawa — Pas grand-chose. Je mentionne juste l’engagement d’une relation entre un homme et une femme pour prendre du plaisir.

Moi — Désolé, mais si c’est ça, je refuse.

Nishikawa —P-Pourquoi ?

Moi — Si je devais avoir ce genre de relation avec Shiraishi, il est possible que vous deux alliez en parler. Et dans ce cas, cela finirait rapidement par parvenir aux oreilles de Yoshida. Ce ne serait rien de plus qu’une entrave dans mes combats au sein de la classe C.

Sur ces mots, je m’éloignai de Nishikawa. Nishikawa plissa les yeux, visiblement un peu mécontente de mon refus.

Nishikawa — Je vais peut-être devoir revoir mon opinion à ton propos.

Jusqu’à maintenant, elle semblait simplement taquiner un petit nouveau, mais ses paroles laissaient clairement transparaître son mécontentement, et peut-être même de l’hostilité.

Shiraishi — Bonjour.

Alors que l’heure convenue approchait, la principale concernée, Shiraishi, apparut depuis le hall.

Nishikawa — Salut, Asuka !

Aussitôt, ses émotions négatives se dissipèrent et elle retrouva sa normalité. Yoshida, qui boudait sur le banc, accourut rapidement vers nous. Après s’être placée à côté de Shiraishi, Nishikawa nous salua de nouveau.

Nishikawa — Encore une fois, passons une agréable journée ensemble aujourd’hui, Ayanokôji. Oh, et toi aussi, Yoshi.

Yoshida — Sérieusement, je suis juste un bouche-trou, c’est ça ?

Il semblerait que comprendre les affaires internes de la classe soit plus difficile que prévu. En suivant Nishikawa, nous nous rendîmes au karaoké du Keyaki. Dans une salle privée avec des sièges formant un L, Shiraishi s’assit à l’extrémité, suivie par Nishikawa, moi, puis Yoshida.

Yoshida — Commençons à chanter sans plus tarder !

Sans même prendre le temps de regarder le menu, Nishikawa tendit le micro qu’elle tenait à Yoshida.

Yoshida — Pourquoi ce serait à moi de chanter en premier ? Ce ne serait pas plutôt à Ayanokôji de commencer vu que c’est le nouveau ?

Nishikawa — C’est ce qu’on pourrait qualifier d’abus de pouvoir, tu sais ? C’est toi qui dois montrer l’exemple en premier, Yoshi.

Yoshida — Mais je n’aime pas vraiment chanter…

Nishikawa s’approcha de Yoshida, et lui murmura quelque chose à l’oreille. Dans la foulée, Yoshida se donna deux grandes baffes sur les joues afin de se motiver.

Nishikawa — Bon, j’imagine que je n’ai pas le choix. Je vais chanter !

Il était facile de deviner ce qu’elle lui avait soufflé, Yoshida semblait désormais motivé. Alors que la chanson choisie par Yoshida débutait, Nishikawa me demanda de changer de place. Suite à ça, je changeai de siège, et Shiraishi se leva pour réduire la distance entre nous. L’espace était si restreint que nos vêtements se frôlaient pratiquement.

Shiraishi — J’avais envie d’avoir une vraie conversation avec toi au moins une fois, Ayanokôji.

Moi — On est voisins, on aurait pu le faire n’importe quand, non ?

Shiraishi — Ce n’est jamais vraiment pratique en classe.

Yoshida chantait comme une casserole, mais il y mettait du cœur à l’ouvrage. Nishikawa elle chantait en rythme et maintenait une atmosphère vivante.

Shiraishi — Après, je ne dis pas qu’on est beaucoup mieux ici, mais bon…

Il doit y avoir au moins avoir un minimum d’espace lorsqu’un garçon et une fille sont assis côte à côte, mais Shiraishi avait l’air de s’en ficher. Au contraire, elle continuait de rester près de moi.

Serait-ce l’une des techniques de Shiraishi lui valant le titre de « Pourfendeuse de Cent Hommes » ?

Shiraishi — Ryouko est ma meilleure amie.

Moi — J’avais en effet le sentiment que vous étiez proches. Tu passes pas mal de temps avec elle pendant les pauses et le déjeuner.

Finalement, la première chanson se termina, et la salle de karaoké retrouva son silence.

Yoshida — Hey, vous deux, vous êtes pas un peu trop près là ?!

Shiraishi — T’as super bien chanté. On en met une autre !

Yoshida — Eh ? Vraiment ? Si tu le dis… Mais quand même, la distance entre vous deux…

Nishikawa — Allez, Yoshi. On enchaîne avec une deuxième chanson !

Sans lui laisser la moindre chance de refuser, Nishikawa, assise juste à côté de lui, empêcha Yoshida de s’extirper alors qu’il essayait de poser le micro.

Shiraishi — Maintenant qu’on est dans la même classe, échangeons nos coordonnées.

Moi — C’est une bonne idée, faisons ça.

Nous sortîmes tous les deux nos téléphones et nous échangeâmes nos numéros afin de pouvoir nous appeler et nous envoyer des messages.

Shiraishi — N’hésite pas à me contacter quand tu veux.

Sa proximité et le ton choisi à travers ses paroles démontraient bien que sa familiarité, sa gentillesse et sa considération étaient évidentes.

Mais ses paroles étaient-elles vraiment sincères ?

Shiraishi — À quoi tu penses ?

Moi — Je me demandais pourquoi tu agissais si gentiment avec moi ? Une bonne partie de la classe se contente de garder ses distances et de m’observer de loin, comme Shimazaki et les autres, je me trompe ?

Shiraishi — On est assis l’un à côté de l’autre. D’autant plus que nous nous sommes retrouvés seuls ce matin, je pense que c’est le destin.

Moi — Je ne pense pas que ce soit quelque chose d’aussi significatif.

Shiraishi — Ce n’est peut-être pas le cas pour toi, Ayanokôji, mais je l’interprète sincèrement de cette manière.

Tandis qu’elle parlait, Shiraishi toucha ma main sans que Yoshida ne s’en aperçoive.

Shiraishi — Tes doigts sont d’une longueur si remarquable, et tes ongles d’une telle magnificence. Ce sont de magnifiques mains.

Moi — Désolé, mais lâche ma main. Yoshida pourrait le voir et se méprendre sur notre relation.

Je lui fis part de mes inquiétudes, et Shiraishi retira doucement sa main, quelque peu surprise.

Shiraishi — Tu es vraiment intéressant, Ayanokôji.

Il serait préférable de dissocier cette situation de ce que Nishikawa disait à propos de Shiraishi et de son record auprès de la gent masculine.

À première vue, cela pouvait être le cas, mais les yeux de Shiraishi n’étaient pas représentatifs de son obsession envers les hommes.

« Quel sujet expérimental fascinant, tel un cochon d’Inde dans une petite boite. »

Du moins, c’est ce que me communiquaient ses yeux.

1

J’avais récemment été transféré dans une autre classe, et bien que mon intégration ait été un peu lente, mes relations commençaient à évoluer progressivement.

Cependant, certaines choses dans ma vie scolaire ne changeaient pas, les cours. En classe, les élèves ne bavardaient pas trop, passant un certain temps sur leurs écrans et leurs tablettes. Au sein de chaque classe, les visages des enseignants changeaient systématiquement, mais l’ambiance restait bien souvent la même, peu importe la classe à laquelle on appartenait.

Avec les examens spéciaux qui approchaient, les élèves semblaient étudier plus sérieusement que d’habitude. Le contenu des cours ne nécessitait pas particulièrement d’être mentionné. C’était comme revisiter un chemin que j’avais parcouru il y a bien longtemps, mais cette fois sous forme de révision.

Si je devais souligner une différence entre la classe de Horikita et la mienne, ce serait l’absence de perte de temps et l’efficacité dans l’apprentissage. Il y avait forcément des différences individuelles dans les capacités académiques, avec certains élèves qui comprenaient rapidement les nouvelles notions et d’autres qui étaient un peu plus lents.

Par exemple, des élèves comme Ike et Hondô ramaient souvent dans ce qu’ils ne comprenaient pas, ce qui demandait plus de temps aux enseignants et parfois même des pauses. Néanmoins, dans l’ensemble, la classe C était très motivée quand il s’agissait d’apprendre, et une bonne partie des élèves savaient étudier efficacement, ce qui rendait la progression très efficace.

Une solide base leur permettant d’apprendre avait été construite, créant ainsi un cercle vertueux qui permettait d’améliorer leurs capacités académiques. Et aujourd’hui, c’était le moment d’étudier en autonomie, où j’avais notamment tendance à me relâcher et à perdre ma concentration.

Puisqu’il n’y avait aucun enseignant dans les parages pour surveiller, il était facile de surprendre quelques conversations privées en arrière-plan, mais les élèves de cette classe restaient tout de même concentrés sur leur travail.

La classe de Horikita avait beaucoup progressé au cours des deux dernières années, mais en termes d’apprentissage, il n’était pas surprenant qu’elle n’ait pas été capable de rattraper ni de dépasser la classe C.

Hmm ? Quelque chose me semblait légèrement inconfortable.

Était-ce juste mon imagination ?

En y réfléchissant, je ressentis de nouveau une légère gêne.

Une sensation de picotement…

Qu’est-ce que c’était ? Ce n’était quand même pas simplement mon imagination, si ?

Alors que je tenais encore mon stylet en main, je cessai d’écrire sur ma tablette. Cela venait d’une sensation particulièrement désagréable qui revenait de manière systématique dans mon esprit.

Cependant, cette sensation était très légère.

La première fois, je pensais que ce n’était que le vent qui me jouait des tours, mais ce n’était pas ça. Cette sensation de picotement revenait clairement et elle touchait des endroits aléatoires dans mes cheveux. Pour en trouver la source, je tournai lentement la tête en arrière.

Morishita — Qu’est-ce qu’il y a ?

Morishita posa sa question d’une voix basse tout en me fixant du regard. Elle tenait elle aussi un stylet dans la main et semblait travailler.

Moi — Non, c’est juste…

Morishita — Se retourner en classe, même lorsqu’on est en autonomie, est un comportement de vilain élève, très vilain. Je te prie de te retourner et de rester concentré sur ce que tu as à faire.

Elle sortit un argument irréfutable.

Heureusement, cette gêne dans mes cheveux disparut dès que je me retournai, donc il valait peut-être mieux ne plus trop y prêter attention. Je fis de nouveau face à mon bureau et repris mon travail sur la tablette.

Cependant…

Peu de temps après avoir repris mon travail, je ressentis à nouveau cette sensation dans mes cheveux. S’il y avait une cause, ce ne pouvait être que Morishita, assise juste derrière moi. Cette fois, je me retournai un peu plus rapidement.

Alors, Morishita, ayant l’air d’avoir été prise la main dans le sac, saisit rapidement quelque chose dans sa main gauche et le cacha. Malheureusement, je n’avais pas pu voir ce que c’était.

Morishita — Fixer mon visage d’aussi près, quel pervers.

Moi — Ce n’est pas mon intention. Est-ce que tu viens de faire quelque chose sur l’arrière de ma tête ?

Je décidai de lui poser directement la question.

Morishita — Pas du tout ! Je suis vraiment concentrée sur mon travail.

Elle fit deux petits bruits sur sa tablette avec son stylet pour insister sur ses propos, mais son comportement était clairement étrange. Même si nous étions en autonomie, ce n’était pas pour autant que je pouvais me retourner librement à ma guise. Cependant, il n’y avait aucun doute qu’il se passait quelque chose.

Morishita essayait clairement de me duper, mais les regards autour de nous racontaient une autre histoire. Il y en avait qui me regardaient avec des yeux remplis de « sympathie » et de « pitié ».

Moi — Hey, Shiraishi.

Shiraishi — Fufufu, qu’est-ce qu’il y a ?

Ma voisine de table, que je venais d’interpeller, ne put retenir son rire et cacha sa bouche en gloussant.

Moi — Morishita est en train de faire quelque chose ?

Shiraishi — Eh bien, je ne sais pas vraiment.

Déconcerté par ce mensonge évident, je compris que je devais régler ça moi-même. Dans ce cas…

Je fis semblant d’abandonner et me tournai de nouveau face à mon bureau. Je repris immédiatement mon travail, stylet à la main. Bien sûr, Morishita devait savoir que je n’étais pas en train de regarder sérieusement ma tablette.

Elle essayait de confirmer la chose et me surveillait en conséquence mais tant pis. Si je pouvais confirmer qu’elle était la cause, alors elle déciderait peut-être d’arrêter ses pitreries. Autrement dit, c’était une façon de dire « Je vais laisser passer pour cette fois, alors ne fais rien de plus. »

Je pensais que cela me permettrait de me concentrer, mais cet espoir fut brisé en seulement quelques secondes. Une sensation inconfortable se fit de nouveau ressentir à l’arrière de ma tête. Avait-elle lu à travers mes pensées superficielles pour agir ainsi ?

Même en essayant de me retourner rapidement, il y avait une limite à ma capacité de réaction, d’autant plus en exposant mon dos sans défense. C’était assez difficile de vérifier ce qu’elle tenait dans sa main gauche avant qu’elle ne serre son poing pour le cacher.

Mais qu’est-ce qu’elle faisait exactement… ?

Soudainement, je remarquai les doigts de Shiraishi bouger et pointer vers le sol. Je vois… C’était donc la source de cette sensation de picotement. De plus, Shiraishi fit un geste de la main, posant le bout de son index gauche sur son bureau et le tapotant légèrement. La sensation se produisit juste au moment où son doigt touchait ou frôlait le bureau. Cela signifiait que je pouvais bouger avant que le picotement n’apparaisse. Ses doigts se levèrent à nouveau, puis s’abaissèrent.

À ce moment-là, je me retournai. Morishita sursauta, mais cette fois, je ne la laisserais pas s’en sortir. Plutôt que d’attraper la main qu’elle bougeait, je saisis sa main gauche qui formait un poing et la forçai à s’ouvrir.

Ce qui en tomba fut une gomme, qui était devenue inutile en classe depuis un bon moment.



Moi — Qu’est-ce que c’est que ça ?

Morishita — Eh bien, selon toi, qu’est-ce que cela pourrait être ?

Moi — Et ces petits bouts sur le sol ?

Morishita — Je n’en ai aucune idée.

Elle fit semblant de ne pas savoir, mais c’était peine perdue. Morishita avait frotté sa gomme contre le bureau et m’avait lancé des petits bouts sur la tête.

Moi — Tu ferais mieux d’avouer. Tu m’as sauvé, Shiraishi. Grâce à toi, je l’ai prise la main dans le sac.

Morishita — Ah, c’était donc ça. Tu es impressionnante, Shiraishi Asuka.

Shiraishi — Je suis désolée. Je ne pouvais pas laisser Ayanokôji se sentir aussi troublé de la sorte.

Moi — Morishita, ce que tu fais ne peut-il pas s’apparenter à du harcèlement ?

Morishita — Du harcèlement ? Quelle accusation ridicule. Laisse-moi te poser une question. Appellerais-tu ça de l’intimidation si un chaton s’amusait avec un lion ? Imagine un peu.

Moi — Eh bien… non.

Morishita — Exactement. Le harcèlement est un acte abject où les forts s’en prennent aux faibles. Nous avons d’un côté Ayanokoji Kiyotaka, au physique largement supérieur et prétendant au rôle de leader de la classe, et puis il y a moi, une faible et pauvre demoiselle. Peu importe comment on regarde la situation, le plus fort et le plus faible ici sont bien désignés. Ce que je fais, si je devais le décrire, serait similaire à ce qu’a fait Jeanne d’Arc.

Moi — Qu’est-ce que Jeanne D’Arc vient faire dans tout ça ?

Morishita — Parce que c’est une femme chevalier qui combat le mal ?

Je suis le méchant, et Morishita la justice ? C’était une vérité que je ne pouvais absolument pas accepter dans cette situation.

Shiraishi — Trop mignon.

Shiraishi murmura ces mots en regardant notre conversation avec les yeux plissés.

En effet, si on la juge uniquement sur l’apparence, Morishita était plutôt gâtée par la nature.

Cependant, seuls ceux qui n’avaient pas réellement souffert pouvaient trouver ce comportement mignon.

Moi — Je comprends enfin, Shiraishi. Ça doit être pour ça que Sugio a abandonné son siège aussi facilement.

Shiraishi — Oui. Il semblerait que l’élève avant toi ait dû faire face aux mêmes problèmes avec Morishita.

Morishita — Aussi longtemps que le mal persistera en ce monde, j’honorerai mon devoir en continuant à me battre.

Même si ce que disait Morishita n’avait littéralement aucun sens, Shiraishi continua de sourire joyeusement tout du long.

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