THE INSIPID prince t1 - chapitre 2
Feestival de Chasse des Chevaliers
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Traduction : Moonkissed
Correction : Calumi
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1
Même si vous êtes l’enfant de l’empereur, cela ne signifie pas que vous pouvez le voir tous les jours. La raison en est simple : l’empereur, qui règne sur un empire aussi vaste, est toujours très occupé. Presque chaque jour, il tient une réunion avec ses sujets, et seuls ceux qui occupent des postes importants peuvent y participer.
Le « Conseil privé », le seul conseil impérial auquel les enfants de l’empereur peuvent assister, est normalement réservé au deuxième prince. Cependant, ce jour-là, les princes et princesses de la capitale impériale avaient reçu l’ordre de participer à ce conseil.
— C’est inhabituel. Je me demande ce qui se passe.
Ce n’est même pas quelque chose qui se produit une fois par an. Il doit y avoir une annonce importante. Je ne m’attends pas à ce qu’il mette fin à cette guerre de succession sanglante. Au contraire, c’est un homme qui pense que seul celui qui triomphe d’une guerre aussi féroce mérite de devenir le prochain empereur. Il est empereur avant d’être père. Certains diront que c’est le devoir d’un souverain de préparer un successeur capable de préserver et développer un empire de cette envergure.
Pour cela, il accepte de fermer les yeux sur certains sacrifices.
— Une annonce, hein… J’espère que ce sera une bonne nouvelle.
— Je parie dix contre un que ce sera une mauvaise.
Tout en échangeant ainsi, nous nous dirigeâmes vers la salle du trône.
***
— Merci à tous d’être venus.
— Nous sommes honorés par votre convocation, Votre Majesté.
Tout le monde s’inclina devant l’homme blond assis sur le trône. Le 31e empereur de l’Empire d’Adracia, Johannes Lakes Adler. Même à cinquante et un ans, il paraissait encore dans la quarantaine. Il était l’empereur régnant d’un empire vieux de plus de six siècles — et notre père. Autour de lui ne se trouvaient que des hauts fonctionnaires et des officiers supérieurs. Tous leurs regards étaient tournés vers nous, les enfants impériaux. Nous étions onze ce jour-là.
— Neuf princes et deux princesses. Personne ne semble manquer.
C’est dommage que ma fille aînée soit encore à la frontière. Mais bon, passons. Je suis heureux de vous voir, mes enfants. En comptant notre frère aîné décédé, notre père avait treize enfants. Il nous observait avec satisfaction. L’aîné aurait eu vingt-huit ans, le plus jeune en avait dix. Il était rare que nous soyons tous réunis ainsi. Parmi nous, un homme à la carrure massive prit la parole.
— Votre Majesté. Quelle est l’occasion aujourd’hui ?
S’il s’agit d’une guerre, envoyez-moi sans hésiter.
Je mettrai toute la puissance de l’Empire au service de votre cause pour écraser l’ennemi. C’était un homme aux cheveux roux, vêtu d’une armure lourde. Le troisième prince, Gordon Lakes Adler. Il était l’un des généraux de l’Empire, et parmi les « princes », celui qui possédait la plus grande force militaire. Certains le décrivaient comme impressionnant, mais pour moi, le mot le plus juste était « arrogant ». C’est un homme qui se prend très au sérieux.
La faction belliciste et les hauts gradés de l’armée sont ses principaux alliés. S’il devenait empereur, l’Empire poursuivrait sans doute une politique d’expansion agressive.
Il mènerait probablement l’Empire dans des guerres contre les autres grandes puissances, jusqu’à unifier le continent sous sa bannière. Ce serait un bon empereur pour ceux qui rêvent de conquête. Mais pour ceux qui aspirent à la paix, il serait un cauchemar.
— Gordon. Tu ne changeras donc jamais.
— Tu ne parles que de guerre. Il n’y a donc plus rien dans ta tête ?
Regarde, Sa Majesté est aussi troublée, tu sais ? Voyant leur père esquisser un sourire amer, une femme aux longs cheveux verts prit la parole. Vêtue d’une robe noire, c’était la deuxième princesse, Zandra Lakes Adler. Son visage était magnifique, mais ses yeux dégageaient une aura malsaine. Elle laissait une impression de sévérité, presque inquiétante. Peut-être que sa personnalité était aussi mauvaise que le suggéraient ses yeux.
Et en vérité, cette impression n’était pas trompeuse. Parmi nos sœurs aînées, c’était sans aucun doute la plus brutale. Peut-être était-ce pour cette raison qu’elle s’était plongée dans les arts magiques interdits, les ressuscitant un à un.
C’est cette dévotion aux arts occultes qui faisait d’elle une figure populaire auprès des magiciens. Si elle devenait impératrice, l’Empire deviendrait sans doute une superpuissance magique. Mais cela signifierait aussi tolérer des recherches inhumaines.
— Fuhn. Une magicienne fragile comme toi ne peut sans doute pas comprendre.
Pour un guerrier, combattre et mourir sur le champ de bataille est un honneur.
Si tu me refuses cela, je t’écraserai.
— Ara ? Quelle chose dangereuse à dire.
Si tu tiens tant à ton honneur, dois-je t’en faire cadeau, emballé avec un joli ruban ?
L’atmosphère devint immédiatement tendue.
Je me demande bien qui est le plus dangereux ici.
Ne venez-vous pas tous deux de vous menacer de mort ? Bon, ils ne pousseraient pas les choses aussi loin devant l’empereur. Ces deux-là avaient des nerfs d’acier. Alors que je pensais cela, un homme aux cheveux bleus toussa légèrement.
— Veuillez pardonner l’impolitesse de mon frère et de ma sœur, Votre Majesté.
En disant cela, il s’inclina respectueusement. Parmi les enfants impériaux, il était celui qui se trouvait le plus souvent aux côtés de l’empereur.
Grand, les yeux aiguisés derrière ses lunettes, c’était le deuxième prince, Erik Lakes Adler. Seul enfant autorisé à siéger au Conseil privé, il occupait le poste de ministre des Affaires étrangères. Ce génie dirigeait la diplomatie de l’Empire. Intellectuellement, il surpassait même l’ancien prince héritier.
C’est aujourd’hui l’homme le plus proche du trône.
S’il devenait empereur, l’Empire serait sans aucun doute gouverné avec stabilité. Mais sous son règne fondé sur la raison, le peuple se sentirait certainement étouffé. Et cet homme pragmatique ne tolérerait jamais qu’une rébellion prenne racine.
S’il accède au trône, nous serons tous éliminés. Voilà pourquoi nous n’avons pas d’autre choix que de participer à cette guerre de succession. Tandis qu’Erik s’excusait calmement, Gordon et Zandra le fusillaient du regard.
C’est finalement lui qui avait récolté la tempête.
— Ce n’est pas grave. La compétition est une bonne chose.
C’est ce que j’ai fait quand je suis devenu empereur, après tout. Cette compétition finira par se transformer en un véritable massacre. Tout le monde ici le sait. Malgré cela, l’empereur l’approuvait. Parce qu’il est convaincu que c’est pour le bien de l’Empire.
— C’est pourquoi j’ai imaginé un moyen pour que tout le monde puisse rivaliser.
C’est la raison pour laquelle je vous ai tous réunis aujourd’hui.
— S’il s’agit d’une compétition de force, c’est exactement ce que je veux.
— Eh bien, calme-toi, Gordon. Ne simplifie pas les choses.
Que ferais-tu si tu devais rivaliser avec ton frère de dix ans ? C’est pour cela que, pour la première fois, je songe à faire revivre un festival abandonné depuis des décennies.
— Un festival, Votre Majesté ?
Entendant la question d’Erik, l’empereur acquiesça, un sourire audacieux aux lèvres. Dans sa jeunesse, il avait été un guerrier dont le nom résonnait sur les champs de bataille. L’armée qu’il commandait passait pour invincible. Ce côté de sa personnalité transparaissait souvent dans ce genre de sourire téméraire.
— Le Festival de chasse des chevaliers.
C’est un festival où les différents ordres de chevaliers impériaux s’affrontent selon la rareté et la taille des monstres qu’ils ont abattus. Autrefois, il était régulièrement organisé, à l’époque où l’Empire était encore infesté de monstres. Mais aujourd’hui, il ne l’est plus, car les aventuriers sont devenus trop compétents.
Je souhaite faire revivre ce festival. L’ordre des chevaliers impériaux constitue l’élite militaire de l’Empire.
Contrairement aux chevaliers au service des seigneurs féodaux, ils obéissent directement à l’empereur. Ils sont l’atout majeur de l’Empire.
Lorsque l’armée se heurte à un obstacle, ce sont eux que l’on envoie pour assurer la victoire. Ils sont l’épée de l’empereur, et leur loyauté ne va qu’à lui seul. Si un festival mobilise une force aussi précieuse, il doit avoir une grande importance.
— Je vois.
Les monstres sont très actifs, ces derniers temps.
Mais… la guilde des aventuriers va-t-elle autoriser cela ?
Le travail des aventuriers consiste à protéger les habitants du continent contre les monstres.
En d’autres termes, leur principale mission est la chasse aux monstres.
Bien sûr, ils reçoivent aussi d’autres requêtes, mais la majorité reste liée à ces créatures.
Pour eux, un festival qui les prive de leur gagne-pain ne doit pas être bien accueilli.
— Ne vous inquiétez pas.
J’ai déjà obtenu l’autorisation du siège de la guilde. Leurs succursales dans l’Empire ne parviennent plus à gérer les monstres rares apparus récemment. Il semblerait qu’ils aient réellement besoin de notre aide. J’ai aussi entendu dire que le duc Kleinert s’en inquiétait. Considérez cela comme une coopération entre nous et la guilde. Je ne peux pas accepter ça. Ce qu’il vient de dire à propos de la guilde.
La raison pour laquelle les succursales sont implantées dans des zones à faible densité de monstres, c’est que l’Empire paie leurs frais de fonctionnement. C’est comme si, chaque fois qu’un monstre apparaissait, l’Empire disait simplement : « Tenez, il y a un monstre. Débarrassez-vous-en. »
Cependant, la succursale installée sur le territoire du duc Kleinert n’a pas rempli son rôle. Silver n’a pas résolu l’incident au nom de la guilde. Il a choisi une autre méthode pour mener sa mission à bien. On ne peut donc pas dire que la guilde a rempli son devoir.
Compte tenu de tout cela, l’échange réel entre eux aurait plutôt ressemblé à ceci :
— Comment ça, vous n’avez même pas réussi à vous occuper d’un seul monstre alors que nous vous avons versé autant d’argent ?
— Nous sommes désolés…
— Je veux organiser un festival de chasse aux monstres. Vous allez l’approuver, n’est-ce pas ?
— Non, euh… c’est… obtenir une autorisation, c’est un peu…
— Hein ? Alors donnez-nous de bons aventuriers.
— C’est…
— Quoi, « c’est » ?
— … Nous approuverons le festival…
Quelque chose dans ce genre, j’imagine. C’est bien le père de ces enfants malfaisants, après tout. Il est inconcevable qu’il n’ait pas utilisé ce qui s’est passé dans le duché de Kleinert comme levier de négociation. Le siège de la guilde doit être dans une position délicate, pris entre les aventuriers locaux et l’Empire.
Eh bien, il est vrai que des monstres qui n’étaient jamais apparus auparavant sur le territoire impérial se sont manifestés récemment. Et en plus, ce sont des monstres de haut niveau.
Si rien n’est fait, les dégâts se propageront vite à la population, aux récoltes, voire aux aventuriers eux-mêmes. En ce sens, faire appel à l’ordre des chevaliers impériaux pour les traquer est une stratégie intelligente.
Avec un festival, on peut générer des revenus, remonter le moral des troupes, et rassurer la population. Comme on pouvait s’y attendre de la part de l’empereur, il avait conçu une stratégie efficace. Cependant, le problème, c’est qu’il prévoyait aussi de nous impliquer directement dans ce festival.
— Je comprends. En d’autres termes, vous voulez que nous menions l’ordre des chevaliers à la chasse aux monstres, c’est bien cela ?
— Comme on pouvait s’y attendre de ta part, Erik. Tu as deviné.
J’ai réparti les chevaliers entre vous. Vous pouvez partir chasser les monstres avec eux, ou bien rester ici à attendre les résultats, cela m’est égal.
Quoi qu’il en soit, je veux que ce festival soit spectaculaire.
Sur ces mots, l’empereur mit fin à la conversation.
S’il s’était donné la peine de répartir lui-même les chevaliers, c’était sans doute pour empêcher que certains enfants n’accaparent les meilleurs éléments.
Par ailleurs, lorsqu’il dit que nous pouvions soit accompagner les chevaliers, soit rester en retrait, cela pouvait passer pour une forme de considération envers ceux qui ne sont pas doués pour le commandement.
Mais en vérité, les chevaliers ne jureront jamais fidélité à un prince incapable de se tenir à leurs côtés sur le champ de bataille. C’est un défaut fatal pour quiconque aspire au trône.
L’empereur voulait sûrement dire que, même si nous ne pouvons pas nous battre, nous devons au moins avoir la volonté de nous tenir sur le même front.
Si nous n’en sommes pas capables, alors nous ne méritons pas la couronne, n’est-ce pas ?
— Votre Majesté. Je comprends pour le festival, mais j’ai une question à vous poser.
— Qu’y a-t-il, Gordon ?
— Quelle sera la récompense pour le vainqueur ?
Si c’est quelque chose de dérisoire, cela ne suffira pas à nous motiver.
— Fumu, c’est vrai. Que veux-tu ?
— Bien sûr, je veux le siège du prince héritier.
Gordon répondit sans la moindre hésitation.
Zandra le foudroya du regard.
Si un regard pouvait tuer, il serait déjà mort.
Erik semblait, en apparence, rester calme, mais il devait être passablement agacé.
— Tu es vraiment direct, hein.
Très bien. En réponse à ta franchise, je vais l’être aussi.
Je ne désignerai pas le prochain prince héritier à l’issue d’un simple festival.
— Naturellement.
Si un prince héritier était désigné dans un cadre aussi frivole, nous deviendrions la risée des autres nations.
— C’est vrai, Zandra.
Mais cela ne signifie pas que je ne vous récompenserai pas. Je nommerai donc le gagnant ambassadeur plénipotentiaire. Le pays dans lequel il sera envoyé sera déterminé après examen des évolutions diplomatiques.
Tout le monde retint son souffle.
Si un prince ou une princesse est nommé ambassadeur plénipotentiaire, il sera au minimum considéré comme un candidat à la succession dans le pays d’affectation. Il pourrait aussi y nouer des alliances et étendre l’influence de l’Empire.
Pour ceux qui participaient à la guerre de succession, c’était une récompense irrésistible.
Pour Erik, en tant que ministre des Affaires étrangères, ce poste serait certes moins utile, mais il ne pouvait l’ignorer. Cela porterait atteinte à sa fierté que d’autres candidats empiètent sur son autorité diplomatique. Tant qu’il aura quelque chose à perdre, Erik restera probablement actif et prudent.
L’ordre des chevaliers est l’élite de l’Empire. Ils donneront probablement leur maximum, quel que soit le prince ou la princesse à qui ils sont assignés.
Mais au final, tout dépendra de l’attitude du dirigeant. Les choses vont se compliquer. C’est ce que je pensai, tandis que je commençai à réfléchir à un plan pour permettre à Leo de l’emporter.
2
— Ça devient vraiment embêtant.
— Sérieusement. On est dans le pétrin.
Le lendemain matin, j’avais immédiatement convié Sebas et Finne dans ma chambre pour une réunion stratégique.
Comme prévu, Sebas semblait déjà mesurer la gravité de la situation.
— Une situation difficile ? N’est-ce pas plutôt une occasion pour Leo-sama de montrer ses capacités ? … Les chevaliers ont été répartis équitablement par Sa Majesté, et Al-sama sait à quel point Leo-sama est excellent, n’est-ce pas ?
— Aaah…
— Ce soupir que vous venez de pousser… c’est pour vous moquer de moi, n’est-ce pas ? Je le sais très bien !
Entendant le cri de Finne, je me résolus à commencer mon explication, un peu à contrecœur.
En vérité, ce que disait Finne n’était pas entièrement faux. Mais ce n’était que la moitié de la vérité.
— Ce festival est à la fois une chance… et un piège.
C’est une chance, parce qu’il existe une possibilité que Leo devienne ambassadeur plénipotentiaire. Mais c’est aussi un piège, car si l’un de nos trois rivaux obtient ce poste, l’écart entre eux et nous, que nous avons mis tant d’efforts à réduire, s’élargira à nouveau.
Même si nous formons désormais une quatrième faction, nous restons encore bien trop faibles face aux trois autres.
Si l’un d’eux remporte cette victoire, les deux autres pourront s’en remettre, mais nous, nous n’avons pas cette marge. À moins d’un renversement complet, nous devrons abandonner la guerre de succession.
— C’est vrai ? C’est grave ! Il faut faire quelque chose, et vite !
Finne se leva de sa chaise, paniquée, et se mit à faire les cent pas dans la pièce.
Je la laissai s’agiter dans son coin, tandis que je m’adressai à Sebas.
— As-tu rassemblé des informations ?
— Il n’y en a pas beaucoup, Votre Altesse. Il semble que l’ordre des chevaliers n’ait été mis au courant qu’hier. Cette affaire doit avoir été décidée par Sa Majesté et ses conseillers proches uniquement.
— Dans ce cas, les cartes que nous avons en main sont limitées.
Tout dépendra des capacités… et de la chance de chaque candidat. Un monstre rare va-t-il apparaître ? Allons-nous le rencontrer ? Tout cela repose essentiellement sur le hasard. Peu importe votre puissance, si vous n’avez pas l’occasion de la démontrer, elle reste inutile.
— Il y a une autre information. Les chevaliers s’attendent à ce que le festival ait lieu dans la partie est de l’Empire.
— La partie est ? Pourquoi ?
— C’est historiquement la région la plus touchée par les monstres.
C’est aussi celle où les aventuriers ne parviennent pas à maîtriser leur nombre. Notre ordre de chevaliers a été mobilisé ailleurs lors des précédentes campagnes, mais cette région a été laissée de côté.
— Il a donc volontairement laissé l’est tranquille pour qu’il serve de terrain au festival, hein…
C’est bien quelque chose que mon père aurait fait.
On ne peut pas demander aux chevaliers d’intervenir partout à la fois.
Je m’étais douté qu’il y aurait des zones échappant à leur couverture, et il semble que ce soit effectivement l’est.
Si une région lourdement endommagée devient le centre d’un grand événement, elle attirera sans doute de nombreux visiteurs.
La reconstruction sera aussi facilitée.
C’est vraiment du Johannes tout craché.
— Voici le déroulement prévu : les chevaliers seront envoyés dans la partie est, où ils chasseront des monstres pendant plusieurs jours.
Ensuite, vous devrez choisir l’unité à laquelle vous ferez confiance.
Puis Sa Majesté rendra son jugement et désignera le vainqueur.
De plus, la nouvelle s’est déjà répandue, et les marchands affluent vers la région à l’heure où nous parlons.
— C’est une occasion commerciale, après tout. Les marchands ne laisseraient jamais passer ça.
Ce festival prend une ampleur impressionnante…
Des figures influentes du monde entier viendront sans doute y assister.
Ça va devenir compliqué.
— A-Al-sama ! J’ai trouvé un plan !
— Je t’écoute.
Finne frappa dans ses mains et les leva bien haut.
Je n’attendais pas grand-chose d’elle, mais ce serait dommage de ne pas écouter. Finne n’était pas une bonne stratège, mais elle n’était pas idiote. Elle pourrait repérer quelque chose de surprenant.
— Je pense que ça ira tant qu’Al-sama est le vainqueur !
— J’ai été idiot de placer mes espoirs en toi…
— Finne-sama. Arnold-sama doit se montrer incompétent. Ce serait étrange qu’il fasse soudainement preuve de talent ici.
— Ah, c’est vrai… m-mais il n’y a pas d’autre moyen de gagner avec certitude, si ?
C’est comme elle le dit. Pour moi, obtenir la première place est le moyen le plus sûr de réussir. C’est à cause de la participation de Silver. Bien entendu, aucun autre candidat ni leurs chevaliers ne peuvent rivaliser avec lui. Mais si je prends cette voie, je perdrai notre meilleur atout, et il deviendra beaucoup plus difficile de faire de Leo l’empereur. M’y engager reviendrait à diviser inutilement notre précieuse popularité. Peu importe comment je tourne le problème, c’est une mauvaise décision.
— Nous devons trouver autre chose.
— Mais nous n’avons que peu de cartes à jouer dans cette situation. Les autres candidats peuvent tenter d’attirer un monstre rare vers l’est, ou découvrir à l’avance où il apparaîtra… Mais nous, nous manquons cruellement de personnel pour ce genre d’opération.
— Je sais. Ils vont sûrement essayer, mais je peux en faire autant. Je peux simplement guider un monstre vers l’est en tant que Silver.
— Vous ne pouvez pas ! Faire une chose pareille… !
Finne fut la première à s’y opposer. En la regardant, Sebas et moi esquissâmes un sourire amer. Elle ressemblait tellement à Leo.
— C’est vrai. Si je fais ça, je risque de mettre en danger les habitants de la région est. C’est pour cette raison que je ne le ferai pas. Leo n’approuverait jamais une méthode aussi basse.
Personnellement, c’est un plan que je veux éviter à tout prix. Ma fierté d’aventurier me l’interdit. Mais s’il n’existe aucune autre solution, je devrai peut-être le faire. Cependant, pour l’instant, ce n’est pas le cas. Si tous les autres candidats se révélaient être des tyrans, ce serait une autre histoire… Mais pour l’instant, seules ma vie, celle de Leo et celle de notre mère sont en jeu. Et je ne peux pas justifier de faire souffrir des innocents uniquement pour protéger ceux que j’aime.
— C’est vrai… Je suis soulagée.
Apaisée, Finne prit une profonde inspiration et baissa la tête.
— Je vous prie de m’excuser… J’ai encore dit une chose irréfléchie ! Bien sûr qu’Al-sama ne ferait pas une chose pareille !
— Ce n’est pas grave. Dis ce que tu penses. Ton opinion reste la tienne, après tout.
— Que… que voulez-vous dire… ?
— Cela signifie qu’il vous apprécie, Finne-sama.
— Ma… Maa !!
Même si je ne l’avais pas dit moi-même, Finne rougit et se cacha le visage entre les mains. Tu peux être gênée, mais c’est Sebas qui a dit ça. Ce ne sont pas mes mots.
— Je ne me souviens pas avoir dit que je l’aimais bien.
— Alors vous la détestez ?
— Non, ce n’est pas…
— Alors, mettons-nous d’accord sur le fait que vous l’aimez bien. C’est merveilleux, Finne-sama.
— Oui !
En voyant le sourire rayonnant de Finne, je sentis la fatigue me gagner.
À ce moment-là, on frappa à la porte.
— Entrez.
— C’est moi. Je dérange ?
— Pas vraiment. Nous étions justement en train de discuter de la manière dont tu deviendrais ambassadeur.
Leo se tenait à la porte, accompagné de Marie qui le suivait discrètement.
Leo répondit à ma remarque avec un sourire ironique.
— Je suis presque sûr que c’est toi qui devrais être ambassadeur, pas moi.
— Tu penses vraiment que je serais capable d’établir de bonnes relations avec un autre pays ?
— Oui, je pense que tu en serais capable.
— Eh bien, je te remercie. Mais soyons réalistes, je ne peux pas gagner le Festival de la Chasse. C’est toi qui dois le faire.
— Tu as raison… Mais je ne veux vraiment pas. Me battre contre ma propre famille, c’est déprimant.
— Tu vas abandonner alors ?
Leo secoua la tête. Je connaissais déjà sa réponse ; s’il avait voulu abandonner, il l’aurait fait dès le début.
Peu importe ce que l’on pouvait dire maintenant, Leo avait pris sa décision. Dans ce cas, je n’allais pas saper sa détermination.
— J’abandonnerais peut-être si cela pouvait mener à un résultat favorable, mais ce ne serait pas le cas. Mes actions ont des conséquences sur toi, mère, et sur tous ceux qui ont eu la gentillesse de me soutenir. Si je perds, l’avenir sera sombre pour tout le monde.
C’est à peu près ça.
Nos trois frères et sœurs n’avaient aucune pitié. Cela était devenu évident depuis peu.
Le fait qu’ils aient fait assassiner le général Dominique, avant même que Leo ne se joigne officiellement à la lutte pour le trône, montrait clairement qu’ils n’avaient plus beaucoup d’options.
Les choses n’avaient pas toujours été ainsi. Jusqu’à la mort du prince héritier, et même pendant un certain temps après, ils avaient tous agi avec un minimum de décence humaine. Le conflit prolongé pour le trône les avait changés, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus aucun sentiment pour leur famille.
Pour le bien de tous ceux qui soutenaient gracieusement Leo, et pour tous les habitants d’Adrasia, je devais faire de Leo le prochain empereur. Leo lui-même en était bien conscient.
Depuis notre enfance, Leo avait toujours admiré notre frère aîné et le considérait comme un modèle à suivre. Cela n’avait pas changé après sa mort. Maintenant que Leo avait pris sa décision, il voulait devenir comme lui. C’est précisément pour cette raison que Leo ressemblait le plus à notre frère aîné parmi tous nos frères et sœurs. Cependant, Leo n’était pas aussi réaliste. Il était naïf, idéaliste et avait tendance à se laisser facilement emporter par ses émotions. C’est pourquoi il n’avait pas proposé sa candidature au départ.
Mais le général Dominique avait été assassiné. D’une certaine manière, cela avait été une mauvaise décision de la part des adversaires de Leo. Leo était un type sympa. Il n’aurait peut-être jamais trouvé la détermination nécessaire pour lutter contre ses frères et sœurs si le général n’avait pas été tué. Mais il l’était, et Leo prit sa décision. Et une fois que Leo avait pris une décision, il ne revenait pas dessus.
— Je ne peux pas y arriver seul. J’ai besoin de votre aide à tous.
Tous les présents acquiescèrent.
Finalement, nous ne trouvâmes aucune idée satisfaisante, et nous décidâmes d’en faire notre devoir et de mettre fin à la réunion.
Le lendemain, j’acceptai une mission de la guilde en tant que Silver.
En effet, la guilde m’avait contacté pour me signaler qu’une quête de haut niveau venait d’être publiée. Autrefois, je ne sortais guère plus de deux fois par mois. Il semble bien que la prolifération des monstres à l’intérieur de l’Empire soit une réalité.
Mais cela ne signifie pas que le monstre apparu cette fois-ci représente une menace pour un aventurier de rang SS comme moi. Cette fois, il s’agissait d’un Cerbère rouge.
C’est une variante extrêmement puissante, connue pour avoir renversé des groupes entiers d’aventuriers. La guilde a donc mis sa tête à prix. Son rang est AAA, le même que celui du Minotaure royal que j’ai vaincu précédemment.
Le Cerbère était un monstre rare qui, à l’origine, n’existait pas dans l’Empire. Il avait dû fuir d’autres aventuriers avant de pénétrer sur notre territoire.
Je l’avais rapidement maîtrisé, en pensant : Ne viens pas te promener dans l’Empire alors qu’il est en pleine effervescence ! Comme prévu, il n’était pas mort d’un seul coup. Il s’était effondré après trois attaques magiques de ma part. Lors du dernier sort, son corps avait presque disparu… mais sa canine était restée intacte, et je décidai de la rapporter comme preuve de ma victoire.
Alors que j’accomplissais mon travail d’aventurier, un groupe de cavaliers s’approcha. Ils arrivaient au galop. Je me demandai à qui appartenait cette cavalerie. Le seigneur de cette région avait pourtant été informé par la guilde que Silver se rendait ici pour vaincre le Cerbère…
— Vous, là-bas ! C’est vous qui avez provoqué l’explosion ? — Et alors ? Pourquoi ne commencez-vous pas par vous présenter ?
Tout en répondant à la question, je récupérai la canine et me retournai pour faire face à la cavalerie. Puis je me figeai.
Car je reconnus une personne à laquelle je ne m’attendais pas.
— … !?
À cheval se trouvait une jeune fille magnifique. Ses longs cheveux couleur sakura et ses yeux jade dégageaient une aura vive et tranchante, telle une lame pure. Son dos droit et son regard déterminé laissaient deviner une épée aussi élégante que puissante. Je savais qui elle était. Je la connaissais très bien. Cela faisait plusieurs années que je ne l’avais pas vue. Je n’avais pas reconnu sa voix… mais dès l’instant où j’avais vu sa silhouette, j’avais compris. De toute façon, une jeune fille aux cheveux sakura et aux yeux jade… il n’y en a qu’une seule dans tout l’Empire.
— Je suis le capitaine du troisième corps de l’ordre des chevaliers impériaux, Elna von Amsberg. J’ai entendu dire qu’un Cerbère sévissait dans cette région… mais peut-être l’avez-vous déjà vaincu ?
Amsberg. Ce seul nom suffisait à faire trembler les royaumes voisins. Ils descendaient du héros qui avait terrassé le roi démon il y a cinq siècles. Après sa victoire, l’empereur de l’époque avait voulu l’anoblir, mais le héros avait refusé toute récompense, tout titre de duc, de marquis ou de comte. Il s’apprêtait à partir en voyage. Alors, l’empereur lui proposa un honneur unique : un titre nobiliaire spécial, inégalé sur le continent.
Le titre de « Brave ». Le rang le plus élevé parmi les aristocrates impériaux, au-dessus même des princes, exempté de toute révérence sauf envers l’empereur lui-même. Mais personne ne s’en plaignit. Leur mérite dépassait toute contestation. Leurs exploits accumulés pendant des siècles parlaient pour eux. Les gardiens de l’Empire. Et Elna était l’héritière directe de cette Maison Brave.
C’était aussi celle qui m’avait protégé à l’époque de l’école. Elle me traitait de faible et m’imposait un entraînement spartiate. Mais ce qu’elle avait ancré en moi à l’époque m’empêchait encore aujourd’hui de m’opposer à elle. Elle était mon ennemie naturelle. À dire vrai, tout ce qu’elle m’avait fait subir relevait davantage du harcèlement que de l’éducation.
Instinctivement, je reculai, incapable de dire un mot. Mais je me souvenus à temps que mon visage était caché sous un masque argenté. Je repris mon calme. Je ne suis pas Arnold, je suis Silver. Je n’ai aucune raison d’avoir peur d’Elna.
— Tu ne le vois pas ? On dirait que la Dame de la Maison Brave manque un peu de discernement.
— Qu’est-ce que tu viens de dire… ? Ah…
Merde. Je suis tellement habitué à parler ainsi que j’ai utilisé ce ton… sans réfléchir. C’était une très mauvaise idée.
— À en juger par ton apparence, tu es l’aventurier de rang SS, Silver, n’est-ce pas ? Juste parce que tu es un peu célèbre, tu sembles avoir pris la grosse tête.
Elna me sourit. Mais je la connaissais. Elle souriait toujours quand elle était furieuse. C’était son sourire de colère. C’était très, très mauvais.
— On raconte que tu as beaucoup œuvré dans la capitale. On t’appelle même le gardien de la capitale, non ? C’est un défi envers la Maison Amsberg, ça ?
— Gardien de la capitale, c’est juste un surnom. Je ne me le suis jamais attribué. Et je ne m’y intéresse pas.
Très bien. J’ai juste dit que je ne voulais pas me battre…
— Tu veux dire qu’un titre aussi insignifiant que celui de notre maison ne t’intéresse pas ? Ou que notre nom n’a, à tes yeux, aucune valeur ? Dans tous les cas, tu viens de me provoquer.
AHHHH—?!
C’est foutu ! Elle a tellement mauvaise impression de moi que quoi que je dise, elle le prendra de travers ! Et Elna déteste perdre. Une fois engagée dans un conflit, elle n’est satisfaite que lorsqu’elle a complètement écrasé son adversaire.
Kuh ! Dans ce cas, autant régler cette vieille rancune ici et maintenant. Impossible de se faire une alliée dans ces conditions.
Je repris mes esprits et lançai un rire condescendant à Elna.
— Fuu. Tu sembles très préoccupée par ma réputation. La Maison Brave tient donc tellement à son image… Je ne pensais pas que tu étais aussi mesquine, incapable de supporter que d’autres soient complimentés.
— Quoi ?! Toi ! Je ne pardonnerai jamais qu’on insulte ma maison de cette manière !
— Qui est insolent ici ? Je ne faisais qu’exécuter une mission pour la guilde. Mais d’après ce que tu viens de dire, tu avais l’intention de t’en charger à ma place, non ? Ce n’est pas une provocation envers la guilde toute entière, ça ?
— Je n’avais aucune intention de faire ça ! C’était pour protéger le peuple !
— Capitaine. Calmez-vous. Même s’il y a eu un malentendu, si la guilde nous avait effectivement missionnés, cela créerait un conflit. Et nous devons rejoindre la capitale sans tarder.
— Kuh… ! Silver ! Retiens bien ceci ! C’est nous, la Maison Brave, les chevaliers et les soldats, qui protégeons l’Empire ! Pas des aventuriers comme toi !
— Je m’en souviendrai. Mais il se peut que je l’oublie aussitôt.
— Maudit sois-tu… !
Je la regardai s’éloigner, furieuse. Et je soupirai, soulagé d’avoir enfin pu vider un peu mon sac.
Elna avait rejoint l’ordre impérial à onze ans. Un génie parmi les génies. Chargée très jeune de missions critiques, nos occasions de nous croiser étaient devenues rares. Et lorsqu’on se voyait, c’était à peine pour quelques mots.
Mais cette fois… j’ai réussi à prendre le dessus. Ah… ça fait un bien fou ! Maintenant, je comprends ce que ressent un enfant brimé quand il parvient enfin à se venger.
— Cela ne change rien au fait que je viens de me faire une ennemie inutile…
Qu’est-ce que je viens de faire… Si la Maison Amsberg décide de s’opposer à nous, ce sera entièrement ma faute…
— J’ai tout gâché…
Je rentrai, en me grattant la tête.
3
Quelques jours après mon retour dans la capitale impériale.
Le jour fatidique était arrivé et tout le monde s’affairait aux préparatifs du festival.
— Qui viendra, à ton avis ?
— Ce doit être l’un des capitaines haut gradés.
J’attendais quelqu’un dans ma chambre au château.
Aujourd’hui, les enfants de l’empereur allaient découvrir quel corps de chevaliers leur serait attribué pour le festival. La méthode était simple : chaque capitaine de chevalerie se rendait dans la chambre d’un prince ou d’une princesse.
Chaque corps de l’ordre des chevaliers impériaux possédait son propre numéro. Plus ce numéro était bas, plus le corps était prestigieux. Les trois premiers, en particulier, étaient dirigés par les capitaines les plus puissants. Pour équilibrer les forces, ces corps devaient également accueillir certains déserteurs de l’armée.
— N’importe qui fera l’affaire, tant que ce n’est pas Elna…
— Encore une fois… Tu veux dire l’enfant prodige de la brave maison d’Amsberg ? Celle qui a intégré l’ordre impérial à onze ans et qui en est devenue capitaine à quatorze ? Ce serait formidable si on parvenait à la rallier à notre cause, non ?
— Pour ses capacités, peut-être. Mais en tant que personne, je ne la supporte pas.
— Elle est pourtant réputée pour sa droiture. On dit qu’elle succédera à l’actuel chef de l’ordre, non ?
— Ce n’est qu’une façade. Ni le peuple ni les chevaliers ne connaissent sa vraie nature. Je n’oublierai jamais notre première rencontre. J’avais sept ans. Tu sais ce qu’elle m’a dit après m’avoir sauvé des brutes ?
— Eh bien, je me demande.
— Elle m’a traité de « faible », tu te rends compte ? Quel genre de personne emploie ce mot face à un enfant victime d’intimidation ? Et juste après, elle m’a tendu une épée en bois et s’est mise à « s’entraîner » avec moi. Je me suis fait rouer de coups sans pouvoir répondre, et dès ce jour, j’ai commencé à rester enfermé dans la maison pour ne plus la croiser. Je ne la supporte pas. Même inconsciemment ! Peu importe comment on présente cette histoire, elle est horrible, tu ne trouves pas ? Cette femme est le diable incarné.
J’expliquais avec ferveur à Sebas qui elle était, mais il haussa simplement les épaules, comme si j’étais un enfant dépassé par ses émotions.
Merde ! Pourquoi il ne comprend pas ?
Alors que je m’agitais, la porte s’ouvrit soudainement. Elle apparut.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire de femme diabolique ? lança la diablesse elle-même, Elna, avec un sourire.
Dès que je vis sa silhouette, mon visage se décomposa aussitôt. Puis :
— SEBAS ! APPELLE UN CHEVALIER ! UN DIABLE EST ENTRÉ !!
— Hélas, Votre Altesse, je crains que personne ne vienne. Le chevalier le plus fort est déjà là, après tout.
— Comme je m’y attendais de toi, Sebas. Votre Altesse, le prince Arnold Lake Adler. Moi, Elna von Amsberg, capitaine du troisième corps de l’ordre des chevaliers impériaux, au rapport. Cela fait quelques années que nous ne nous sommes pas vus, mais vous semblez toujours le même, Votre Altesse.
— Tss… ! Est-ce du sarcasme ?
— Évidemment. Il paraît que vous êtes devenu très populaire dans la capitale. On vous surnomme le prince terne, non ? C’est merveilleux, n’est-ce pas ?
— Oui, grâce à toi. Je me suis vraiment amusé. Nous rîmes ensemble.
Même si nous ne nous étions pas vus depuis plusieurs années, nous étions toujours des amis d’enfance. Même si j’étais un prince et qu’elle était la fille de la maison brave, nous nous connaissions bien.
Nous nous regardions en souriant, mais ce fut moi qui détournai les yeux le premier.
— Que fais-tu ici ? Je ne me souviens pas t’avoir appelée.
— Bien sûr que je suis ici pour le festival. Tu ne le savais pas ?
— Je ne te crois pas…
— C’est impoli. J’ai eu beaucoup de mal à obtenir ça, tu sais ? J’ai même demandé à l’empereur de me laisser faire équipe avec toi.
— Ne fais rien d’inutile ! Tu veux te faire prendre à partie par mon frère et ma sœur ?
— Ce n’est pas que je n’y ai pas pensé. Mais tu ne vis pas pour le trône, n’est-ce pas, Al ?
— Ce n’est pas le problème ! Argh, bon sang ! Pourquoi tu es comme ça, même depuis toujours ?
Je savais qu’elle avait agi en pensant à moi, mais cela ne m’aidait en rien à atteindre mon propre objectif.
Dans une situation comme celle-ci, j’aurais préféré qu’elle demande à mon père de la laisser faire équipe avec Leo. Mais je ne savais pas si elle le ferait si je lui disais d’aller de son côté. Au moins, maintenant qu’Elna travaillait avec moi, mon statut était passé de celui d’un inconnu à celui d’un as. Cela compliquait encore davantage les choses. Elna était une personne qui attirait naturellement l’attention. On pouvait affirmer sans trop s’avancer que toute opération secrète de ma part était désormais impossible.
Si elle avait rejoint l’autre camp, cela m’aurait embarrassé, mais le fait qu’elle ait rejoint le mien m’embarrassait encore davantage. C’était tout Elna. Ce n’était pas seulement une question de compatibilité, je ne voulais vraiment pas qu’elle travaille sous mes ordres.
— Je ferai en sorte que tu gagnes. Fais taire tous ceux qui te traitent de prince terne !
— Je ne veux pas ça…
— Ne sois pas comme ça. Je l’ai déjà annoncé à Sa Majesté, nous allons donc devoir suivre un entraînement spécial ! Pour l’instant, voyons voir si tu t’es amélioré à l’équitation. Allez, direction le terrain d’entraînement.
— … Sebas. J’ai mal à la tête. Je crois que c’est grave…
— Cela semble grave. Il doit s’agir d’une maladie mentale sérieuse. Si vous entraînez votre corps et votre esprit, vous pourriez guérir, Votre Altesse.
Je fusillai Sebas du regard, mais il m’ignora complètement. Il ne restait plus beaucoup de temps avant le festival de chasse des chevaliers. Même si je m’entraînais pendant quelques jours, cela ne changerait rien.
C’est avec cette pensée en tête que je fus traîné jusqu’au terrain d’entraînement.
***
— !!?? Ça fait mal…
— M, mille excuses ! Je vais y aller plus doucement.
Le lendemain.
Je ne pouvais pas bouger de mon lit à cause de mes courbatures, alors Finne m’appliquait de la pommade. Quoi qu’il en soit, mon dos était complètement hors service. J’avais tellement mal que je ne voulais pas bouger du tout.
C’était parce qu’Elna m’avait mis en forme lors de ses cours d’équitation. C’était la première fois que je maniais une épée ou une lance à cheval. C’était extrêmement difficile. Je suis tombé de cheval et je me suis cogné le dos plusieurs fois.
Si cela continue tous les jours, je vais sûrement mourir.
— Arnold-sama. Elna-sama m’a dit qu’elle avait préparé un autre entraînement pour vous cet après-midi.
— Le mot « repos » n’existe-t-il pas dans son dictionnaire… ?
— Comme on pouvait s’y attendre de la part de celui qui est considéré comme la réincarnation du héros. Mais, Al-sama, en tant que Silver-sama, ne devriez-vous pas avoir les mêmes capacités qu’elle ? Faites-vous exprès de prétendre que vous ne savez pas monter à cheval ?
— Arnold-sama est un spécialiste de la magie ancienne. Sa force physique de base est même inférieure à celle d’une personne normale. L’équitation, le maniement de l’épée, la magie moderne… Il a négligé toutes ces matières, donc ses capacités dans ces domaines n’ont rien de spécial, Finne-sama.
— Ah bon ? Je pensais que tous les aventuriers étaient physiquement forts.
— La plupart d’entre eux le sont… mais j’ai utilisé la magie ancienne pour compenser mes faibles capacités physiques et je n’ai pas l’intention de m’entraîner physiquement.
— Son Altesse utilise souvent la magie de transfert pour couvrir ses longs trajets. Il est rare qu’il sorte sans utiliser la magie de transfert, comme lorsqu’il s’est rendu au duché de Kleinert. Même dans ce cas, il a utilisé la magie ancienne pour renforcer son corps. Sans la magie ancienne, il est aussi « faible » qu’Elna-sama l’a dit.
Je n’avais plus l’énergie nécessaire pour contrer les propos venimeux de Sebas.
Je poussai un soupir en m’allongeant sur le lit.
Cependant, Sebas m’interpella d’une voix plus enjouée.
— Mais selon le point de vue, même si c’est une période difficile pour Votre Altesse, c’est une bonne opportunité pour Leo-sama.
— C’est vrai…
— Hein ? Que voulez-vous dire ?
Je décidai de donner une brève explication à Finne, qui semblait ne pas comprendre la situation.
Même ainsi, je n’avais pas besoin de lui donner une explication détaillée.
— Elna est considérée comme le chevalier la plus forte. Donc, même si je gagnais, personne ne penserait que ce serait grâce à moi.
— C’est vrai. Comme l’a dit Finne-sama, si nous ne pouvons pas faire gagner Leonard-sama, la méthode la plus sûre est de faire gagner Arnold-sama. Cependant, il serait peu naturel qu’Arnold-sama remporte soudainement le concours… mais maintenant, nous avons la carte la plus forte en main.
— Je vois ! Arnold-sama va se donner à fond, n’est-ce pas ?
— Eh bien, même si je ne fais rien, Elna l’aurait fait toute seule de toute façon. Dans tous les cas, je pense que nous allons gagner. Elna est très douée. Si je ne me mets pas en travers de son chemin, il est presque certain que nous gagnerons.
— C’est sûrement pour cela que Sa Majesté l’Empereur a associé Arnold-sama à Elna-sama. Il doit s’attendre à ce qu’Arnold-sama aide Elna-sama dans cette compétition.
— L’Empereur n’aurait jamais pensé qu’il venait de créer une équipe de choc entre le chevalier le plus fort de l’Empire et l’aventurier le plus fort !
Étonné par l’air joyeux de Finne, j’enfilai ma veste.
Il ne restait que quelques jours avant le festival de la chasse aux chevaliers. Je devais faire ce que je pouvais avant cela.
— Même dans le pire des cas, je gagnerai et empêcherai les autres d’obtenir le poste d’ambassadeur. Mais le meilleur résultat ici serait la victoire de Leo.
— Pourquoi cela ? Même si Al-sama devient ambassadeur plénipotentiaire et établit des relations avec d’autres pays, cela ne reviendrait-il pas finalement à Leo-sama ?
— Même ainsi, il vaudrait mieux que Leo gagne. Après tout, beaucoup de personnes influentes viendront assister au festival.
— Vous dites cela avec beaucoup de dignité, mais en réalité, vous trouvez simplement ce poste ennuyeux, n’est-ce pas ?
Mes épaules sursautèrent.
Voyant qu’il avait visé juste, Sebas poussa un soupir, tandis que Finne m’interpella.
— Al-sama… N’êtes-vous pas en train de trop céder à Leo-sama ?
— Nn ? Céder ?
— Al-sama dit quelque chose qui revient à tout céder à Leo-sama. Je le sais.
— Haa… Finne-sama. Il semble que vous ayez mal compris Son Altesse, le prince devant vos yeux est vraiment une personne difficile, vous savez ?
— Je ne peux pas le cacher à Finne, hein… C’est une vieille habitude, tu vois. Je veux vraiment tout donner à Leo. Le trône, par exemple.
— C’est exactement ça ! En tant que frère aîné, c’est formidable, mais ce n’est pas bon d’en faire trop. Je pense que Leo-sama serait triste aussi.
Je parvins à utiliser le malentendu de Finne pour échapper au sermon de Sebas.
Voyant que j’avais habilement trompé Finne, Sebas fronça les sourcils.
— Tromper une femme n’est pas vraiment quelque chose que je peux approuver.
— Je ne l’ai pas trompée. Je lui ai juste fait comprendre quelque chose de faux.
— Ne dites pas ça. Elna-sama va se fâcher contre vous, vous savez ?
— C’est ma mère ou quoi…
— Je vous envie d’avoir une amie d’enfance aussi attentionnée. Je n’ai personne de mon enfance, après tout.
— Ne sois pas jaloux, ça ne fera que t’ennuyer. D’autant plus qu’elle fait souvent plein de choses inutiles.
— Ara ? Des choses inutiles, tu dis ?
Une voix retentit dans la pièce.
Je me retournai et vis Elna debout près de la porte. Elle souriait, mais j’avais l’impression de percevoir la colère qui émanait d’elle.
Pendant un instant, la peur profonde qu’elle m’inspirait me fit détourner le regard, mais comme elle ne semblait pas vouloir partir, j’ouvris la bouche à contrecœur.
— Tu es venue sans que je t’appelle, tu es trop curieuse…
— C’est impoli. J’ai fait un détour pour apporter une pommade à quelqu’un qui ne peut pas bouger à cause de douleurs musculaires, tu sais ?
— Je vais bien. Quelqu’un cent fois plus gentil que toi m’en a déjà mis.
— Ah bon ? Tu parles peut-être de Mlle Blaue Mowe, là-bas ?
— Ah, oui. Enchantée. Je m’appelle Finne von Kleinert.
— Je m’appelle Elna von Amsberg. Je connaissais la chambre de Leo, mais je ne pensais pas vous trouver dans la chambre de ce prince désespéré.
En disant cela, Elna adressa un doux sourire à Finne. La nature de son sourire était complètement différente de celui qu’elle m’avait réservé. C’était un sourire destiné à manipuler l’impression des autres.
— Al, j’ai l’impression que tu viens de te moquer de moi ?
— C’est juste ton imagination.
— Bien. Bon, on y va ?
Sur ces mots, Elna me tira du lit par le cou.
Voyant ma panique, elle m’offrit une explication avec son sourire habituel.
— Tu viens de dire que tu allais bien, non ? Bon, allons à l’entraînement.
— Quoi ? Ce n’est pas ce que je voulais dire ! Aïe ! Ça fait mal ! Arrête ! Je suis blessé, tu sais !
— Une douleur musculaire, ce n’est pas une blessure. Bouge ton corps et ça passera tout seul.
Sur ces mots, Elna me traîna jusqu’au terrain d’entraînement, et nous reprîmes l’entraînement comme la veille.
4
La nuit.
Je me dirigeai vers le sous-sol du château, où je posai la main sur un mur discret. Ce geste fit apparaître une ligne de lumière qui traversa la paroi, et celle-ci s’ouvrit.
Sans me laisser surprendre par ce phénomène, j’entrai dans le passage désormais ouvert.
À l’intérieur se trouvait un escalier qui descendait plus profondément. Je poursuivis ma route jusqu’à une porte en bois.
Derrière cette porte s’étendait une magnifique salle d’étude.
D’innombrables livres anciens y étaient soigneusement rangés, et des bougies restaient allumées en permanence, bien que personne ne s’en occupât jamais.
Comme la personne qui utilisait cette pièce était paresseuse, elle avait employé la magie pour maintenir les bougies allumées sans interruption.
— Tes recherches sur la magie sont toujours aussi impressionnantes, grand-père.
— Le mystère de la magie ne sera jamais résolu, peu importe le nombre d’années que cela prendra.
Celui qui me répondit était un petit vieillard. De plus, il était à moitié transparent.
Il était assis sur une chaise et lisait joyeusement un livre. Lorsqu’il devait tourner une page, il utilisait habilement sa magie pour le faire.
On n’aurait jamais pu le deviner à son apparence, mais même ainsi, il avait autrefois été empereur.
— Tu es si insouciant, alors que tes recherches sur la magie t’ont conduit à être enfermé dans un livre. Les gens à l’extérieur t’appellent l’Empereur Fou, tu sais ?
— Ce n’était qu’une erreur. Quelle erreur stupide d’avoir laissé un démon s’emparer de mon corps, dit le vieil homme, Gustav Lakes Adler.
Mon arrière-grand-père, empereur il y a deux générations.
Comme vous pouvez le voir, c’est un maniaque de la magie qui n’a d’yeux que pour elle. Il a même créé cette pièce secrète pour y mener ses recherches.
C’est à cause de cela que son corps a été pris par un démon qui était scellé dans un livre. Le démon s’est servi de son corps pour ravager la capitale impériale. L’histoire raconte qu’il a perdu la raison à la fin de ses recherches sur la magie ancienne.
C’est pourquoi la magie ancienne est devenue un tabou au sein de la famille impériale.
Mais le temps a passé. Après m’avoir rencontré, il m’a appris à utiliser la magie ancienne et est devenu mon maître.
Aujourd’hui, seul son esprit subsiste dans le livre, il n’a plus de corps. Ce que je vois à présent n’est qu’une forme-pensée.
Je l’ai libéré du livre scellé en l’ouvrant, mais il semble ne pas vouloir retrouver un corps. Il paraît heureux de pouvoir mener ses recherches sur la magie en toute tranquillité.
— Tu es vraiment insouciant, sérieusement. C’est à cause de toi que je dois cacher le fait que je peux aussi utiliser la magie ancienne.
— Vois les choses autrement. C’est grâce à moi que tu as pu apprendre à utiliser la magie ancienne, non ? Mon précieux masque en argent t’est également utile, n’est-ce pas ?
— Eh bien, modérément.
— Tu es vraiment un arrière-petit-fils ingrat.
Même en disant cela, ses yeux ne quittaient pas le livre.
Il lisait des ouvrages sur la magie et, lorsqu’il imaginait une magie originale ou une nouvelle théorie, il se mettait aussitôt à la consigner. Il avait continué ainsi tout ce temps.
En réalité, il s’en satisfaisait tellement que je n’avais pas envie de le déranger.
Mais j’étais venu ici pour une raison.
Et il semblait l’avoir deviné.
— Tu as quelque chose à me demander, n’est-ce pas ? Dis-le-moi. Ne te gêne pas.
— … Mon petit frère s’est retrouvé impliqué dans la guerre de succession.
— S’il est excellent, il finira forcément par être impliqué. C’est la guerre de succession.
— Comme je le pensais… Je devrais voir si quelqu’un l’a délibérément entraîné là-dedans.
— C’est ce que je ferais. S’il s’avère que c’est un ennemi, je pourrai régler ça ouvertement.
Cela me trottait dans la tête.
Comme l’ancien général avait été assassiné, il ne nous restait plus que deux choix. Cependant, même s’il avait favorisé Leo, il ne représentait pas une menace pour les trois autres candidats. Pourtant, quelqu’un avait choisi de l’éliminer à un stade aussi précoce.
Ils se méfiaient peut-être de Leo, mais leur véritable intention était d’utiliser Leo comme excuse pour nous être hostiles, n’est-ce pas ?
— J’ai une autre question.
Voici l’ancien empereur. En d’autres termes, il était le vainqueur de la guerre de succession. S’il est mon ancêtre, celui qui a surmonté toutes les ruses et les complots de son époque, alors il devrait être capable de répondre à ma question.
J’étais sur le point d’ouvrir la bouche, mais grand-père me répondit avant même que je puisse parler.
— Si j’avais été le deuxième ou le troisième fils, j’aurais assassiné le prince héritier. Voilà ta réponse.
— … Mais je n’ai encore rien demandé.
— Je pensais que c’était la question que tu finirais par poser si tu parlais de la guerre de succession. J’étais l’aîné, j’ai donc été exposé à de nombreuses tentatives d’assassinat. De mon point de vue, c’est le prince héritier qui se fait assassiner qui est le véritable problème. Après l’assassinat du candidat le plus prometteur, il ne reste plus qu’une lutte sanglante.
— Le seul résultat de l’enquête de mon père a été la mention d’une mort au combat, tu sais ?
— Peut-être que cela a été habilement dissimulé, ou que les proches collaborateurs de l’empereur eux-mêmes étaient impliqués. Ou… peut-être que l’empereur lui-même était impliqué. Quoi qu’il en soit, il est étrange qu’un prince héritier, qui est le plus proche de remporter la guerre de succession, meure sur le champ de bataille. Si ton petit frère entrait en guerre, tu ferais de ton mieux pour le protéger, n’est-ce pas ?
— Bien sûr.
— Voilà ta réponse. Beaucoup de gens doivent penser la même chose. Même s’ils avaient sincèrement tenté de le protéger, cela aurait tout de même ressemblé à un complot. Compte tenu de l’histoire de la guerre de succession jusqu’à présent, ce genre de chose n’a rien d’inhabituel.
Grand-père venait de dire quelque chose de très déprimant.
Cependant, il était convaincant.
Et si toutes ses suppositions étaient exactes, alors tout ce qui allait se produire à partir de maintenant serait le fruit d’un complot.
En d’autres termes, il y avait quelque chose derrière ce festival de chasse des chevaliers.
— Grand-père. As-tu un sort qui permet de commander les monstres ?
— TU PARLES DE MAGIE ? SUPER ! JE VEUX EN SAVOIR PLUS !
Voyant Grand-père se tourner soudainement vers moi, je poussai un soupir.
Est-ce parce qu’il ne s’intéresse vraiment qu’à la magie ? Après tout, il ne montre autant d’enthousiasme que lorsque nous parlons de ça. Il privilégie un sujet magique à la consultation sérieuse de son disciple et arrière-petit-fils. Cette personne est peut-être vraiment folle, comme on le dit.
— Récemment, le nombre de monstres a augmenté dans l’Empire. Parmi eux, certains sont des monstres rares et puissants. Je me demande si quelqu’un les manipule dans l’ombre.
— Fumu… S’il ne s’agit que de quelques monstres, il existe une magie qui permet de les commander, mais une magie capable d’en contrôler autant à la fois, ça, non… ça n’existe pas.
— Ah bon… Je me faisais donc des idées.
Je pensais que si cela avait un lien avec la magie, cela pouvait être l’œuvre de la deuxième princesse, Zandra. Mais si Grand-père disait qu’une telle magie n’existait pas, alors cela devait être le cas.
Si tel était le cas, alors l’apparition des monstres n’était qu’une coïncidence.
— Eh bien, il n’existe pas de magie de ce genre… mais s’il s’agit d’un outil magique, alors il en existe un.
— Un outil magique ?
— C’est un outil magique ancien. Il joue une mélodie que les monstres apprécient et peut être utilisé pour les attirer. Selon la puissance magique de l’utilisateur, on peut en appeler un grand nombre.
— Une telle chose existe vraiment ?
— D’après les livres, oui. Je crois que c’était une flûte appelée « Hameln ». Si une personne dotée d’un grand pouvoir magique l’utilisait, elle pouvait faire apparaître des monstres dans tout l’Empire.
Les gens d’autrefois avaient vraiment inventé des choses à la fois utiles et dangereuses, hein. À une époque où la magie était plus avancée qu’aujourd’hui, les outils magiques devaient eux aussi être bien supérieurs à ceux que nous connaissons. Certains ont été découverts dans des ruines et sont devenus des trésors nationaux dans divers pays, mais il en existe aussi qui sont apparus soudainement.
— Il existe donc quelque chose comme ça… En fait, le festival de chasse des chevaliers aura lieu bientôt. Celui où chaque membre de la famille impériale dirige un corps de chevaliers.
— Hein ? L’empereur actuel a lancé quelque chose d’intéressant, hein ? Quelle est la récompense ?
— Le poste d’ambassadeur plénipotentiaire. Vu notre situation, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ici non plus. Mais si l’adversaire a cette flûte entre les mains, nous n’avons aucune chance de gagner…
— C’est vrai. Après tout, ils peuvent invoquer les monstres où bon leur semble.
S’ils ne l’utilisent pas à tort et à travers, leur victoire est assurée.
Mais si c’était moi, je ne choisirais jamais une méthode aussi stupide. C’est ce que déclara Grand-père.
Je suis entièrement d’accord avec lui. Je ne ferais pas non plus une chose aussi insensée. À première vue, cela semble être une bonne idée, mais en réalité, cela ne rapporte qu’un avantage immédiat.
Si l’un de mes trois frères aînés utilisait cet outil magique, je m’associerais sans hésiter aux deux autres. Même dans le cadre d’une guerre de succession, nuire aux intérêts de l’Empire est un péché auquel on ne peut échapper.
S’ils persistent dans une telle voie, cela portera sans aucun doute un coup fatal à leur base de pouvoir.
Je ne pense pas que ces trois-là prendraient un tel risque.
En d’autres termes…
— La personne qui tire les ficelles en coulisses n’est pas l’un des principaux prétendants à cette guerre de succession, hein.
— C’est exact. Que cette personne soit liée ou non à un candidat majeur, pour attirer des monstres dans l’Empire et mettre le pays en danger, elle ne se contenterait pas du poste d’ambassadeur plénipotentiaire.
— … Une autre source d’ennuis est apparue, hein.
Je ne peux pas me contenter d’examiner la situation en surface, je dois aussi en sonder les fondements.
Il ne s’agit plus simplement de gagner ou de perdre le festival.
Si je ne découvre pas qui se cache derrière ces monstres, ce festival de chasse aux chevaliers ne sera pas seulement une bataille pour le poste d’ambassadeur plénipotentiaire.
— Y a-t-il un moyen d’empêcher Hameln d’agir ?
— Tu peux seulement le briser. Tant qu’il y a un son que seuls les monstres peuvent entendre, il sera difficile d’empêcher son effet.
— Je ne peux donc me concentrer que sur le festival de chasse aux chevaliers, hein.
— C’est exact. Mais c’est pareil pour eux. Ils ont jugé qu’ils ne pouvaient pas utiliser la flûte pendant le festival. En d’autres termes, ils devront l’utiliser avant le début du festival. Il se passera certainement quelque chose en coulisse. Fais attention.
Je pris son conseil à cœur et quittai la pièce.
Sur le chemin du retour vers ma chambre.
Je sentis une présence derrière moi. J’étais sur le point de me retourner pour faire face à cette présence inconnue lorsque l’homme cria dans ma direction.
— Ne bouge pas.
— … Tu sais que je suis Arnold Lakes Adler, n’est-ce pas ?
— Bien sûr.
Sur ces mots, l’homme sortit un couteau.
Je ne m’attendais pas à ce qu’ils agissent aussi vite.
— Je ne te tuerai pas, mais je vais te faire dormir pendant un moment.
— Je ne peux pas vraiment accepter ça.
Je me retournai lentement. Pendant que j’étais vulnérable, l’homme n’avait pas bougé. Après m’être retourné, je me retrouvai face à un homme vêtu de noir. Il avait tout de l’assassin typique. Mais puisqu’il avait dit qu’il ne me tuerait pas…
— Q-Qu’est-ce que tu as fait… !?
— J’ai bloqué tes mouvements avec une barrière. C’était mal de dire que tu ne me tuerais pas, n’est-ce pas ?
Il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait d’un assassin expérimenté.
Il avait réussi à s’infiltrer dans le château malgré la sécurité renforcée.
Mais même un assassin aussi habile ne pouvait garantir qu’il serait capable d’infliger une blessure non létale sans mettre la vie de sa cible en danger.
C’est pourquoi il m’avait appelé pour que je m’arrête. Cela m’avait donné le temps de construire cette barrière.
De toute façon, même s’il ne l’avait pas fait, j’avais toujours une barrière de détection déployée autour de moi. Personne ne pouvait s’approcher de moi sans que je m’en rende compte. Ce serait suicidaire de sortir au milieu de la nuit sans prendre de précautions.
— Tss… ! Tu n’es pas seulement un prince incompétent, hein ?
— Bon, calme-toi et réponds à mes questions. Quand tu t’es infiltré dans le château, quelqu’un t’a guidé, n’est-ce pas ? Qui est-ce ?
— Fuh ! Je ne dirai rien ! Si je donne le nom de mon client, je suis mort !
— Tu ne le nies pas. D’accord, je comprends l’essentiel.
— !?
Seuls ces trois-là pouvaient interférer avec la sécurité du château. Si quelqu’un d’autre voulait faire entrer un assassin ici, cela demanderait une préparation colossale. C’était impensable.
Après tout, la raison pour laquelle on tenterait de m’éliminer, ce serait à cause d’Elna.
— Envoyer des assassins pour m’attaquer afin d’empêcher Elna de participer au festival de chasse des chevaliers, c’est assez sournois, hein. Il est tout à fait naturel que je me sois préparé à ça.
— Fu… c’est pareil de notre côté ! Attrapez-le !
Au même moment, quelqu’un apparut derrière moi sans que je le remarque.
L’homme qui surgit n’était autre que Sebas.
— On dirait qu’ils agissent à quatre. J’ai déjà neutralisé les trois autres, Arnold-sama.
— Bon travail, Sebas.
— Qu… quoi… ?
— Tu penses vraiment que je laisserais Arnold-sama se promener seul au milieu de la nuit ? Tu nous sous-estimes, hein.
— Kuh… !
— Maintenant… crache le morceau. Pour qui travailles-tu ?
J’érigeai une barrière insonorisée et commençai à lancer un sort d’illusion.
Un sort conçu pour montrer à la cible ce qu’elle redoute le plus.
Je ne pouvais pas voir ce qu’il voyait, mais l’image devait être terrifiante à ses yeux.
Étonnamment, cela suffit pour que le nom de son commanditaire m’échappe.
— HII !!?? PARDONNEZ-MOI !? PARDONNEZ-MOI !!!! ZANDRA-SAMAAA ! Je n’ai rien dit ! Je n’ai pas dit un mot !
— Hé… alors tu es un assassin de l’apprentie de Zandra, hein. On dirait que tu as subi un entraînement sévère, n’est-ce pas ?
— Lier ses subordonnés par la peur, ça ressemble vraiment à ce que ferait cette personne. Que devons-nous faire d’eux ?
— Même si nous nous débarrassons d’eux, cela ne nuira pas à Zandra. Mais si nous les tuons, le nettoyage sera fastidieux. Trouve-leur simplement un endroit où les mettre, ils pourraient nous être utiles plus tard.
— Comme vous voulez.
Je jetai un regard en coin à l’homme qui voyait toujours l’illusion de Zandra, puis me détournai de lui. Si elle avait envoyé un assassin à ce moment précis, cela signifiait que Zandra n’avait rien à voir avec l’apparition des monstres.
Elle essayait simplement de se débarrasser de moi pour s’assurer le poste d’ambassadrice plénipotentiaire lors du festival de la chasse aux chevaliers.
Si elle était prête à aller aussi loin, alors elle n’était certainement pas celle qui tirait les ficelles derrière l’apparition des monstres.
— Maintenant, je me demande qui a fait ça.
Laissant ces mots derrière moi, je retournai dans ma chambre.
5
La plus grande ville de la partie est de l’Empire : Kiel
Cette ville, qui accueillait le centre du festival de la chasse des chevaliers, était aujourd’hui bondée.
Les marchands avaient fait preuve d’ingéniosité et avaient installé toutes sortes d’étals dans les rues de Kiel. Au cours d’une petite balade en ville un peu plus tôt, j’avais déjà trouvé plusieurs objets rares et inhabituels que je n’avais jamais vus auparavant.
Je grignotai quelques encas pour passer le temps en attendant la personne que j’avais prévu de rencontrer.
— Salut ! Désolée d’être en retard !
Peu après, Finne arriva en me saluant avec enthousiasme, vêtue d’une simple robe blanche. C’était la robe que je lui avais achetée dans la capitale impériale. Mais ce n’était pas la seule chose qui avait changé chez elle aujourd’hui.
Finne portait des lunettes argentées. Ces lunettes faisaient partie de la collection d’objets rares de mon arrière-grand-père qui m’avait été transmise. Elles étaient imprégnées d’une magie d’illusion de faible intensité. Pour quiconque ne connaissait pas bien Finne, elle paraissait simplement être une jeune femme ordinaire. Elles n’auraient pas trompé un mage expérimenté, mais elles étaient parfaites pour une promenade en ville.
— Je n’ai pas attendu longtemps. Quelqu’un t’a reconnue en venant ici ?
— Non ! Qu’en pensez-vous ? Ces lunettes me vont bien ?
Finne souleva ses lunettes avec un sourire.
Grâce à elles, elle donnait une impression bien différente de celle qu’elle laissait d’ordinaire.
C’était incroyable comme une simple paire de lunettes pouvait rendre quelqu’un plus intellectuel et sage.
Toujours avec son sourire caractéristique, Finne n’avait généralement pas l’air très mature. Ce n’était pas une mauvaise chose, mais avec des lunettes, même ceux qui n’étaient pas attirés par les visages enfantins la trouveraient probablement séduisante. Elle avait toujours été belle, mais à présent, elle paraissait plus adulte.
Mais la plupart des gens ne pouvaient pas le voir.
Appréciant le sentiment de supériorité — un peu ridicule — que me procurait le fait d’avoir le monopole sur la plus belle femme à lunettes de l’Empire, je proposai à Finne de sortir.
— On va tellement s’amuser aujourd’hui, Al-sama !
— Tu peux le dire.
Inquiète de me voir m’entraîner si durement, Finne m’avait invité à passer la journée en ville. Nous étions en plein conflit pour le trône, à seulement un jour du festival de la chasse. C’était sans aucun doute le moment de rester concentré, mais en même temps, nous avions déjà fait tout ce que nous pouvions pour nous préparer. Tout dépendait désormais de ce qui allait se passer le lendemain. J’avais donc accepté son invitation. Elle semblait tellement inquiète pour moi que je me serais senti mal de refuser.
— Bon, on commence par faire un tour aux stands de nourriture ?
— D’accord ! On va tous les essayer !
— Je ne sais pas si c’est possible.
— On peut le faire !
Je pouvais facilement l’imaginer rassasiée bien avant cela, mais Finne insistait.
Même le fait de porter des lunettes n’avait rien changé à sa véritable nature.
Elle restait la même fille joyeuse, enjouée et un peu tête en l’air.
C’était précisément pour cela qu’il était si agréable et apaisant d’être à ses côtés.
— Bon, essayons, alors.
— Ouais !
Avec un sourire radieux, Finne m’accompagna tandis que nous commencions notre tour.
***
— Ooohhh… Je suis tellement rassasiée…
C’était exactement ce à quoi je m’attendais.
Peu de temps après, Finne se reposait sur la place publique, dans un coin de la ville.
Je souris en lui tendant une boisson.
— Tu aurais pu goûter un peu à chaque stand si tu voulais essayer tous les plats.
— Mais c’est insultant pour le chef de laisser de la nourriture dans son assiette.
— On ne dirait pas que tu es la fille d’un duc quand on t’entend parler.
Même le fait qu’elle soit enthousiaste à l’idée de manger dans des stands de rue la différenciait de la plupart des jeunes femmes de la noblesse. Elle ne semblait pas non plus gênée de manger en marchant.
Selon Finne, elle rêvait depuis toujours de se promener dans un festival pour goûter à différents plats. Je pouvais le comprendre : les Kleinert étaient les seigneurs régnants et les plus haut placés d’un vaste territoire. C’étaient eux qui organisaient les festivals, ils n’avaient probablement jamais le temps d’en profiter.
Personnellement, je m’échappais toujours du château pour profiter des festivals qui avaient lieu dans la capitale impériale, bien sûr.
— Ooohhh… Mon rêve est brisé…
— On peut toujours y retourner, non ? C’est assez amusant de regarder tous ces plats, même sans les manger.
— Ah bon ?
— Bien sûr. Repose-toi un peu, puis on repartira se promener. L’exercice te donnera peut-être faim.
— D’accord. Mais pas tout de suite.
Même si elle n’avait pas beaucoup mangé, Finne était trop repue pour bouger.
Elle était assez petite et n’avait pas un gros appétit, alors j’étais surpris qu’elle ait eu l’idée de manger à tous les stands.
Je suppose qu’elle attendait ça avec impatience. J’avais l’impression que Finne appréciait bien plus ce moment que moi. Mais ça n’avait pas d’importance : la regarder s’amuser n’était pas désagréable non plus.
Nous étions en train de nous détendre sur la place quand j’aperçus un visage familier qui s’approchait. Tellement familier, en fait, que je le voyais tous les jours. Dans le miroir.
— C’est Leo… et Marie.
— Que font-ils ici tous les deux ?
— Ce n’est sûrement pas un rendez-vous galant, donc c’est probablement pour le travail.
L’éthique professionnelle de Leo ne cessait de m’étonner. Plusieurs chevaliers à proximité confirmaient ma théorie.
Parfois, son addiction au travail était gênante. J’avais entendu dire qu’il avait également visité plusieurs villages la veille. Je me demandais dans quel pétrin il s’était encore fourré cette fois-ci.
Peut-être grâce à l’intuition propre aux jumeaux, Leo me regarda soudainement sans crier gare.
— Al ? Et Dame Finne ?
— Salut.
En nous voyant, Leo et Marie se dirigèrent vers nous. Marie était l’image même de la servante dévouée, suivant silencieusement Leo à un pas derrière lui. J’aurais parfois aimé que mon intendant, qui avait la langue bien pendue, prenne exemple sur elle.
— Salut, les amis. C’est un rendez-vous galant ?
— Bien sûr !
Leo sourit ironiquement à la réponse enthousiaste de Finne. Il semblait bien se douter que ce n’était pas vraiment le cas.
— On dirait qu’on est en rendez-vous galant ?
— Hmm. C’est discutable.
— Oh ? Oh non…
Les épaules de Finne s’affaissèrent de déception. Je n’avais pas réalisé qu’elle voulait tellement que ce soit un rendez-vous.
Eh bien, elle savait que j’étais Silver.
— Assez parlé de nous. Dans quel genre d’ennuis vous êtes-vous fourrés ?
— Apparemment, il y a eu une série de vols.
— Des vols ?
J’avais du mal à croire que certaines personnes aient autant de culot.
Mon père n’était pas encore arrivé, mais c’était lui l’hôte du festival, et la famille royale ainsi que les chevaliers de la garde impériale jouaient les rôles principaux.
Qui oserait commettre un crime lors d’un tel festival ? C’était comme provoquer l’empereur lui-même en duel.
— Qu’est-ce qu’ils volent ?
— Il semblerait que ce soit des bijoux. Vous devriez donc faire attention, Dame Finne.
— Moi ? Oh !
Finne toucha la mouette bleue qui ornait ses cheveux.
Elle ne retirait presque jamais la parure de cheveux offerte par mon père. Pour être plus exact, elle ne pouvait pas se le permettre. C’était un présent de Sa Majesté l’Empereur, et elle se devait donc de le porter aussi souvent que possible, surtout lorsqu’elle passait du temps avec des princes impériaux comme Leo et moi.
Cela dit, elle était déguisée. Elle aurait au moins pu l’enlever aujourd’hui, pensai-je.
— Tu veux que je le rapporte au château ?
— Oh, je ne peux pas. Ça prendrait trop de temps, et en plus, c’est un cadeau de Sa Majesté l’Empereur. C’est mon préféré.
— D’accord. Tant que ça ne te dérange pas.
— Si ça t’inquiète, je peux l’enlever de mes cheveux et le porter.
Sur ces mots, Finne retira à contrecœur l’ornement.
Alors que nous discutions, je sentis une présence étrange. Quelque chose d’inhabituel venait de franchir la barrière que j’avais érigée autour de moi.
Ce n’était pas humain. Lorsque je baissai les yeux, je vis un petit animal blanc, semblable à une belette, à nos pieds.
— Qu’est-ce que c’est que cette chose… ?
— C’est si petit et adorable !
Il mesurait environ dix centimètres de long. L’adorable créature s’approcha de Finne. Il n’avait pas l’air dangereux, mais je ressentais tout de même un mauvais pressentiment.
J’étais persuadé d’avoir déjà vu un animal semblable quelque part. Peut-être… quelque part en Occident.
Alors que j’essayais de m’en souvenir, l’animal frotta sa tête contre la jambe de Finne, qui, ravie, se baissa pour le caresser.
— Oh, regardez, Al-sama ! Il est trop mignon !
— Oui, c’est génial… Leo, tu sais comment s’appelle cet animal ?
— Hmmm. Je me souviens en avoir vu un il y a longtemps…
— C’est un petit mammifère appelé Belette, qui vit dans la partie occidentale du continent.
— C’est ça ! s’écrièrent Leo et moi simultanément lorsque Marie répondit.
Pendant ce temps, Finne continuait à caresser la belette. Mais soudain, sans crier gare, elle bondit vers sa poitrine.
— Ha ha ha ! Arrête ! Ça chatouille ! Hé !
Elle attrapa la belette qui s’amusait dans ses bras, et tandis qu’elle gloussait, l’animal tenta de ramper sous sa chemise. Finne était étonnamment bien dotée pour sa petite taille, et les pitreries de la créature créèrent une scène plutôt suggestive.
— Ah ! Hahaha ! Allez, arrête ! Hein ? Hé ?!
Au début, la belette n’enfonça que la tête, mais peu après, elle échappa aux mains de Finne et se glissa entièrement sous ses vêtements.
— Mm ! Ah, arrête ! Pas là ! Aaaah ?!
La belette se tortillait dans tous les sens, tandis que Finne se démenait, gênée par les chatouilles.
Leo et moi ne pouvions pas nous empêcher de penser que nous regardions quelque chose que nous n’aurions pas dû et détournâmes les yeux.
Marie s’approcha pour essayer de l’aider, mais entre-temps, une autre belette avait franchi la barrière. Leo et moi tentâmes de lui barrer le passage du pied, mais elle nous évita avec agilité.
Alors que Marie était entièrement concentrée sur Finne, la seconde belette se faufila jusqu’à ses pieds, grimpa le long de ses jambes et se glissa sous sa jupe.
— Aïe ! Arrête ! Arrête ça tout de suite !
— Non, arrête ! Ne tire pas sur mes sous-vêtements !
— Où vas-tu ?! Arrête ! C’est tout à fait inapproprié !
Finne et Marie se débattaient désespérément pour faire sortir les belettes de sous leurs vêtements. Incapables de les aider, Leo et moi échangeâmes un regard aussi impuissant qu’hébété.
Comme s’il attendait ce moment, un autre animal franchit la barrière.
Cette belette était différente des précédentes.
Elle appartenait à la même espèce, mais ses mouvements étaient bien plus rapides. Elle grimpa d’un bond sur Marie, puis bondit sur Finne avant de s’enfuir avec quelque chose dans la bouche.
Ce fut le signal pour les deux autres. Elles bondirent immédiatement hors des vêtements de Finne et Marie et s’enfuirent dans des directions opposées.
— Argh…
— Ces bêtes… ne devraient pas être autorisées à errer librement.
— Oui, nous ne pouvons certainement pas les laisser filer. Elles ont pris quelque chose de très problématique.
— Elles nous ont eus. Apparemment, ces belettes étaient le mode opératoire du voleur.
Leo et moi fronçâmes les sourcils au même moment.
L’ornement de cheveux que Finne tenait encore tout à l’heure avait disparu.
Quand elle s’en rendit compte, son visage pâlit.
— L’ornement de cheveux de l’Empereur… !
— Eh bien, je suis sûr que ton père ne t’en voudra pas si tu t’excuses. Il partira probablement lui-même à la recherche du voleur. Mais il vaut mieux garder ça secret. Nous allons partir à leur poursuite.
— Bonne idée. Je vais y aller avec Marie. On ne t’a rien volé, n’est-ce pas ?
— Non, je ne porte pas de bijoux.
— Ils ont peut-être été entraînés à ne voler que des objets de valeur. Cela ne ressemble pas à un crime isolé.
Sur ces mots, Leo et Marie s’élancèrent à la poursuite d’une des belettes.
Je m’apprêtais à faire de même, mais Finne m’agrippa par les vêtements.
Elle était au bord des larmes.
— Je… je vais retourner au château.
— Pourquoi ? Qu’y a-t-il ?
— Je vous avais invité ici aujourd’hui pour vous permettre de faire une pause dans votre entraînement… mais au lieu de ça… je vous ai causé encore plus d’ennuis. Ce serait plus facile pour vous si je n’étais pas là.
Des larmes coulaient sur ses joues. Elle semblait penser qu’elle était responsable de tout ce qui venait de se passer. Mais elle n’avait rien fait de mal.
Le voleur ne l’avait pas prise pour cible en sachant qui elle était. Sa méthode était bien trop maladroite pour avoir été préméditée.
C’était forcément une coïncidence. Finne n’avait donc aucune raison de se sentir coupable.
— En fait, ma vie est beaucoup plus facile avec toi.
— Hein… ?
— Alors ne pense pas que tu es un problème, d’accord ? Nous retrouverons bientôt le voleur et ton bijou. Ne t’inquiète pas.
— Mais les belettes ont déjà disparu.
— Pas de problème. Je m’en occupe, nous les retrouverons facilement.
— Mais si vous utilisez la magie sur une grande surface, vous allez épuiser votre mana.
Finne avait raison. Le Festival de la Chasse allait commencer, je ne voulais pas gaspiller mon mana maintenant. Cependant, ce genre de problème ne nécessitait même pas l’utilisation de la magie.
— Tu crois que j’utilise la magie pour résoudre tous les problèmes ?
— Ce n’est pas ce que je voulais dire !
— Ces animaux sont intelligents, mais cela reste des animaux. Si on garde ça en tête, on peut peut-être comprendre ce qui se passe.
À ce moment-là, j’emmenai Finne avec moi vers une ruelle voisine. La belette qui transportait l’ornement de cheveux s’était dirigée tout droit par ici.
Les belettes n’avaient pas une bonne vue, on pouvait donc supposer qu’elles se guidaient grâce aux bruits ou aux odeurs.
— Je ne pense pas qu’on va la retrouver maintenant qu’elle est loin.
— On ne cherche pas la belette. On cherche ce qui l’a appelée.
— Quelque chose l’a appelée ?
— Des choses comme se faufiler sous les vêtements des femmes ou voler des bijoux peuvent s’apprendre avec de l’entraînement. Ramener des objets loin d’ici, en revanche, c’est beaucoup plus compliqué, surtout dans un endroit aussi fréquenté.
— Vous marquez un point. Attendez… ça veut dire que le voleur était dans les parages ?!
— S’il avait voulu prendre un tel risque, il n’aurait pas utilisé des belettes. Il doit y avoir un piège.
Tout en discutant, je fouillai la ruelle de fond en comble. Je finis par trouver une petite boîte dissimulée dans une fissure. En l’ouvrant, je tombai sur le jackpot.
— Qu’est-ce que c’est ?
— C’est une phonostone. Une pierre qui émet à intervalles réguliers le son qu’on y a enregistré. On l’utilise souvent pour attirer les monstres, généralement avec une voix féminine de leur espèce. C’est probablement ce qu’elle reproduit ici. En plaçant des phonostones à intervalles réguliers, on peut guider une créature jusqu’à un lieu précis.
— Ah ! Alors la belette a pris l’ornement pour cheveux afin de l’offrir à sa petite amie !
— Exactement. Quelqu’un se sert de ce comportement pour voler des objets.
— C’est terrible ! On ne peut pas les laisser s’en tirer comme ça !
— Je suis d’accord. Je n’apprécie pas qu’on se moque de moi. On les attrapera, quoi qu’il en coûte.
— Allons-y !
Avec la réponse enthousiaste de Finne, notre recherche commença.
En supposant que les pierres étaient placées dans des endroits aussi peu fréquentés que possible, nous continuâmes à avancer dans la ruelle étroite.
Notre hypothèse s’avéra juste : nous trouvâmes pierre après pierre en nous dirigeant vers l’ouest. Nous ne commîmes qu’une seule erreur de calcul…
— C’est tellement étroit…
— Tiens bon, encore un peu.
À quel point cette ruelle pouvait-elle être étroite ?
Malgré l’exiguïté, nous continuâmes à avancer, Finne cherchant d’un côté, moi de l’autre. Puis…
— J’en ai trouvé une !
— Super.
Je me retournai et vis Finne sauter de joie en découvrant la boîte.
Juste au moment où je commençais à craindre qu’elle ne perde l’équilibre, elle bascula. Je réussis à me placer devant elle et à la rattraper, mais nous nous retrouvâmes dans les bras l’un de l’autre.
— Oups ! Je suis désolée !
— Ce n’est pas grave. C’est ma faute.
Pendant une seconde ou deux, nos nez se retrouvèrent à quelques centimètres l’un de l’autre, puis Finne se redressa précipitamment. Son visage était rouge vif… et je suppose que le mien aussi.
À ce moment précis, une belette s’approcha de Finne. Avec un petit gémissement triste, elle frotta sa tête contre ses jambes.
— Oh, pauvre petit. Tout va bien. On va te sauver !
— On doit être tout près. Allons-y.
Nous quittâmes la ruelle et nous dirigeâmes vers l’ouest.
Peu après, nous vîmes une belette différente de celles croisées plus tôt entrer dans une maison.
Aha. C’était donc leur quartier général.
— Ça doit être là.
— Oui. Allons les chercher.
Pour me préparer à l’affrontement, je lissai mes cheveux en bataille, réajustai mes vêtements froissés, puis me redressai et appelai les chevaliers qui patrouillaient à proximité.
— Excusez-moi.
— P-Prince Leonard !
— Rassemblez tous les chevaliers du secteur. J’ai découvert le quartier général du voleur.
— Vraiment ? Excellent travail, Votre Altesse ! Nous allons passer à l’action immédiatement !
Avec des expressions enthousiastes, ils partirent rassembler leurs camarades.
Les chevaliers de l’Est semblaient avoir une très haute opinion de Leo, probablement grâce à ses efforts pour visiter tous les villages dans le but de capturer le voleur.
Tout devrait bien se passer, désormais.
Cependant, lorsque je regardai Finne, elle semblait troublée.
— Qu’y a-t-il ?
— C’est juste que c’est vous qui avez trouvé le voleur… pas le prince Leonard.
— Les chevaliers ne m’écouteraient pas. Nous ne pouvons pas laisser le voleur s’enfuir, n’est-ce pas ?
— Je sais… mais maintenant, c’est seulement Leo-sama qui va bénéficier de cette réputation, une fois de plus.
— Cela te dérange toujours ? Je ne vois pas où est le problème. La bonne réputation de Leo est un atout pour qu’il monte sur le trône.
J’essayai de rassurer Finne, mais elle restait soucieuse. Pendant ce temps, les chevaliers s’étaient rassemblés.
Je leur ordonnai d’encercler la maison, puis donnai le signal d’attaque.
Les voleurs avaient dû être pris au dépourvu. Les chevaliers n’eurent aucune difficulté à pénétrer dans la maison et à arrêter quatre hommes à l’intérieur.
Tout en observant la scène, Finne et moi entrâmes à notre tour.
Là, dans une cage, se trouvaient tous les bijoux que les belettes avaient volés.
— Je peux ?
— Hein ? Oh, euh… Dans ce genre de cas, la règle veut qu’on ne touche pas aux objets volés.
— Ne vous inquiétez pas. Ce ne sera qu’un instant.
Ignorant l’avertissement du chevalier, je fouillai parmi les objets.
Parmi eux, se trouvait bien l’ornement en forme de mouette bleue.
Je le pris et le tendis à Finne.
— Enlève tes lunettes, Finne.
— D’accord.
— C’est bien celle que je crois ?!
— Comme vous le savez sans doute, il s’agit de Blau Mowe. Son bijou de cheveux a été volé, c’est pourquoi je le recherchais. Seulement, très peu de gens sont au courant. Si le cadeau spécial que mon père a offert à Blau Mowe venait à être volé dans la ville de Kiel, les chevaliers en patrouille ne s’en tireraient pas sans être tenus partiellement responsables. Vous êtes libres de parler de cet incident, mais je tiens à préciser que ce serait vous qui auriez des ennuis si cela venait à se savoir.
— C-compris, Votre Altesse ! Je n’ai rien vu !
— M-moi non plus !
Les chevaliers chargés de la récupération des objets répondirent avec une vigueur certaine.
Satisfait, je ramenai Finne à l’extérieur. Une fois hors de vue, je redevenais simplement Al.
— Ouf. Il ne nous reste plus qu’à expliquer ma petite ruse à Leo. Quoi qu’il en soit, je suis content que nous ayons retrouvé ton bijou de cheveux sain et sauf.
— Oui, tout ça grâce à vous. Merci beaucoup.
— Ce n’était rien.
— Je… Je n’ai pas besoin que quelqu’un d’autre sache ce que vous avez fait… parce que moi, je le sais ! Je me souviendrai toujours de votre intelligence et de votre courage ! Toujours ! Pour toujours !
Je ne comprenais pas tout à fait ce que Finne voulait dire. Elle était tellement émue qu’elle en avait le souffle coupé. Mais je ne pouvais pas dire que cela ne me faisait pas plaisir.
— Eh bien, tant mieux. Merci.
— Un jour, j’écrirai un livre sur toutes les choses incroyables que vous avez faites !
— Je ne pense pas que ce soit nécessaire.
— Quoi ? Pourquoi pas ?
Après cela, nous continuâmes à profiter du festival dans la bonne humeur, entre rires et sourires.
6
Le pré-festival prit fin, et le jour du Festival de la Chasse arriva.
Le festival devait s’ouvrir sur un discours de mon père, mais les préparatifs n’étaient pas encore terminés. En attendant, Leo et moi observions la ville depuis les remparts de Kiel.
— Il y a vraiment beaucoup de monde, hein.
— Oui. C’est une bonne chose. Les habitants de l’Est ont été menacés par des monstres pendant tout ce temps. Je pense qu’ils avaient besoin de quelque chose comme ça.
— C’est vrai. Ils semblent penser que c’est la faute de leur père si le problème n’a pas été réglé plus tôt. C’est comme s’il essayait d’utiliser l’argent pour les satisfaire. Du genre : “profitez du festival”, ou quelque chose comme ça.
Il avait sans doute deviné que ce festival ne suffirait pas à dissiper le mécontentement de la population. Après tout, cela n’aurait aucun sens d’organiser un festival si les gens ne dépensaient pas leur argent.
Il avait simplement déboursé le sien pour les inciter à le faire.
Les habitants de l’Est, qui avaient été tourmentés par les monstres, étaient devenus très prudents. Ils ne dépenseraient pas leur argent si nous ne montrions pas l’exemple en premier.
Dans un sens, c’était quelqu’un de formidable.
— Alors, vous êtes là ?
En entendant une voix derrière nous, nous nous retournâmes en même temps.
Nous découvrîmes alors Elna, qui se tenait là.
— Salut, Elna. Comment ça va ?
— Euh, comme d’habitude, je suppose. Et toi ?
— Comme d’habitude pour moi aussi. Mais je me sens mieux maintenant.
— Ah bon ? Pourquoi ça ?
C’était inhabituel pour Leo de dire quelque chose comme ça. C’est un gars qui joue toujours la carte de la sécurité, après tout.
Je sens que des ennuis vont encore m’arriver.
— En venant ici, j’ai regardé autour des villages qui ont été endommagés par des monstres. Je pense que c’est notre devoir, en tant que membres de la famille impériale, de les aider. Si je gagne, je recevrai de toute façon la récompense, alors j’ai donné l’argent que j’avais à ces gens en venant ici.
— … Tu as fait ça…
— Haa… Et toi, qu’est-ce que tu faisais pendant ce temps-là, Al ?
— Je faisais du shopping aux étals.
Elna toucha son front et poussa un soupir lorsque je lui montrai mon butin, le lézard de terre grillé.
Tu n’as pas besoin de soupirer aussi fort.
— Si Al avait au moins un des bons côtés de Leo, je pourrais me sentir soulagée en tant qu’amie d’enfance…
— Nii-san a beaucoup de bons côtés, tu sais ? Les gens ne les remarquent tout simplement pas.
— Bien dit. Comme on pouvait s’y attendre de toi, Leo. En récompense, je te laisserai en manger un morceau.
— Merci. Nn ? C’est étonnamment bon, hein.
— N’est-ce pas ? J’ai un don pour trouver de bonnes choses dans les étals, tu sais.
— Ce don, je ne pense pas qu’il soit nécessaire pour un prince… Bon, on y va. Leo aussi, le festival va bientôt commencer, tu devrais rentrer.
Poussé par Elna, je fourrai rapidement le lézard de terre grillé dans ma bouche. La chasse des chevaliers allait bientôt commencer.
***
— Notre empire est un pays qui a peu d’expérience en matière de dégâts causés par les monstres. C’est pourquoi notre réponse est en retard. Cette fois-ci, les habitants de l’est ont souffert à cause de mon manque de compétences. Je suis sincèrement désolé. Je vous prie de pardonner votre empereur stupide.
Mon père prononçait un discours devant la foule. Notre tour viendrait un peu plus tard.
J’utilisais une pièce du manoir du seigneur comme salle d’attente lorsqu’un invité est arrivé.
Je pensais que ce serait Elna ou Finne, mais la personne qui apparut était un peu inattendue.
— Christa… ? Qu’y a-t-il ?
— Nii-sama…
Cette personne est Christa Lakes Adler, la troisième princesse de l’empire, âgée de douze ans.
Ma petite sœur aux cheveux d’un blond brillant et aux yeux violets. À l’avenir, sa beauté devrait rivaliser avec celle de Finne. Les gens disent qu’elle est aussi belle qu’une poupée. C’est parce que Christa est une enfant qui montre généralement peu d’expressions faciales.
Portant sa poupée lapin préférée, elle me regardait sans expression. À la voir, elle ressemblait vraiment à une poupée. Cependant, ses yeux étaient légèrement tremblants. C’est un signe qu’elle se sent anxieuse.
— Entre. Qu’y a-t-il ? Quelque chose te tracasse ?
— Euh… Christa n’est pas troublée… Ce sont les gens ici qui ont des problèmes.
Quelle réponse confuse.
La plupart des gens l’auraient simplement ignorée, mais je ne pouvais pas faire ça avec Christa. Je fis asseoir Christa sur une chaise et m’accroupis pour être à la hauteur de ses yeux.
Cette enfant est un être spécial au sein de la famille impériale. Personne ne l’a remarqué. Non, ils font peut-être semblant de ne pas le remarquer, mais cette enfant est née avec un pouvoir magique inné. Normalement, la magie est quelque chose qui s’apprend, mais il existe quelques personnes dans ce monde qui peuvent utiliser la magie naturellement. Ceux qui peuvent utiliser la magie innée sont extrêmement précieux et puissants. La raison en est que cette personne est la seule à pouvoir utiliser une telle magie. C’est quelque chose qui ne peut jamais être utilisé par d’autres.
Christa est l’une d’entre eux. Son pouvoir est probablement une prédiction de l’avenir ou quelque chose de similaire.
Lorsque le prince héritier est décédé, elle pleurait devant moi et disait que notre frère était mort.
Si quelqu’un comme Zandra venait à découvrir qu’elle était capable d’une telle chose, il n’hésiterait pas à l’utiliser à son avantage.
C’est pourquoi je lui ai dit de n’en parler à personne et de venir me voir si elle voyait quelque chose. Le fait qu’elle soit venue ici signifie sûrement que quelque chose va se passer.
— Qu’as-tu vu cette fois-ci ?
— … Cette ville était encerclée par des monstres…
Le pouvoir de Christa est encore instable.
Parfois, elle voit des images du futur, mais pour Christa, ces images sont proches de cauchemars. De plus, cela ne signifie pas que ses visions se réalisent à chaque fois.
Cependant, il lui est déjà arrivé d’avoir raison.
C’est pourquoi je ne peux pas laisser ça ainsi.
— Tu n’as vu clairement la mort de personne, n’est-ce pas ?
— Euh…
— Je vois. Tu as bien fait de me le dire. Ça me facilite beaucoup les choses.
— … Nii-sama y va aussi ?
— Oui. Je ne peux pas rester avec toi.
— …
Christa avait l’air mécontente.
Elle n’aimait probablement pas être laissée seule avec son anxiété. Mais je devais y aller. De toute façon, si la ville était encerclée par des monstres, ce serait plus facile à gérer si je suis à l’extérieur.
— Excusez-moi. C’est Finne.
Finne entra dans la pièce au bon moment. Elle avait aussi des bonbons à la main.
Sympa.
— Christa, je te présente mon amie, Finne.
— En, enchantée, Votre Altesse Christa. Je m’appelle Finne von Kleinert.
— Je sais. Blaue Mowe. La plus belle personne de l’empire.
— Tu es bien informée.
Je lui caressai la tête, mais l’expression de Christa restait inchangée. Elle ne semblait toutefois pas détester cela. Christa n’était attachée émotionnellement qu’à moi, Leo et notre sœur aînée qui se trouvait actuellement à la frontière. Elle ne baissait jamais sa garde, même envers notre vrai père, donc son entourage ne savait pas comment la traiter. Bien sûr, cette fois-ci, elle devait rester ici, mais je ne pouvais pas vraiment la laisser seule comme ça.
— Finne. Désolé, mais peux-tu rester avec Christa pour moi ?
— Nii-sama suffit…
— Finne est digne de confiance. Bien plus qu’un type comme moi, en tout cas. En plus, elle fait de délicieux bonbons, tu sais ? Tu aimes ça, non ?
Sur ces mots, je sortis les bonbons du sac que Finne portait et les montra à Christa.
C’étaient des biscuits en forme de lapin.
Christa, dont la bouche tremblait maintenant timidement, avait les yeux fixés sur Finne. Voyant cela, j’esquissai un sourire amer.
— Félicitations. On dirait qu’elle t’aime bien.
— Eh ? Elle est… ?
— À moins que cette enfant ait pris quelqu’un en affection, elle ne le fixerait pas comme ça. Elle ne s’intéresse pas aux autres, après tout. Christa. Jusqu’à ce que Leo et moi revenions, tu dois rester avec Finne, d’accord ?
— Euh…
— Voilà, c’est tout. Désolé, mais peux-tu rester avec Christa autant que possible ?
— D’accord. Si c’est le souhait d’Al-sama, je m’y conformerai avec plaisir.
Sur ces mots, Finne sourit et commença à donner d’autres bonbons à Christa. Pendant un instant, le mot enfourrer me vint à l’esprit, mais comme cela aurait été impoli de ma part, je le ravalai.
Puis j’entendis des acclamations provenant de l’extérieur. Le discours de mon père était sans doute terminé. À partir de maintenant, c’était à nous de jouer.
— Allez, viens. Christa. Nous devons nous montrer au peuple.
— …
— Ne fais pas cette tête. On n’y peut rien, n’est-ce pas ? Nous sommes la famille impériale après tout.
— … Nii-sama, tu es toujours aussi paresseux.
— Ce n’est pas vrai cette fois, n’est-ce pas ? Allez, viens.
Je tirai Christa par la main et quittai la pièce. Finne nous suivit.
Au même moment, une personne gênante sortit également de sa chambre.
— Oh ? Tu fais du baby-sitting, Arnold ? Tu es vraiment insouciant. C’est parce que tu t’es associée à la maison Amsberg ?
La deuxième princesse Zandra. Christa se cacha immédiatement derrière moi. Voyant cela, l’expression de Zandra se déforma de manière désagréable.
— Sœur. Ce n’est pas un peu dur de dire que c’est du baby-sitting ? C’est normal qu’un frère s’occupe de sa petite sœur, non ?
— C’est agaçant, on dirait que tu as encore une marge de manœuvre pour me répondre comme ça, hein.
— Tu sembles irritée, ma sœur. Qu’y a-t-il ? Quelque chose ne s’est pas passé comme prévu ?
En entendant ma réplique, l’expression de Zandra se fit furieuse pendant un instant, mais elle redevint immédiatement normale. Elle avait dû se rendre compte que recourir à la violence ici ne serait qu’une démonstration inutile de sa faiblesse.
Bon, même si elle ne se met pas en colère, je sais déjà que c’est elle qui a envoyé ces assassins. Mais je n’ai pas besoin de le dire.
— Prépare-toi. Je vais t’apprendre que peu importe la puissance d’une épée, elle ne sert à rien si tu ne sais pas t’en servir.
— Fuhn ! Quelqu’un comme toi peut enseigner quoi que ce soit à qui que ce soit ?
Entendant notre conversation, Gordon apparut. Sérieusement, ces deux-là ne sont satisfaits que lorsqu’ils se battent, hein ?
Cependant, le regard perçant de Gordon se posa sur moi. Pendant un instant, j’eus l’impression que mon cœur était saisi.
Comme on pouvait s’y attendre de quelqu’un qui a connu autant de succès sur le champ de bataille. Sa soif de sang est impressionnante. Si je n’utilisais pas ma magie, il me tuerait sans hésiter.
— Alors ? Arnold. Tu ne veux pas me donner ton épée ? Tu as encore le temps, tu sais ? Demande à notre père, pleure et supplie-le en lui disant que tu n’es pas digne d’elle et que c’est moi qui suis digne.
— Malheureusement, je n’en ai pas l’intention, mon frère. Cela donnerait l’impression que je remets en question la décision de notre père. Notre père est vraiment effrayant, après tout.
— Hum, tu ne veux pas partager ton trésor avec les autres, hein ? Ce trésor finirait par pourrir. Très bien. Je vais t’écraser avec la femme qui se trouve là-bas.
— C’est ma réplique.
Zandra lança un regard noir à Gordon.
Nous avons profité de cette occasion pour nous échapper. Il ne sortirait rien de bon si je m’impliquais dans une telle bagarre.
— Nii-sama… J’ai peur…
— Tout va bien. Finne est avec toi. De plus, s’il arrive quelque chose, je viendrai te sauver. Je te le promets.
— Vraiment… ?
— Oui, vraiment.
En disant cela, je serrai la petite main de Christa.
Peut-être rassurée par cela, Christa m’adressa un petit sourire.
Juste à ce moment-là, une autre main se posa sur la tête de Krista.
— Dommage pour moi. Avec Al dans les parages, on dirait que tu n’as plus besoin de ton autre grand frère, hein ?
— Leo !
En voyant que le nouveau venu était Leo, Krista afficha un grand sourire. Krista prit une des mains de Leo et une des miennes. Son expression était bien plus détendue et joyeuse à présent.
— Je me sens beaucoup mieux maintenant !
— C’est bien. Leo, tu as décidé dans quelle direction tu partais ?
— Je vais aller vers le sud.
— Le sud ? Il n’y avait pas eu trop de dégâts causés par les monstres là-bas, non ?
— C’est vrai. Il est peut-être important de faire acte de présence pour le festival et de tenter sa chance à l’ambassade, mais je pense que le plus important, c’est d’éliminer le plus de monstres possibles et de venir en aide aux régions, afin que les gens se sentent plus en sécurité. Et je doute que beaucoup choisissent d’aller vers le sud, même si des monstres peuvent y apparaître.
C’était exactement le genre de plan que j’attendais de Leo. Si tout le monde concentrait son combat dans la zone avec le plus de monstres, cela n’aiderait pas vraiment la région de l’est dans son ensemble. C’est pour cela qu’il avait prévu d’aller là où personne d’autre n’irait. C’était un plan noble. Cependant…
— Et toi ? Tu penses vraiment avoir une chance de gagner comme ça ?
— Bien sûr. Il n’y avait pas eu trop de dégâts au sud parce que les monstres n’avaient pas pris cette direction. Quand j’ai demandé pourquoi, j’ai appris qu’un monstre très puissant y était posté.
— Je vois. Donc tu vises un gros coup.
— Exactement.
Selon les règles du festival, tuer un seul monstre très puissant pouvait suffire pour décrocher la victoire. Ce n’était donc pas une mauvaise idée d’aller affronter un monstre redouté par tous les autres.
— C’est pour ça que tu allais dans tous les villages.
— J’y allais bien sûr pour apporter du soutien et réconforter les gens. Mais pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups ?
— Cela m’a aussi fait du bien. Vas-y, donne le meilleur de toi.
— Tu devrais t’y mettre sérieusement toi aussi, sinon Elna te passera un savon. »
— Ne me ménage pas. Rien que le fait que tu sois sérieux place tous les autres sur un pied d’égalité.
Pendant que nous parlions, nous sortîmes sur le balcon. Tout le monde nous regardait depuis le bas.
Puis, une fois tous les enfants de l’empereur rassemblés sur le balcon, l’empereur annonça d’une voix forte :
— Pour ce festival ! Les chevaliers de notre ordre impérial jurent fidélité à chacun de mes enfants ! Mes enfants respectent les chevaliers et les chevaliers honorent mes enfants. Ensemble, ils travailleront main dans la main et affronteront de puissants monstres ! Nous sommes la famille impériale ! Si l’empire a un ennemi, il est de notre devoir de l’anéantir ! Allez ! Mes enfants ! Mes chevaliers ! À partir de cet instant, je déclare ouvert le festival de la chasse des chevaliers !!!
— OOHHHHH !
— ALLEZ-Y, PRINCE ERIK !
— Non, cette fois, c’est au tour du prince Gordon de briller, non ?
— La princesse Zandra va sûrement nous montrer une tactique fantastique !
— Je soutiendrai le prince Leonard ! C’est la première fois que je rencontre quelqu’un d’aussi gentil !
Les chevaliers menés par chacun des enfants quittèrent le manoir et se rendirent au front. Cette fois-ci, seule Christa resta dans le manoir tandis que tous les autres partaient avec leurs chevaliers à la chasse aux monstres.
Ces enfants brandissaient leurs propres bannières, créées spécialement pour cette journée. Ma bannière était une croix blanche sur fond noir. Au contraire, celle de Leo est une croix noire sur fond blanc. Elles étaient assez faciles à comprendre. Le motif était complètement opposé à celui de Leo ; après tout, il est facile de distinguer ma bannière. Mais ce n’est pas que je déteste le dessin.
— Êtes-vous prêts ?
— Bien sûr, allons-y.
Sur ces mots, je lançai mon cheval en avant.
Derrière moi se trouvait le troisième ordre de chevaliers mené par Elna.
La seule à recevoir les acclamations était Elna, mais cela ne me dérangeait pas. Après tout, je suis l’ombre qui travaille dans les coulisses. Si quelqu’un prépare quelque chose dans l’ombre, je peux simplement le prendre à revers et le neutraliser.