VIOLET EVER V2 : CHAPITRE 12

Les Lettres volantes et la poupée de souvenirs automatiques (2)

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Traduction : Raitei
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Dans les villes, les villages et même les forêts, ceux qui furent touchés par les vents s’enjouèrent de sa grandeur. Les sons des coups de vent furieux laissèrent place à une mélodie de cliquetis. Avec la grâce du soleil, un ciel bleu limpide bénissait depuis là-haut les gens. Ce jour-là, le vent souffla fort de l’après-midi au soir. Le courant d’air détonnant était presque semblable à un dragon ondulant son corps qui piétinait la terre.

Partout où ce « dragon des rafales » passait, les bruits des feuilles et les cris des oiseaux et des insectes faisaient chœur. Entouré de forêts, le site de la base aérienne de l’armée de Leidenschaftlich devint également le terrain de jeu du vent.

Des tas de festivaliers qui venaient d’arriver sortirent d’une large navette qui faisait des allers-retours pour emporter les visiteurs. Lorsque son intérieur se vida, il retourna une fois de plus vers la ville. Les personnes qui en étaient descendues traversèrent la route forestière en discutant joyeusement entre elles. Alors qu’elles traversaient l’allée d’arbres, le brouhaha ambiant et leurs voix joyeuses s’entremêlaient au son profond et pivotant des avions de chasse qui dansaient dans le ciel.

C’était la septième exposition aéronautique. Ici, des employés du service postal CH, dirigé par Claudia Hodgins, étaient également de la partie. Du secrétariat aux facteurs qui avaient terminé leur tournée, tous se baladaient avec des visages libérés.

Réveille-toi ma petite Lux.

Alors que tous les autres semblaient s’amuser, cette dernière avait une expression morose. Le président, désormais dans la trentaine, tentait désespérément de lui parler afin de la faire sourire. Tout en sachant elle-même qu’elle était une enfant, Lux pesta ses ressentiments incompréhensibles depuis son for intérieur.

Non, ce n’est pas comme si j…j’étais de mauvaise humeur. Une chose à laquelle je ne pouvais rien faire a été résolue par une simple déclaration de votre part, président… J’ai une fois de plus compris comment les choses fonctionnent dans ce monde, je ne fais que gravir les escaliers de l’âge adulte… Ce monde est si…

C’est si grave que ça d’avoir obtenu un délai supplémentaire ? Grâce à ça, nous avons pu faire venir tous les employés au festival. D’autant plus que j’avais aussi envie de faire faire plaisir à tout le monde pour récompenser leur dur labeur et je savais qu’ils voulaient venir ici.

Mais cette fonctionnaire à l’accueil du trésor public était votre ex, n’est-ce pas, Président Hodgins ?

Aah… ah bon ?

Il répondit vaguement, car elle n’était pas vraiment une personne qui pouvait être considérée comme une amante. Les deux se contentaient seulement de leurs corps nus respectifs.

En somme, vous avez une relation de sympathie mutuelle dans laquelle vous ne vous souciez guère l’un de l’autre… Si c’était moi qui avais demandé ce délai, je ne l’aurais pas obtenu… C’est vraiment…

Hodgins observait Lux qui faisait plusieurs grimaces avec inquiétude au début, mais cela se transforma progressivement en amusement au point qu’il finit par rire. L’innocence de cette fille encore étrangère aux subtilités des relations humaines alors qu’elle était devenue une employée exemplaire la rendait adorable.

Ma petite Lux, il ne faut pas se frustrer pour si peu. Tu es ma secrétaire, tu dois donc continuer à apprendre de mes carabistouilles désormais. Les déclarations du président sont… Je t’écoute ?

A-Absolues !

Qu’essayait-il de lui faire apprendre au juste ?

Mets-y plus d’entrain. Encore ! Les déclarations du président sont… ?

A-Absolues !

Hodgins tapota la tête de Lux avec satisfaction.

Tu es adorable ma petite Lux. Je ferai en sorte que tu deviennes une femme accomplie dans cette société.

Alors qu’il continuait à la caresser comme on le ferait avec un chien ou un chat, sa main fut attrapée par les autres employés.

Président, vous serez arrêté pour ça. Par la police militaire.

Lux, tu ne dois pas écouter ce que dit le président. Tu es l’étoile qui brille dans la pénombre de notre entreprise, tu dois donc te défendre contre tout comportement inapproprié quitte à poignarder le président.

Vous êtes terribles avec moi !

Les employés rirent aux éclats et Lux finit par faire de même.

En les regardant, Hodgins fut soulagé. Il n’était pas bon avec les femmes affichant des expressions moroses.

–Maintenant, pour l’autre fille qui m’inquiète.

Après avoir confié à Lux un peu d’argent sorti de son propre portefeuille pour qu’elle puisse acheter à tous les employés ce qu’ils désiraient, Hodgins partit à la recherche de Violet et Cattleya.

Quelqu’un avait dit qu’il les trouverait s’il continuait à marcher, mais le nombre d’invités présents pour les Lettres volantes avait doublé par rapport au dernier en date, ce qui fut un record battu pour l’évènement. La base de l’armée de l’air elle-même était étendue, il savait donc que ça n’allait pas être facile.

–Je voulais les motiver à s’entendre, mais je me demande si j’y suis parvenu.

Contrairement à Violet et Lux, ces deux-là formaient une paire qui laissait peu de chance à l’amitié d’apparaître.

Cependant, comme Hodgins avait Gilbert et lui-même comme exemple triomphal, il était optimiste quant à la possibilité qu’elles deviennent amies. Certes, il avait perdu contact avec Gilbert pour le moment, mais il essayait de ne pas y penser.

Hodgins se dirigea ainsi directement vers l’aire de repos ouverte au public. Plusieurs heures s’étaient écoulées depuis que Cattleya avait quitté le bureau. Elles avaient dû déjà voir le gros de l’exposition et des stands.

Il réalisa qu’être grand était utile dans ce genre de situation. Il ne lui fallut ainsi pas longtemps pour trouver Cattleya. Il était impossible qu’une femme d’une beauté aussi frappante ne se fasse pas remarquer. Son aura était telle qu’on pouvait voir en elle une femme fatale.

Cattleya était assise seule sur un banc, semblant en proie à la solitude.

Ai-je échoué ?

Alors qu’il tentait de l’interpeller avec un « heey », un autre homme vint parler à Cattleya en premier. Il s’accrocha à son bras alors qu’elle l’ignorait intentionnellement afin de la faire se lever de force. Il l’invitait probablement à faire le tour du festival avec lui.

Je le sens pas.

Hodgins n’était pas inquiet pour Cattleya. Il marchait rapidement, se frayant un chemin à travers la foule.

Ne me touchez pas d’une manière aussi familière !

En entendant le cri d’une voix aiguë, il bouscula les gens sans se retenir. Cependant, Hodgins arriva un peu trop tard pour le sauvetage. Cattleya se redressa et effectua une clé de bras, se libérant ainsi rapidement. Elle attrapa ensuite l’homme par le col et envoya son genou dans son entrejambe. C’était très certainement une douleur inimaginable. L’homme resta allongé sur le sol sans bouger.

Comme Cattleya avait l’intention d’envoyer plus de coups, Hodgins l’arrêta en criant :

Cattleya, par ici !

Ah, président !

Heureuse, elle le salua et courut dans sa direction.  Laissant échapper un petit rire des plus ironiques, Hodgins répondit par un signe de la main.

Cattleya lui sauta aussitôt dans les bras. Bien que les regards des personnes environnantes étaient tranchants, il donna la priorité à l’état mental de Cattleya. Il l’enlaça doucement puis recula. Tandis qu’elle était tout sourire, il lui demanda si tout allait bien.

Je suppose que je ne suis pas arrivé à temps…

Tu as essayé de m’aider ? Je ne perds jamais, mais si j’avais su, je me serais laissée un peu faire pour que tu puisses venir me sauver.

Heu…hum. Oui…

Il n’admit pas que celui qu’il avait essayé de sauver était l’homme.

Mais, tu sais, Cattleya… Je suis sûr de t’avoir dit que tu devais résoudre les choses pacifiquement dans des moments comme ça.

Je n’ai pas utilisé mes poings pourtant. J’ai pensé qu’une ancienne martialiste comme moi ne devait pas faire ça avec une personne lambda alors j’ai utilisé mes faibles jambes. Félicite-moi pour ça cher président !

Cette jeune femme nommée Cattleya Baudelaire était d’une beauté éclatante. Elle pouvait manipuler je ne sais combien d’hommes. Mais à l’intérieur, elle était comme un chiot. Innocente et naïve, pleine de fougue, car il n’y avait aucune mauvaise intention dans ce qu’elle faisait. Peut-être parce qu’elle avait confiance en sa condition physique, elle avait l’habitude de tout résoudre par la force.

C’est bien que tu ne te sois pas laissée attraper par un homme étrange, mais l’autodéfense excessive n’est pas une bonne chose non plus. Quittons cet endroit. Les gens nous regardent.

Je veux que tu me félicites ! Ah, hum… mais…

En rampant sur le sol, l’homme au sol s’était échappé pendant leur discussion. Après l’avoir observé de loin, Cattleya se retourna vers Hodgins.

Je dois rester ici. Violet s’est enfuie quelque part. Mais elle a dit qu’elle reviendrait ici. Si je pars, on finira par se rater.

Enfuie ? Tu ne sais donc pas où elle est allée ?

Non. Je pense qu’elle est probablement… partie à la poursuite de ce fameux major.

Hodgins perdit sa voix aux mots de Cattleya. Le visage étonné, il lui attrapa les épaules avec des mains tremblantes.

Un homme aux cheveux noirs en uniforme militaire !?

C’était rare de sa part de parler si fort. Peut-être que son agitation fut transmise à Cattleya, car elle commença à trembler aussi.

Je… je ne sais pas. Je ne l’ai pas vu. Mais Violet a dit qu’il était son maître et utilisateur dans le passé.

De quel côté est-elle partie ?

Épinglée par une attitude aussi menaçante, Cattleya pointa du doigt la foule, ce dernier oscillant faiblement.

Par là… mais, ça fait un moment qu’elle est partie.

Je vais la chercher. Je vais la ramener. Désolé Cattleya, mais tous les membres de l’entreprise se dirigent vers le lieu de récupération des Lettres volantes, alors va les rejoindre là-bas.

E-Eeh, je vais encore être toute seule ?

Tu es une bonne fille, alors vas-y ! Ok ? ! Et pas de querelles inconsidérées même si quelqu’un s’en prend à toi !

Président !

Cattleya était sur le point de courir après Hodgins comme pour s’accrocher à lui, mais abandonna à mi-chemin.

Elle était quelque peu épuisée. Elle finit par soupirer à l’idée de revoir encore une scène d’abandon. Il n’y avait rien à faire puisqu’elle ne pouvait pas s’opposer à Hodgins qui s’occupait de Violet comme d’un parent de substitution. Cattleya commença à marcher en titubant.

Tout en pensant que ce serait formidable si elle devenait quelqu’un que les autres poursuivraient également, elle laissa une nouvelle fois la solitude l’étreindre.

— Est-ce qu’aujourd’hui est un bon ou un mauvais jour ? Je me demande bien…

Elle ajouta aux bons côtés de la balance le fait qu’elle était devenue capable de parler un tant soit peu avec Violet. Le fait que cette dernière ait quitté Cattleya était cependant un malus. Elle allait bientôt sortir de la solitude et rejoindre ses collègues, ce qui fit pencher la balance du bon côté à nouveau. Cependant, le fait que Hodgins a fait passer Violet avant elle valut un retrait de point. Globalement, après avoir évalué les hauts et les bas, elle finit par considérer que c’était plutôt une mauvaise journée.

La raison pour laquelle elle n’aimait pas être seule était que cela lui donnait l’impression de ne pas avoir de charme. Les gens se rassemblent naturellement autour d’individus charismatiques. Hodgins était l’un d’entre eux.

Cattleya avait aussi été attirée par lui comme un papillon par le miel. Pourtant, elle comprenait qu’elle ne pouvait pas devenir comme lui.

Elle se mordilla les lèvres et son cœur se mit à flétrir.

C’était censé être un début de mois extraordinaire avec le retour de ces Lettres volantes. La partie d’elle qui attendait avec impatience l’évènement depuis longtemps était complètement déprimée.

Hey la débile, tu es seule ?

C’était méchant et pourtant…

Benedict…

…des larmes de joie jaillirent à ces paroles qui vinrent de derrière elle.

Pendant ce temps, Violet Evergarden, le centre de ce maelstrom, faisait face à un homme comme si elle se préparait à l’affronter.

À l’écart de la foule, les deux protagonistes se tenaient à l’ombre des pruniers qui entouraient la zone de manœuvre, ressemblant presque à un couple. Ils n’étaient pas non plus cachés dans l’allée, mais on aurait pu croire à un rendez-vous amoureux secret.

* * *

Ça fait un moment.

Des cheveux noirs. Des yeux verts. L’homme regarda Violet avec ces derniers comme s’il était ennuyé.

Alors qu’elle pensait le perdre dans le flot humain à plusieurs reprises, à partir du moment où elle finit par se saisir de son bras, il s’arrêta, l’air renfrogné.

S’il vous plaît, attendez !

Tirant brutalement sur le bras que Violet avait saisi, l’homme se retourna.

Peut-être parce que sa silhouette adulte était bien différente de la dernière fois qu’il l’avait vue, la réaction de ce dernier tarda légèrement. Lorsqu’il se rendit compte de l’identité de son interlocutrice, il claqua sa langue sans hésiter et la repoussa par l’épaule.

Ne me touche pas !

Il ressemblait beaucoup à l’homme dont Violet s’était souvenu, mais il était quand même différent. Il la regarda avec dégoût alors qu’elle ne bougeait pas d’un pouce même après avoir été repoussée, le haut de son corps acceptant l’impact.

Vous ne vous souvenez peut-être pas de moi, mais…

Il n’y a aucune chance que j’oublie l’arme qui a massacré mes camarades.

Le frère aîné de Gilbert, Dietfried Bougainvillea, se tenait là. Violet cligna lentement des yeux en entendant ces mots tranchants la transperçant de toute part. Dietfried, n’avait rien à voir avec Edward Jones[1], mais il lui ressemblait tout de même beaucoup dans le fait qu’il tentait de dévoiler son passé.

Je vois.

Répondit-elle simplement en guise d’acquiescement.

Qu’est-ce que tu fais ici… ? Quelqu’un comme toi doit être sous surveillance. Qu’est-il arrivé à ton Maître ?

Dietfried portait l’uniforme à col montant de la marine. Peut-être qu’il était présent pour des raisons professionnelles. Comme Violet se trouvait incapable de répondre, Dietfried fit claquer sa langue et ajouta :

Je ne parle pas de Gilbert, mais de son ami qui a décidé de s’occuper de toi. Dépêche-toi de le rejoindre et laisse-moi en paix.

Il fit un geste comme s’il tentait de faire fuir un chien.

— Vous étiez au courant ?

L’attitude de Violet qui s’exprimait avec douceur était probablement jugée déroutante par Dietfried. Lorsqu’il l’avait rencontrée, elle était un monstre de faible intelligence qui ne pouvait pas prononcer un seul mot.

Ne fais pas l’idiote !

Il la fixait comme si sa belle apparence et sa silhouette d’adulte suscitaient encore plus de peur en lui.

— Cela concerne mon frère après tout, il est évident que je suis au courant. Maintenant te voir en plein milieu d’une foule me rend nerveux.

Dietfried montra effectivement de l’irritation.

Sous le coup de la colère, il attrapa avec force le bras de Violet. Alors qu’un craquement grinçant résonnait, il le lâcha avec surprise. Il regarda le bras puis le visage de Violet.

Ils étaient tous les deux tendus. Comme un herbivore rencontrant un carnivore en pleine nature sauvage et se fixant l’un et l’autre pour savoir qui bougerait en premier.

Je ne porte pas… d’armes. Je ne tuerai personne. On m’a dit… de ne plus tuer. Et je… ne le ferai pas même si on me l’ordonne.

Violet dévoila ses deux mains comme pour souligner qu’elle n’était pas armée.

Comme si je pouvais te croire. C’est vraiment le cas ? Tu… es un outil qui ne vit que pour suivre les ordres, n’est-ce pas ? Je t’ai certes relâchée, mais si je t’ordonnais quelque chose ici et maintenant, tu ne ferais vraiment rien du tout ?

Je ne l’exécuterai pas.

Dietfried enfonça un doigt dans la poitrine de Violet. Son ongle perça légèrement son décolleté. D’ordinaire, elle avait une réaction d’autodéfense immédiate lorsqu’un homme la touchait. Cependant, elle ne bougea pas.

Suicide-toi.

La respiration de Violet s’arrêta. Elle resta immobile pendant une, deux, trois secondes… Bien que l’air ait bientôt rempli à nouveau son corps, son visage resta pâle. Même le bruit des battements de son cœur semblait vouloir s’arrêter aux paroles qu’elle recevait de l’homme qui rappelait, par son apparence, des vestiges de celui qu’elle respectait et aimait.

Et pourtant, Violet daigna répondre

Je ne le ferai pas. On m’a… ordonné de vivre.

La réponse qu’elle donna avec le plus grand effort fut mêlée de tristesse.

Sérieusement ? On l’a vraiment échappé belle. Je m’étais dit que Gil t’aurait ordonné une chose de ce genre, c’est vraiment un tendre. Ça aurait été mieux que tu finisses morte en étant utilisée par Gilbert et pourtant, tu es toujours en vie et en pleine forme. Même maintenant… Je visite encore les familles des gens que tu as tués pour leur donner de l’argent.

Le champ de vision des yeux bleus de Violet devint instable. Le bout du doigt qui ne pointait plus en elle n’avait pas fait couler de sang, mais ces mots furent douloureux.

S’il… y a quelque chose que je peux…

Je n’ai besoin de rien ! Rien de ta part en tout cas…

En élevant la voix, il attira l’attention des autres. Le duo finit par ressembler à un homme en uniforme militaire intimidant une femme civile.

Pars…Pars d’ici.

J’ai encore… des questions.

Dietfried expira un profond soupir. Il se gratta la frange et son exaspération montra à quel point il ne voulait pas rester plus longtemps avec Violet. Il se saisit du bras artificiel qu’il avait autrefois repoussé.

Alors viens avec moi, on attire trop l’attention ici.

Par présomption, Violet se rapprocha de Dietfried autant qu’elle le pouvait. Les spectateurs proches crurent probablement à une simple querelle d’amoureux. Les deux marchèrent en silence pendant un moment.

La considération de Dietfried dans sa manière de guider une dame était proportionnelle au langage injurieux qu’il avait employé sur Violet.  L’expression de son visage permettait de voir que c’était quelque chose qu’il faisait automatiquement. Il portait l’uniforme de la marine, après tout. Un tel comportement pouvait être conventionnel.

Ce n’était pas la première fois que Violet voyait des gens rire joyeusement et se faire prendre la main par une personne en uniforme militaire, mais c’était globalement une expérience rare. Cependant, la situation était complètement différente de la fois précédente où elle avait vécu la chose. Tout était différent, que ce soit la personne avec qui elle était et la manière dont elle était considérée.

L’ancienne femme soldat accomplie tendit naturellement la main vers sa broche en émeraude. Sa personne d’antan était peut-être invincible contrairement à la poupée de souvenirs automatiques adulte qu’elle était devenue. Violet vacilla ainsi dans l’appréhension. Une fois que le nombre de personnes diminua, Dietfried relâcha son bras comme pour la jeter au loin.

Qu’est-ce que tu me veux ? Si c’est pour te plaindre à mon égard, tu perds ton temps, je n’écouterai pas.

Je n’ai pas… de ressentiments envers vous.

Dietfried ricana.

Je me demande bien ce que c’est. Je reçois des louanges et des reproches de toute part. J’ai ce genre de personnalité, après tout. Parfois, j’ai l’impression que je vais imploser.

Je ne le ferai pas. Je ne vous ferai pas… une telle chose.

À la réponse de Violet, ses yeux verts se tendirent de façon indescriptible. Une fureur différente de son dédain primaire se dessina. Comme si elle était bousculée par Dietfried, alors qu’il s’approchait d’elle, Violet fit quelques pas en arrière.

Sa colonne se colla contre le tronc d’un grand arbre, mais alors qu’elle le fixait intensément, un poing vola à côté de son visage. Elle ne fut pas frappée, mais un morceau de bois lui érafla la joue. Du sang coula. Avec un coup d’œil rapide, elle confirma qu’il provenait du poing de Dietfried.

Tu te souviens… Quand tu étais petite, j’avais l’habitude de te frapper et de te donner des coups de pied.

Oui.

— Chaque fois que je ne sentais pas ton intention de tuer, tu recevais un certain degré de traitement violent de ma part. Quand je suis avec toi, je deviens un monstre aussi… tu me rends comme ça.

Je…vous rends…comme ça ?

C’est vrai. C’est de ta faute. C’est encore comme ça maintenant. Être avec toi et te parler m’exaspère. Mon cœur ne peut pas se reposer. C’est toi qui me fais ça. Tu as tué mes compagnons. Ce qui s’est passé à l’époque me hante tous les soirs encore et encore. Mais malgré mon profond dégoût pour toi, je ne te méprise pas. Non, il se peut que je te déteste tellement que je ne peux pas le supporter, mais ce n’est pas de la rancune. C’est plus proche de l’abandon. Je pense que je n’ai pas d’autre choix que de me faire à l’idée qu’un atout défectueux comme toi existe bel et bien en ce monde… as-tu une idée de la raison ?

Dietfried frappa l’arbre une fois de plus avec son autre poing. Violet ne détourna pas le regard. Elle fixait son interlocuteur avec ses yeux bleus. Peut-être parce qu’ils étaient trop bleus et clairs, qu’ils finirent par donner un sentiment de vulnérabilité à Dietfried.

Un de mes camarades que tu as tué avait essayé de te violer. C’est pourquoi tu l’as assassiné. Tout, tout, tout, tout tourne en rond ! C’est pour cette raison que je ne peux pas te détester.

Les choses… que j’ai faites… et que vous m’avez fait faire… ?

Tu n’étais pas au courant ?

Violet secoua légèrement la tête.

Non, on m’en a parlé.

Comme si elle fit mouche, la prédiction de Hodgins s’abattit sur Violet.

En regardant les nombreuses brûlures que tu as, tu te rendras compte qu’il y a encore du feu à tes pieds. Tu réaliseras qu’il y a des gens qui versent de l’huile dessus. Il serait même préférable de vivre dans l’ignorance, car il y aura certainement des moments où tu finiras par pleurer.

Jusqu’au moment où ses paupières se fermeront pour l’éternité, elle ne connaîtra pas la sensation de voir son corps brûler. Tel était le monstre qu’elle était destinée à être. Pourtant, le monstre, l’outil, Violet vivait actuellement comme une personne. Elle le fit depuis qu’elle avait pleuré en ramenant le corps d’un jeune soldat décédé à sa ville natale. Mais même bien avant, lorsqu’elle était en proie aux flammes, elle avait choisi de « vivre « .

Voilà pourquoi si tu veux te plaindre, je n’écouterai pas.

Il y avait une raison pour laquelle elle avait choisi de vivre en tant que personne et c’était pour cette seule lumière qui brillait dans la vie de ce monstre aux allures de fille.

Vous vous trompez, ce n’est pas ça… Je m’excuse de vous avoir arrêté. J’avais… simplement… envie de vous interroger sur le major.

Dietfried desserra lentement son poing. Le sang coulait dans ses jointures blanches.

Grâce à toi, il n’est plus. Que veux-tu que je te dise ?

— Que dois-je faire ?

Haah ?

Violet Evergarden posa cette simple question à Dietfried Bougainvillea.

Bien que je sois… un outil, j’ai été incapable de le protéger. Mais… il m’a dit de vivre, c’est pourquoi je vis. S’il y a autre chose que je… peux faire, j’aimerais le savoir. Est-ce que c’est bien… pour moi d’être en vie ? Je finis par être débordée par trop d’émotions… à force de fréquenter les autres et en m’impliquant avec eux. Même si… je suis l’outil du major… On m’a… dit de vivre… Je… pour le major…je…

Elle était un monstre et lui son gardien. Un outil et un utilisateur. Mais c’était ce passé n’était plus d’actualité.

Comme si je le savais !!! Pourquoi tu me le demandes !?

Malgré cela, elle cherchait encore la guidance de son ancien maître.

Parce que j’avais l’habitude d’être… votre outil.

Le monstre qu’il avait enlevé sur une île isolée s’était développé et était devenu capable de parler et de trembler d’impatience.

Si tu es un outil, n’essaie pas d’avoir une volonté propre.

Elle était capable d’être agitée et de chercher de l’aide.

Parce que… vous… étiez… mon… Maître.

Dietfried fut pris au dépourvu par la déclaration de Violet.

— Tu pensais que j’étais ton Seigneur ou quoi ?

Les yeux bleus de Violet étaient magnifiquement limpides. Par conséquent, ils provoquaient chez Dietfried des réminiscences de choses qu’il lui avait fait faire dans le passé, comme un miroir.

Comme si je me souciais d’un outil que j’ai jeté ! Tu es un monstre et une calamité qui a détruit la vie de mon petit frère !

Les choses que l’on faisait aux autres nous revenaient à travers le temps.

Sir Dietfried… pourquoi…pourquoi m’avoir confié au major ?

La douleur et la douceur lui étaient revenues. C’était un regard qui semblait tirer dans sa direction. Un regard qui s’accrochait à lui, mais qui ne le disait pas. Ce sont les mêmes yeux qu’elle avait montrés à Dietfried en se séparant de lui. Il avait été transpercé par un tel regard et l’avait emmenée avec lui depuis cette île lointaine, la laissant à son jeune frère, qui était le seul membre de leur famille avec lequel il avait des contacts.

Pourquoi l’avait-il remise à Gilbert ? C’était comme Violet l’avait stipulé. Elle était un outil utile, mais Dietfried l’avait jugée trop lourde pour lui. Il ne pensait pas avoir une preuve concrète que son jeune frère pouvait l’utiliser correctement.

Le fait qu’il aurait pu la garder en vie et la vendre avait dû lui passer par la tête. C’est comme si Gilbert avait été poussé par Dietfried. Qu’est-ce que Dietfried avait en tête en laissant Violet à Gilbert ? N’y avait-il vraiment personne d’autre que Gilbert comme option ? Et les autres officiers de la marine ? À l’époque, il devait y avoir d’autres choix. Pourtant, il la confia à quelqu’un de sa famille.

Comprends-tu les sentiments humains ?

Dietfried tendit les mains pour attraper le col de Violet. Voulait-il la frapper ? Voulait-il la tuer ? Ou peut-être était-ce une leçon de morale ?

Si tu le fais, alors meurs. Accepte ma colère et mon chagrin. Mais tu… ne mourras pas, même si je te le dis, n’est-ce pas ?

Oui.

Je ne mourrai pas non plus. Et je ne veux pas comprendre… ce qui te laisse perplexe. J’ai fait des choses bien pires que toi pour gagner ma vie. Mais alors quoi ? Je suis en vie. Quand je mourrai, ce sera fini. Même moi, j’ai des lamentations et des difficultés. Il y a aussi des moments où je pense que mourir serait bien mieux, et à ces moments-là, j’y pense. Tu continues à faire la tête comme si tu étais la seule à avoir des difficultés.  Sache que tout le monde en a. Les hommes que tu as tués ne seraient pas morts s’ils n’avaient pas été mes subalternes. J’étais leur commandant, ils étaient sous ma responsabilité et je n’ai pas su les protéger. Mais, tu sais, espèce de monstre, si tu as le moindre remords pour ce que tu as fait, et que tu ne comptes pas mourir… alors continue à vivre, jusqu’à ce que quelqu’un te tue ou que ta vie s’achève. Sache que…

Voulait-il la frapper ? Voulait-il la tuer ? Ou peut-être…

…Il est bien plus difficile de rester en vie que de mourir.

Peut-être…

C’est beaucoup plus difficile de rester en vie. Ainsi, il faut se faire violence. Ceux qui ne supportent pas le fardeau de la vie finissent par mourir. Si tu ne veux pas mourir de tes propres mains, ne rejette jamais la responsabilité de tes péchés sur quelqu’un, et continue à vivre. Vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre, vivre…

Dietfried lâcha soudainement le collier de Violet,

— Et ensuite seulement tu pourras mourir.

Violet regarda Dietfried avec un regard différent de celui qu’elle aurait donné à Gilbert, mais c’était certainement celui de quelqu’un qui regardait son maître.

Sir Dietfried. Le major est-il vraiment… décédé ?

Que veux-tu… que je dise ?

À ses mots, Violet prit une brusque inspiration. Elle pouvait voir quelque chose scintiller dans le ciel.

Vous n’allez pas dire « oui » comme tout le monde, n’est-ce pas ? Si le major était mort, vous m’auriez de toute évidence… déjà tuée.

Dans le champ de vision de Violet, quelque chose tomba du ciel bleu au-dessus de la tête de Dietfried. Comme de la neige ou des feuilles.

Il est vivant, n’est-ce pas ?

C’étaient en effet une pluie de lettres jetées pour l’évènement des Lettres volantes. Un vent s’était engouffré entre les deux, soufflant férocement avec un grondement.

Des avions jaunes volèrent comme s’ils fendaient le ciel. Ils éparpillèrent les lettres qui portaient les sentiments de beaucoup de gens, afin de les remettre aux personnes en bas. C’était comme si le choix d’ouvrir l’une d’entre elles allait déterminer notre sort.

Violet !

Dans son angle mort, quelqu’un cria le nom de Violet avec force et la prit par le bras comme si elle était un vulgaire bagage. La silhouette de Dietfried s’éloignait de plus en plus.

Elle essaya de murmurer son nom, mais ne pouvait plus l’atteindre.

La dernière image qu’elle eut de lui fut de le voir tourner talons sans daigner lancer un seul regard dans sa direction. Violet appela ensuite la personne qui se dépêchait de partir après l’avoir désespérément enlevée.

Président… Hodgins.

Arrête de rêvasser et marche.

Tout va bien, Président Hodgins.

Ce n’est pas le cas ! Pourquoi… es-tu avec une personne aussi dangereuse ?

Violet vérifia une fois de plus l’emplacement de l’objet brillant qu’elle avait confirmé plus tôt. Il n’était plus en vue.

J’avais déjà remarqué que j’étais sous la visée du fusil à lunette de son sous-fifre depuis cette colline.

Un sniper ?

Ses gardes du corps n’étaient pas avec lui, mais une fois que j’étais près de lui, j’ai pu sentir le danger. Cette personne s’est toujours promenée avec des gardes du corps…donc je me doutais de la chose. Mais c’était simplement de la surveillance. Il n’avait pas l’intention de donner de signal. Président Hodgins, le travail se passe bien ?

Lui qui habituellement était d’un calme absolu n’arrivait pas à se contenir.

Hodgins répondit avec une colère et une impatience mêlées de soulagement.

Je pensais que Cattleya allait pleurer, alors j’y ai mis fin dès que possible… et puis, j’ai appris que tu t’en étais pris à un homme en uniforme militaire… J’ai eu des frissons. Ne va jamais voir le grand frère de Gilbert comme ça, petite Violet ! Bien que cette personne soit liée à Gilbert par le sang, ce sont des personnes complètement différentes. Même si c’est ton ancien maître, tu ne dois pas. C’est une personne effrayante. Il… te déteste. J’ai été négligent… À partir de maintenant, même si c’est un festival, nous ne participerons plus à ce genre d’évènements liés de près ou de loin à l’armée. Je pensais que tu allais être enrôlée de force dans l’armée… Rentre chez toi pour aujourd’hui. D’accord ?

Oui.

— A-t-il dit quelque chose ? Est-ce que tu vas bien ?

Violet ne répondit pas immédiatement. Elle tendit une main vers le ciel. Toujours entrainée par Hodgins, elle prit une lettre dans ses mains.

Hé, a-t-il dit quelque chose de bizarre ? Violet ?

Elle recueillit ainsi les pensées d’une personne adressées à une autre.

Non, non. Rien… J’ai seulement… reçu quelque chose.

–Vis…

Comment ça ?

–Sans jamais blâmer personne, vis. Vis, vis !

— Des encouragements.

— « Et ensuite seulement tu pourras mourir »…

* * *

Dietfried marchait au milieu des lettres dispersées. Il s’éloigna du centre de la zone de manœuvre là où les gens se déchaînaient pour récupérer les lettrez afin d’entrer dans la tour de contrôle à l’accès restreint. Il fit un signe de tête à ceux qui portaient le même uniforme marin que lui, ainsi qu’à ceux qui portaient celui de l’armée de Terre.

Je n’ai pas pu voir mes hommes voler à cause d’un imprévu bien inutile.

Parmi eux, un homme qui se tenait sur le côté lui parla.

Ils sont toujours en train de voler.

Avec un crissement résonnant de son bras mécanique, l’homme qui avait parlé pointa le ciel.

Ça fait un bail, huh.

Son apparence était différente de celle que Dietfried connaissait. L’un de ses yeux était recouvert d’un cache-œil, et une cicatrice était à moitié cachée par ce dernier. Ses cheveux étaient de la couleur du crépuscule. Ses iris vert émeraude étaient comme de véritables pierres précieuses. Son expression, à la limite de la mélancolie, était froide. De grande taille, il portait l’uniforme noir violacé de l’armée de Terre de Leidenschaftlich, le pays côtier si célèbre pour être connu comme une nation militaire. Ce n’était pas n’importe quel uniforme d’ailleurs. Un badge doré attaché à sa cape indiquait la grandeur de son statut. Gilbert écarta ainsi la main de Dietfried, qui s’était posée sur son épaule.

Quelle froideur. Je reviens tout juste d’une rencontre avec ton outil.

Pour eux deux, il était évident de savoir à quoi il faisait référence.

Je ne mens pas. Elle m’a couru après. On dirait qu’elle ne m’a pas confondu avec toi, cependant. Fais attention. Tu fais semblant d’être mort, c’est ça ? Pourquoi rends-tu les choses si compliquées ?

Grand frère, à propos de Violet…

Je ne lui ai rien dit.

Dietfried ne proféra aucun mensonge.

Il semble qu’elle était perdue après ton départ. Je lui ai juste conseillé en tant qu’ancien maître de vivre autant qu’elle le pouvait. Qu’elle pourrait mourir seulement ensuite.

Parce qu’il n’avait rien affirmé, Violet Evergarden était rentrée chez elle avec l’espoir qu’il était toujours en vie, mais cela, il n’avait pas l’intention de le révéler à son jeune frère.

C’est ton souhait, non ? Mais pas celui de ce petit être. Avant que je ne le réalise, quelqu’un est venu la prendre. Comme il avait des cheveux roux bien visibles, j’ai supposé que c’était ton camarade de l’école militaire. Il a dû penser que j’allais la tuer. Haha, comme si je pouvais le faire. Si j’étais capable de la tuer, je l’aurais déjà fait… Hé Gil, ne me dis pas que tu aimes ce monstre ? Tu en as fait une belle femme, mais tu sais ce qu’il y a à l’intérieur. Tu ne devrais pas.

Ça ne te concerne pas.

Bien sûr que si. Tu es important pour moi. Tu es mon petit frère.

C’est entre Violet et moi. Ça ne concerne… personne d’autre. Celui qui a tout mis sur le dos de cet « important petit frère », c’est toi. Quoi que j’aie pu faire, j’ai été laissé pour compte.

Les orbes émeraude de Gilbert s’inclinèrent. Le ciel était si lumineux que le regarder lui faisait mal aux yeux. Cependant, il ne les ferma pas.

…Je mets ma vie en jeu pour la protection de ce que je chéris. Ma raison de vivre n’est pas d’obtenir le plus haut poste possible dans l’armée ou de nettoyer après toi au sein de la famille Bougainvillea. Ma raison de vivre c’est elle. Si jamais tu lui fais quoi que ce soit, je t’écraserai de tout mon être. C’est à ça que servent mes armes nouvellement acquises.

En voyant à quel point son jeune frère, qu’il voyait pour la première fois depuis longtemps, avait changé, Dietfried observait le ciel comme s’il était trop éblouissant.

Tu n’es… plus un petit enfant, hein.

Il serra le poing et essaya de frapper Gilbert à l’épaule. Gilbert se laissa faire. Gilbert se saisit fortement ensuite de la main de son frère. Dietfried supporta la chose et finit par enrouler sa main autour de la sienne pour la lui serrer. Gilbert. On aurait dit une image de leur enfance où ils se tenaient la main.

Hey, je suis peut-être le pire des frères, mais tu sais que je tiens à toi.

Ils parlèrent à voix basse pour que personne d’autre n’entende.

Je le sais bien.

Dans la maison des Bougainvillea, ils avaient toujours parlé de cette façon. Pour ne pas être grondés, ils ne faisaient que chuchoter, juste tous les deux.

Tu comprends vraiment… bien, hein. Je t’aime vraiment de toutes mes forces Gilbert… Je… me demande pourquoi… je n’arrive pas à transmettre la chose aux personnes à qui je tiens vraiment sans que ça sonne faux.

Je sais, mon frère.

* * *

Alors que le voile de la nuit descendait, les personnes qui avaient ignoré l’exposition aéronautique se fiaient au clair de lune et aux lampes de leurs chambres pour lire les mots d’encouragement que leur envoyaient les inconnus à travers les lettres.

Leurs lettres avaient-elles inspiré quelqu’un ? Avec leurs pensées vives, ils réfléchirent longuement à cette journée.

Elle a pu être bonne pour certains. Elle aurait pu ne pas l’être pour d’autres.

Quoi qu’il en soit, la gentillesse qui leur avait été accordée sans condition réduisit la solitude d’une longue nuit et l’anxiété du lendemain matin, en leur donnant un tout petit peu d’espoir.

Se tenant seule sur le rebord de la fenêtre, Violet tenta d’ouvrir l’unique enveloppe qu’elle avait rapportée des Lettres volantes après avoir été escortée au manoir Evergarden.

Oui.

Dans cette lettre, figurait uniquement le mot « courage », avec une écriture qui semblait être celle d’un enfant.

* * *

L’aube se leva de la même manière pour tout le monde.

Le matin n’était qu’une petite partie d’une journée entière. Cependant, c’était aussi un moment important au cours duquel la conduite des gens se distinguait.

La couleur du ciel qu’ils voyaient, l’odeur de l’air, s’ils avaient mangé, la longueur de leur nuit ; chaque petit élément était déterminant pour leurs choix et dictait au final leur sort.

Sans faire trop attention à ces choses, les gens finissaient pourtant par regretter les décisions qu’ils avaient prises à la légère. Après tout, l’aube se levait de la même manière pour tous, mais cela ne s’appliquait qu’aux vivants.

Une fois que quelque chose a commencé, la seule chose qui reste à faire est d’avancer vers la fin.


[1] Le prisonnier. Voir volume 1 chapitre 5

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