COTEY3 T1 - CHAPITRE 2

Confirmation

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Traduction : Raitei
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(Horikita)

Les cours officiels ne commençaient que le lendemain alors la première journée de l’année scolaire se termina vers 11h30. Ou plutôt… elle s’était achevée avant même que je ne le réalise. La nouvelle choquante du transfert d’Ayanokôji, je ne pouvais pas y croire…

Non, je refusais d’y croire. Il n’y avait aucun moyen que ce soit vrai. Absolument aucun. Je ne cessais de me répéter ces mots, comme un mantra.

Mais…

Peu importe combien je voulais croire le contraire, ce n’était ni un malentendu ni un mauvais rêve. C’était la réalité, en train de se dérouler sous mes yeux. Je voulais le voir et en même temps non. Pour être honnête, une partie de moi avait peur de lui faire face. Non. J’étais même plus que terrifiée. Alors que je luttais contre mes émotions, je baissai les yeux vers mes mains.

Elles tremblaient.

Le simple fait d’y penser faisait trembler tout mon corps. Mon esprit cherchait désespérément à rejeter cette idée. Mais… malgré tout… je devais découvrir la vérité par moi-même, de la bouche d’Ayanokôji.

Je ne pouvais pas juste abandonner. Il ne nous avait pas encore expliqué ses raisons. Je ne pouvais pas juger sans avoir entendu directement ses mots. Peut-être portait-il un fardeau qu’il ne pouvait pas partager avec nous. Je devais en avoir le cœur net. Animée par cette seule pensée, je me levai.

— …Horikita.

Comme s’il m’attendait, Hirata s’était approché sans que je m’en rende compte. Sudou et quelques autres élèves me regardaient aussi.

Moi — Désolée, mais ça devra attendre. Je vais le voir maintenant.

Je n’avais ni l’énergie mentale ni la patience pour engager des conversations inutiles. Sans même prendre mon sac, je sortis dans le couloir, mon téléphone à la main. Un bon moment s’était écoulé depuis la sonnerie de fin de journée.

Les couloirs étaient déjà remplis d’élèves qui rentraient chez eux. Mais dès que je mis un pied dehors, je ressentis quelque chose d’étrange dans l’atmosphère. Je ne savais pas si les enseignants avaient fait une annonce ou non, mais une chose était certaine, tous les élèves de notre promotion étaient déjà au courant du transfert d’Ayanokôji.

Les regards curieux braqués sur moi ne laissaient aucun doute. Bien sûr, ces regards étaient chargés de toutes sortes de suppositions. Certains pensaient peut-être qu’il avait été envoyé comme espion dans une autre classe. D’autres croyaient sans doute qu’on l’avait poussé dehors. Ou qu’il nous avait trahis.

Des rumeurs sans fondement devaient déjà se répandre comme une traînée de poudre. Mais pour l’instant, rien de tout cela n’avait d’importance. Je ne comprenais même pas la situation de ma propre classe, alors celle d’Ayanokôji…

Sans hésiter, j’ouvris brusquement la porte de ce qui avait été autrefois la salle de classe de Sakayanagi. Ayanokôji n’était pas là comme je l’espérais. En balayant la salle du regard, je me surpris à compter inconsciemment les pupitres. Mais même si Sakayanagi avait quitté l’école, le nombre de place n’avait pas changé. En tout cas, seuls quelques élèves étaient encore présents, et Ayanokôji n’en faisait pas partie, ce qui était déjà une bonne chose.

Moi — Shijo.

Je m’adressai à l’élève le plus proche.

Shijo — Tu veux quelque chose de moi ?

Moi — Tu sais déjà pourquoi je suis là. Où est Ayanokôji ?

Shijo — Il est parti il y a quelques minutes. Si je devais deviner, je dirais qu’il est probablement en route vers le Keyaki

Moi — Je vois. Merci.

Cela signifiait qu’il n’y avait plus de raison pour moi de rester ici plus longtemps. Alors que je retournais dans le couloir, je remarquai aussitôt certains élèves qui me lançaient des sourires moqueurs.

C’était exaspérant.

Notre classe était effectivement en plein chaos, mais leurs réactions ne faisaient qu’empirer les choses. J’accélérai le pas, sortant mon téléphone pour appeler Ayanokôji. La tonalité se fit entendre… mais il ne répondit pas. Ne remarquait-il pas l’appel ? Ou choisissait-il de l’ignorer ?

Horikita.

Alors que je m’approchais de la sortie du bâtiment, Matsushita m’interpela.

Moi — Désolée, je suis pressée.

Matsushita — Je sais. Tu vas voir Ayanokôji, non ? Laisse-moi venir.

Elle se mit à marcher à mes côtés, adoptant mon rythme.

Moi — Pourquoi veux-tu être là au juste ?

Matsushita — …Parce que je veux savoir pourquoi il a changé de classe. Je veux avoir confirmation. Tu n’as aucune idée ?

Moi — Malheureusement, non. Le transfert dans la classe de Ryuuen aurait pu faire sens stratégiquement parlant, mais la classe C, je n’en vois aucunement l’intérêt. Maintenant que Sakayanagi est partie, il n’y a plus aucune raison pour lui de rejoindre cette classe.

Matsushita — …C’est bien ce que je pensais. Ce qui veut dire qu’Ayanokôji a pris cette décision seul, sans en parler à personne.

Moi — Je ne sais pas. Peut-être que quelqu’un le lui a demandé… ou qu’on l’y a forcé…

Et si lui avait reçu une somme importante en échange ? L’idée me traversa l’esprit l’espace d’un instant… mais mon cerveau la rejeta immédiatement. Ayanokôji n’était pas le genre de personne à se laisser acheter. Et quelqu’un comme lui ne se laisserait pas transférer à cause d’une simple menace.

La réalité que je ne voulais pas admettre, c’était que ce transfert, il l’avait décidé de son propre chef. Le pire scénario possible.

Moi — Je ne veux pas tirer de conclusions hâtives. Je dois l’entendre de sa bouche. Alors tu devrais attendre.

Matsushita — J’aimerais, mais je veux entendre son explication de vive voix. Je veux savoir s’il y avait une décision rationnelle derrière !

Elle avait raison. J’avais aussi besoin d’une explication que je puisse accepter. Ayanokôji parlait rarement de lui. À cause de ça, beaucoup de gens le prenaient pour un incompétent ou un type louche. Mais en réalité, il avait toujours fait l’effort d’aider la classe, même si ça le dérangeait. Il devait donc y avoir une raison. Quelque chose l’avait poussé à agir ainsi. Peut-être avait-il senti un danger caché dans l’ancienne classe de Sakayanagi.

Ou peut-être… était-il soumis à une pression immense. Peut-être n’avait-il pas eu le choix, et devait-il avancer seul. Comme un héros dans un film. Bien sûr, ce n’était que de la projection. Mais ce n’était pas ça le plus important. Je voulais juste qu’il me parle. Peu importe la raison de sa décision. Quitter la classe sans dire un mot, c’était quelque chose que je ne pouvais pas accepter.

Ayanokôji… pourquoi ?

Suis-je vraiment si peu fiable à ses yeux ?

C’est ridicule.

Oui, c’est ridicule. Je ne pus m’empêcher de sourire ironiquement à cette pensée. Pour lui, je restais encore une enfant. Je n’étais pas quelqu’un sur qui il pouvait compter.

Matsushita — Horikita, ça va ?

Moi — Je… ça va.

Matsushita me regardait avec inquiétude, comme si elle avait entendu mes pensées.

Matsushita — C’est plutôt pour Ayanokôji qu’on devrait s’inquiéter.

Son transfert avait déjà été acté. Mais il restait peut-être une chance. Une chance que ce ne soit pas ce qu’il voulait vraiment. Et si c’était le cas, on devait l’aider.

Pas seulement moi.

Toute la classe devait s’unir et utiliser ses points privés pour le faire revenir s’il le fallait.

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Je me rendis au Keyaki, en me basant sur les dires de Shijo-kun. Suivant les indications données par quelques élèves croisés en chemin, j’arrivai finalement au café. Si les informations étaient exactes, Ayanokôji-kun devait s’y trouver.

Quelle expression affichait-il en ce moment ? À quoi pouvait-il bien penser ? Réprimant mon impatience, je finis par atteindre l’endroit. Tout au fond du café, je le repérai, accompagné de Hashimoto-kun et Morishita-san de sa classe et d’Ichinose-san de la classe D.

Matsushita — Il est là…

Moi — Oui…

Il semblait aussi calme que d’habitude, discutant comme si de rien n’était.

Matsushita — On dirait qu’il ne ressent rien malgré le transfert.

Cela ne faisait même pas une heure. Et pourtant, il se comportait comme si c’était déjà de l’histoire ancienne.

Moi — D’abord, on doit lui parler. Tout le reste viendra ensuite.

Ce n’était pas le moment de tirer des conclusions hâtives. Je me forçai à avancer, malgré la lourdeur dans mes pas. Alors que je m’approchais suffisamment pour appeler Ayanokôji-kun, Hashimoto-kun, qui m’avait déjà remarquée, se leva rapidement.

Hashimoto — Yo, Horikita. On est en pleine réunion là. Tu veux quoi ?

Je savais parfaitement qu’ils me traiteraient comme une indésirable. Mais pour l’instant, la seule personne à qui je voulais parler était non loin.

Moi — J’aimerais parler à Ayanokôji-kun.

Hashimoto — Si tu veux parler à notre leader, il faut passer par moi.

Moi — Leader ? C’est plutôt soudain, non ?

Hashimoto — Ça fait un bail que c’était prévu, pas vrai Ayanokôji ?

Il esquissa un sourire moqueur, cherchant l’approbation d’Ayanokôji-kun. J’aurais voulu qu’il démente immédiatement une affirmation aussi absurde. Mais je n’osais pas croiser son regard, pas certaine de pouvoir encaisser.

Ayanokôji — En effet. Avec Sakayanagi, cela aurait été une autre histoire.

Je ne voulais pas entendre ça. Mais j’ignorai cette remarque et poursuivis.

Moi — Pourquoi ? Pourquoi avoir changé de classe ?

Hashimoto — Tu vas un peu vite là, non ?

Moi — Désolée, mais j’ai besoin que tu te taises un instant. En tant que leader de ma classe, je dois comprendre ce qu’il se passe.

Hashimoto — Je vois. Donc tu parles en tant que tel. C’est naturel de vouloir des explications quand un camarade part soudainement. Mais ça veut aussi dire que je ne peux pas te laisser obtenir les réponses que tu désires. Après tout, cette confusion est à notre avantage.

Hashimoto afficha un nouveau sourire narquois. Il avait raison. Du point de vue de la classe C, me bloquer était la meilleure stratégie.

Hashimoto — Pas la peine de me lancer ce regard. Mais au fait, qu’est-ce que Matsushita fait ici à un moment aussi important ?

Son regard se posa sur elle, méfiant. Il était toujours aussi perspicace. Comme prévu, il avait vite perçu le détail qui pouvait poser problème. Et au lieu d’ignorer, il préféra attiser les tensions. Comment devais-je réagir ? Juste au moment où je réfléchissais à une réponse, Matsushita-san fit un pas en avant.

Matsushita — Je ne suis qu’une observatrice. Je suis là pour récolter des informations et les transmettre ensuite, rien de plus. Contrairement à Horikita-san, le transfert d’Ayanokôji-kun ne me perturbe en rien.

Elle avait volontairement pris le rôle du « méchant », pour m’alléger la tâche. Je lui adressai un léger hochement de tête, silencieux, en guise de remerciement.

Hashimoto — Je vois. J’imagine que ce transfert paraît étrange vu qu’il n’y a aucune raison pour qu’un type comme Ayanokôji descende dans une classe inférieure. La vraie question, c’est : pourquoi la classe C accepterait-elle un élève comme lui ?

C’était là toute la clé. Seuls quelques-uns, comme Sudou-kun et moi, comprenaient vraiment les capacités d’Ayanokôji Kiyotaka. Même Matsushita-san ne devait pas savoir grand-chose à son sujet. Ayanokôji-kun jeta un regard vers moi, avant de fixer Hashimoto-kun, en train de se rasseoir.

Ayanokôji — Son rôle d’observatrice, ce n’est qu’un écran de fumée.

Hashimoto — Ah oui ? Pourtant, Horikita y croit dur comme fer.

Ayanokôji — C’est une question de point de vue. Pour Horikita, Matsushita n’est qu’une camarade ordinaire. Mais en réalité, elle est bien plus perspicace qu’elle ne le laisse paraître. Elle évalue mes capacités depuis longtemps, peut-être même plus que Horikita elle-même.

Je me tournai vers Matsushita-san. Elle essayait de garder un air neutre, mais je vis de l’incertitude dans ses yeux. Avait-elle compris le véritable potentiel d’Ayanokôji-kun avant moi ? C’est ce que ses mots laissaient entendre.

Ayanokôji — Elle a sans doute pensé qu’elle ne pouvait pas laisser Horikita gérer seule. Alors elle est venue analyser ma situation d’elle-même. Si on se contente d’observer son OAA et son quotidien, elle passerait pour une banale élève studieuse. Mais en réalité, c’est l’un des esprits les plus aiguisés de la classe de Horikita. Elle ne montre jamais son vrai potentiel, elle agit toujours dans l’ombre. En fait, elle doit même faire preuve de plus de sang-froid que Horikita en cet instant.

Matsushita — Eh bien, Ayanokôji-kun… Tu me surestimes, non ?

Elle tenta de désamorcer la tension avec un petit sourire, mais il continua.

Ayanokôji — Ce n’est que la vérité. Tu m’as déjà aidé par le passé, dans l’ombre, quand j’en avais besoin. Même pour l’expulsion de Maezono, tu as joué un rôle. Je ne fais que te donner le crédit que tu mérites.

Les paroles d’Ayanokôji-kun firent visiblement vaciller Matsushita-san. Il venait d’exposer une connexion qu’ils avaient jusqu’ici gardée secrète. Essayait-il de dire qu’elle n’était plus son alliée ? Ou bien, peut-être que pour lui, cela n’avait tout simplement plus aucune importance. Ichinose-san, qui avait observé la scène avec intérêt, posa son menton sur sa main en souriant.

Ichinose — Je ne savais pas que tu étais aussi fiable, Matsushita-san. On dirait que je vais devoir te surveiller de plus près, à partir de maintenant.

J’avais l’impression que le sol se dérobait sous mes pieds. Comme si je perdais l’équilibre. Ce n’était pas simplement gênant. Toute cette situation était devenue hostile.

Moi — Ayanokôji-kun… quelle est la véritable raison de ce transfert ?

Ayanokôji — Il n’y a pas besoin de chercher une raison. Le fait que je sois passé de la classe A à la classe C est tout ce qui compte.

Il détourna le regard, mettant un terme à la conversation. Je serrai les poings.

Moi — Tu ne vas même pas t’expliquer ? On te verra comme un traître.

Matsushita — La plupart le considèrent déjà comme tel.

Il se moquait bien de l’image qu’il renvoyait aux autres. Ce n’était ni une question de volonté, ni de détermination. Il ne raisonnait tout simplement pas comme nous.

Moi — Je vois.

Il n’y avait plus aucune raison de rester.

Rien de ce que je dirais ne changerait son avis.

Et au fond… je l’avais toujours su.

Si j’avais vraiment voulu éviter ça, j’aurais pu attendre qu’on soit seuls au dortoir. Mais j’étais venue quand même, incapable de me retenir.

Moi — On y va, Matsushita-san. C’est clair maintenant, il est notre ennemi. Il n’y a plus de raison d’avoir de scrupules.

Je lui tournai le dos et partis.

Mais je n’étais plus sûre de ce que je ressentais.

Un mal de tête diffus…

Une sensation de vertige…

Quelque chose d’indescriptible s’accrochait à moi, alors que je m’éloignais.

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