THE TOO-PERFECT SAINT T2 - ÉPILOGUE
ÉPILOGUE
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Traduction : Calumi
Correction : Opale
Relecture : Raitei
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— Je crois que… c’est un peu trop voyant, finalement.
En observant mon reflet dans le miroir, je me mis à douter. Est-ce que ces vêtements m’allaient réellement ? D’ordinaire, je me contentais de n’importe quelle tenue, du moment qu’elle n’était pas franchement disgracieuse. Mais les habits que Lena avait préparés pour moi détonnaient largement avec ceux que je portais d’habitude.
— C’est bien Dame Mia ça ! Elle a réfléchi à ce qui vous irait le mieux et a tenu compte des dernières tendances pour la tenue parfaite !
Lors de sa visite à Parnacorta, Mia m’avait offert cette tenue en remerciement de l’accessoire à cheveux que je lui avais donné. Elle m’avait dit qu’il s’agissait d’une robe formelle, adaptée aux grandes occasions, mais…
Je n’aurais jamais choisi de telles couleurs en faisant mes propres emplettes. En l’essayant, j’avais eu l’intuition que quelque chose clochait.
Mia serait splendide dans une robe comme celle-ci. Mais moi… si je la portais, les gens se moqueraient de moi, j’en étais persuadée. Rien que d’y penser me mettait mal à l’aise.
Lena, elle, était au comble du bonheur.
— Son Altesse sera tellement captivée qu’il n’arrivera même plus à se concentrer sur le dîner !
— Lena, je vous en prie, ne dis pas des choses pareilles. Et si elle se mettait à rire en me voyant habillée étrangement ?
J’avais rendez-vous ce soir avec Son Altesse. Je lui avais promis un dîner à l’issue du sommet des saintes, mais avec le palais à moitié détruit, la promesse avait dû être reportée. Elle avait été bien trop occupée à diriger les efforts de reconstruction.
Un mois s’était écoulé depuis, et la situation s’était enfin un peu stabilisée. J’avais donc accepté son invitation. Mais malgré cela…
Que devais-je faire ? J’étais incroyablement nerveuse.
Ce n’était qu’un dîner, alors pourquoi mon cœur battait-il si vite ? Pourquoi étais-je autant préoccupée par mon apparence ?
— Le prince ne se moquera jamais de vous ! Il dira que ça vous va très bien. J’en suis sûre !
— Vous croyez ? Me complimentera-t-il vraiment ?
Lena hocha la tête avec assurance.
— Oui ! Tout va très bien se passer. Faites confiance aux goûts de Mia.
Puisque Lena le disait, je devais lui faire confiance. Tous ceux qui connaissaient Mia affirmaient qu’elle avait le sens de la mode. Il n’y avait donc aucune raison de s’inquiéter. Je devais me détendre. Mais…
— Je ne suis toujours pas à l’aise. J’ai l’impression que la porte est à des lieux d’ici.
Leonardo émit un petit rire.
— Dame Philia, vous êtes en pleine jeunesse. Détendez-vous et profitez du moment.
— Leonardo, ce n’est pas drôle.
Je m’approchai de la porte, mais mes pas devenaient lourds. J’avais envie de voir le prince Osvalt, et pourtant, mes sentiments se bousculaient de façon contradictoire. Que signifiait tout cela ?
Leonardo m’adressa un regard amusé.
— Pardonnez-moi, Dame Philia. Cela me rassure de vous voir arborer l’expression d’une femme de votre âge. C’est si rare chez vous. D’ordinaire, vous semblez toujours regarder loin vers l’avenir.
— Que voulez-vous dire, Leonardo ?
Je ne pensais pas donner l’impression de porter le poids des années sur mon visage.
— Il est tout à fait naturel d’être nerveuse avant un repas avec un gentilhomme. Tenez, lorsque j’étais jeune…
— Dame Philia, je vous informe que je n’ai repéré aucun rôdeur suspect sur le chemin menant au restaurant Vermilion. En cas de problème, soyez assurée que je saurai intervenir.
Himari venait d’apparaître comme par magie, couvrant malgré elle la voix de Leonardo. Ce n’était pas ce qui m’inquiétait, mais je lui étais sincèrement reconnaissante de sa sollicitude. Quoi qu’il en soit, il était temps de partir. Aussi étrange que cela puisse paraître, il me fallut rassembler tout mon courage pour me rendre au Vermilion, où Son Altesse m’attendait.
— Votre Altesse, je suis désolée de vous avoir fait attendre. Il me semblait pourtant être arrivée à l’heure…
J’avais prévu d’arriver un peu plus tôt que l’heure convenue, mais Son Altesse m’avait devancée.
Aurais-je mal lu l’heure ? Non, j’avais relu son invitation plusieurs fois. Je ne pouvais pas m’être trompée.
— Non, je suis juste arrivé trop tôt. Ne vous en faites pas. Oh ! Il y a quelque chose de nouveau chez vous, ce soir.
— Je le savais… Je dois avoir l’air ridicule, n’est-ce pas ?
Alors que je me rassurais à l’idée de n’être pas en retard, la panique me saisit en imaginant que le prince Osvalt trouvait ma tenue déplacée.
Lena, vous avez eu tort. Il trouve ça étrange.
Cette robe irait sûrement très bien à Mia, mais sur moi…
Son Altesse se mit à rire.
— Ridicule ? Pas du tout, vous êtes superbe ! Je veux dire, vous êtes toujours jolie, mais… Pardon. Je n’arrive pas à détacher mon regard de vous.
— Hein ? Qu-que… que voulez-vous dire par là ?
— Ce que je veux dire, c’est que vous êtes magnifique. Je suis certain que ce dîner sera un moment agréable. Et vous portez même la broche que je vous ai offerte. J’en suis vraiment heureux.
Lena avait choisi une tenue qui s’accordait avec la broche que m’avait donnée le prince Osvalt. Son Altesse semblait ravie, et ses compliments m’allèrent droit au cœur, même si je pensais qu’il exagérait. J’en fus réchauffée jusqu’au bout des doigts.
Étais-je malade ? Je n’avais jamais été souffrante, alors je n’aurais su le dire.
— Ce restaurant appartient à un aristocrate d’Ashbrugge qui a étendu ses affaires sur tout le continent. Il a ouvert cette année à Parnacorta, mais il est réputé pour sa cuisine mêlant traditions girtoniennes et parnacortiennes.
— Le groupe Vermilion, n’est-ce pas ? Même sans parler de leur statut social, ce sont des marchands d’exception. Il paraît que la famille en est à sa cinquième génération.
Nous dégustâmes un dîner en plusieurs services en échangeant des banalités. Ce n’était qu’après mon arrivée dans ce royaume que j’avais appris à apprécier les conversations sans importance. En repensant à celle que j’étais, je compris que je m’efforçais à tort de ne jamais perdre une seule seconde. Voilà un des aspects de moi qui avait changé.
Avec le recul, j’avais sans doute perdu davantage de temps en voulant en gagner. Le prince Osvalt m’avait assuré que c’était naturel de regretter certaines choses après coup.
— Heu… si cela ne vous dérange pas, accepteriez-vous ceci ? Je l’ai confectionné pour vous remercier de la broche… et de tout ce que vous avez fait pour moi.
Je tendis à Son Altesse une petite boîte emballée. Malgré tout ce qu’avait exigé la défaite d’Asmodeus, j’étais enfin parvenue à achever le cadeau que je voulais lui offrir. J’espérais qu’il lui plairait.
— Un cadeau de remerciement ? Vous m’avez déjà fait forger une splendide lance, vous n’auriez pas dû vous donner cette peine… Enfin, puis-je l’ouvrir ?
— Bien sûr, je vous en prie.
— Oh ! Une montre à gousset ? La gravure est si délicate… Elle est superbe ! C’est vous qui l’avez faite ?
Le regard du prince Osvalt s’illumina tandis qu’il contemplait la montre à gousset. C’était une montre dorée inspirée du soleil. Pour une raison que j’ignorais, c’était toujours cette image qui me venait à l’esprit lorsque je pensais à Son Altesse.
Je l’avais ornée de quartz citrine en pensant à sa magnifique chevelure dorée. J’avais choisi une montre, car, pour moi, le temps passé en sa compagnie était un trésor inestimable. C’était cela, plus encore que la broche, que je voulais vraiment remercier.
— Dame Philia ! Merci du fond du cœur ! Je la chérirai toujours !
Voir le sourire du prince Osvalt à cet instant me fit penser que, peut-être, j’avais fabriqué cette montre à gousset simplement pour le voir sourire. Même si cela faisait toujours palpiter mon cœur, je voulais voir Son Altesse sourire, ou même rire.
Ayant réussi à lui remettre mon cadeau, je repris la conversation.
— Au fait, dit Son Altesse, — Comme Mammon l’a rapporté, Messire Julius et les Adenauer ont été de nouveau jetés dans les geôles de Girtonia. Ce n’est pas que je doutais de ses paroles, mais je tenais à vous le confirmer.
J’avais effectivement entendu Mammon dire que Julius et mes parents étaient de retour dans les cachots mais… Son Altesse s’était-elle déplacée pour vérifier elle-même ? Julius avait déjà été condamné à mort. Il ne lui restait sans doute plus beaucoup de temps.
— Dame Philia, j’aimerais vous poser une question.
— Vraiment ? Je vous en prie, allez-y.
Alors qu’un serveur retirait les assiettes du plat principal, le ton du prince Osvalt se fit grave. Son visage aussi était plus sérieux qu’à l’accoutumée, mais également hésitant.
Que se passait-il ? Était-ce donc une question si difficile à poser ?
— Là-bas, dans les Limbes, vous avez dit que vous ne détestiez pas Messire Julius. Est-ce vrai ? Vous ne ressentez vraiment aucune rancune d’avoir fini dans ce royaume ?
Je me souvenais de ce que j’avais répondu à Julius après avoir vaincu Asmodeus. Mais pourquoi Son Altesse ramenait-elle cela maintenant ? D’ailleurs, l’évêque Bjorn m’avait dit que Son Altesse avait été opposée à mon transfert à Parnacorta jusqu’à la toute fin.
Ses yeux couleur ambre semblaient légèrement humides. Je devais lui répondre avec sincérité.
— Non, je ne le déteste pas. Bien sûr, j’ai été bouleversée lorsqu’il m’a annoncé la nouvelle. Mais aujourd’hui, j’apprécie sincèrement Parnacorta, alors il n’y a vraiment aucune raison pour que vous vous sentiez coupable. Au contraire, j’espère que vous cesserez de vous en faire.
Le jour où Julius avait rompu nos fiançailles et annoncé qu’il me vendait à un royaume voisin, mon cœur s’était effondré. J’avais eu l’impression que tous mes efforts jusque-là avaient été réduits à néant. Mais en arrivant à Parnacorta, j’avais rencontré des personnes devenues chères à mon cœur.
C’était un bouleversement immense pour moi. Et désormais, je voulais sincèrement me dévouer à mon rôle de Sainte de Parnacorta.
— Je vois. Merci. Je suis vraiment heureux que vous soyez venue dans notre royaume. Allez, je me lance !
Son Altesse vida d’une traite son verre de vin.
— Heu… Prince Osvalt ?
On aurait dit qu’il s’était décidé à faire quelque chose… mais pourquoi boire son verre aussi vite ?
Reposant son verre vide sur la table, Son Altesse prit une inspiration.
— J’ai lu quelque part que boire du vin cul sec était mauvais pour la santé.
— Vraiment ? répondit-il en riant, m’adressant un sourire un peu confus. — Il faudra que je fasse attention, alors. Ce serait gênant de demander de l’aide dans cet état.
Peut-être ne m’étais-je pas bien exprimée. Son Altesse se versa de nouveau du vin, déclarant qu’il allait en avoir besoin.
— J’ai quelque chose d’important à vous dire, dit-il d’une voix basse et calme… mais empreinte de force.
Je plongeai mon regard dans celui de Son Altesse. D’instinct, je sentis que c’était la chose à faire.
— Dame Philia, vous êtes la personne la plus précieuse à mes yeux. Vous comptez pour moi bien plus que quiconque… Je vous aime pour ce que vous êtes. Philia Adenauer, je vous en prie, épousez-moi.
Je me demandai quelle tête je faisais à ce moment-là. Mon esprit refusait de comprendre ce que je venais d’entendre. Ma température monta en flèche, ajoutant à ma confusion. Quand je revins à moi, je sentis de l’humidité sur mes joues. Le temps continuait de s’écouler tandis que je restais figée, muette. Mais je devais dire quelque chose, d’une manière ou d’une autre…
— Oh… Heu… Dame Philia ?! s’écria le prince Osvalt, désemparé. — Je suis désolé ! Vraiment désolé ! Je ne voulais pas vous faire pleurer… C’est ma faute, j’aurais dû vous préparer. Je ne suis pas aussi doué que mon frère pour ce genre de choses. Oubliez ce que je viens de dire !
Je pleurais, n’est-ce pas ? Cela ne faisait aucun doute. Les larmes coulaient le long de mes joues. Pourquoi ? La réponse me semblait pourtant évidente.
— Non, prince Osvalt. Je crois que ce sont des larmes de joie. J’ai lu quelque part qu’un bonheur intense pouvait stimuler les glandes lacrymales, ce qui expliquait pourquoi certaines personnes pleuraient de bonheur.
J’étais si heureuse de sa demande que je ne pouvais plus me contenir. Voilà pourquoi je pleurais. C’était une première pour moi, mais j’étais certaine que ces larmes-là étaient des larmes de bonheur.
— Je n’ai jamais vu quelqu’un expliquer ses larmes avec autant de calme, répondit-il — Mais cela vous ressemble bien. C’est ce que j’aime chez vous, Dame Philia.
— V-vous aimez mes manières étranges ?
— Je pense que c’est cela, tomber amoureux. Alors, Dame Philia, laissez-moi vous le redire une fois encore : Voulez-vous m’épouser ? Je souhaite que nous partagions notre vie, notre avenir, côte à côte !
Sur ces mots, le prince Osvalt posa un genou à terre. En voyant son visage au moment de sa demande, je compris à quoi ressemblait le mien, même sans miroir. Je souriais. Je n’avais jamais été aussi heureuse de toute ma vie.
— Je ne suis pas très douée pour certaines choses, dis-je. — J’espère que cela ne vous dérange pas.
J’avais l’impression que le monde autour de moi s’était transformé. Tout semblait plus éclatant.
Bien sûr, Mia m’était chère. Mais jusqu’à mon arrivée dans ce royaume, je n’avais jamais connu cette sensation d’avoir le cœur qui bat si fort qu’on en perd la tête pour une personne. Je n’avais jamais eu ce désir de voir quelqu’un sourire. Et à présent, je réalisais que c’était en apprenant à connaître Son Altesse que j’avais commencé à le ressentir.
Lorsque j’étais arrivée à Parnacorta, le prince Osvalt m’avait dit espérer que j’apprendrais à aimer ce royaume. Depuis, il était resté à mes côtés, quoi qu’il arrive, apportant une lumière à mon cœur, tel un soleil.
Prince Osvalt… Votre Altesse… vous m’avez offert ce que je désirais plus que tout.
C’est avec une joie immense que je marcherai vers l’avenir à vos côtés.