SotDH T2 - Chapitre 2 : Partie 3
Le Dévoreur (3)
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Traduction : Calumi
Correction : Raitei
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—Rien de mon côté.
La nuit, au printemps. Jinya leva les yeux vers le ciel obscur et aperçut une pleine lune qui commençait à décliner. Il y avait un certain charme dans cette lueur voilée par les nuages et la brume, mais ce n’était pas le moment de s’y attarder. La voix de Mosuke trahissait une pointe de découragement.
Ils s’étaient donné rendez-vous sur le pont Aramebashi pour échanger des informations, mais, une fois de plus, il n’y avait rien à dire. Ils fouillaient Edo nuit après nuit sans jamais réussir à mettre la main sur le tueur.
—Et toi, tu as quelque chose ? demanda Mosuke.
—Rien.
—Je vois. Hmm. Peut-être qu’il faudrait qu’on revoie un peu notre méthode.
Il n’y avait pas eu de nouvelles victimes ces derniers jours, et l’atmosphère était relativement paisible. Mais le tueur ne pouvait pas continuer à rester en liberté. Leurs recherches à l’aveugle ne menaient à rien, mais ils n’avaient pas de meilleure idée. Finalement, ils décidèrent de poursuivre leurs rondes à pied et de poser quelques questions aux passants, même en sachant que ça ne mènerait sans doute nulle part.
—Oh ? lança Mosuke, surpris, après quelques pas.
—Qu’est-ce qu’il y a ?
—Regarde.
Il désigna une rangée de saules en bonne forme bordant la rivière Kanda, soigneusement creusée. Sous l’un de ces arbres se tenait une fille… plus précisément…
—Ofuu ? dit Jinya.
Elle portait un kimono rose pâle et se tenait droite, avec une posture singulière. Elle effleurait non sans une certaine tendresse une branche de saule de la main. Sous la clarté lunaire, cette scène semblait presque irréelle, en total contraste avec la fille joyeuse mais maladroite qu’il connaissait.
—Tu la connais ? demanda Mosuke.
—Juste une employée d’un petit resto de soba où je vais souvent, répondit Jinya simplement.
—Vraiment ? Ce n’est pas très prudent de traîner seule à cette heure-là.
Mosuke fronça les sourcils. Il n’y avait pas eu de nouvelles attaques ces derniers jours, mais le danger était toujours latent. Jinya aurait du mal à fermer l’œil s’il lui arrivait quelque chose à cause de son inaction.
—Désolé, ça te dérange si on… ?
—Pas du tout, répondit Mosuke avec un sourire compréhensif.
Jinya se dit qu’il pourrait au moins lui proposer de rentrer, voire l’accompagner si elle acceptait. C’était bien le minimum qu’il pouvait faire pour le gentil propriétaire du restaurant de soba.
—Tiens donc, Jinya-kun ?
Une brise nocturne fit frémir les branches des saules. Le regard d’Ofuu suivit le vent, et elle croisa celui de Jinya alors qu’il s’engageait sur le pont. Il se figea en l’apercevant ainsi, baignée dans la lumière lunaire, sous les saules. Son sourire était d’une douceur fragile, prêt à disparaître à tout instant. La différence entre la fille qu’il avait en face de lui et celle qu’il connaissait au Kihee le laissa un instant sans voix.
—Belle nuit, n’est-ce pas ? dit-elle d’une voix douce et lente, parfaitement accordée à cette nuit de pleine lune. Sa grâce laissait une forte impression à Jinya. Cette fragilité dont elle faisait preuve incarnait peut-être la vraie Ofuu, pas la jeune femme vive et forte qu’il avait l’habitude de voir.
—Tu te balades seule ? demanda-t-elle.
Drôle de question, songea Jinya. Il tourna la tête et réalisa que Mosuke avait disparu. Il balaya les environs du regard, mais il n’y avait plus que lui et Ofuu. Puis il entendit une voix chuchotée à son oreille :
—Désolé, mais je vais me faire discret.
La voix était faible, mais Jinya y décela une pointe de malice. Il soupira, exaspéré, tout en esquissant un sourire résigné. Il avait compris. Mosuke s’était éclipsé exprès.
—Raccompagne-la chez elle. Tu ne voudrais pas qu’elle se fasse attaquer par le tueur, non ?
Mosuke prenait visiblement un malin plaisir, convaincu à tort qu’il se passait quelque chose entre Jinya et Ofuu. Jinya avait envie de remettre les choses au clair, mais parler dans le vide n’aurait fait que passer pour un fou aux yeux d’Ofuu. Alors il resta figé. Il n’avait plus qu’à espérer que Mosuke n’était pas du genre fouineur et qu’il était déjà parti. Imaginer qu’il utiliserait son pouvoir pour une raison aussi banale…
—Quelque chose ne va pas ? demanda Ofuu.
—…Non, pas vraiment. Je pensais juste à quelque chose. Mais plutôt, qu’est-ce que tu fais dehors à une heure pareille ? demanda-t-il d’un ton un peu plus ferme.
Elle ne sembla pas prêter attention à sa voix tendue et répondit avec calme :
—J’admirais les fleurs de cerisier.
Son regard se posa sur un saule, et elle tendit gracieusement la main pour toucher une branche tombante, avec la même tendresse qu’une mère caressant son enfant. La branche se balança légèrement, et le bruissement des feuilles apporta une sensation de calme.
—Ce n’est pas un saule, ça ? demanda Jinya.
—Regarde mieux.
Elle désigna une fleur blanche sur l’arbre. De loin, c’était difficile à voir, mais les branches qui pendaient étaient couvertes de petites fleurs blanches à cinq pétales.
—On appelle ça un saule des neiges parce que ses branches tombent comme celles d’un saule sous le poids des fleurs. Mais c’est en réalité un type de cerisier.
Jinya s’approcha de l’arbre et observa les fleurs, qui ressemblaient à des flocons de neige empilés les uns sur les autres. Un cerisier qui rappelait à la fois l’hiver et les saules : une fleur de printemps avec le charme discret de l’hiver. Étrange, mais élégant.
—Un saule des neiges, hein… ? murmura-t-il en répétant le nom, pensif.
Une nouvelle brise nocturne souffla, et les branches du saule des neiges frémirent. C’était bien un cerisier, mais, peu importe combien de temps il le fixait, il continuait à ressembler à un saule. La plupart des gens auraient probablement été d’accord.
—On ne dirait pas du tout un cerisier, hein… murmura-t-il.
Il se demanda si le saule des neiges regrettait sa propre apparence. D’ordinaire, il ne s’abandonnait pas à ce genre de pensées futiles, mais l’idée lui traversa l’esprit malgré tout. Un cerisier qui ne ressemblait pas à ses semblables, mais qu’on ne pouvait pas non plus appeler un véritable saule… Que penserait un tel arbre de lui-même ? Impossible de le savoir, bien sûr, mais la beauté raffinée du saule des neiges dégageait une légère tristesse.
—Un cerisier qui imite un saule, sans être un saule, et qui, de ce fait, n’est ni vraiment l’un ni vraiment l’autre… C’est triste.
Ces mots lui échappèrent sans qu’il y pense. Il éprouva un petit pincement au cœur, pris de compassion pour l’arbre. Un arbre qui ressemblait à un saule sans en être un. Un homme qui avait l’apparence d’un humain, mais ne l’était pas. Les fleurs qui s’épanouissaient sur la branche semblaient si pures, si innocentes. Leur blancheur immaculée, empreint de silence semblait faire ressortir la noirceur de son propre cœur.
Il contempla les fleurs un long moment, l’esprit ailleurs. Il savait que cette sensibilité n’avait pas de sens, mais il n’arrivait pas à se défaire de sa mélancolie.
—Mais il est joli, non ? dit une voix douce comme de la soie.
Il sortit peu à peu de sa rêverie. En revenant à la réalité, il se rendit compte qu’Ofuu le regardait. Leurs regards se croisèrent, et elle lui adressa un sourire accompagné d’un hochement de tête.
—Il ne ressemble ni à un saule, ni à un cerisier, et pourtant, ses fleurs sont magnifiques. Elles se dispersent chaque année, mais refleurissent toujours au printemps. Je ne peux pas savoir ce que pense le saule des neiges, mais je doute qu’il se déteste. Sinon, il ne refleurirait pas, tu ne crois pas ?
Elle fixait le saule des neiges en parlant. Ses paroles élogieuses pour les fleurs de l’arbre, résonnèrent en lui et adoucirent un peu son chagrin.
—Il n’y a aucune raison de le plaindre. Que ce soit un cerisier ou un saule, il refleurira magnifiquement à chaque printemps.
Même s’il ne savait pas ce qu’il était, le saule des neiges continuait de fleurir, encore et encore, laissant ses pétales s’éparpiller au rythme des saisons. En sachant parfaitement que cette dispersion était inévitable, il laissait derrière lui la preuve de son existence par sa beauté.
—C’est donc ça… la façon d’exister du saule des neiges… ?
Si tel était le cas, alors il n’y avait vraiment aucune raison de le plaindre. En réalité, ce serait même une erreur de le faire. Le saule des neiges possédait une force que lui-même n’avait pas. Il n’était pas assez orgueilleux pour avoir pitié d’un être plus noble que lui.
Il hocha simplement la tête, comme pour dire qu’il avait compris. En voyant son humeur revenir, Ofuu se détendit et sourit.
—On dirait une jeune fille, dit-elle joyeusement.
C’est vrai qu’imaginer les sentiments d’un arbre, c’était bien le genre de chose qu’on associerait à une jeune fille. Jinya ne put rien rétorquer. Elle pouffa de rire. Il se sentit gêné, mais comme il n’y avait aucune moquerie dans son rire, il se contenta de sourire, un peu embarrassé.
—Je vais te raccompagner. Ton père doit être mort d’inquiétude, avec sa manie de surprotéger.
—Héhé, c’est fort probable.
Quand son rire s’évanouit, ils se mirent à marcher côte à côte. Le soleil s’était couché depuis longtemps. Les rues habituellement animées d’Edo et leurs échoppes étaient silencieuses. Une brise printanière soufflait, mais la nuit paraissait déjà plus douce qu’auparavant.
— Tu sais, tu devrais te détendre un peu, Jinya-kun, dit-elle après quelques minutes de marche.
Il tourna la tête vers elle. En cet instant, malgré son jeune âge, elle paraissait étrangement mature.
—Je donne l’impression d’être tendu ?
—Oui. On dirait que tu te forces parfois.
Ils n’étaient pas proches. Son père avait évoqué l’idée d’un mariage entre eux, mais leur relation se limitait à celle d’un client et d’une serveuse. Pourtant, Ofuu semblait voir à travers lui avec une justesse troublante. Peut-être était-elle simplement très perspicace. Peut-être était-il tout simplement transparent. Quoi qu’il en soit, il s’était cru capable de mieux dissimuler ses émotions, mais manifestement, non.
—C’est possible, dit-il.
Il ne prenait pas mal ses paroles. Venant d’elle, c’était quelque chose qu’il pouvait entendre.
—J’ai quelque chose à accomplir, et je vis uniquement pour ça. Alors si j’ai l’air de forcer les choses, c’est sans doute parce que je le fais vraiment.
À bien y réfléchir, obtenir de la puissance était devenu son seul moteur dans la vie. Chasser les démons n’était rien d’autre qu’un entraînement pour lui ; il ne le faisait pas pour protéger les autres. Et il ne considérait pas cela comme une erreur. Un jour, sa sœur d’autrefois plongerait l’humanité dans le chaos. Il était donc naturel qu’il en assume la responsabilité et qu’il l’arrête.
Il lui fallait de la force pour accomplir ce but, et il n’avait de place pour rien d’autre. Mais Ofuu avait raison. Il se forçait, poursuivant la puissance dans l’espoir qu’elle lui serve de repère pour sortir des ténèbres. Tout ce qu’il voulait, c’était devenir fort.
—Je ne sais pas ce que tu essaies d’accomplir, mais ce serait sûrement une bonne chose que tu prennes le temps de souffler, de temps en temps. C’est bien d’avoir un objectif, mais il n’y a pas que ça dans la vie.
—…Mais c’est tout ce qu’il me reste.
Il avait tout perdu : la femme qu’il aimait, sa famille, et même sa personne. Tout ce qu’il lui restait, c’était une lueur d’espoir liée à une décision dont on avait repoussé l’échéance… et cette haine persistante qui le rongeait de l’intérieur. Alors il devait devenir fort, assez fort pour corriger son erreur. C’était la seule chose qui le faisait tenir, et ce serait la seule qui le ferait avancer désormais.
—Désolé. Mais je ne crois pas que je puisse suivre ton conseil.
Il lui était reconnaissant pour ses paroles, mais il n’avait aucune intention de profiter de la vie. Il pourrait bien boire un bon saké et le trouver délicieux, mais sa haine finirait toujours par refaire surface. Un homme qui n’avait pas su protéger ce qui comptait n’avait aucun droit de chercher du réconfort dans la vie. Il continuerait probablement à vivre ainsi jusqu’à une fin misérable, incapable de changer quoi que ce soit.
—Je vois… dit-elle d’un ton neutre, sans expression.
Elle fit encore quelques pas avant de s’accroupir au bord de la rue. Jinya baissa les yeux et aperçut de petites fleurs à quatre pétales, réunies en grappes rondes.
—Tu sais comment s’appelle cette fleur ? demanda-t-elle soudainement, avec un doux sourire.
Jinya connaissait les noms de certaines fleurs comestibles ou médicinales, mais pas beaucoup d’autres. Il secoua la tête.
—C’est un daphné. Ses bourgeons apparaissent en automne, puis il attend la fin de l’hiver pour fleurir au printemps.
Il effleura les pétales du bout du doigt. En se penchant, il s’imprégna de son parfum étrange, mêlé d’amertume et de douceur, qui lui chatouilla le nez.
—Ça sent fort.
—Mais c’est agréable, non ? On appelle ça « l’odeur du printemps », parce que c’est la fleur qui annonce le début de la saison.
Elle se releva, puis désigna une petite fleur discrète poussant à l’ombre d’un bâtiment. Il la fixa, saisi d’une légère nostalgie.
—Celle-là, c’est un mouron. C’est mignon, tu ne trouves pas ?
Il n’avait jamais remarqué cette fleur au bord des routes, mais c’était bel et bien un mouron. Il ignorait qu’elle poussait même ici, à Edo.
—Je connais celle-là.
—Ah oui ?
—Oui. On peut faire bouillir ses tiges pour en faire un remède contre les maux d’estomac. J’en faisais souvent à Kadono… le village où j’ai grandi.
Ofuu sembla étonnée. Jinya mesurait six shaku, et malgré sa silhouette fine, il était manifestement bien bâti, même à travers son kimono. Il n’avait pas l’air du genre à avoir besoin de ce genre de remède régulièrement.
—Une amie d’enfance en buvait souvent, précisa-t-il. —Elle était un peu fragile et n’avait pas souvent droit aux sucreries, alors quand elle en avait, elle s’empiffrait et finissait toujours avec des maux de ventre.
—Quelle personne… vraiment fascinante.
— Elle l’était. Elle me tournait toujours autour, elle aussi.
Il ferma les yeux, se remémorant les souvenirs lointains de sa jeunesse, ces jours heureux où elle était encore Shirayuki, et lui, Jinta. Elle était pleine de curiosité, pleine de vie, et lui courait littéralement autour sans cesse. Suzune était là aussi. Toutes deux lui laissaient toujours du désordre à nettoyer.
Mais malgré tous les tracas qu’elles lui causaient, il pouvait sourire sans souci quand il était avec elles. Mais plus maintenant. Il n’arrivait plus à sourire comme avant.
—Pourtant, tu disais que tu n’avais plus rien, non ? dit doucement Ofuu, comme pour dissiper sa mélancolie —Tu aimes les soba, tu trouves les fleurs belles, et tu as des souvenirs qui te sont chers. En ce moment, tu es juste absorbé par ton objectif. Alors ne dis pas que c’est tout ce qu’il te reste.
Il ne trouva rien à répondre. Quelque chose lui soufflait de ne pas la contredire. Peut-être était-ce l’élégance qu’elle inspirait dans sa gestuelle. Durant un bref instant, il se surprit à se perdre dans son sourire.
—Te poser un peu et regarder ce qui t’entoure ne te ferait pas de mal, comme là, maintenant. Tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais les fleurs s’épanouissent tout autour de toi. Il suffirait de lever les yeux pour découvrir un monde que tu n’as jamais vu.
Bien sûr, les fleurs n’étaient qu’un prétexte pour le réconforter. Il appréciait sa bienveillance, mais il se détestait de savoir qu’il refuserait cette main tendue. La vie qu’elle décrivait, où l’on pouvait faire une pause et chercher un peu de bonheur, ne lui était plus accessible. De la même façon qu’il avait renoncé à Shirayuki pour accomplir son devoir, il continuerait à chercher la force nécessaire pour arrêter Suzune, quoi qu’on en dise.
—Maintenant que j’y pense, ça faisait longtemps que je n’avais pas pris le temps d’admirer les fleurs comme ça.
Même en tant que démon, il n’avait jamais complètement renoncé à son humanité. Il n’était pas encore assez insensible pour rejeter pareille chose. Toujours aussi peu accompli qu’autrefois. Cette pensée le fit sourire avec une pointe d’amertume, ce qui tira un petit sourire chaleureux d’Ofuu.
—Tu pourrais m’apprendre le nom de certaines de ces fleurs ?
—Avec plaisir.
Ils reprirent leur marche. Une pâle lune flottait dans le ciel printanier.
Ofuu chantonnait le nom de chaque fleur qu’elle croisait, tandis qu’ils déambulaient ensemble sous les lueurs du crépuscule. La haine rampante qui bouillonnait dans son cœur ne disparaîtrait pas, mais ce soir, il pouvait se permettre de marcher un peu plus lentement. En somme, la nuit était douce.
—Merci de m’avoir raccompagnée, dit Ofuu en s’inclinant profondément devant Jinya, juste en face de la devanture du restaurant de soba. Le trajet lui avait paru plus court que prévu.
—Il n’y a pas de quoi. J’y ai trouvé mon compte.
—Je pourrais t’en apprendre plus sur les fleurs un moment si ça te dit.
—Oui, pourquoi pas, répondit-il avec un petit sourire moqueur et bienveillant. Peut-être quand il fera encore jour, la prochaine fois.
Peut-être avait-il réussi à se détendre un peu. S’arrêter de temps en temps pour admirer le paysage n’était peut-être pas une si mauvaise idée, après tout. Elle fronça les sourcils.
—D’abord mon père, maintenant toi. Pourquoi tous les hommes autour de moi sont si surprotecteurs ? Si un tueur surgit, je peux fuir, tu sais.
—Ne dis pas ça. C’est normal qu’un parent s’inquiète, même s’il sait que tu peux très bien te débrouiller seule.
—Alors pourquoi toi, tu t’inquiètes autant ?
—Bonne question, répondit-il avec un sourire un peu hésitant. Mais il n’avait pas vraiment de réponse. Il n’en était pas sûr lui-même.
—Bon, je vais y aller.
—D’accord. Et encore merci de m’avoir raccompagnée, dit-elle avec un doux sourire.
—Ne t’en fais pas pour ça.
L’esprit plus léger, il se remit à la recherche du tueur. Son pas avait gagné en souplesse, presque un petit rebond, imperceptible mais bien réel.
—Quelle gentille fille, dit soudain une voix à ses côtés, le faisant s’immobiliser net.
Jinya se tourna et vit Mosuke, large sourire aux lèvres.
—Mosuke… Tu… Ne me dis pas que…
—Bon, on se sépare ? lança-t-il en marchant tranquillement devant, pendant que Jinya peinait à aligner deux mots.
Mosuke ne chercha même pas à nier, ce qui voulait dire qu’il avait tout entendu, du début à la fin, entre lui et Ofuu. Le temps que Jinya retrouve ses esprits pour protester, Mosuke avait déjà disparu. Jinya resta là, à fixer la rue, un peu contrarié.
Après avoir quitté Ofuu, Jinya reprit ses recherches, et arriva finalement au pont de Nihonbashi. Il avait fouillé les alentours en vain pendant un moment, et se retrouvait maintenant au milieu du pont, appuyé contre la rambarde.
Nihonbashi, le pont le plus animé de la journée, était presque désert à cette heure. Un homme rougeaud, sans doute sur le chemin du retour après avoir bu, était le seul autre passant. Tout était calme, au point qu’on entendait nettement le courant de la rivière en contrebas. La lune faisait danser ses reflets à la surface de l’eau, et une brise douce soufflait. Une nuit agréable, gâchée seulement par l’absence de résultats.
Une jeune fille en kimono rouge garance s’approcha, malgré l’heure avancée. Elle semblait avoir à peu près l’âge d’Ofuu. Ce n’était vraiment pas le moment pour une fille d’être dehors seule. Il la suivit du coin de l’œil alors qu’elle passait, mais elle croisa soudainement son regard.
—Oh…
Ses yeux s’écarquillèrent en rencontrant les siens. Qu’est-ce qui l’avait surprise à ce point ? se demanda-t-il. Il la fixa et fronça les sourcils. Il y avait quelque chose de familier chez elle. Elle avait de jolis traits, mais ce qui frappait surtout, c’était son regard entêté qu’il était certain d’avoir déjà vu quelque part. Il fouilla sa mémoire, tenta de se souvenir, lorsqu’un coup de vent violent souffla soudainement.
—Ah… agh ?
Un jet de sang jaillit soudain de l’homme au visage rougeaud, sans doute ivre mais qui s’effondra sur le sol. On aurait dit qu’il avait été éventré par une griffe. Sa mort fut instantanée, sans même lui laisser le temps de souffrir.
—Hein… ? Les yeux de la jeune fille s’écarquillèrent, incapable de comprendre ce qui venait de se passer. Un instant passa, puis un autre, avant qu’elle ne pousse enfin un cri :
—Aaaah !
Jinya posa la main sur son sabre alors que le cri de la fille résonnait. Son esprit se glaça, ses sens devinrent aiguisés.
Le vent revint en rafale, mais cette fois, il réagit à temps. Il avait perçu la malveillance oppressante de son assaillant avant même d’entendre quoi que ce soit. Il s’élança du pied gauche, se tournant vers la bourrasque avec toute la rapidité dont il était capable, et dégaina son sabre.
—Ngh… !
Mais l’ennemi fut plus rapide. Avant que Jinya n’ait pu tirer complètement sa lame, l’attaque le frappa. Heureusement, son sabre à moitié dégainé suffit à parer le coup. Il recula aussitôt, tira enfin complètement sa lame, prêt à contre-attaquer, mais l’ennemi était déjà hors de portée.
—Quoi ? Q-qu’est-ce qui se passe ?! C’était quoi, ça ?!
La fille semblait perdue, mais Jinya n’avait pas le luxe de lui répondre. Sans relâcher sa garde, il lança d’un ton glacial :
—Ne bougez pas trop. Si vous voulez rester en vie, en tout cas.
—D-d’accord…
Elle était encore troublée, mais elle s’était un peu calmée. Si elle s’agitait, ça ne ferait que lui compliquer la tâche.
Il mit un peu de distance entre lui et la jeune fille. Il ne pouvait pas se transformer en démon avec un humain comme témoin. Il leva donc son sabre à hauteur d’épaule, en prise à deux mains, prêt à encaisser la prochaine attaque.
Il entendit le vent se déchirer : quelque chose approchait à grande vitesse. Il pivota vers le bruit et abattit sa lame en diagonale, mais sa frappe manqua de peu. Il redirigea son sabre et se plaça en garde. L’assaillant s’élança de nouveau sur lui, et cette fois, il aperçut l’éclat de griffes. Il para, dévia le coup avec la garde de son sabre, recula d’un demi-pas, puis répliqua d’un coup ascendant. Mais il ne sentit que peu de résistance. Il avait bien touché sa cible, mais ne lui avait infligé qu’une simple éraflure.
Il avait anticipé, analysé, contre-attaqué… mais toutes ses frappes manquaient leur cible. Il fronça les sourcils. L’ennemi était d’une rapidité inhumaine. Trop rapide pour que ses yeux puissent le suivre. Il ne faisait aucun doute : c’était un démon. Ses mouvements suffisaient à le confirmer.
La créature atterrit à environ quatre ken[1] de distance. Jinya l’observa et serra les dents. Elle avait quatre membres comme un humain, mais se déplaçait à quatre pattes, telle une bête. Sa peau était sombre, et son corps semblait un mélange difforme entre un homme et un chien. Ses yeux rouges et troubles fixaient Jinya sans expression. Elle ne semblait pas vouloir enlever la fille. Toute sa malveillance était dirigée contre lui.
—Alors c’est bien toi, murmura Jinya.
On savait que le tueur éventrait les hommes de ses griffes tout en épargnant les femmes. Le comportement de ce démon ne faisait que confirmer ses soupçons. Il avait enfin trouvé sa cible.
—Quel est ton…—
Il voulut lui demander son nom, mais n’eut pas le temps de finir. Le démon avait déjà bondi sur lui.
Jinya abaissa sa lame vers sa tête, mais le démon esquiva tout en gardant sa vitesse. Il changea sa prise pour une garde inversée, fit un pas vers lui, puis fit un mouvement de balancier avec son corps dans le mouvement, poursuivant la créature avec sa lame. Il était sûr de l’avoir touché. Le démon ne devait pas pouvoir se repositionner en l’air.
Mais il déjoua ses attentes en s’élançant depuis le vide, comme s’il s’appuyait sur l’air lui-même, et fondit de nouveau sur eux. Le mouvement défiait toute logique, sa vitesse laissait à peine à Jinya le temps d’être surpris.
—Kyaa !
La cible, cette fois, c’était la fille.
Il l’avait piégé. Toutes ses attaques n’étaient qu’un leurre. Le tueur était connu pour tuer les hommes et enlever les femmes. C’était elle qu’il visait depuis le début.
Il était trop tard pour les regrets. Jinya ne pourrait pas l’arrêter à temps. Le démon tendit la main vers la jeune fille, mais ne trouva que le vide. Elle s’était décalée sur le côté, comme si quelqu’un l’avait poussée… alors qu’il n’y avait personne aux alentours.
—Mosuke… !
Jinya comprit immédiatement que Mosuke avait dû intervenir. Il sourit de soulagement, mais se recentra aussitôt. Il s’élança.
— Uhhn…
Le démon ne bougeait pas, sans doute désorienté par ce qui venait de se produire. Tant mieux. Jinya ne regrettait qu’une chose : ne pas pouvoir lui demander son nom. Mais il comptait bien le trancher quand même.
Il abaissa son sabre à l’horizontale, prit appui sur son pied gauche et combla la distance d’un bond. Il lança une attaque féroce, traçant une ligne horizontale d’une intensité meurtrière, dans le vide.
— Graaaaaargh !
Le démon fut déjà hors de portée. Conscient qu’il était en mauvaise posture, il poussa un rugissement et prit la fuite. Avec cette vitesse, impossible de le poursuivre. Jinya le regarda s’éloigner en grinçant des dents.
—Pas moyen de le rattraper, hein…
Son visage restait impassible, mais il était mortifié. Il avait affronté de nombreux démons depuis son arrivée à Edo, mais c’était la première fois depuis longtemps qu’il se sentait autant surpassé.
Il poussa un long soupir pour refroidir son corps en feu. Laisser le démon s’échapper l’irritait, mais ça ne servait à rien de s’en vouloir. Il inspira profondément, remplissant ses poumons d’air frais, cherchant à se calmer.
—Jinya-san, chuchota une voix.
C’était Mosuke, encore invisible, pour ne pas se montrer sous sa forme démoniaque devant la fille. Jinya répondit à voix basse, pour que la jeune fille ne l’entende pas.
—Désolé. Il m’a échappé.
—Ce n’est rien. Impossible de savoir qu’il serait aussi fort.
Mosuke lui-même était bien trop faible pour l’affronter. Il poussa un grognement amer, plein de résignation.
—Je vais le suivre dans la direction où il est parti. Peut-être que je trouverai son repaire.
—Ne fais rien de stupide.
—Je sais. Je ne suis pas assez fou pour chercher à le combattre. Mais si je trouve sa tanière, je reviendrai te prévenir. Toi, veille sur la fille.
—Entendu.
L’air se torsionna. Mosuke avait dû partir. Jinya regarda dans la direction où le démon s’était enfui. Mosuke ne pouvait pas le tuer, mais sous forme démoniaque, il avait peut-être une chance de localiser sa cachette et revenir vivant. Le problème, c’était de savoir s’il garderait son sang-froid face au meurtrier de sa femme. Jinya voulait croire que Mosuke n’agirait pas sur un coup de tête, mais un doute persistait. Peut-être valait-il mieux qu’il parte à sa poursuite lui aussi…
—…Hé.
La voix de la fille, un peu contrariée, l’interrompit dans ses pensées. Il tourna la tête et la vit, assise au sol, en train de le fixer.
—Oui ?
—…J’y arrive pas…
Elle avait parlé si bas qu’il n’avait pas compris. Il inclina la tête, ce qui la fit rougir avant qu’elle ne s’exclame, embarrassée :
—J’ai dit que j’arrive pas à me relever ! Alors aide-moi, tu veux bien ?!
Sans dire un mot, il lui tendit la main. Elle l’attrapa, se leva péniblement. Elle n’était pas blessée, juste encore tremblante de peur.
—Merci
—C’est normal.
—Hmm… Toujours aussi froid, hein ?
Un peu décontenancé, il l’observa de nouveau. Elle lui disait vraiment quelque chose…
—Ne me dis pas que tu m’as oubliée ? lança-t-elle d’un ton suspicieux, son regard se durcissant.
L’inquiétude dans ses yeux lui rappela une mission lointaine.
—…Natsu-dono ?
Natsu, la fille de Sugaya Jyuuzou. Elle n’avait pas beaucoup changé en apparence. Son visage s’éclaira. Apparemment, il avait vu juste.
—Alors tu te souviens, après tout.
—Désolé, il m’a fallu un moment. Vous étiez plus jeune, la dernière fois qu’on s’est vus.
Elle avait treize ans à l’époque. Trois années s’étaient écoulées. Elle était un peu plus grande, ses traits un peu plus affirmés.
— Je ne peux pas t’en vouloir de pas m’avoir reconnue tout de suite, dit-elle. —Toi, par contre, t’as pas changé d’un poil.
Bien sûr que non. Son corps ne vieillissait plus, qu’il s’agisse de trois ans ou d’un siècle. Être traité comme quelqu’un qui ne changeait pas ne le gênait plus. Il ignorait si c’était parce qu’il avait mûri… ou simplement parce qu’il n’était plus humain.
—Disons que je ne fais pas mon âge.
—Tu veux te faire détester par toutes les femmes du monde ou quoi ? lança-t-elle avec une exaspération feinte.
Elle tituba un peu, ses jambes encore faibles. Il se rapprocha pour la soutenir. Elle rougit de nouveau, baissa les yeux avant de murmurer un :
—Merci.
—Vous sortez toujours seule, la nuit ?
—Bien sûr que non. J’étais en train de faire une course. Je devais livrer quelque chose à un client de longue date, mais ça a un peu traîné.
—Vous aidez votre père ?
—Oui. C’est la moindre des choses.
Il se souvenait d’elle comme d’une gamine vive à la langue bien pendue, mais à cet instant, elle lui paraissait presque être une tout autre personne, avec son sourire insouciant.
—Vous avez changé, dit-il.
—Ah bon ?
—Oui, vous souriez de manière plus naturelle, maintenant.
Avant, elle avait du mal à dire un simple « merci ». Maintenant, ça lui venait sans effort. Un détail anodin, peut-être, mais ça en disait long, peut-être plus que les changements physiques.
—J-je ne pouvais pas rester une gamine éternellement, dit-elle.
—Non, mais vous en êtes encore une, Mlle Natsu.
—Kyaa !
Elle sursauta en entendant cette troisième voix soudaine. Natsu n’avait visiblement pas perdu cette habitude de se crisper sous l’effet de la peur.
—Tu en as mis du temps, alors je me suis dit que j’allais venir
—Z-Zenji ?! Ne me fais pas peur comme ça !
—Mais je n’ai rien fait de spécial, pourtant. Attends, mais… Ce n’est pas toi, Jinya ?
Les yeux de Zenji s’écarquillèrent quand il reconnut Jinya. Un large sourire se dessina sur son visage à leurs retrouvailles.
—Ça faisait longtemps, Zenji-dono.
—Oui, vraiment ! Mais qu’est-ce qui t’amène ici ?
—Il m’a sauvée alors que j’étais en train de me faire attaquer par un démon, répondit Natsu, détournant le visage.
Zenji la saisit par les épaules et, d’un air des plus graves, déclara :
—Oh non, ce démon est revenu ?! Mais ton père t’aime sincèrement, pourtant ! Mlle Natsu ! Je t’en prie, crois-moi !
—Ça suffit ! Ce n’est pas le même démon ! Allez, dis-le-lui, Jinya !
Il semblait que Zenji avait cru que le démon de Natsu était revenu. Un peu dérouté par cette confusion, Jinya entreprit expliqua la situation.
—Tu as entendu parler des rumeurs sur le tueur ?
—Hein ? Heu, vaguement, répondit Zenji.
—Le tueur est un démon. Et je suis actuellement à sa poursuite. L’attaque contre Natsu-dono n’était qu’une coïncidence.
Zenji poussa un long soupir de soulagement.
—Ah, je vois. Ouf. Bon sang, tu es toujours embarquée dans les histoires les plus folles. Rah vraiment, Mlle Natsu…
—…Hmph. Donc tu crois Jinya sans discuter, mais pas moi ? fit Natsu en faisant la moue.
—Hein ? Tu m’en veux encore pour ça ?
—Et pourquoi je ne pourrais pas ?
—J-je n’ai pas dit ça…
Visiblement, Natsu n’avait toujours pas digéré que Zenji ne l’ait pas crue, trois ans plus tôt, quand elle disait qu’un démon la poursuivait. Zenji, embarrassé, tenta maladroitement de se racheter. Leur relation n’avait vraiment pas changé.
Les épaules de Jinya se détendirent en voyant les deux se chamailler comme avant. Puis il repensa à Mosuke… et au démon.
—Puisque tu es là pour la raccompagner, Zenji, je vais y aller, dit-il.
Mosuke aurait dû revenir depuis longtemps. Jinya redoutait le pire.
—Ah, au fait, merci pour tout. Et d’ailleurs, que faites-tu ces derniers temps ? demanda Natsu.
—La même chose. Je vis ma vie paisible de rônin. Je fréquente un restaurant de soba à Fukagawa qui s’appelle Kihee. Si jamais vous avez des soucis avec des démons, venez me voir. Je vous ferai un prix.
—Donc tu comptes quand même nous faire payer…
—Faut bien vivre, non ? répondit-il avec un petit sourire avant de s’éloigner.
Il n’était pas allé bien loin qu’il entendit Zenji l’interpeler.
—Oh, attends, Jinya.
Il s’arrêta et se retourna. Zenji le regardait avec sérieux.
—Tu as déjà entendu parler de la ville-temple de Yanaka ?
Jinya hocha la tête. C’était une petite ville bâtie autour d’un temple ou d’un complexe religieux, en périphérie d’Edo. On racontait souvent que des esprits ou fantômes y apparaissaient.
Zenji poursuivit :
—Il y a un temple là-bas, le temple Mizuho. Son prêtre est mort depuis longtemps, et depuis, il est abandonné. Mais plusieurs de nos clients disent entendre des voix de femmes chaque nuit.
Le tueur enlevait les femmes. C’était peut-être une piste…
—…Et selon certaines rumeurs, un démon y vivrait.
Tout semblait concorder. Il fallait bien un endroit où garder les femmes enlevées. Un temple abandonné, que personne n’approcherait à cause des voix étranges, était l’endroit idéal.
Jinya ignorait s’il y trouverait le tueur, mais il finirait bien par découvrir quelque chose, même si c’était un autre démon. Et coïncidence ou non, le démon s’était enfui dans la même direction que ce temple.
—Cette rumeur peut te servir ? demanda Zenji.
—Oui. Merci.
—Avec plaisir.
C’était peut-être la chance qu’il attendait.
Avec enfin une piste entre les mains, Jinya se mit en route.
***
Après avoir couru encore et encore, puis encore un peu, Mosuke arriva enfin dans une ville-temple à la périphérie d’Edo.
Je crois que je suis venu du bon côté…
C’était la ville-temple de Yanaka. Fidèle à son nom, il abritait une vaste concentration de temples. La nuit rendait l’endroit lugubre, et il était facile de comprendre pourquoi tant de rumeurs effrayantes circulaient à son sujet.
Mais les environs étaient presque déserts. Ce n’était pas vraiment un lieu idéal pour le tueur, qui avait besoin de passants pour choisir ses cibles. Mosuke commençait à penser qu’il s’était trompé de chemin, quand…
—Aaaaaah !
Il entendit un cri raisonnant dans la pénombre.
C’était tout près, pensa-t-il, en se fondant dans le décor. Il marcha silencieusement et s’avança dans la direction d’où venait le hurlement. Il tenta de résister à l’envie de courir. Une violente bourrasque passa.
Non. Ce n’était pas le vent. C’était un démon qui fuyait à toute vitesse… une femme dans les bras.
Mosuke le vit distinctement : un mélange d’humain et de chien, courant en emportant une jeune femme inerte. C’était bien le même démon que plus tôt, aucun doute. Ses griffes ruisselaient de sang. Il avait tué à nouveau. Et il venait d’enlever une autre femme.
C’est le démon qui a tué ma femme…
Un frisson parcourut l’échine de Mosuke. Il lança un regard noir dans la direction où le démon s’était enfui, et aperçut un sanctuaire délabré au bout d’une ruelle étroite, un lieu abandonné depuis la mort de son grand prêtre, il y a déjà quelque temps. Son nom : Le temple Mizuho…
Il l’avait enfin trouvé, l’endroit où sa haine allait trouver son terme.
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[1] 1 Ken = 2,1m (approx). 4 ken = 8,4m (approx).