THE INSIPID prince t1 - prologue
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Traduction : Moonkissed
Correction : Calumi
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1
L’Empire d’Adrasia.
Un empire puissant qui règne sur la partie centrale du continent Vogel.
Avec pour symbole l’aigle royal, c’est l’un des trois pays les plus influents du continent. Sa capitale, Wirth, reste encore aujourd’hui une ville prospère.
À la guilde des aventuriers de cette capitale, une personne importante fit son apparition.
— Waouh… C’est vraiment lui…
— Regardez cette corne. Ce ne serait pas celle du roi Minotaure ?
— Sérieux… Ce genre de monstre est classé AAA… Il l’a vraiment battu ?
Tout le monde se posait des questions à son sujet. Celui qui attirait les regards, c’était un mage qui portait une immense corne. Il était habillé tout en noir, de ses cheveux jusqu’à sa longue robe. Seul son visage était masqué par un masque argenté qui ne passait pas inaperçu.
La réceptionniste le salua comme si de rien n’était, habituée à son allure.
— Merci pour votre travail. Silver-san, voici votre récompense pour cette fois.
Silver, un aventurier de rang SS. En m’appelant par mon nom provisoire, la réceptionniste me tendit ma récompense avec son habituel sourire.
Elle me remit des pièces d’or d’une valeur que les autres aventuriers présents n’avaient sans doute jamais vue.
Normal. La chasse au roi Minotaure était une mission spéciale confiée par la guilde, avec une belle prime à la clé.
À la base, il n’était pas sur le territoire impérial, mais il y a quelque temps, une expédition menée par des aventuriers de rang A pour l’abattre avait échoué. Depuis, le roi Minotaure s’était installé ici.
Alors moi, je l’ai vaincu.
— Merci, vous avez toujours pris soin de moi.
— Non, c’est plutôt à nous de vous remercier. Avoir l’un des cinq aventuriers de rang SS comme Silver-san dans notre succursale de la capitale, c’est un vrai honneur !
La réceptionniste aux cheveux bruns me sourit franchement.
En la voyant comme ça, j’eus un petit sourire en coin, puis je me dirigeai vers la sortie de la guilde en laissant quelques pièces d’or derrière moi.
— Euh… Silver-san ? Pourquoi donc ?
— C’est pour tout le monde. Vous pouvez leur commander de l’alcool ou autre chose ? En échange, je veux que vous me réserviez les quêtes difficiles, si jamais il y en a.
— Ah, oui, bien sûr !
Elle accepta les pièces avec enthousiasme, pendant que les autres aventuriers laissaient exploser leur joie.
Je n’acceptais que des quêtes de haut niveau, alors la guilde me les confiait en priorité. Mais certains aventuriers n’aimaient pas cette façon de faire. Du coup, c’était important de leur permettre de se lâcher un peu.
Et puis moi non plus, je ne pouvais pas me déplacer librement. En gardant ça en tête, je quittai la guilde et pris la direction de mon auberge. Là, j’enlevai mon masque et ma robe noire, puis j’enfilai une tenue plus élégante, tout en gardant un œil sur ce qui m’entourait.
— Même si l’on est incompétent, si l’on découvrait qu’un prince se faisait passer pour un aventurier, cela pourrait avoir de graves conséquences.
— Si vous en êtes conscient, veuillez vous retenir, prince Arnold.
Celui qui était apparu sans un bruit et m’avait interpellé, c’était le majordome à notre service depuis la génération de ma mère, Sebastian. Un vieil homme aux cheveux dorés malgré ses plus de cinquante ans, le dos droit, vêtu d’un élégant costume de majordome.
Comme on pouvait le constater, il était capable d’apparaître sans faire le moindre bruit. Ses compétences de majordome n’étaient pas les seules à être exceptionnelles, et ses capacités réelles n’avaient pas diminué malgré son âge. C’était un vieil homme remarquable.
Et comme l’avait dit ce majordome, je m’appelais Arnold Lakes Adler. J’étais le septième prince de cet empire.
— Je t’avais dit de ne pas apparaître en silence comme ça, non ? Sebas.
— Pardonnez-moi, c’est une habitude.
— Et je ne veux pas entendre ton sermon non plus. Un prince ennuyeux comme moi peut faire ce qu’il veut, non ?
J’avais un petit frère jumeau.
Excellent en arts martiaux, brillant, et doté d’une bonne personnalité.
C’était un génie qui excellait dans tout ce qu’il entreprenait. Même si nous avions le même visage, on le louait pour son élégance et sa grâce. En revanche, on me reprochait mon manque d’ambition et de courage. Mon frère recevait tellement de demandes en mariage qu’il en était agacé.
Moi, au contraire, j’étais un prince incompétent et apathique. Enfant, je passais mon temps à jouer. Voyant que je gaspillais mon potentiel, de nombreux tuteurs talentueux avaient été engagés, mais ils avaient tous fini par abandonner. Ma réputation s’était vite répandue dans la capitale, puis dans tout l’empire. On m’avait surnommé « le prince terne », celui à qui son frère aurait volé toutes ses qualités. Encore aujourd’hui, dans le château, on me regardait de haut et on parlait dans mon dos. Un homme à la réputation médiocre, membre de la famille impériale, dont personne n’attendait rien. Voilà qui j’étais, le prince.
— Ne prêtez pas attention à ces commentaires insignifiants. Après tout, personne ne connaît votre véritable pouvoir.
— Ce n’est pas que ça me dérange. Je suis déjà habitué à ce genre de traitement. Inutile de me rappeler mes devoirs de prince, tu sais.
Même si je disais ça, une excuse minable restait une excuse minable. Mais grâce à elle, je pouvais vivre librement comme ça.
Cependant…
— Je comprends votre point de vue, mais la situation a évolué. Une telle excuse ne tient plus la route. Veuillez retourner au château immédiatement.
— … Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Le général Dominique est décédé.
— Ce vieux général ?
Il était général honoraire de la garde impériale de la capitale. Il avait finalement pris sa retraite sans le moindre incident à signaler dans son dossier militaire, mais il avait survécu à plus de cinquante années de service sur le front. Grâce à ses exploits, il avait été nommé général honoraire de la garde impériale, un poste proche de celui de conseiller. Il était âgé, souffrait d’une maladie cardiaque, mais il restait peu probable qu’il soit mort subitement de causes naturelles.
Cela ressemblait fort à un assassinat.
— C’est l’un des [Trois], hein…
— Nous ne connaissons pas encore les détails, mais je pense que personne ne mènera d’enquête sur cette affaire.
C’était quelqu’un de franc, qui se faisait facilement des ennemis. Si c’était bien un assassinat, cela devait en faire partie. Dernièrement, le général Dominique s’était impliqué dans la lutte pour le trône.
Il disait souvent que les princes et princesses ne valaient rien, mais il y en avait un qu’il avait commencé à apprécier. Il avait ensuite été éliminé par ceux qui le jugeaient dangereux, autrement dit, les dirigeants de cette lutte. C’est du moins ce que je pensais.
Comme il n’était qu’un général honoraire, sa mort n’aurait pas de conséquences majeures pour l’empire et serait probablement considérée comme la suite logique de sa maladie.
Le seul à en pâtir serait son allié. Et cet allié, c’était le huitième prince : Leonard Lakes Adler. Mon petit frère jumeau.
— Leo est quelqu’un qui attire naturellement les alliés… Mais il ne semble pas rassembler des forces pour viser le trône…
— Le problème, c’est qu’il est perçu comme tel. Pour cette raison, le prince Leonard est vu comme un ennemi par ceux qui convoitent le trône.
En écoutant Sebas, je poussai un soupir. Parmi les prétendants à la succession, trois personnes influentes se disputaient actuellement le pouvoir : le deuxième prince, la deuxième princesse et le troisième prince. Chacun possédait sa propre base de pouvoir, et il y avait donc de fortes chances que le prochain empereur soit l’un d’eux.
Deux options s’offraient aux autres prétendants : la première consistait à choisir un camp, ou à tout le moins à rester neutre ; la seconde, à leur être hostile et à viser le trône soi-même.
Mais si vous choisissiez cette dernière option et que vous échouiez, avec la personnalité de ces trois-là, le mieux que vous pouviez espérer, c’était l’exil.
Le pire : la mort.
Et la punition s’étendrait à tous ceux qui vous soutenaient. Dans le cas de Leo, cela inclurait notre mère… et moi.
Alors, sans même consulter Leo, je choisis la seconde option.
Il n’y avait aucun intérêt à s’allier avec eux ou à rester neutre, plus maintenant. Si la situation en était arrivée là, il n’y avait plus d’autre choix.
— La seule solution qui reste, c’est de faire de Leo l’empereur, hein…
— N’y aurait-il aucun moyen pour vous de le devenir… vous-même ?
— Moi, empereur ? Je suis le genre de type qui refile tous ses problèmes à son petit frère, tu sais ? Cette fois encore, ce sera pareil.
Je voulais continuer à vivre comme un aventurier, mais à ce rythme, j’allais finir par me faire tuer. C’était ennuyant, mais je n’avais pas le choix. Je devais agir dans l’ombre… pour mon frère.
***
Au centre de la capitale impériale se trouvait un château en forme d’épée.
Dès mon retour, je me dirigeai directement vers la chambre de Leonard.
Cependant, je croisai plusieurs ministres et aristocrates en chemin.
— Oh, mais c’est le prince Arnold. Vous avez l’air en forme aujourd’hui.
— Grâce à vous.
— Oui, je suis vraiment jaloux que vous ayez l’air aussi heureux chaque jour. À l’inverse, le prince Leonard travaille toujours très dur à son entraînement.
— Il a été fait différemment de moi, après tout.
— C’est vraiment bien dit ! Qui aurait cru qu’il se joindrait à la lutte pour le trône, tout comme vos trois estimés frères et sœurs ? Le prince Arnold ne doit pas perdre non plus.
— Hé, il fait peine à voir à côté du prince Leonard, non ? Même s’ils sont jumeaux, le prince Arnold n’a pas le même talent, vous savez !
— Ouh ! C’est vrai, c’est vrai. Pardonnez mon impolitesse.
— Ne vous en faites pas. C’est vrai, après tout.
Je dis cela et passai mon chemin. Ils s’inclinèrent tous respectueusement devant moi, mais chacun d’eux se moquait de moi en réalité. Je ne les dénonçai pas à l’empereur, car même si je l’avais fait, il ne m’aurait pas écouté.
Au sein de la famille impériale, j’étais le seul à ne pas être considéré comme un membre à part entière. En dehors des seigneurs territoriaux, les aristocrates et les ministres de la capitale me regardaient tous de haut.
Mais c’était parce que je m’étais moi-même comporté ainsi.
Je n’avais pas l’intention de changer, car je pensais avoir le droit d’agir comme je l’entendais. Puisque personne ne se souciait de moi, je pouvais faire ce que je voulais en tant que Silver.
Mais si je faisais ce que je voulais en tant que prince, je devais toujours tenir compte de mon rang. Je pensai à tout cela en arrivant devant la chambre de Leo.
— J’entre…
— Nii-san…
J’entrai sans frapper et trouvai Leo assis à l’intérieur. Il avait dix-huit ans, bien sûr, tout comme moi, mais à cause de sa personnalité calme, les gens le prenaient souvent pour l’aîné.
Nous avions exactement la même apparence, mais Leo portait les cheveux courts, tandis que les miens étaient toujours en bataille. Côté tenue, il était toujours soigné, tandis que j’étais négligé. Il se tenait toujours droit, moi j’étais voûté. En grandissant, plus personne ne nous confondait.
Le visage de mon petit frère jumeau portait les marques de la fatigue.
Quand on voyait son propre visage aussi abattu, on se sentait presque soulagé.
— J’ai entendu l’histoire. Ce vieil homme est décédé, pas vrai ?
— Euh…
— C’était probablement un assassinat, non ?
— … Probablement.
Je n’étais pas assez naïf pour affirmer que c’était sûrement l’œuvre de nos frères et sœurs aînés. Mais au vu de la situation, l’hypothèse de l’assassinat restait la plus crédible.
— Qu’est-ce que tu vas faire ?
— … Je ne veux pas me battre contre mes propres frères et sœurs.
— Je m’attendais à cette réponse.
Leo ne voulait pas du trône.
Les gens étaient naturellement attirés par sa personnalité et devenaient ses alliés. Le général Dominique en faisait partie.
Comme il venait de le dire, Leo ne voulait pas se battre pour le trône.
Mais parce qu’il était doué, et doté d’un caractère irréprochable, il était devenu le quatrième prétendant face au deuxième prince, à la deuxième princesse et au troisième prince, malgré lui.
Et c’était pour éteindre cette menace qu’ils avaient fini par commettre un assassinat.
Mais cela ne signifiait pas pour autant que Leo était désormais en sécurité. Peu importait lequel des trois accèderait au trône… Un sombre destin l’attendait dans tous les cas.
— Tu es déjà considéré comme un ennemi. Si tu ne te bats pas pour le trône, la seule chose qui t’attend, c’est la mort. Il en va de même pour moi… et pour notre mère.
— Oui… Je sais… Je suis désolé.
— Ne t’excuse pas. Je veux savoir ce que tu comptes faire.
— … Je dois me battre pour le trône.
Leo répondit d’un air troublé.
Si Leo s’était retrouvé seul dans cette situation, il se serait retiré, même au prix de sa vie. Mais puisqu’il existait un risque que cela nuise à son entourage, il était prêt à viser le trône.
Après tout, avec sa personnalité, il allait forcément demander l’aide de tout le monde pour devenir empereur. Je pensais qu’il était trop gentil pour ce rôle… mais même si je le lui avais dit, il n’aurait pas changé d’avis.
À ce stade, les choses avaient déjà pris cette tournure. Je n’avais plus d’autre choix que de faire de lui l’empereur.
— Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais je vais t’aider. Pour l’instant, concentre-toi sur la recherche d’alliés et renforce ton influence. Si tu bâtis une faction solide, ils auront plus de mal à t’éliminer.
— Oui… Et toi, Nii-san ?
— Je chercherai aussi des alliés. Mais ne t’attends pas à des miracles. La plupart des ministres et des aristocrates influents appartiennent déjà aux trois grandes factions.
— Je sais… Merci, Nii-san. Tu sais, je pense que tu es plus apte que moi à devenir empereur…
— Ne dis pas de bêtises. Je ne pourrais plus m’amuser si je devenais empereur, tu imagines ? J’ai déjà un projet de vie : trouver une belle femme et m’amuser pour toujours. Alors je te laisse le trône, à toi de te débrouiller.
Je tapai l’épaule de Leo en disant ces mots égoïstes. Son corps trembla légèrement.
Eh bien, c’était compréhensible. Du point de vue de l’excellent Leo, ces trois-là étaient de véritables monstres.
En termes de capacités, l’Empire resterait entre de bonnes mains, quel que soit le vainqueur. Et naturellement, le pouvoir qui en découlait était immense.
Mais peu importe à quel point ils étaient puissants, cela ne signifiait pas qu’ils étaient invincibles.
Le fait qu’ils se battent entre eux représentait justement une opportunité pour Leo.
— Commençons par augmenter le nombre de nos alliés, et faisons en sorte que notre père nous reconnaisse.
— D’accord. En fin de compte, c’est notre père qui tranchera.
— Maintenant, comment obtenir l’approbation de Sa Majesté l’empereur ?
C’est ainsi que commença le voyage des jumeaux vers le trône.