THE INSIPID prince t1 - Épilogue
Épilogue
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Traduction : Moonkissed
Correction : Calumi
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Après la réunion, Finne se trouvait dans sa chambre, occupée à préparer le thé.
Elle savait qu’un invité bien particulier n’allait pas tarder à arriver.
— Bonjour, c’est moi. Je peux entrer ?
— Bien sûr, Al-sama.
Lorsque son invité tant attendu, Al, franchit le seuil, il parut légèrement surpris de voir le thé déjà prêt. Mais en découvrant le sourire lumineux de Finne, il s’assit sans rien dire.
— Ce n’est pas le thé habituel.
— J’ai pensé que vous deviez être fatigué, alors j’ai choisi une infusion dont les ingrédients aident à soulager la fatigue. Même si vous ne l’aimez pas, vous devrez le boire.
— Je ne suis pas si fatigué que ça…, marmonna Arnold, un peu à contrecœur.
Mais Finne, elle, le trouvait encore épuisé. Même si plusieurs jours s’étaient écoulés depuis la bataille et qu’il aurait dû se reposer, sa lassitude restait visible.
C’était précisément pour cela qu’elle avait préparé ce thé spécial.
Il grimaça en buvant une gorgée, sensible à son amertume et à son arôme inhabituel. Il en reconnut aussitôt le goût.
— C’est le même thé que ma mère me préparait. Je crois qu’il est fait à partir de feuilles venues d’un pays oriental, avec une méthode d’infusion particulière.
— Je l’ai appris de ma mère, moi aussi. Quand j’ai vu que vous aviez l’air si fatigué, j’ai emprunté quelques feuilles de thé au manoir.
— Ha… Je suis fatigué, c’est vrai, mais tu n’as pas besoin de t’en faire autant pour moi.
— Je suis contente de l’entendre. À présent, buvez.
Finne lui adressa un sourire rayonnant. Mais derrière ce sourire, il y avait une détermination claire : elle n’accepterait aucun refus. Cédant à la pression muette, Arnold continua à boire sans un mot.
Un instant, ils restèrent silencieux. Mais ce silence n’avait rien de gênant — il était apaisant, confortable. C’était agréable d’être simplement ensemble, sans rien dire.
Pour Arnold, cette sensation était précieuse.
En public, il jouait le rôle du prince terne. En privé, il était Silver, le grand aventurier. Et en plus de tout cela, il œuvrait en secret pour faire triompher Leo dans la lutte pour le trône.
Il n’avait presque jamais de temps pour lui. Jamais l’occasion d’être simplement… lui-même.
Finne lui offrait ce moment. C’est pourquoi les mots lui vinrent naturellement.
— Merci… pour tout.
— Je vous en prie. C’est plutôt à moi de vous remercier de m’avoir sauvée. Une fois encore, je vous ai causé des soucis.
— Ce n’était rien. Et grâce à toi, grâce au sifflet que tu as récupéré, le tsunami n’a pas fait plus de dégâts. Personne n’a perdu la vie. Juste…
— Quoi ?
— Juste… essaie de ne plus refaire quelque chose d’aussi dangereux. J’ai cru que j’allais avoir une crise cardiaque.
— Oui… Moi aussi, j’ai bien cru que j’allais mourir. Mais vous êtes arrivé. J’étais tellement heureuse.
Finne souriait en disant cela. Un sourire doux, chaleureux, mais un peu différent de celui qu’elle adressait aux autres. Ce n’était ni un sourire de façade, ni une simple politesse. C’était un sourire sincère, empreint de confiance. Il ajoutait encore à son charme.
Se rendant compte qu’il la fixait, Arnold avala son thé d’un trait pour dissimuler son embarras. Mais à peine avait-il terminé que Finne lui resservit une seconde tasse.
— Euh… ?!
— Vous devez en boire deux ou trois tasses.
— Oh, allez…
Malgré ses protestations, Arnold se remit à boire avec résolution, sous le regard ravi de Finne.
Le silence revint, mais cette fois encore, personne ne chercha à le rompre.
Ils savaient l’un comme l’autre que l’un d’eux parlerait quand le moment viendrait.
Finne, toujours souriante, observait Arnold. Il buvait son thé avec une moue enfantine de dégoût.
Un contraste amusant avec l’air qu’il affichait lors de sa visite au manoir Kleinert.
Le voir ainsi emplissait Finne d’un profond soulagement. Cela lui prouvait qu’il n’avait pas changé. Il était exactement le même que le jour où ils s’étaient rencontrés pour la première fois, des années auparavant.
Arnold, lui, ne s’en souvenait même pas. Elle le savait… et l’acceptait, car à l’époque, elle portait un voile sur le visage. C’était le jour où elle était devenue Blau Mowe.
Elle était terriblement nerveuse : sa toute première visite à la capitale, cette foule immense qu’elle n’avait jamais connue, et sa rencontre imminente avec l’Empereur… Pour la jeune Finne, âgée de quatorze ans, tout cela était bien trop intimidant.
Alors que l’angoisse l’envahissait et qu’elle commençait à vaciller sous le stress, Arnold lui avait adressé la parole, avec désinvolture.
Avec du recul, Finne comprenait à quel point il avait été irresponsable.
Il s’était simplement échappé, lassé et agacé par les obligations qui l’attendaient — celles-là mêmes vers lesquelles Finne se dirigeait.
Mais c’est cette conversation, anodine pour lui, qui permit à Finne de retrouver son calme… et de recevoir l’honneur d’être nommée Blau Mowe.
Peut-être n’était-ce rien pour Arnold, mais pour Finne, cela avait été capital.
Depuis ce jour, elle avait toujours ressenti une grande affection pour lui.
Elle avait pensé pouvoir enfin le remercier lorsqu’il était venu chez elle. C’est pourquoi elle ne l’avait pas salué comme s’il s’agissait d’une première rencontre.
Et pourtant… même après avoir retrouvé Arnold, il s’était montré furieux. Elle en avait été déçue. Elle avait cru qu’il avait changé. Mais en vérité, il n’avait pas changé du tout. Tout comme ce jour-là, il était toujours aussi gentil.
Après avoir découvert son secret, Finne avait supplié son père de la laisser partir pour l’aider. Elle savait qu’elle serait peut-être un fardeau. Mais elle voulait être à ses côtés. Elle voulait lui être utile, quoi qu’il en coûte.
Alors qu’elle se perdait dans ces souvenirs, elle remarqua qu’Arnold s’était endormi. Sa respiration régulière indiquait un sommeil profond. Elle sourit en silence, amusée par son visage paisible, presque enfantin. Doucement, elle prit une couverture et la posa sur lui.
— Même si vous ne vous en souvenez peut-être pas…
D’une voix si douce que personne n’aurait pu l’entendre, Finne murmura ces mots, puis saisit délicatement la main d’Arnold. Craignant de le réveiller, elle se pencha lentement vers lui. Et déposa sur sa joue un baiser doux, léger et rapide. Ce simple geste suffit à faire rougir ses joues.
Sachant que cela ne servirait probablement pas à grand-chose, elle but l’eau posée sur la table dans l’espoir que cela apaiserait la chaleur de ses joues, puis prit plusieurs profondes inspirations avant de finalement se retourner vers Arnold. Son sommeil paisible et insouciant fit naître un sourire ironique sur ses lèvres.
Ce chasseur n’avait aucune idée que, ce jour-là, il avait attrapé un goéland bleu très spécial.
***
— Dame Zandra, j’ai reçu un message de Madame. Elle dit que l’heure est venue.
Un homme d’âge mûr s’exprima depuis l’ombre. Après avoir entendu son rapport, Zandra répondit d’un ton sec, tout en sirotant son vin rouge sang.
— C’est décevant d’avoir perdu le poste d’ambassadrice, mais peu importe.
Je n’ai nul besoin de l’aide d’un empire étranger. Ce qui m’importe, c’est le pouvoir que je peux acquérir ici même, dans la capitale.
Pendant que ces jumeaux s’évertueront à nouer des liens avec nos voisins, je gagnerai en influence… là où cela compte vraiment.
— Ça y est. Cela arrive enfin.
— Oui. Cela m’a pris de nombreuses années, mais désormais, moi aussi, j’obtiendrai un siège au Conseil. Je vais m’approprier le pouvoir qu’Erik a monopolisé tout ce temps… Et enfin faire entendre ma voix lors des réunions impériales !
Zandra éclata d’un rire aigu. Il résonna plusieurs secondes avant qu’elle ne se calme et ne reprenne, s’adressant à l’homme :
— Au fait, qu’est-il advenu des hommes que tu as envoyés pour régler le cas d’Arnold ?
— Aucun n’est revenu. Je pense qu’ils ont été interceptés par son intendant.
— Ils l’auront sous-estimé. Ils ont cru avoir affaire à un vieux serviteur inoffensif. La prochaine fois que tu agiras, assure-toi que tout soit parfaitement préparé.
Cet intendant… il était la seule menace réelle dans le camp des jumeaux.
— C’est un mystère, pour moi, qu’un assassin légendaire autrefois connu sous le nom de Faucheur ait fini simple intendant du prince terne…
— Un gâchis de talent, voilà tout. Ce prince est aussi proche du prodige Amsberg. Comment tous ces gens ont-ils pu finir entre les mains d’un incapable qui ignore jusqu’à leur valeur ?
— Un jour, c’est vous qui les tiendrez sous votre coupe.
Zandra acquiesça, satisfaite, aux paroles de l’homme. Oui, pensa-t-elle. Un jour, tout cela serait à elle.
C’était pour cela qu’elle s’était préparée si longtemps.
— C’est vrai. Tout à fait vrai… Le trône sera mien. Tout m’appartiendra. Et je ferai exactement ce que je veux ! J’arracherai la tête de tous ces rustres répugnants qui osent encore s’opposer à moi ! Ahh… Je suis impatiente…
Hypnotisée par cette perspective, Zandra porta lentement son verre à ses lèvres. Elle savourait déjà la vision de ses rivaux, torturés, implorant sa pitié… juste avant que leurs têtes ne tombent.
La bataille pour le trône allait devenir plus féroce que jamais.