COTEY3 T1 - BONUS
Histoires courtes
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Traduction : Calumi
Correction : Raitei
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Postface
Bonjour ! C’est Kinugasa. Comment allez-vous ? J’espère pouvoir compter sur votre soutien en 2025 également.
Ma préoccupation du moment, ce sont clairement… les oreillers. Avec ma tension dans le cou et le dos, je cherche l’oreiller idéal, mais c’est vraiment difficile à trouver. Je n’ai pas arrêté d’en acheter depuis un ou deux ans.
Une fois, j’ai même dépensé une belle somme pour un oreiller sur mesure, je pensais qu’il serait parfait… mais après quelque temps, non, quelque chose clochait.
Ce n’est pas seulement une question de hauteur : j’ai compris que les oreillers trop fermes ou avec trop de rebond ne me convenaient pas non plus. Et quand c’est trop mou ou qu’on s’enfonce dedans, eh bien… ce n’est pas ça non plus.
Je crois que ma quête de l’oreiller parfait va encore durer un moment.
Je veux vraiment trouver l’oreiller idéal…
Bon, assez parlé coussins. Parlons un peu de Classroom of the Elite.
On entre enfin dans la dernière année de lycée dans l’histoire.
Même si seulement deux années ont passé pour les personnages, cela fait presque dix ans dans la réalité. J’ai l’impression d’avoir pris un sacré coup de vieux, tout comme vous peut-être.
L’arc de terminale devrait durer à peu près aussi longtemps que ceux des années précédentes, mais… prenez ça avec des pincettes.
Et enfin, mon objectif pour cette année. J’y ai beaucoup réfléchi, mais…
Je vais travailler plus sérieusement.
J’aimerais essayer de nouvelles choses aussi.
J’espère que le moment viendra où je pourrai vous en parler plus en détail.
On se retrouve dans le prochain tome !
Histoire courte Y2 T.12,75 | Ibuki Mio
Dans les coulisses
30 mars.
Ibuki était énervée. Inutile de préciser que la raison était évidente : le film sans intérêt et ce couple stupide, autrement dit, Ayanokôji, et Karuizawa, assis à côté d’elle. Quittant rapidement le cinéma qui n’avait servi qu’à accumuler sa frustration, Ibuki poussa un soupir. Elle sortit ensuite son téléphone et consulta son solde de Points Privés.
Ibuki — …Il ne m’en reste presque plus.
L’allocation mensuelle suffisait largement comme argent de poche pour une lycéenne de première. En théorie, il ne devait donc pas être difficile d’économiser. Cependant, Ibuki avait tendance à tout dépenser sans penser aux conséquences, et se retrouvait ainsi toujours à court d’argent. C’est précisément pourquoi, en repensant au moment qu’elle avait tant attendu et qui avait été gâché, son agacement ne fit que s’intensifier.
Les points privés étant naturellement renouvelés mensuellement, la fin de mois était toujours une période délicate. Comment allait-elle tenir aujourd’hui, et demain ? C’était à chaque fois une lutte. Si seulement le film avait été à la hauteur…Les émotions qu’elle essayait de refouler commencèrent à déborder.
Ibuki — Raah, c’est trop chiant !
Comment faire passer cette contrariété ? En proie à ce sentiment, Ibuki posa les yeux sur un objet en particulier. Une poubelle du Keyaki. Elle s’en approcha sans se soucier des gens autour et lui donna un coup de pied. Elle pensait qu’en la frappant, elle se sentirait un peu mieux.
Cependant…
Même si elle vacilla un peu, la poubelle, plus remplie qu’elle ne l’avait imaginée, ne se renversa pas. Cela s’expliquait aussi par le fait que son coup de pied était un peu mou. Pas assez faible pour être inoffensif, mais pas assez fort non plus pour faire tomber quoi que ce soit.
Ibuki — …Toi aussi, tu cherches la merde ?
Comme pour se moquer d’elle, la poubelle avait à peine bougé, trônant là avec un air faussement innocent. L’action qu’Ibuki pensait apaisante eut en réalité l’effet inverse. Ce qui avait commencé comme un simple coup de pied se transforma en une envie claire de la faire tomber. Si elle pouvait en renverser le contenu de façon spectaculaire, elle se sentirait sûrement soulagée.
Ibuki — Sale… !
Cette fois, plus fort, plus rapide qu’avant. Elle imagina la poubelle comme étant quelqu’un qu’elle détestait. Elle s’apprêtait à donner un coup suffisamment puissant pour que même Ayanokôji soit projeté, ou du moins, que la poubelle le soit.
Katsuragi — Qu’est-ce que tu fais, Ibuki ?
Ibuki — …!?
Juste avant que son pied ne touche la cible, une voix masculine, légèrement agacée, la coupa net. Son corps se figea, et elle se tourna vers la source de la voix. Devant elle se tenait Katsuragi, les bras croisés, le visage marqué par une expression perplexe et sévère.
Ibuki — Pourquoi t’es là… ?
Katsuragi — Comment ça, « pourquoi » ? Il n’y a rien d’étrange à ce que je me promène au Keyaki pendant un jour de repos, non ?
Ibuki — C’est vrai, mais bon…
Katsuragi — Tu sembles particulièrement irritée, mais je ne peux pas dire que donner des coups de pied dans des poubelles soit très louable. Ton comportement dessert notre classe.
Ibuki — Qu’est-ce que tu me sors ? Dessert la classe ? ? C’est grave de donner un coup de pied dans une poubelle maintenant ?
Elle affichait clairement une attitude indiquant qu’elle ne considérait pas son geste comme répréhensible.
En réponse, Katsuragi réduisit légèrement la distance entre eux.
Katsuragi — Si tu adoptes un comportement indigne d’une élève et que l’école l’apprend, tu recevras une évaluation négative. Que ce soit en semaine, le week-end ou même pendant les vacances de printemps, les conséquences restent les mêmes. Je pensais que tu l’avais déjà suffisamment compris au cours de ces deux dernières années.
Ibuki — Tu fais bien le mec…
Katsuragi — Hein ? Je ne fais que rappeler des choses évidentes, le bon sens qu’on attend d’un élève. D’ailleurs, Ibuki, tu…
Alors que Katsuragi s’apprêtait à continuer son interminable sermon, Ibuki ne se donna même pas la peine de cacher son claquement de langue. Elle avait de plus en plus le sentiment d’avoir affaire à quelqu’un de vraiment pénible. Voyant qu’il ne s’arrêtait pas, Ibuki leva la main pour l’interrompre.
Ibuki — Oui, oui. C’est bon, j’ai eu tort, d’accord, d’accord. Bon, salut…
Comme pour fuir, elle se remit en marche et tenta de passer à côté de Katsuragi, mais ce dernier lui saisit par le bras.
Ibuki — Qu’est-ce que tu fais ?
Katsuragi — La poubelle ne s’est peut-être pas renversée, mais elle n’est plus à sa place. Tu dois la remettre correctement.
Ibuki — Haa ? Et alors ? Qui ça dérange qu’elle ait bougé ?
Katsuragi — Ibuki, pour commencer. Et le fait que ça me dérange signifie que l’école pourrait s’en soucier aussi.
En disant cela, Katsuragi désigna une caméra de surveillance.
Ibuki — Tu fais vraiment une fixette. L’école ne nous observe pas tout le temps, encore moins à un endroit comme ça. Et puis franchement, qui se soucie de la position d’une poubelle ?
Katsuragi — Évidemment, j’aimerais que ce soit le cas. Mais mieux vaut prévenir que guérir.
Tout en parlant, Katsuragi ramena Ibuki jusqu’à la poubelle.
Ibuki — …C’est n’imp…
Priorisant son envie de se libérer au plus vite, Ibuki remit la poubelle en place à contrecœur.
Ibuki — Voilà, c’est bon comme ça ?
Katsuragi — Non, pas encore. La position d’origine était environ vingt centimètres plus à droite.
Ibuki — Haaa ?
Katsuragi — Environ vingt centimètres plus à droite.
Katsuragi répéta calmement ses instructions, lui demandant de remettre la poubelle à sa place exacte. Malgré l’agacement qui revenait, elle souleva la poubelle avec un soupir excédé et la déplaça d’environ vingt centimètres.
Ibuki — Ç A-T E- V A, maintenant !?
Katsuragi — Oui. Bon, ça devrait suffire.
Satisfait, Katsuragi se tourna vers la caméra de surveillance et lui adressa une légère inclinaison.
Ibuki — T’es débile ou quoi ?
Ces mots lui échappèrent malgré elle, face au comportement excessivement poli de Katsuragi. Celui-ci n’en fut nullement perturbé et se remit en marche. Ibuki allait le laisser partir du regard, mais quelque chose la dérangeait.
Ibuki — T’as pas déjà atteint ton objectif ?
Katsuragi — Mon objectif ?
Ibuki — Sakayanagi a perdu face à Ryuuen et a quitté l’école. Y a plus vraiment de raison que tu te donnes autant de mal, non ?
Katsuragi — …Je vois. C’est vrai que c’était l’un de mes objectifs. Mais j’aurais préféré l’accomplir par moi-même…
Il s’arrêta, croisa les bras et sembla réfléchir à l’examen spécial de fin d’année.
Katsuragi — Mais cela ne veut pas dire que mes objectifs ont disparu. Il me reste encore celui de faire passer ma classe en A.
Ibuki — Donc toi aussi tu veux les privilèges, hein ?
Katsuragi — Naturellement. Ceux qui ne les désirent pas doivent être minoritaires. Mais ce n’est pas la seule chose importante. Ce qui compte vraiment, c’est de faire passer tous les gens de notre classe.
Katsuragi n’était pas à l’origine dans la classe de Ryuuen. En réalité, ils avaient passé plus de temps en tant qu’adversaires que comme camarades de classe. Mais à présent, il répondait sans aucune gêne qu’il se souciait de sa classe actuelle plus que quiconque. Cette attitude parut à Ibuki comme de la fausse bienveillance[1]. Autrement dit, une forme d’hypocrisie.
Ibuki — T’es sérieux ?
Katsuragi — Évidemment que je suis sérieux.
Ce n’était pas une posture moralisatrice. Il affirma avec fermeté qu’il avait maintenant la volonté d’avancer aux côtés de Ryuuen et de leur classe.
Ibuki — C’est pour ça que tu vas leur apprendre à étudier, à ces abrutis finis ?
Katsuragi — Dire que je « vais leur apprendre », ce n’est pas vraiment exact. Je réponds aussi à leurs demandes d’aide. Je ne peux pas laisser ce genre de personnes de côté. C’est dans ma nature, vois-tu.
Ibuki — Donc si quelqu’un te demande de l’aide, tu l’aides ?
Katsuragi — Eh bien… on peut dire ça comme ça.
Ibuki —Alors laisse-moi te donner un coup de pied.
Katsuragi — Je ne vois pas où tu veux en venir.
Ibuki — C’est exactement ce que t’as compris. Je suis vraiment soulée là, et j’ai besoin de donner un coup de pied dans quelque chose.
Katsuragi — Quel tempérament problématique. Mais malheureusement, je n’ai pas l’intention de me laisser frapper.
Ibuki — Alors je dois frapper qui ?
Katsuragi — Tu ne devrais frapper personne. Mais si vraiment tu n’as pas le choix, alors il faudrait trouver quelqu’un qui prendrait plaisir à être frappé, ou quelqu’un pour qui cela serait bénéfique. Si une telle personne existe, bien sûr.
Ibuki — Je vois… oui, c’est logique.
Katsuragi — À part ça, si je peux t’aider d’une autre manière, je suis prêt à le faire.
Ibuki — Hmm… ?
Qu’il s’agisse d’une vraie bienveillance ou non, il était indéniable que Katsuragi faisait preuve d’attention envers les autres. Parvenue à cette conclusion un peu étrange, Ibuki fit une proposition.
Ibuki — Alors paye-moi un repas.
Katsuragi — Comment on est passés d’un coup de pied à un repas ?
Ibuki —Tu aimes aider, non ? Je suis en galère, j’ai plus un rond. Regarde.
Elle lui montra l’écran de son téléphone, affichant son solde en points privés.
Katsuragi — Tu devrais en avoir plus que ça depuis ton entrée à l’école.
Ibuki — Je me vante, mais j’suis vraiment fauchée.
Katsuragi — Et tu ne devrais pas t’en vanter…
Ibuki — Ouais bah nourris-moi. Manger un truc bon, ça va sûrement m’aider à évacuer mon stress.
Katsuragi — Je vois, je comprends.
Katsuragi croisa les bras, hocha la tête… puis rouvrit les yeux.
Katsuragi — Je refuse.
Ibuki —Attends, quoi ? Tu dois tendre la main à tes camarades, non ?!
Katsuragi — Seulement s’ils sont vraiment en détresse.
Ibuki —Mais je le suis ! J’ai presque plus de points privés !
Katsuragi — Si tu n’as plus rien, tu peux toujours prendre le menu à base de plantes sauvages. L’école prévoit des dispositifs d’aide. Ce n’est pas comme si tu allais mourir de faim. Et puis, tes points privés seront rechargés en avril. Je ne vois pas pourquoi je devrais t’aider maintenant.
Face à l’attitude directe de Katsuragi, Ibuki le fusilla du regard.
Ibuki — Mais moi, je veux manger un truc meilleur.
Katsuragi — Dans ce cas, à partir du mois prochain, tu devrais te ressaisir et apprendre à mettre un peu de côté.
Ibuki — Mais je le fais déjà ! C’est juste que, tu sais, les filles ont plein de dépenses… On n’y peut rien.
Elle sortit une excuse qui ne s’appliquait absolument pas à elle pour esquiver la responsabilité.
Katsuragi — Je vois. Alors en tant qu’homme, je ne peux pas vraiment t’aider. Tu devrais demander conseil à une autre fille qui sait gérer son budget.
Si elle avait pu demander à une telle personne, elle ne serait pas en train de galérer maintenant.
Elle voulut répliquer, mais Katsuragi était déjà en train de s’éloigner.
Elle regretta d’avoir cru, ne serait-ce qu’un instant, qu’il pouvait être quelqu’un de prévenant.
Ibuki — C’est quoi son problème… ? Aaah, maintenant que je suis énervée, j’ai faim…
Elle continua de le fixer du regard jusqu’à ce que son dos disparaisse de son champ de vision, puis se tint le ventre.
Ibuki — J’rentre…
Décidant qu’il n’y avait plus rien à faire au Keyaki, elle retourna aussitôt au dortoir.
1
Au lieu de retourner dans sa propre chambre, elle se rendit devant une autre porte. Elle toqua fortement.
— Que veux-tu ?
Celle qui ouvrit la porte d’un air agacé était une élève d’une autre classe, Horikita Suzune.
Ibuki — Je peux entrer un moment ?
Horikita — Et si je dis non ?
Ibuki — …Alors tant pis.
Ibuki tourna aussitôt les talons face à cette réponse désagréable, mais Horikita la retint rapidement.
Horikita — Je plaisantais. Tu peux entrer.
Ibuki — Dans ce cas, fallait le dire tout de suite.
Ibuki fit demi-tour et entra dans la chambre de Horikita.
Horikita — Laisse-moi deviner… Tu comptais venir dîner ici, pas vrai ? Nous sommes à la fin du mois, après tout.
Ibuki — C’est quoi cette conclusion ?
Horikita — Je me trompe, alors ?
Ibuki — …Pas cette fois.
Après avoir laissé entrer Ibuki, Horikita se mit à préparer du thé.
Horikita — Il est encore un peu tôt pour le dîner, alors détends-toi un peu. Je ferai venir Kushida-san tout à l’heure.
Ibuki — Elle aussi ? À chaque fois, elle débite. C’est fatigant.
Grâce à toutes les informations qu’elle détenait sur l’école, Kushida ne manquait jamais de sujets de conversation et pouvait parler pendant des heures.
Horikita — Toi aussi, tu es fatigante, tu sais.
Elle souligna que, bien que d’une autre manière, Ibuki n’était pas différente.
Ibuki — Hein ? Me compare pas à elle.
Malgré ses protestations, environ une heure plus tard, Kushida arriva également dans la chambre d’Horikita pour les rejoindre.
Ibuki, Horikita et Kushida. Ces derniers temps, ces trois-là passaient de plus en plus de temps ensemble, même si cela aurait dû être désagréable pour Ibuki… ou plutôt, pour chacune d’entre elles.
Ibuki — S’il n’y avait pas des repas gratuits à la con, jamais je viendrais dans un endroit pareil…
Murmura-t-elle doucement.
Horikita — Tu as dit quelque chose ?
Horikita se retourna depuis la cuisine, mais Ibuki répondit sèchement que non.
Puis elle se laissa tomber lourdement sur le sol.
Les yeux fixés au plafond de la chambre de Horikita, un plafond qu’elle connaissait désormais bien, elle se mit à penser…
Qu’elle ne pouvait pas continuer à vivre comme ça.
Qu’elle ne pouvait pas traîner ici indéfiniment.
Oui. Ibuki ne voulait pas l’admettre.
Le fait qu’elle se rapprochait de Horikita et de Kushida, deux personnes qu’elle détestait.
Le fait qu’elle commençait à comprendre que cet endroit devenait pour elle un espace confortable.
Alors il valait mieux s’éloigner avant qu’il ne soit trop tard.
Être seule finirait forcément par la rendre plus heureuse.
C’était le genre de personne qu’elle était, se disait-elle.
Et même si elle ne s’éloignait pas d’elles, Horikita et Kushida finiraient par le faire un jour ou l’autre.
Elle en avait pleinement conscience.
C’était inévitable, avec son sale caractère.
Elle devait partir immédiatement.
Ne jamais revenir.
C’est ce qu’elle pensa, pendant un instant. Mais dès que la délicieuse odeur du repas se mit à flotter dans l’air, elle cessa aussitôt de réfléchir.
Puisqu’elle était complètement fauchée, elle n’avait pas vraiment le choix.
Après tout, elle se dit qu’elle aurait tout le temps de prendre ses distances une autre fois. Et, avec le repas, l’irritation d’Ibuki s’était mystérieusement envolée.
Histoire courte | Ibuki Mio
Inquiétude
Ibuki traînait une frustration persistante. La défaite à l’examen spécial, le plan de Ryuuen percé à jour par Ayanokôji et utilisé contre lui n’en étaient pas la cause. Non, même si c’était agaçant, il y avait autre chose… une frustration bien plus grande.
Horikita Suzune.
Quand elle avait entendu dire que Horikita s’était effondrée en apprenant le transfert d’Ayanokôji, Ibuki s’était tenue le ventre en riant. Mais cette joie n’avait pas duré, et peu à peu, elle en devint stressée. Car Horikita avait arrêté de cuisiner et abandonné son rôle de soutien, mettant en péril la paix intérieure et gastrique d’Ibuki, déjà fauchée.
Qu’elle aille frapper à sa porte ou qu’elle l’appelle, elle n’obtenait jamais de vraie réponse. Et aujourd’hui, la classe A venait de perdre à l’examen spécial. C’était une bonne nouvelle pour la classe d’Ibuki, mais à titre personnel, elle n’arrivait pas à s’en réjouir sincèrement. Horikita n’en serait que plus abattue. Et donc, qui savait quand elle pourrait de nouveau lui préparer à manger ?
Ibuki — …Pourquoi je me montre aussi attentionnée, déjà ?
Nous étions après les cours. Agacée par le fait que Horikita n’était toujours pas sortie du bâtiment, Ibuki faisait les cent pas près de l’entrée, à l’attendre. Dès qu’elle apparaîtrait, elle comptait lui donner un bon électrochoc pour lui remonter le moral, puis la forcer à cuisiner. Ce genre de pensée, totalement unilatérale, tournait en boucle dans sa tête. Mais peu importe combien elle patientait, aucune trace de Horikita. Elle avait vérifié les casiers une fois, ses chaussures y étaient encore, donc elle n’était pas rentrée chez elle.
Moi — Sors, bordel. Je vais m’inquiéter jusqu’à quand… Non, non. Je m’inquiète pas. Ça me fait rien.
Quand une émotion étrange refit surface, elle s’empressa de la chasser de son esprit. Ses pensées devenaient bizarres parce qu’elle n’avait rien mangé de bon depuis un moment. Voilà, c’était ça, la vraie raison.
Après, elle continua à errer dans le coin pendant une bonne demi-heure encore…
Moi — Ah… elle sort enfin.
Horikita, qu’elle attendait depuis tout ce temps, finit par apparaître à la sortie du bâtiment.
Vue de dos, elle semblait sans vie. Comme prévu, Ibuki ne percevait ni énergie ni volonté chez elle.
« Tu ne devrais frapper personne. Mais si vraiment tu n’as pas le choix, alors il faudrait trouver quelqu’un qui prendrait plaisir à être frappé, ou quelqu’un pour qui cela serait bénéfique. Si une telle personne existe, bien sûr. »
Alors qu’elle fixait son dos, Ibuki se rappela soudain ce que Katsuragi lui avait dit un jour.
Et quand elle reprit conscience, son corps agissait déjà sur l’impulsion.
La seule chose qu’elle pouvait faire en cet instant, c’était d’envoyer un coup de pied sans pitié dans le dos d’Horikita.
Histoire courte | Shiraishi Asuka
Ce qu’elle garde en elle
En proie à une agitation intérieure, Shiraishi arriva à l’école plus tôt que tout le monde. Prenant place dans la salle de classe encore silencieuse, elle tourna les yeux vers la chaise vide à sa gauche. Depuis la veille, cette place était devenue celle d’un certain élève. De la seconde D à la terminale A. Et maintenant, de la terminale A à C. Ses véritables intentions restaient floues. Avait-il décidé de changer de classe pour jouer les sauveurs, ou bien cachait-il encore une autre facette ? Dans tous les cas, pour Shiraishi, cette situation dépassait tout ce qu’elle aurait pu imaginer.
Shiraishi — C’est embarrassant, n’est-ce pas…
Ce n’est qu’en prononçant ces mots qu’elle réalisa combien cela la troublait.
Shiraishi — Moi, je…
Qu’est-ce que je veux vraiment ? Maintenant qu’elle savait pour le transfert d’Ayanokôji, et que ce fait prenait forme dans la réalité, elle devait réfléchir. Un sentiment qu’elle n’arrivait pas à définir… Non, ce n’était pas tout à fait juste. Elle comprenait. Mais elle faisait semblant de ne pas comprendre.
Shiraishi — …Y’a… une montagne de problèmes, pas vrai ?
Allumant sa tablette, elle saisit le stylet et commença à dessiner une silhouette.
Celle-là même qui était au cœur de cette agitation. Quelle expression, quel geste conviendrait le mieux ? Elle ne connaissait pas encore les réponses à ces questions. Mais à partir de maintenant, tout au long de cette nouvelle année scolaire, elle finirait sans doute par apprendre à le dessiner de mieux en mieux. Elle entendrait sûrement sa voix, et finirait par comprendre.
Shiraishi — Non, mais c’est…
Elle y repensait, encore. Elle devait éviter d’y penser. Ce secret… ces sentiments ne devaient jamais être découverts par les autres. Shiraishi s’en fit la promesse intérieurement. Des émotions qu’elle avait abandonnées des années auparavant. Pourquoi, maintenant ? Pourquoi fallait-il que cela lui arrive à ce moment précis ?
Shiraishi — …Je suis… stupide, pas vrai ?
Aussitôt après s’être adressée ces paroles de reproche à elle-même, elle réagit au son de la porte qui s’ouvrait, et fut surprise de voir quelqu’un d’inattendu apparaître à l’entrée.
Ayanokôji — Salut.
Cette personne repéra Shiraishi et la salua.
Shiraishi — Bien le bonjour.
Après avoir répondu à la salutation, Shiraishi tenta de se calmer. Elle effaça d’un geste naturel le dessin inachevé sur sa tablette et fit semblant d’étudier.
Ayanokôji — Je ne m’attendais pas à voir quelqu’un. Tu es plutôt matinale.
Shiraishi — …Oui, je me suis réveillée exceptionnellement tôt aujourd’hui. Mais toi aussi, tu es en avance, Ayanokôji-kun.
Ayanokôji — Puisque j’ai changé de classe, c’est comme si j’étais un nouvel élève venant d’un autre établissement. Plutôt que d’attendre d’être accueilli, je me suis dit qu’il valait mieux jouer celui qui accueille.
Il poursuivit.
Ayanokôji — C’est une drôle de coïncidence, deux lève-tôt qui se retrouvent assis l’un à côté de l’autre dans une salle aussi grande et vide.
Shiraishi — Peut-être bien.
Sa voix ne trahissait pas de grandes variations. Et pourtant, elle n’était pas totalement dénuée d’émotions. Shiraishi écoutait attentivement, laissant la voix d’Ayanokôji s’imprégner en elle afin de s’y habituer.
Le silence s’installa entre eux.
Désireuse d’entendre à nouveau cette voix, Shiraishi le relança.
Shiraishi — Pourquoi ce transfert chez nous, Ayanokôji-kun ?
Après une courte pause, elle poursuivit.
Shiraishi — Je n’arrive pas à croire que tu aies choisi de descendre dans une classe inférieure alors que tu avais atteint la classe A.
Ayanokôji — Effectivement, dans une situation normale c’est étrange.
Il demeurait incroyablement calme. Ou bien… cherchait-il à dissimuler ses émotions ?
Devant cette voix, insaisissable comme un nuage, Shiraishi dut presque se retenir pour ne pas laisser paraître sa joie.
Shiraishi — Alors… pourquoi avoir changé Ayanokôji-kun ?
C’est pourquoi elle ne put s’empêcher de continuer. Même si elle savait qu’elle ne devait pas aller trop loin, elle avait franchi cette limite.
Tout en repensant vaguement à un passé amer.
Tout en se jurant de ne jamais refaire les mêmes erreurs.
Histoire courte | Morishita Ai
Mitrailleuse Gatling
C’était une bataille de vie ou de mort. J’en étais convaincue, j’étais prête à tout. Pour mettre fin à cette guerre, je devais appuyer sur la gâchette.
Feu… !
Aussitôt cette déclaration mentale lancée, je tirai un gros projectile (copeau de gomme) du bout de l’index droit, en ligne droite. La cible était le titan maléfique assis devant moi, Ayanokôji Kiyotaka, l’arrière de son crâne.
Impact !
Le premier tir toucha le sommet de sa tête. Visiblement, une seule attaque ne suffisait pas à infliger des dégâts. Moi, la commandante, plaçai dans ma paume plusieurs munitions (copeaux de gomme) que j’avais préparées à l’avance. Laissez-moi vous montrer l’arme la plus puissante de notre armée. La mitrailleuse gatling, feu à volonté !
Cette fois, je fis feu en rafale avec plusieurs copeaux de gomme (balles) à la suite. J’étais certaine d’être en train d’infliger des dégâts à la cible… ! Alors que je m’apprêtais à vérifier l’ampleur des dégâts, la cible en question, le titan, se mit à bouger et se retourna.
Moi — Qu’est-ce qu’il y a ?
Je lui avais posé la question à sa place. Bien sûr, j’avais prévu que l’ennemi remarquerait mon assaut. Mon expérience du champ de bataille ne servait pas à rien, vous savez.
Ayanokôji — Non, c’est juste…
Morishita — Se retourner en classe, même lorsqu’on est en autonomie, est un comportement de vilain élève, très vilain. Je te prie de te retourner et de rester concentré sur ce que tu as à faire.
Après que je l’eus forcé à faire face au tableau, il sembla légèrement décontenancé, mais se remit apparemment à étudier.
Bien… l’attaque peut reprendre.
Tap-tap. Tandis que je faisais feu à nouveau avec ma mitrailleuse gatling, l’ennemi, cette fois en état d’alerte générale se retourna bien plus vivement que je ne l’avais anticipé.
Kuh… J’avais bien dissimulé la gomme, alors j’espérais qu’il ne l’avait pas vue, mais…
Moi — Fixer mon visage d’aussi près, quel pervers…
Pour détourner son attention de ma main gauche qui serrait la gomme, je répondis aussitôt, changeant de sujet.
Ayanokôji — Ce n’est pas mon intention. Est-ce que tu viens de faire quelque chose sur l’arrière de ma tête ?
Moi — Pas du tout ! Je suis vraiment concentrée sur mon travail.
J’avais survécu pour aujourd’hui. Il fallait absolument que je le batte tant que j’étais encore en état de limiter les dégâts.
…Mais à ce moment-là, je ne pouvais pas savoir.
Que le véritable danger ne venait pas seulement d’Ayanokôji Kiyotaka…
Il y avait un autre ennemi, juste à côté de lui…
Histoire courte | Shiraishi Asuka
Une paire d’oreilles en plus
Le téléphone pressé contre mon oreille droite, je fermai les yeux pour apaiser mon esprit.
Nishikawa — Tu vois ce que je veux dire. Asuka la « Pourfendeuse de Cent Hommes », tu as déjà entendu ce surnom, pas vrai ?
La voix claire et aiguë de Ryouko-san était toujours agréable à écouter.
Yoshida — …Cette rumeur est réelle… ?
Nishikawa — Bien sûr. Ce n’est pas le genre d’histoire qui se répand si ce n’est pas avéré.
La voix de Yoshida-kun, je ne la détestais pas, mais elle était plate et sans intérêt.
Ayanokôji — Ce n’était pas cent amis ?
À l’instant où la voix d’Ayanokôji-kun me parvint à l’oreille, j’ouvris lentement les yeux.
Aah… C’est bien cette voix…
Comme si un frisson d’excitation parcourait tout mon corps, partant de mes oreilles jusqu’à mon cerveau. Une voix froide et maîtrisée, dénuée d’émotion. Une voix complètement inadaptée à l’observation, impossible à analyser. Et pourtant… pourquoi faisait-elle battre mon cœur aussi fort ?
Est-ce parce que sa véritable nature échappait à toute logique ? Qu’il s’agisse de violence, de domination, de ruse ou de cruauté, il exécutait tout cela avec sa voix.
Yoshida — J-J’ai déjà dit que je ne suis pas intéressé !
À tel point que la voix de Yoshida-kun, que je n’étais pas censée détester, me parut soudainement insupportable.
J’étais captivée par sa voix.
Ayanokôji — Est-ce que « Pourfendeuse de Cent Hommes » devient « Pourfendeuse de Deux Cents Hommes » si elle atteint deux cents ?
Quelle image avait-il de moi, je voulais connaître ses pensées. Que ce soit de l’admiration ou du mépris, peu importait.
Dis-le-moi, avec cette voix merveilleuse.
Ayanokôji — Un certain respect. Franchement, c’est assez impressionnant d’être impliquée avec une centaine d’hommes à notre âge.
Moi — Eh ? Tu le penses vraiment ? Tu as l’air sincère, huh ?
Ayanokôji — Un spécialiste, quel que soit le domaine, ne mérite-t-il pas d’être respecté ? Désolé d’évoquer ma précédente classe, mais c’est comme Sudou au basket, Onodera en natation, ou encore Inogashira en couture.
Comme prévu, ta façon de penser est admirable, Ayanokôji-kun…
Tout en regrettant de devoir me séparer de cette voix, ne serait-ce qu’un instant, je retirai à contrecœur le téléphone de mon oreille.
Je ne pouvais plus me retenir.
Désormais, permets-moi d’écouter ta voix, non plus à travers un téléphone, mais directement, en face de moi.
Sakayanagi-san. Je vais m’occuper de la chose.
Me levant du canapé, je décidai de me diriger vers l’extérieur, là où il m’attendait.
Histoire courte Guidebook | Hasebe Haruka
Un pilier de soutien
Alors qu’1h du matin approchait ce jeudi soir, moi, Hasebe Haruka, j’étais assise devant mon ordinateur, attendant silencieusement que le moment arrive. Je pensais au transfert de classe d’Ayanokôji-kun. Lors de la fête de célébration organisée à la fin des vacances de printemps, il avait l’air égal à lui-même. Mais ce qu’il ressentait réellement, je n’en avais pas la moindre idée.
Les jours avaient passé depuis la cérémonie de rentrée, et la classe était toujours en plein chaos. Beaucoup peinaient encore à comprendre la situation. Même Horikita-san n’avait pas été informée du transfert.
Et si…
Moi — …C’était de ma faute ?
Je ne pouvais m’empêcher de le penser. J’en avais voulu à Ayanokôji-kun pour l’expulsion d’Airi. Je pensais qu’il avait piétiné ses sentiments, et ceux de notre groupe. Je ne connaissais pas ses véritables intentions. Mais pour survivre dans cette école, des sacrifices étaient parfois nécessaires.
J’avais cru l’avoir compris. Je n’avais pas été particulièrement surprise en apprenant qu’Ayanokôji-kun avait choisi de changer de classe.
Moi — Je me donne des airs, hein ?
Ce n’était pas parce que je le voyais comme un ennemi. Ce n’était pas non plus parce que je voulais reformer notre ancien groupe. Et ce n’était pas que j’étais lasse de m’inventer des excuses faciles. Ayanokôji-kun ne changerait pas de classe pour de telles raisons. Non, c’était sûrement au-delà de ma compréhension.
Il devait avoir ses propres raisons. À 1h pile, l’écran de mon ordinateur changea automatiquement. Un titre en bas s’afficha, et deux animateurs apparurent sous les applaudissements du public. Un duo comique qui commençait à se faire un peu connaître. Et malgré les cours dès le lendemain matin, c’était pour ça que je veillais si tard.
L’émission en ligne Idol en devenir était diffusée chaque jeudi à cette heure-là. Des idols y étaient invitées, traitaient des sujets proposés par l’émission tout en participant à un vote de popularité en ligne. Tous les deux mois, la candidate la mieux classée obtenait une opportunité professionnelle et « diplômée » de l’émission. À l’inverse, celle qui arrivait dernière était éliminée et remplacée par une nouvelle prétendante.
L’émission semblait durer depuis un bon moment, elle venait de fêter sa troisième année. Moi, je l’avais commencée il y a seulement quelques mois pour voir cette idol en devenir qui avait rejoint le programme. Elles portaient toutes un numéro épinglé sur la poitrine, attribué selon l’ordre d’âge. Ma favorite portait le numéro neuf.
— Allez, c’est parti, on vous annonce le premier thème du jour ! Tadâ ! La bataille de réactions au oden brûlant !
Une feuille d’un tableau mal fichu fut retournée d’un geste théâtral. La dernière fois, lorsqu’elle était apparue pour la première fois dans une émission télévisée, elle était encore presque inconnue. Pourtant, elle avait décroché la sixième place au vote de popularité. Un début prometteur.
Elle n’avait certes pas une grande aisance à l’oral, mais sa sincérité et son implication dans chaque défi avaient touché certains fans. Je fixais l’écran avec attention, attendant son tour. Elle observait avec nervosité les réactions des autres idols avant elle.
Moi — Je peux te parler un peu ?
Je m’étais mise à parler toute seule, à voix basse, et continuai.
Moi — Ouais, c’est la vérité. Il a changé de classe.
C’était un monologue. Je savais bien que ma voix ne lui parviendrait pas, mais je parlais tout de même à cette fille à travers l’écran. Cela faisait déjà pas mal de temps que nous ne nous étions pas revues. Mais les sentiments qu’elle montrait, là, de l’autre côté, eux, n’avaient pas changé. Je me rappelai le thème de l’émission de la semaine dernière.
« Veuillez confesser qui a été votre premier amour. »
Elle avait avoué ses véritables sentiments avec une expression timide. Elle parlait de quelqu’un qu’elle avait rencontré en seconde, et pour qui elle avait toujours un faible. De l’extérieur, ça aurait pu passer pour un souvenir douloureux, un passé qu’on préférerait oublier. Et pourtant, au lieu de s’enfermer dans la mélancolie, cette fille avait commencé à avancer. Moi, qui étais censée la guider et lui tenir la main, je m’étais retrouvée distancée sans même m’en rendre compte.
C’était elle qui m’aidait. De loin, elle me faisait signe, me souriait, et m’encourageait à avancer. Alors je devais marcher, moi aussi. Comme une amie digne d’elle. Elle avait encore ce côté impulsif, ses remarques spontanées qui faisaient paniquer tout le monde autour d’elle. Avouer qu’on a un coup de cœur, en tant qu’idol, c’était encore un peu immature. Mais ce n’était pas grave. Parce qu’elle restait toujours une idol en devenir. Et qu’un coup de cœur, ça restait sans risque, non ?
Moi — T’aurais peut-être dû montrer ce côté-là à Ayanokôji-kun plus tôt… ?
Sa détermination. Son sourire éclatant.
Si Ayanokôji-kun avait vu ça… est-ce que cela aurait pu changer son opinion sur la classe ?
Moi — …Non.
Probablement pas.
Dans le cœur d’Ayanokôji-kun, sa présence avait sûrement disparu.
Et si elle devait un jour refleurir, ce serait après que le « zéro » qu’elle incarnait au début soit devenu « un ».
Pas le « zéro » de ce lycée d’excellence où elle était incapable de faire quoi que ce soit. Mais le « un » qu’elle représente maintenant en étant devenue une apprentie idol se battant de toutes ses forces, là, de l’autre côté de l’écran.
J’aurais aimé qu’elle puisse dire, à l’époque : « Grâce à ça, je suis devenue plus forte. Mais tu ne m’intéresses plus, hein ».
Là, même Ayanokôji-kun en aurait été secoué.
Moi — Non… elle ne dirait jamais un truc pareil.
Elle exprimerait sûrement sa reconnaissance avec sincérité. Pas en tant qu’idol avec un double visage, mais en tant qu’idol maladroite qui ne savait que se battre honnêtement et frontalement.
Moi — Continue…
Je l’encourageais à travers l’écran. Aujourd’hui, je ne pouvais plus la voir que comme ça.
Ma voix ne pouvait pas l’atteindre.
Mais je ne comptais pas m’arrêter.
Moi — Continue…
Encore et encore. Je continuerai de l’encourager.
Moi — Je vais aussi me donner à fond pendant un an… pour que tu ne te moques pas de moi quand on se reverra, d’accord ?
Elle m’avait depuis longtemps dépassée.
Alors, quoi qu’il arrive, je ne devais pas m’arrêter. Je devais la rattraper.
Ce n’était pas le moment de me laisser abattre par les choix d’Ayanokôji-kun.
Faisons de notre mieux, ensemble.
Et dans un an, j’irai te retrouver…
Moi — Continue, Airi.
Je prononçai son nom et lui souris à travers l’écran.
Histoire courte Guidebook | Karuizawa Kei
Faux rencard
Cette histoire se déroulait juste avant le début de l’examen sur l’île déserte de première. Moi, Karuizawa Kei, je m’étais rendue au Keyaki après les cours. À cette heure-là, le centre commercial grouillait d’élèves. Certains y venaient pour traîner avec leurs amis, d’autres pour faire des courses, se faire couper les cheveux… ou peut-être… pour un rendez-vous amoureux.
Quoi qu’il en soit, comme nous ne pouvions pas quitter l’enceinte de l’école, le Keyaki était le lieu de vie par excellence. D’ordinaire, je venais ici avec mes copines, mais aujourd’hui, j’avais opté pour la solitude. Je n’avais rien de particulier à acheter. Je voulais juste tenter une petite expérience.
Moi — Pfiou, je suis un peu nerveuse.
Murmurai-je en entrant par la porte nord. Il s’était écoulé presque une heure depuis la fin des cours, donc pas mal d’élèves traînaient déjà dans les environs.
Moi — Ouais, ça devrait aller.
Me rassurant en observant la foule, je continuai mon chemin. Comme prévu, je me dirigeai d’abord vers la boutique de gadgets. Le magasin était petit, mais quatre filles y flânaient, papotant tout en regardant les articles avec amusement.
Bon… c’est parti.
Mon téléphone à la main, je me mis à errer dans les rayons. Peu après, un message arriva : « Tout est prêt ».
J’eus du mal à retenir mon sourire, mais me contentai de continuer à regarder tranquillement les produits, seule. De nouveaux articles arrivaient chaque semaine, donc je ne m’ennuyais jamais, surtout avec tous ces accessoires mignons pour téléphones. Cependant, j’en avais acheté tellement ces derniers temps que mon strap était devenu plus lourd que le téléphone lui-même. Aujourd’hui, je devais résister.
Résister… résister… Je ne vais pas y arriver !
Moi — Celui-là est trop mignon ~
Un nouveau strap tout juste arrivé me faisait craquer. Un petit chaton avec un ruban. Je pris une photo de l’article avec mon téléphone et l’envoyai, tout en continuant à déambuler dans le magasin.
— Tu aimes ce genre de trucs ?
Je souris en lisant le message reçu et répondis :
Moi — Surprenant ?
— Un peu.
[Je crois que je tomberais dans les pommes si mon copain m’offrait un truc pareil ♡] J’étais sur le point d’envoyer ce message, mais je rougis et l’effaçai.
C’était un peu trop… Je n’avais pas le courage d’aller jusque-là, même pour un test comme aujourd’hui. Ensuite, il m’envoya à son tour une photo. Je l’ouvris avec curiosité…
— Je me suis dit que tu aimerais ça
Sur l’image : un strap tête de mort avec des os croisés.
Moi — Non mais non, pas du tout. C’est horrible. C’est pour les collégiens ça !
Cette fois, je lui envoyai une réponse un peu piquante. Les mots doux, ce n’était pas tout. Peut-être que je devrais lui révéler pourquoi j’étais là aujourd’hui ? J’avais beau flâner seule dans la boutique, en réalité, une autre personne faisait le même circuit que moi, sur un itinéraire différent. Inutile de le préciser… c’était mon petit ami, Ayanokôji Kiyotaka. Trop stylé, intelligent et sportif. On dirait un personnage de manga, sérieux…
Moi — Peut-être que j’en fais un peu trop…
Je me repris aussitôt après avoir dit ça. Après tout, les relations amoureuses, ce n’était pas vraiment mon fort.
Ahem. Bref…
Tout ça, c’était notre façon à nous d’avoir un faux rendez-vous. On arrivait chacun de notre côté au lieu de rencontre, puis on traînait dans le magasin séparément. Si quelqu’un l’apprenait, il serait étonné, mais c’était notre manière de profiter d’un rendez-vous tout en gardant notre relation secrète. Bon… je suppose que les gens nous conseilleraient d’officialiser notre relation pour l’instant, ça m’allait bien comme ça.
Ayanokôji — On fait quoi après ?
Moi — On peut encore regarder un peu ?
Après cet échange, je continuai à déambuler dans la boutique. Oui, personne ne nous remarquait parce que nous étions venus séparément et que nous regardions des choses différentes. Évidemment, j’étais heureuse qu’il soit dans les parages, mais en même temps, j’avais tellement envie de lui parler directement. De communiquer avec des mots, des regards, des mains qui se touchent. C’est ça, pour moi, un vrai rendez-vous.
Après ça, nous quittâmes la boutique de gadgets pour passer du temps entre le supermarché et la librairie, en changeant d’endroit et en regardant divers articles. C’était un rendez-vous à la fois amusant… et un peu solitaire. Je ne dirais pas que c’était un échec, mais… c’était compliqué.
J’avais vraiment envie de sortir avec Kiyotaka ouvertement, fièrement, le plus tôt possible. Oui, c’est ce que je me redisais encore, avec une conviction renouvelée. Et puis…
Vers 19h30 ce soir-là. Je regardais la télé dans ma chambre quand je redressai la tête en entendant frapper.
Moi — Hmm ?
Ce n’était pas la sonnette, mais un petit coup discret. Je me demandais qui ça pouvait être, mais je n’entendais aucune voix.
Poussée par la curiosité, j’ouvris la porte…
Un petit sac en papier à motifs roses était posé sur le sol du couloir. Il n’y avait personne aux alentours. Intriguée, je le ramassai et le rentrai dans ma chambre.
C’est pour moi, non ?
Avant de l’ouvrir, je le palpai un peu à travers le papier.
Moi — Hmm… Est-ce que ce serait… ?
J’avais une petite idée de ce que ça pouvait être, alors j’ouvris le sac et en sortis son contenu…
Un petit strap en forme de chaton avec un ruban.
En le voyant, je ne pus m’empêcher de rire.
Moi — Quel idiot, franchement.
Si tu crois que c’est avec ce genre de truc qu’on devient populaire… tu te trompes complètement.
Je retirai tous les autres straps accrochés à mon téléphone et attachai le chaton à la place, un sourire aux lèvres.
Karuizawa — Je me contenterai pas de ça.
Et je passai le reste de la soirée à le regarder.
[1] Le terme original est 「偽りの善意、つまり偽善」, ce qui constitue un jeu de mots en japonais. L’expression 「偽りの善意」, traduite ici par « fausse bienveillance », est en réalité la définition littérale de 「偽善」 (les deux caractères sont les mêmes). 「偽善」 est souvent traduit par « hypocrisie », mais ce terme n’en rend pas bien le sens, c’est pourquoi on privilégie ici « fausse bienveillance » ou « bienveillance de façade ».