REIGN OF V5 : CHAPITRE 1

Astronomie

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Traduction : Raitei
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Un ancien diplômé de Kimberly avait un jour déclaré que la tâche principale d’un élève de première année consistait à épuiser ses pleurs et ses cris.

— Et voilà comment on s’occupe des vers à soie magiques. Ne me dites pas que vous n’avez pas compris les nouveaux, grinça Vanessa Aldiss, professeure de biologie magique.

Elle fixait ses élèves de première année avec un sourire moqueur, debout devant les cendres d’un insecte calciné. Chaque étudiant présent déglutit péniblement. Le ver à soie semblait pourtant si inoffensif jusqu’à ce que son cocon noircisse et qu’une hideuse créature ailée en émerge. Vanessa l’avait aussitôt exterminée d’un sort. Tout s’était déroulé exactement comme l’année précédente pour le groupe d’Oliver.

— Passons à la pratique. Si vous arrivez à faire former des cocons blancs à cinq de ces bestioles sur dix, c’est bon, vous passez le test. Facile ! s’écria Vanessa. — Mais si l’un de vous a la brillante idée de tenter de décoller un cocon raté, qu’il se ravise. Une idiote a failli se faire bouffer la main l’an dernier. Je refuse d’avoir plus d’un cas pareil par décennie.

Son haussement d’épaules donna le coup d’envoi. La pression retomba sur les élèves. Cette tâche relevait moins de la maîtrise technique que d’une capacité à garder son sang-froid. Nombre d’entre eux baissèrent les yeux sur leur boîte de vers à soie, incapables de bouger.

— …Ça va, Dean ? demanda Peter Cornish, inquiet pour son vieil ami.

— Hein ?! Qu’est-ce que… Pourquoi ça n’irait pas ? Je gère ! balbutia Dean Travers, retrouvant enfin ses esprits.

Il dégaina sa baguette blanche et la pointa vers un ver à soie. Mais il se figea à nouveau, paralysé par l’idée d’échouer.

— …Tss.

En face de lui, une petite fille terminait déjà son travail avec une efficacité déconcertante, passant à chaque ver en à peine une seconde.

Neuf cocons blancs parfaitement formés reposaient devant elle, mais l’un d’eux avait noirci, comme lors de la démonstration. La grande fille à côté d’elle, Rita Appleton, la regarda, stupéfaite.

— …Attends, Teresa ? Tu as déjà fini ?

— Pas la peine de traîner. Flamma.

D’un ton monotone, Teresa Carste brûla le cocon raté. Rita, bouche bée, regarda Teresa avec incrédulité.

— Dépêche-toi, dit Teresa d’un air placide. Attendre est ennuyeux.

— Je… je voudrais bien, mais… je suis nerveuse…

— Pas besoin de te prendre la tête. L’échec, ça veut juste dire la mort.

— Je vais mourir ?!

— Toi ? Non, les vers à soie, bien sûr.

Rita tremblait comme une feuille, mais Teresa, imperturbable, poursuivait. Peter, à côté, semblait admiratif.

— Tu ne recules devant rien, hein ? Tu es vraiment douée, Teresa.

— C-c’est pas si compliqué ! Je peux le faire aussi !

Piqué au vif par la compétition, Dean se lança enfin, pointant sa baguette vers un ver à soie. Mais il se pencha bien trop en avant.

— Attention, Dean, prévint Peter. Si tu es aussi tend…

Mais l’avertissement ne fut pas écouté. Trop de magie jaillit de la baguette de Dean. Quelques secondes plus tard, le cocon noir éclata.

— Aaaaaah !

— Argh, je m’en doutais !

Peter gémit alors que l’insecte attaquait Dean. Celui-ci agita sa baguette et lança des sorts de feu, mais sans viser correctement. La créature, rapide et agile, esquivait tout. Voyant la panique, Peter brandit son athamé.

— Baisse-toi, Dean ! Je peux pas viser comme ça !

— Tais-toi ! Reste en arrière ! Je peux gérer… Gah !

Avant qu’il ne puisse lancer un autre sort, les mandibules de l’insecte s’enfoncèrent dans son poignet. La douleur lui fit lâcher sa baguette. Les autres élèves s’attroupèrent autour de lui, affolés. Vanessa, observant l’agitation de loin, haussa les épaules.

— Encore une fois un autre idiot s’est fait avoir. Le rituel annuel.

— Dean… ! s’écria Rita en se précipitant pour aider.

Mais l’insecte se tourna vers elle, prêt à attaquer. Elle lança un sort à la hâte, mais rata sa cible. Les mandibules de la créature foncèrent vers sa gorge. Puis, sous ses yeux, l’insecte fut soudain coupé en deux.

— …Hein… ?

Rita resta figée, son athamé toujours levé. Les deux moitiés de l’insecte tombèrent lourdement au sol, et la petite fille derrière lui, Teresa, rengaina son arme. Personne n’avait vu son mouvement. Elle avait dégainé et tranché avec une précision glaciale.

— …Qu’est-ce que tu fais ? demanda Teresa, le ton toujours monotone.

— Uh…

Ses yeux se posèrent sur Dean, qui se tenait à genoux, son poignet blessé serré contre lui. Il n’y avait ni mépris ni moquerie dans son regard. Juste une véritable incompréhension, comme si elle se demandait comment une telle situation avait pu se produire.

— On nous a appris à gérer ça. Sort ou lame, si tu as un athamé, tu peux les neutraliser. Ou du moins, tu peux esquiver.

Pour elle, il semblait que l’échec n’existait pas. Elle avait été élevée pour affronter ce genre de danger comme une simple routine. Dean comprit cela d’un coup d’œil, et cela le déstabilisa profondément. Teresa observa la peur passer sur son visage, puis tapa dans ses mains comme si elle venait de résoudre un mystère.

— Oh, je vois. C’est logique… tu es incompétent.

Elle hocha la tête, avant de perdre tout intérêt et de s’éloigner. L’insulte froide et directe qu’elle ne pensait même pas comme telle laissa Dean sans voix. Une seconde plus tard, la colère l’envahit.

— Quoi… ?! Répète ça si tu oses ! hurla-t-il, les mots fusant hors de lui comme un geyser.

Depuis une grande salle du deuxième étage, Oliver regardait la scène à travers la fenêtre. Dean criait, Teresa lui tournait le dos, et Peter et Rita tentaient désespérément de calmer les esprits.

  • …De quoi peuvent-ils bien se disputer cette fois ? soupira-t-il.

Distrait par l’agitation en bas, Oliver relâcha sa garde. Son ami Pete en profita pour foncer sur lui, athamé en main, cherchant à tirer avantage de son inattention. Mais Oliver réagit juste à temps. Il dévia le coup, repoussa la lame et déséquilibra Pete d’un coup de pied dans les jambes. Ce dernier s’effondra sur les fesses.

— Tu es bien trop impatient, Pete.

— M,-mais tu regardais même pas !

Pete se remit rapidement sur ses pieds, furieux. Oliver détourna son regard de la scène à l’extérieur et se concentra sur lui.

— Désolé. Je regardais les nouveaux faire n’importe quoi. Ça ne se reproduira plus.

Il reprit sa posture de combat. Sa distraction avait été un affront à la détermination de Pete, et il lui devait de rester concentré.

— Nope. T’as besoin d’un autre professeur.

— Oh ?

Quelqu’un attrapa Pete par le col, le soulevant sans effort.

— Mr. Albright ?! s’étonna Oliver.

Cet intrus arrogant n’était autre que l’un de leurs adversaires lors de la battle royale des premières années l’an passé.

— Je t’observais, dit-il en reniflant avec dédain. — Tu es trop tendre. Ce n’est plus un gamin.

— Ce n’était pas mon intenti…

— Si ce n’est pas intentionnel, c’est encore pire.

Albright ne le laissa pas finir. Il tourna les talons, emportant Pete comme un sac de patates.

— Viens, Pete Reston. Je ne laisserai jamais quelqu’un dont je me souviens du nom rester un être insignifiant. Je vais m’occuper de ton entraînement en personne.

— L-laisse-moi descendre d’abord !

Suspendu à bout de bras, Pete se débattit en vain jusqu’à ce qu’Albright le laisse tomber au sol. Pete lui lança un regard furieux, mais ses yeux glissèrent vers Oliver, puis revinrent à Albright.

— …D’accord, dit-il finalement. Essayons, Monsieur Albright.

— Pete ?! dit Oliver d’une voix étranglée, incrédule.

Pete fit quelques pas, pointant un doigt accusateur vers lui.

— Regarde bien. Quand je reviendrai, je réussirai à te toucher.

Puis il se retourna et courut après Albright. Oliver resta sans voix. Une main se posa sur son épaule.

— Ah-ha-ha ! Tu as perdu ton précieux élève. Ne t’en fais pas, Oliver ! Ce serait un honneur pour moi de prendre sa place, déclara Tullio Rossi avec un sourire éclatant.

Oliver, à bout de patience, jeta un regard à Tullio Rossi, ce grand garçon toujours souriant, qui semblait bien décidé à rester dans son champ de vision. Il fut l’un des adversaires de cette battle royale, mais ce passé ne lui importait plus. Ce qui le préoccupait, c’était son élève « volé », qui était déjà en train de s’entraîner avec Albright.

— Première question, commença Albright, — pourquoi es-tu faible ?

— …Mes techniques manquent de finesse, répondit Pete, l’air déjà abattu.

Albright leva les yeux au ciel, visiblement agacé.

— Faux. Ce que tu appelles des « techniques » ne sont que des formes. Tu te contentes de réciter une chorégraphie mémorisée, comme une marionnette.

— …Ah oui ?

— Les formes deviennent des techniques lorsqu’elles s’intègrent naturellement au combat. Ce dont tu as besoin maintenant, c’est de comprendre ce que cela signifie. Allez, montre-moi le mouvement que tu penses maîtriser le mieux.

Pete prit un moment pour réfléchir, puis leva sa main gauche dominante, adoptant une posture de combat de niveau intermédiaire du style Rizett. Il s’élança alors, exécutant une série de coups rapides. À la fin de son enchaînement, il frappa le sol de sa main droite, se propulsant en arrière pour retrouver sa position initiale. Ce mouvement fluide démontrait un bon contrôle de son centre de gravité, même si cela manquait encore de raffinement. Albright plissa les yeux.

La Charge héroïque[1] du style Rizett ? Pas mal pour une forme.

— Comment en faire une technique ?

— Seul, ce mouvement n’est qu’un pari très osé. Pour en faire une attaque décisive, tu dois élaborer un plan d’attaque.

Pete se frotta le menton, plongé en pleine réflexion.

— Visualise-le, reprit Albright. Maintenant que tu as un an d’expérience derrière toi, tu as vu les meilleurs combattants à l’œuvre. Tu as échangé des coups avec eux, même lors des entraînements. Tes yeux commencent à comprendre comment fonctionne un duel en arts de l’épée.

Pete ferma les yeux, se plongeant dans ses souvenirs. Il revisita mentalement plusieurs combats auxquels il avait assisté ou participé. Il imagina la Charge héroïque comme le coup final d’une séquence précise. Peu à peu, une stratégie cohérente se forma dans son esprit. Il reprit une posture défensive, son athamé à hauteur des yeux, tenu verticalement. La posture haute du style Lanoff.

— Exact. Un peu prévisible, mais ça fonctionne. Attire l’attention de ton adversaire vers le haut. Le principe de la charge héroïques réside dans le mouvement vertical et le changement de portée. Habitue ton adversaire à échanger des coups au-dessus de la poitrine. Attends qu’il lance un sort ciblant ton torse, car ce sera le moment parfait pour déclencher ta technique.

Pete hocha la tête, un léger sourire sur les lèvres.

— Si ça touche, tu as gagné. Mais si ça échoue, tu en paies le prix. C’est le cas de toute attaque plongeante. Mais tu as déjà le mental pour ça. Rien que pour ça, je te félicite.

— …Venant de toi, ça sonne faux.

— Tss. Et qui veux-tu entendre te féliciter, alors ?

Albright connaissait déjà la réponse. Pete se raidit. Il s’efforça de ne pas tourner les yeux vers la personne à laquelle il pensait, mais il sentit malgré tout ses joues s’empourprer.

— On lit en toi comme dans un livre ouvert, ricana Albright. Tu cherches l’attention d’Oliver, c’est ça ?

— …Tais-toi… !

Pour dissimuler son embarras, Pete se remit en position, prêt à tester sa technique. Albright, imperturbable, dégaina calmement son propre athamé.

— Belle intensité. Maintenant, fais taire cette langue, si tu le peux.

Oliver, pendant ce temps, échangeait des coups avec Rossi, mais gardait un œil sur l’entraînement de Pete.

— …De quoi peuvent-ils bien parler ? marmonna-t-il.

— Tu es à découvert, Oliver !

Rossi profita de sa distraction pour attaquer avec une technique imprévisible, mêlant des mouvements du style Koutz à une Feinte de Lumière. Cette combinaison, affinée depuis leur dernière confrontation, était conçue pour être illisible et désorientante.

— Oooof— ?!

Mais un coup de talon brutal atteignit Rossi en plein plexus, doublant l’impact. Le garçon tomba à genoux. Oliver, réalisant qu’il avait frappé trop fort, s’approcha rapidement.

— Désolé, Rossi. J’ai un peu exagéré.

— Urghhh… Admets que tu es ailleurs !

Il avait l’air aussi vexé que frustré, conscient que même distrait, Oliver avait neutralisé son attaque sans effort. La différence entre leurs niveaux était flagrante. Pendant que Rossi peinait à rattraper son retard, Oliver continuait de progresser à pas de géant.

— …Et moi, je reste là, à mordre la poussière, grogna Rossi.

Malgré la douleur, il souriait. C’était ce qu’il recherchait : un objectif à poursuivre, un rival à dépasser.

Seiiiii !

Un cri puissant retentit à travers la salle, attirant l’attention d’Oliver et de Rossi. De l’autre côté de la pièce, une jeune fille aziane échangeait des coups rapides avec Garland, l’instructeur d’arts de l’épée. Oliver, captivé, suivit chaque mouvement du combat. Rossi, toujours assis à ses côtés, soupira.

— …C’est son tour maintenant ? Tu ne manques pas de distractions, Oliver.

— Je l’admets, répondit-il. Mais comment ne pas regarder ? Tu fais la même chose.

— Ha-ha, c’est vrai ! Nanao est spectaculaire à voir. Ses coups s’aiguisent à chaque heure qui passe.

Rossi, prenant place aux côtés d’Oliver, observa le duel avec un air concentré.

Des étincelles jaillirent de la lame de Nanao tandis qu’elle faisait un large pas en avant. Garland esquiva de justesse, son athamé effleurant le bras de la jeune fille. L’instructeur d’arts de l’épée avait parfaitement contré son assaut. Alors qu’ils reprenaient leurs positions, il la corrigea d’une voix ferme :

— Ce grand pas était imprudent. Ne confonds pas courage et témérité. Encore une fois !

— Compris ! répondit Nanao, toujours vive.

Elle reprit position avec sa vivacité habituelle, prête à attaquer de nouveau. Oliver, totalement absorbé par le combat, ne remarqua pas immédiatement Chela qui s’approchait.

— Il ne la ménage plus, observa Chela en souriant. — Je suis certaine qu’il voit tout son potentiel.

— Oui, acquiesça Oliver. La meilleure élève avec le meilleur enseignant. Elle ne peut que devenir encore meilleure.

À cet instant, une voix retentit depuis le plafond.

— Alors, Luther, tu te régales ? Si elle te plaît autant, pourquoi ne pas officiellement la prendre comme apprentie ?

Un homme, coiffé de boucles semblables à celles de Chela, se tenait à l’envers, les pieds collés au plafond. Tandis que les élèves levèrent les yeux avec étonnement, Garland sourit, comme s’il savait depuis le début que cet intrus était là.

— Elle n’est qu’en deuxième année, Theodore, répondit Garland avec calme. — C’est encore le moment de tout essayer, pas de se spécialiser trop tôt.

— Aucun empressement, alors ? Tu es bien différent de Darius. Évidemment, c’est un compliment, ajouta Theodore avec un sourire en coin.

Le ton de leur échange, léger et complice, témoignait de leur longue amitié.

Mais tandis que les autres élèves observaient cette scène avec curiosité, Oliver et Chela, eux, semblaient tendus. Chela jeta un regard à Oliver, puis de nouveau à Theodore, les sourcils légèrement froncés.

— …Pourquoi faites-vous cette tête, tous les deux ? demanda Rossi, perplexe. — Vous avez l’air d’avoir avalé un citron.

Ni Oliver ni Chela ne répondirent, se contentant d’observer en silence.

— Puisque tu es là, pourquoi ne pas leur montrer de quoi tu es capable ? proposa Garland. — Montre-leur ton style Rizett.

— Comment refuser une demande du maître d’armes en personne ? Surtout sous les yeux de ma chère fille adorée, ajouta Theodore en lançant un clin d’œil à Chela.

D’un bond gracieux, Theodore quitta le plafond et atterrit au sol, prenant la place de Nanao. Il dégaina son athamé, se tenant face à Garland à une distance d’un pas et d’un sort.

— Nous ne sommes plus étudiants, alors vas-y doucement, plaisanta-t-il.

— Toujours aussi drôle. Cela fait quoi, deux ans ? Garland, clairement ravi, semblait attendre ce duel avec impatience.

Pete, comme tous les élèves, regardait avec une certaine appréhension. À côté de lui, Albright murmura :

— Un duel de maîtres. Ouvre les yeux, Pete Reston. Apprends tout ce que tu peux.

— Ouais…

— Bien que tu risques de ne rien comprendre, ajouta Albright avec un sourire en coin.

— Mais c’est méchant !

Malgré sa protestation, Pete observait attentivement. Les deux professeurs commencèrent lentement, mais chaque échange gagnait en vitesse et en intensité. Rapidement, l’air entre eux se remplit d’étincelles.

Les mouvements devenaient presque invisibles pour les yeux des étudiants. Pete, bouche bée, en oublia de respirer.

— …?! …?! ……?!

— Je suppose que tu es encore loin d’y arriver, commenta Albright. — Ne t’inquiète pas, je v…

— Je vais expliquer, Pete, l’interrompit une voix familière.

Albright se tourna, contrarié, pour voir Oliver debout de l’autre côté de Pete.

— Il est sous ma responsabilité, pour l’instant.

— Pour l’enseignement direct, oui. Mais ça ne s’applique pas à l’observation, rétorqua Albright.

— Foutaises. Laisse-moi m’en occuper.

Tirant Pete par l’épaule, Albright tenta de monopoliser son attention, mais Oliver agrippa l’autre épaule de Pete et murmura à son oreille :

— Pete, ne cherche pas à tout comprendre d’un coup. Décompose ce que tu peux voir. Première question : quelles positions utilisent-ils ?

Cette question força Pete à se concentrer. Bien que leurs mouvements fussent trop rapides pour être clairement perçus, il pouvait deviner leurs intentions à travers leur posture.

— …Lanoff intermédiaire ? Et Rizett intermédiaire, je crois…

— Exact. Ils restent dans les fondamentaux, volontairement, pour qu’on puisse comparer et comprendre. Presque toutes les techniques qu’ils utilisent sont des choses qu’on nous a enseignées.

— C-c’est vrai ?

Pete, dépassé, ne comprenait pas 80 % de ce qu’il voyait. Chela intervint, apaisant les tensions.

— Calmez-vous. Vous êtes en train de l’embrouiller.

Albright et Oliver se turent. Mais à ce moment, le duel entre les professeurs touchait à sa fin. Une centaine de coups avaient été échangés en quelques minutes, toujours dans ce rayon d’un pas et d’un sort.

Theodore se redressa, soupirant.

— Tu pourrais laisser un peu de gloire à ton aîné, Luther.

— Oh, voyons, répondit Garland en riant. —  Jamais je ne retiendrais mes coups contre toi.

Regardant les étudiants, Theodore lança :

— Vous avez pris des notes ? Bien, je m’en vais. Adieu, ma chère enfant.

— Oui, oui, au revoir, répliqua Chela, exaspérée.

Il lui envoya un baiser avant de s’éclipser, tandis que Garland reprenait son cours, pairant les élèves pour une nouvelle série de duels.

Les cris et les pleurs pouvaient être le lot des premières années, mais les élèves plus âgés avaient eux aussi leur lot d’épreuves. La seule différence ? Une année de pratique et d’entraînement rendait bien plus difficile de les réduire en larmes.

— Vous êtes tous revenus ! Hé ! Aujourd’hui, j’ai une activité amusante pour vous !

Vanessa Aldiss passa sa langue sur les lèvres, observant ses élèves de biologie magique, plus robustes que l’année précédente. Derrière elle se trouvait un enclos grillagé où s’agitaient des créatures étranges, de la taille de poulains. Leur tête et leurs ailes ressemblaient à celles d’un oiseau de proie, mais leurs muscles puissants et leur ossature inférieure évoquaient nettement des félins.

Katie les observa un instant avant de murmurer :

— Des griffons.

— Des bébés. Éclos il y a un mois. Leurs ailes ont poussé, et ils commencent à ressembler aux vrais.

Ces griffons étaient bien trop impressionnants pour qu’on les qualifie de « bébés », mais Vanessa semblait d’humeur particulièrement joyeuse ce jour-là.

— Votre tâche est de les dresser. Faites-en des animaux qui obéissent aux mages, dit-elle en désignant l’enclos. Je me fiche de la méthode, mais ce ne sera pas facile. Dans leur environnement naturel, ces créatures sont les rois de l’écosystème magique. Elles se nourrissent de tout le reste. Ces bêtes ne sont pas programmées pour baisser la tête devant qui que ce soit.

Elle s’approcha de la clôture, et le griffon le plus proche mordit violemment son épaule. Les élèves poussèrent des cris de surprise, mais Vanessa ne fit que sourire, sans même tenter de dégager le bec de la créature.

— Haha, vous voyez ? Ils ont du caractère. Ça ne vaudrait pas la peine de les dresser sinon !

Son bras droit gonfla de manière surnaturelle avant de se transformer en une énorme griffe. Elle agrippa le cou du griffon avec cette main monstrueuse, le soulevant entièrement dans les airs. Ses membres se débattirent sans succès, et il poussa un cri perçant.

— Allez, montre ton ventre. Remue cette fichue queue. Sinon.

Le griffon ne comprenait peut-être pas ses paroles, mais cela n’avait pas d’importance. Dès que Vanessa l’avait attrapé, il était clair qui était le plus fort. La créature se laissa aller, démontrant sa soumission en remuant la queue, implorant grâce. Une fois ce message reçu, Vanessa relâcha sa proie, qui tomba lourdement au sol avant de s’enfuir à l’autre bout de l’enclos.

— Voilà le principe. Prouvez que vous êtes plus forts, faites-les se soumettre. C’est ainsi qu’on transforme des bêtes sauvages en bétail, dit-elle en se tournant vers les étudiants. Si vous ratez, ils vous tueront. Et comme je ne peux pas tous vous surveiller en même temps, j’ai fait venir des élèves plus âgés pour vous aider. Venez par ici !

Les étudiants des années supérieures, qui attendaient à l’arrière, avancèrent à son appel. Une vingtaine d’élèves de quatrième à septième année s’approchèrent, et Katie reconnut immédiatement un visage familier.

— Miss Miligan ! s’exclama-t-elle, son visage s’illuminant.

— Bonjour, tout le monde. Je savais que cette classe serait un enfer personnel pour Katie, alors j’ai décidé de venir pour lui offrir un peu de soutien moral.

Miligan rejoignit Katie. Chela prit la parole.

— Merci, dit-elle. Je ne voyais pas ça se terminer autrement que mal.

Une fois chaque groupe d’élèves associé à un étudiant plus âgé, une fille de sixième année leva haut sa baguette blanche.

— Ok, ok ! Regardez ici ! Il y a plusieurs façons de dompter une bête magique, mais au fond, tout se résume à la carotte et au bâton. Et à ce stade, le bâton est le plus important. Pour l’instant, ces griffons vous considèrent comme des faibles.

En parlant, elle ouvrit la porte et guida un griffon hors de l’enclos. Tous les yeux des élèves de deuxième année étaient rivés sur elle. L’image de Vanessa mordue était encore fraîche dans leurs esprits, ce qui rendait la tâche bien plus stressante pour eux que pour la sixième année.

— La douleur est un excellent moyen d’amoindrir leur envie de se battre. Mais si vous les blessez, il faudra perdre du temps à les soigner. C’est là qu’interviennent les sorts de douleur. La structure physique des Manaviens n’est pas si différente de celle des humains. Une fois que vous aurez pris le coup, ce sera facile. Toi, là ! Assieds-toi.

Elle agita sa baguette en lançant des ordres au griffon. Celui-ci tourna la tête avec mépris, manifestement conscient de ce qu’elle voulait, mais refusant obstinément d’obéir.

— Tu m’ignores, hein ? Très bien. Dolor.

Comme elle s’y attendait, elle n’hésita pas une seconde à lancer son sort. Une lumière jaillit de sa baguette et atteignit le griffon, qui se mit à trembler.

KYOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO !

Le cri strident du griffon résonna alors qu’il se tordait de douleur au sol. Katie serra les poings, et à côté d’elle, Oliver commençait à transpirer, inquiet qu’elle n’intervienne pour arrêter cela.

— Vous voyez ? Comme le disait feu l’instructeur Darius, la douleur est d’une équité sans pareille, touchant aussi bien les sages que les idiots. Donnez-leur un ordre, et s’ils résistent ou vous ignorent, c’est là qu’un sort de douleur intervient. Répétez la chose jusqu’à ce qu’ils commencent à vous écouter. C’est ensuite que vous sortirez la carotte. Donnez-leur leur viande favorite et complimentez-les.

Elle désigna les plateaux de viande crue posés sur une table de travail à proximité. Vanessa attrapa un morceau et l’engloutit d’une bouchée.

— Laissez-moi vous rappeler qu’un œuf de griffon ne coûte pas moins de deux millions de belcs. Vous n’aurez l’occasion d’en voir qu’ici, à Kimberly. Une fois adultes, ces bêtes sont presque impossibles à dompter, et si vous échouez ici, l’argent dépensé part en fumée. Dans ce cas, ils finiront comme amuse-bouche pour accompagner mon whisky.

Ces mots ajoutèrent une pression supplémentaire sur les épaules des élèves. Ravie des expressions tendues qui se dessinaient sur leurs visages, Vanessa s’installa sur la table de travail, balançant ses jambes.

— Faites de votre mieux. Je serais ravie de les manger à votre place, mais je doute que vos familles apprécient de recevoir une facture astronomique. Commencez !

Elle ne leur laissa aucun répit. L’exercice débuta, brutal, comme un plongeon dans la nature sauvage. Tandis que les autres équipes se lançaient dans l’action, Oliver et ses amis échangèrent des regards.

— Alors, on fait quoi ? demanda Peter, mal à l’aise devant le griffon qu’ils devaient dompter. — Je suppose que demander si la méthode que nous venons de voir est acceptable serait inutile, pas vrai ?

— N’y pense même pas ! tonna Katie avant qu’il ne termine sa phrase.

Chela posa une main réconfortante sur les épaules de Katie.

— Je m’en doutais. Mais nous ne pouvons pas ignorer cet exercice. Notre équipe devra trouver un moyen de réussir sans utiliser de sorts de douleur.

— Hé hé hé ! C’est là que les fruits de nos recherches entrent en jeu ! s’exclama Miligan, un sourire aux lèvres.

Elle échangea un regard complice avec Katie.

— La communication interespèces. Une discipline académique créée spécifiquement pour ce genre de situation. Pas vrai, Katie ?

— Absolument, Miss Miligan !

Ces deux-là étaient clairement sur la même longueur d’onde, tandis que les autres semblaient légèrement déconcertés.

— Écoutez attentivement, déclara la Sorcière à l’œil de serpent. — Il y a des variations selon les individus, mais les méthodes basées sur les sorts de douleur ont un inconvénient majeur : elles font naître de la haine chez la cible. Depuis des siècles, des accidents ont eu lieu lorsque les émotions de la bête explosaient soudainement ! Cependant ! En appliquant le principe de compréhension mutuelle que l’on étudie dans la communication interespèces, il est possible de créer des relations avec des créatures magiques à un niveau bien plus élevé ! Et nous allons vous le prouver.

Tout en parlant, elle s’approcha de l’enclos et guida un griffon hors de la clôture avec sa baguette. Elle le conduisit devant le groupe et poursuivit :

— Pour établir une connexion positive, il faut d’abord apprendre à se connaître ! Ce que j’ai déjà fait, bien sûr ! Je sais tout sur les griffons : comment ils mangent, où ils vivent, leurs environnements préférés, où se trouvent leurs organes… et où les poignarder pour les tuer d’un seul coup si nécessaire ! N’aie pas peur, petit griffon ! Je suis ta plus grande alliée !

Oliver retint un soupir en voyant le regard sceptique de Katie. Il savait que souligner les failles de cette approche ne servirait à rien pour le moment.

— Malheureusement, les griffons n’ont pas de langage. Mais ce sont des créatures sociales, avec des concepts de coopération et d’amitié ! Et je vais vous le démontrer. Plumare !

Elle se débarrassa de sa robe et lança un sort sur elle-même. Des plumes semblables à celles des griffons couvrirent ses épaules et ses bras, et un grand bec se forma sur son visage. Elle croisa ses nouvelles ailes devant ce bec et déclara :

— Croiser les ailes ainsi est un signe d’apaisement. Cela montre que nous ne sommes pas hostiles. Plutôt que d’imposer nos façons de faire, nous adoptons les leurs ! Cette humilité est la plus grande réussite dans l’étude de la communication interespèces ! Ceux qui sont habitués aux techniques de dressage classiques trouveront cela peut-être trop passif, mais observez ! La bête est déjà moins méfiante !

Sous l’observation attentive du griffon, Miligan fit claquer son bec, un appel clair à la créature. Oliver scruta attentivement le griffon : il semblait effectivement un peu moins hostile. Mais difficile de dire s’il avait réellement perçu ce geste comme une tentative amicale ou s’il était simplement déconcerté.

— Passons à la deuxième phase ! Maintenant que nous, griffons, avons établi que nous ne nous voulons aucun mal, nous passons à l’étape suivante : se frotter les becs en signe d’amitié ! Si nous y arrivons, nous serons comme les meilleurs amis du monde !

Lentement, mais avec une confiance absolue, Miligan s’approcha du jeune griffon. Elle se pencha en avant, pointant son bec vers la créature comme un humain tendrait le bras pour une poignée de main. L’auditoire retint son souffle. Après un instant, le griffon approcha son bec du sien…

KYOOOOOOOOOOOOOOOOOOO!

… et lui hurla directement dans l’oreille. Du sang jaillit des deux oreilles de Miligan, et elle s’effondra sur le sol.

— Mil… !

— Miss Miligan ?!

Guy et Katie crièrent en chœur et se précipitèrent vers elle, utilisant leurs athamés pour tenir le griffon à distance pendant qu’ils la mettaient à l’abri.

— Haha, il m’a bien eue ! s’exclama Miligan, visiblement pas découragée le moins du monde.

— Une attaque sonore à bout portant ! Mm ?

— Désolée, Katie, je ne comprends pas un traitre mot de ce que tu dis. Et depuis quand le ciel est-il violet ?

— Les tympans et l’oreille interne sont endommagés !

— Hémorragie cérébrale possible ! Il faut vite la soigner !

Oliver et Chela étaient déjà en train de traiter ses blessures. Pendant ce temps, les autres groupes retournaient à leurs propres exercices, comme si cette issue était inévitable. Vanessa, de son côté, se tordait de rire.

C’était particulièrement irritant, mais après ce qui venait de se passer, Oliver préféra ne pas protester.

— …À mon tour.

Katie se leva, quittant le côté de Miligan. Guy, qui avait entendu ce qu’elle venait de dire, cligna des yeux avant de comprendre. Il attrapa son poignet.

— Quoi ?! Tu as perdu la tête ? Je ne peux pas te laisser faire ! Tu as vu ce qui vient de se passer !

— Et alors ?! La communication interespèces n’est pas facile ! Évidemment que ça ne marche pas du premier coup !

Katie repoussa Guy. Il tenta de la suivre, mais Oliver posa une main ferme sur son épaule. Rien de ce qu’ils pourraient dire ne la dissuaderait maintenant.

— Bonjour, griffon, dit-elle. —  Je m’appelle Katie Aalto. Tu veux devenir mon ami ?

Elle laissa quelques pas entre elle et le jeune griffon, s’adressant doucement à lui. Le griffon répondit en agitant ses ailes, et les élémentaires du vent qui y résidaient créèrent une rafale, repoussant Katie. Étant donné l’âge de la créature, la force n’était pas impressionnante, mais c’était la même capacité que possédaient les garudas.

— …Désolée, je vais reformuler, reprit Katie. — Nous serons amis. Que tu le veuilles ou non.

Malgré le vent qui la frappait, Katie ne céda pas d’un pouce. Sa voix restait ferme. Oliver ressentit une vive émotion : elle n’aurait jamais pu dire cela l’année précédente. C’était là la force d’un mage : une arrogance qui frôlait la folie.

KYOOOOOOOOOOOOOO!

Elle avança, repoussant la bourrasque, et fut frappée par la même attaque sonore qui avait terrassé Miligan. Les échos perçants résonnaient encore dans leurs oreilles tandis que Guy pâlissait ; Katie se trouvait directement dans la ligne de mire de l’attaque.

— Je me défendrai, dit-elle au jeune griffon. Je ne te fais pas mon esclave, mais tu ne feras pas de moi ton repas non plus. Lance-moi tout ce que tu veux. Attaque-moi autant que tu veux. Je ferai face de toutes mes forces !

Elle fit un pas de plus. La créature recula, visiblement déstabilisée.

— Tss, grogna Vanessa depuis l’autre côté de la salle. Essayer de nouvelles choses n’est pas mauvais, petite Aalto. Mais si tu ne conclus pas avant la fin de l’exercice, toute ton équipe échoue avec toi. Tu crois vraiment que ça va marcher ?

Une vérité cruelle, lancée à une jeune fille poursuivant un idéal. Katie l’entendit parfaitement et serra les poings. Sans détourner le regard, elle demanda à ses cinq amis :

— …Combien de temps pouvez-vous me donner ?

Elle réclamait du temps, autant que cette séance de classe pouvait lui accorder.

— Soyez honnêtes avec moi. Vous savez tous que je ne fais pas ça pour le plaisir. Je ne veux juste pas laisser cette pauvre créature mourir.

Tout griffon qui ne serait pas dompté allait être éliminé. Puisque Katie rejetait la méthode la plus efficace, le destin de cette créature reposait sur ses épaules. Aussi douloureux que cela puisse être, elle devait définir une limite.  Elle avait pleinement conscience que ses propres faiblesses l’empêchaient de garantir la survie de la créature en face d’elle. Conscients de ce qu’elle traversait, Chela et Oliver échangèrent un regard.

— … Une demi-heure. Ça suffira, non ?

— …Oui, répondit Oliver. Avec ce temps-là, on pourra lui donner l’entraînement minimal requis.

Ils regardèrent Guy et Pete, qui acquiescèrent également, leur accordant leur confiance. Reconnaissante envers ses amis, Katie se dévoua corps et âme sur l’épreuve qui l’attendait.

— Merci. Jusque-là, je vais tout essayer.

Le temps passa… mais aucun miracle ne se produisit.

— …Haa… haa… !

Katie haletait, les plumes sur ses épaules déchirées par la résistance acharnée du griffon. Son corps était couvert de coupures et de griffures, et sa gorge était sèche à force de lancer des sorts. Elle avait tout essayé : sons, gestes, expressions, vagues de mana — tous les moyens de communication possibles, sauf la violence. Tous ces moyens avaient échoué.

— …

Oliver s’y attendait. C’était bien plus difficile que le lien qu’avait établi Nanao avec le singe démoniaque dans la deuxième couche du labyrinthe, lorsqu’ils étaient venus sauver Pete. Nanao n’avait eu qu’à prouver qu’ils n’étaient pas une menace. Katie, elle, devait devenir amie avec le griffon. Et ce dernier n’avait aucun intérêt pour cela, rendant la tâche pratiquement impossible.

— …Hé, on devrait intervenir ? demanda Guy.

— Non. Laisse-la tenter jusqu’au bout, répondit Oliver fermement.

Le temps restant était presque écoulé. Guy perdait patience, mais Oliver tenait bon. Si Katie avait montré le moindre signe d’abandon, il serait intervenu, mais…

— Regarde bien, Guy. C’est le combat de Katie. Elle affronte cette réalité que l’on voit tous. C’est toujours ce qu’elle a fait, et ce qu’elle fera toujours.

Elle n’abandonnait jamais. Même maintenant, elle était tellement concentrée sur les mouvements du griffon qu’elle semblait oublier la douleur. Elle observait chacun de ses gestes, cherchant un moyen de gagner sa confiance. Oliver ne pouvait pas se résoudre à l’arrêter. Tout mage digne de ce nom respecterait les efforts de Katie.

Mais le temps dont elle disposait était limité. Chela jeta un coup d’œil à sa montre de poche une dernière fois et annonça :

— Temps écoulé, Katie… Je suis désolée.

— …Nn… !

Les épaules de Katie tremblèrent. Chela s’avança et posa ses mains dessus.

— Tu as fait de ton mieux, dit-elle. Recule maintenant. Et si tu veux, n’hésite pas à te boucher les oreilles.

— Non ! Je ne veux pas ! protesta Katie d’une voix rauque.

De grosses larmes coulèrent sur ses joues.

— Le destin de cette petite créature est de ma faute. Je ne vais pas lui tourner le dos… Jamais !

Elle restait fixée sur le griffon, refusant de bouger d’un millimètre. Et si elle avait fait ce choix, personne ne viendrait le contester. Chela et Oliver serrèrent les dents et firent un pas vers la créature.

— …Hein ? murmura Katie.

Un doigt pâle essuya les larmes sur son visage.

— Tu es si douce…

Une voix douce résonna à ses oreilles, et Katie se retourna. Une jeune fille plus âgée se tenait derrière elle, ses bras l’entourant. Ses cheveux blond pâle et son sourire apaisant firent fondre le cœur de Katie.

— Tu es là ? s’exclama Oliver, surpris de voir sa sœur.

Shannon Sherwood lui adressa un sourire. Tandis qu’elle le faisait, les sons solennels d’un instrument à cordes emplirent la pièce. Reconnaissant ce timbre, Oliver se retourna brusquement et trouva un garçon plus âgé jouant de l’alto, modifié avec une baguette blanche.

— Vous deux ?!

Gwyn Sherwood jeta un regard à son frère sans dire un mot, laissant son instrument parler pour lui. Les sons imprégnés de mana se répandirent dans la pièce, captivant tous ceux qui s’y trouvaient. Non seulement les gens, mais même les griffons, probablement peu habitués à entendre de la musique, s’immobilisèrent, sentant la mélodie les envelopper.

— Cette fille essaie de te sauver, murmura Shannon.

Alors que la musique se jouait toujours, Shannon s’approcha doucement du griffon, sans même dégainer la baguette. Elle caressa son bec avec assurance, parlant à voix basse, comme si elle apaisait un enfant en bas âge.

— …Mm… Mm… Bon griffon… Maintenant, toi. Viens avec nous.

Shannon se tourna vers Katie, lui faisant signe d’approcher. Complètement déboussolée, la jeune fille aux cheveux bouclés s’avança vers le Manavien.

— Essaie… de lui demander quelque chose, l’encouragea Shannon. —  Je sais… qu’il t’écoutera.

Étrangement, Katie n’en douta pas une seconde. Elle hocha la tête et fit un geste.

— Peux-tu… déployer tes ailes ?

Elle fit la démonstration, écartant ses propres bras autant qu’elle le pouvait. Le griffon la fixa un long moment, immobile. Puis, une rafale de vent balaya l’air tandis que le Manavien déployait ses ailes.

Katie déglutit.

— Il lui a obéi, déclara Gwyn. — L’exercice est réussi !

L’alto s’arrêta.

Vanessa, qui observait en silence jusque-là, sauta de la table de travail et marcha d’un pas lourd vers eux.

— Attendez une foutue seconde ! Vous devez vous mêler de vos affaires, les Sherwood ! Vous venez de faire tout l’exercice à leur place ! C’est un cours de deuxième année, vous savez !

— Tout ce que nous avons apporté, c’est une performance pour apaiser ses nerfs et une médiation finale. Bien dans les limites de l’assistance permise, Mrs. Aldiss, répondit Gwyn d’un ton paisible, sans céder d’un pouce.

Vanessa le fixa avec un regard noir… avant d’éclater de rire.

— …Ha ! Je vois. Si je ne peux pas expliquer ce que vous avez fait, je peux la mettre en veilleuse, c’est ça ?

Le professeur de biologie magique faisait référence à une règle tacite de Kimberly. Personne, pas même un enseignant, ne pouvait contester les résultats d’un sort qu’il ne comprenait pas. Si elle voulait remettre en question l’intervention des Sherwood, elle devrait d’abord en percer le secret.

— Très bien, ça passe pour aujourd’hui. Mais il reste encore d’autres exercices de dressage de griffons. Espérons que vous n’avez pas juste retardé l’inévitable.

Sur ces mots, la cloche retentit. Les élèves commencèrent à ramener leurs griffons dans l’enclos, et Oliver poussa un soupir de soulagement. Il ne s’attendait pas à ce que ses cousins lui viennent en aide publiquement.

— Euh, euh… ! Merci ! lança Katie en courant avant qu’ils ne puissent partir.

Shannon et Gwyn se retournèrent pour la voir, les joues rouges.

— Puis-je demander… ce que vous avez fait ? Vous… vous êtes connectés à lui, émotionnellement, pas vrai ?

Elle regardait tour à tour le griffon et les Sherwood. Shannon esquissa un sourire gêné.

— …Ma sœur n’est pas très douée pour les explications, intervint Gwyn. Alors laisse-moi faire. 80% de ce résultat est grâce à toi, Miss Aalto. Shannon t‘a juste donné un petit coup de pouce. Nous ne pouvons pas te dire exactement comment, et même si nous le faisions, tu ne pourrais pas le reproduire. C’est quelque chose que seule elle peut faire.

Son ton était ferme, et Katie n’eut rien à répondre. Le duo tourna les talons pour partir.

— Tu as entrepris un chemin bien épineux, ajouta Gwyn. Mais il mène au moins à quelque part. C’est tout ce que nous pouvons vraiment te dire.

Les cours du matin terminés, les six amis se retrouvèrent pour déjeuner dans la cafétéria de la Confrérie, mais ils ne parlèrent pas beaucoup ce jour-là. En effet, Katie avait englouti son porridge.

— Fini ! Je vais voir le griffon ! À plus !

S’essuyant les lèvres avec une serviette, elle se leva d’un bond et se précipita vers la sortie. Elle avait réussi à négocier la permission de continuer l’entraînement du griffon en dehors des heures de cours, et elle comptait utiliser le reste de la pause déjeuner pour renforcer sa connexion avec la créature. Les autres lui souhaitèrent bonne chance.

— …Je vais à la bibliothèque, déclara Pete après avoir terminé son léger repas.

Il partait souvent tôt pour explorer les rayons, mais cette fois, il y avait eu un rebondissement inattendu. Guy enfourna la dernière bouchée de son toast et se mit à courir après lui.

— Hé, attends, Pete. Je viens avec toi.

— Quoi ?! s’étonna Pete en le dévisageant.

Les trois autres amis étaient tout aussi surpris. Voyant huit yeux fixés sur lui, Guy sembla profondément mal à l’aise.

— N-ne faites pas comme si j’avais poussé une deuxième tête ! Je lis parfois ! Walker m’a parlé d’un livre sur la survie que je devrais consulter.

C’était logique. Tout le monde savait que Guy était du genre à apprendre sur le terrain, mais peut-être que les enseignements du Survivant commençaient à changer cela. Comme Pete et Katie, Guy cherchait toujours à s’améliorer. Peut-être inspirée par son attitude motivée, Nanao posa sa fourchette et se leva.

— La quête du savoir est une discipline précieuse. Permettez-moi de vous accompagner, messieurs.

— Toi, parmi tous ? grogna Pete. — Je veux dire, très bien, mais on va vraiment juste lire ! Si tu t’endors là-bas, les bibliothécaires vont être furax.

— J’en ai déjà fait les frais. J’espère qu’on ne me lancera pas de livre cette fois.

Guy se frotta l’arrière de la tête, se souvenant de la douleur. Nanao, qui les avait rejoints, jeta un regard vers la table.

— Oliver, Chela, vous ne venez pas avec nous ?

— Mmm…

Oliver fit mine de se lever, mais Chela parla avant lui.

— Nanao, vas-y. On vous rejoint dans dix minutes.

Oliver se rassit. Nanao hocha la tête et se dirigea vers la sortie. Une fois que les trois eurent quitté la pièce, Chela reprit la parole.

— J’espère que je n’ai pas été trop présomptueuse. Mais je pense que nous devrions parler.

Cela semblait sérieux et Oliver avait une idée de quoi il s’agissait.

— …C’est à propos du professeur Theodore ?

— …Je le crains. Ce qu’il s’est passé aujourd’hui était déjà problématique, mais l’incident de Galatea est inacceptable.

Elle faisait référence à l’épisode où son père avait manipulé Nanao pour qu’elle affronte un tueur dans une ruelle. Oliver lui avait immédiatement raconté cette nuit-là. Réfléchissant à nouveau aux événements, il alla droit à l’essentiel.

— Que veut-il de Nanao ? C’est ce que je dois comprendre. Je vois bien qu’il place de grands espoirs en elle, mais où cela mène-t-il ? Il l’a fait venir de Yamatsu, il l’entraîne comme mage… dans quel but ?

— Honnêtement, je ne peux pas commencer à l’imaginer. Il a toujours été une énigme, et cet aspect de lui est particulièrement présent quand il s’agit de Nanao. Cela dit, peut-être est-ce l’intuition d’une fille, mais quelque chose me dit qu’il ne s’agit pas par simple fascination.

Oliver croisa les bras, réfléchissant à ses paroles. Chela fit tourner le liquide dans sa tasse, ajoutant :

— Et lorsqu’un mage de son niveau devient obsédé, cela peut devenir une puissante malédiction. Je peux te promettre que ce n’est pas de la simple malveillance, mais… ce n’est guère rassurant.

— Oui… Franchement, Miligan n’était pas particulièrement malveillante non plus.

Et pourtant, elle avait kidnappé Katie. Oliver hocha la tête. Il le savait bien : qu’ils soient malveillants ou non, les actes d’un mage pouvaient facilement mettre des vies en danger.

— En tout cas, cela n’a rien à voir avec une sorcellerie de McFarlane. Je crois… Si c’était le cas, en tant qu’héritière, je serais capable d’en comprendre la nature. Je pense que c’est autre chose… Une obsession découlant de ses affaires personnelles.

— …Une obsession personnelle ?

Et si sa propre fille voyait les choses ainsi, les motivations de l’homme semblaient encore plus obscures. S’ils pouvaient au moins obtenir un indice… Mais alors qu’Oliver s’enfonçait dans ses pensées, Chela changea de sujet.

— As-tu entendu parler de Chloe Halford ?

Et pour Oliver… cette question était l’une des plus déconcertantes qu’il avait entendues à Kimberly jusqu’à présent. Il en oublia de respirer. Son pouls s’accéléra ; son mana s’agita. Mais en un clin d’œil, il reprit le contrôle et répondit.

— …J’ai entendu des histoires. C’est l’une de nos diplômées les plus célèbres.

— En effet. Chloe Two-Blade, considérée comme la plus puissante chasseuse gnostique que nous ayons jamais eue.

Chela hocha la tête. Elle ne semblait pas avoir remarqué quoi que ce soit d’inhabituel chez lui. Un soulagement. Ses yeux étaient fixés sur ses mains, pas sur lui. Il ne savait pas où elle voulait en venir, mais il pouvait supposer qu’elle ne cherchait pas à jauger ses réactions.

— Je l’ai rencontrée une fois, quand j’étais très jeune.

Ces mots résonnèrent comme une onde de choc dans l’esprit d’Oliver. Il savait que Theodore McFarlane avait étudié à Kimberly en même temps que sa mère, mais… au point de l’avoir présentée à sa fille ?

— C’était une amie de mon père, apparemment. Je me souviens qu’ils semblaient très proches. Elle n’était comme nulle autre dans les personnes que j’avais rencontrées jusque-là. Elle est vraiment difficile à décrire.

Chela sortit de ce souvenir et changea de sujet.

— Le balai avec lequel Nanao s’est liée se nomme Amatsukaze, mais… tu sais qu’il appartenait autrefois à Chloe Halford, n’est-ce pas ? Il est revenu à Kimberly de lui-même, peu de temps après sa mort.

Oliver le savait mieux que quiconque. Si ce balai avait été entre ses mains cette nuit-là… c’était une pensée qui revenait sans cesse dans son esprit. Et cette question s’imposait : pourquoi sa mère n’avait-elle pas eu son balai dans une situation aussi critique ?

— Je suis sûre que tu es également au courant, mais la mort de Chloe Halford est entourée de nombreuses rumeurs sinistres.

— ……Mm.

— Elle était l’étendard des groupes de défense des droits civils. J’ai entendu dire qu’elle ne s’était jamais identifiée comme tel, mais sa personnalité et ses actions faisaient qu’il était naturel que les gens la perçoivent ainsi. Et avec son passé de chasseuse gnostique légendaire… Eh bien, je suis certaine qu’elle avait autant d’ennemis que d’alliés.

À ce moment-là, Oliver leva une main pour l’interrompre. C’était une erreur de continuer. Parler d’elle était tabou dans cette école.

— …Vu où nous sommes, on devrait peut-être en rester là.

— Merci pour ta prévenance. Mais certaines choses ne doivent pas être mises sous le tapis, répondit Chela. — Si ma mémoire est bonne, le comportement de mon père a beaucoup changé à partir de la mort de Mrs. Halford.

Elle s’aventurait avec résolution dans une zone interdite. Oliver sentit sa gorge se serrer. Chela avait choisi de faire cette déclaration en public, au moins en partie pour tenter de contenir son père.

— Il a toujours été friand d’excursions, mais durant cette période, le nombre de ses voyages avait drastiquement augmenté. Comme s’il était poussé par quelque chose, aucune distance n’était devenue trop grande pour lui.

— …

— Pourtant, comme sa visite en classe aujourd’hui l’a suggéré, dernièrement il s’en tient aux pays de l’Union. Et la plupart de ses déplacements étaient des missions ordonnées par l’école elle-même. Son désir de voyager s’est clairement apais Et je suppose que tu sais ce que cela signifie.

— …Parce qu’il a déjà trouvé Nanao.

Ce point ne lui avait pas échappé. Conscient des oreilles indiscrètes autour d’eux, Oliver verbalisa la chose.

— L’obsession du professeur Theodore pour Nanao aurait un rapport avec la mort de Chloe Halford. C’est ce que tu veux dire ?

Le silence de Chela en disait long. Elle prit une gorgée de son thé, déjà froid depuis longtemps.

— …Ce n’est qu’une hypothèse bien sûr, dit-elle. Mais aucun mage ne devrait ignorer son intuition. Que j’aie raison ou non, j’ai pensé que tu devais le savoir.

Oliver hocha la tête sans répondre. Si Chela elle-même choisissait de formuler cette théorie, ce n’était pas quelque chose qu’il pouvait se permettre d’ignorer.

— …D’accord, dit-il. — Nanao n’est pas du genre à agir naturellement pour sonder quelqu’un. Nous devrons le faire pour elle.

— Exactement. Mon père lui a sauvé la vie sur le champ de bataille, et elle se sent redevable. Si, et je dis bien si, il a l’intention de l’utiliser pour ses propres desseins, elle accepterait. C’est dans sa nature.

Un instant, les yeux de Chela furent remplis de tristesse. Mais ils prirent bientôt une lueur emplie de détermination. Elle fixa Oliver du regard.

— Et c’est pourquoi nous devons la protéger. Mon père n’est pas le genre d’homme à révéler ses plans à sa fille, mais je reste l’héritière de la lignée principale des McFarlane. J’ai mon mot à dire. Et je mettrai ma fierté en jeu pour m’assurer qu’il n’ait pas le dernier mot avec Nanao.

Protéger son amie, même contre son propre père. Ces mots furent un serment. Une chaleur monta en Oliver, et il lui adressa un sourire sincère.

— Merci, Chela. Je garderai un œil sur elle aussi. Je m’assurerai que nous soyons capables de remarquer si le professeur Theodore commence ses manigances. Et je m’assurerai de lui dire les choses comme il faut.

— Je devrais te remercier, toi. Cette affaire devrait, en toute logique, être gérée au sein de ma famille. Pourtant, vous voilà tous deux impliqués. Sache que j’en suis profondément désolée.

Honteuse de ses propres limites, Chela se mordit la lèvre, les yeux baissés. Oliver savait que cela venait de sa nature perfectionniste. Il secoua la tête.

— C’est injuste, Chela.

— Oh ?

— Tu sais très bien qu’un problème affectant un membre de la Rose des Lamesnous touche tous. Pourtant, tu essaies toujours de tracer une frontière quand quelque chose te perturbe. Notre amitié repose sur l’équité alors c’est simplement injuste.

Il esquissa un sourire amer.

— Si quelqu’un d’autre avait des ennuis, tu l’aiderais sans hésiter. Même s’il fallait forcer la main à cette personne dans le besoin.

Cette déclaration la fit rougir jusqu’aux oreilles. Ce n’est qu’après qu’il réalisa sa maladresse. Toute mention d’intervention forcée venant de lui rappellerait inévitablement à Chela ce qui s’était passé dans la Vallée des Lys lors de leur week-end à Galatea.

— …Je n’ai pas les mots, murmura-t-elle.

— Attends, Chela ! Ne… ne pense pas à ça. Ce n’était pas ce que je voulais dire…

Elle avait maintenant la tête baissée. Oliver tenta de rattraper les choses, mais au moins deux paires d’yeux les observaient : la demi-sœur de Chela, Stacy Cornwallis, et son serviteur, Fay Willock.

— …Visiblement, quelque chose s’est passé entre eux, dit Stacy.

— Curieuse ? demanda Fay.

— Non ! répliqua Stacy, enfonçant sa fourchette dans une tartelette aux poires.

Mais même en mangeant, ses yeux ne quittaient pas le visage de sa sœur. Fay soupira. Comme toujours, il était convaincu que Stacy aurait beaucoup moins de soucis si elle était honnête avec elle-même, mais il savait depuis longtemps que le dire à haute voix ne mènerait nulle part.

Le dernier cours de la journée : astronomie

Le dernier cours de la journée était celui d’astronomie. Comme pour les malédictions, c’était une nouvelle matière pour les élèves de deuxième année, et c’était la première fois qu’Oliver et ses amis y assistaient. Lorsque la cloche sonna, un homme dans la force de l’âge apparut, vêtu de robes amples à l’ancienne. Tout en franchissant la porte, il donna déjà ses instructions.

— Ouvrez vos livres à la page huit.

Brandissant sa baguette blanche, il passa devant le pupitre et se dirigea droit vers le tableau noir, qu’il remplit rapidement de manascrit.

— Heu, professeur… ? demanda un élève en levant la main. — On ne devrait pas commencer par un aperçu du cours et des présentations ?

L’homme au tableau se figea complètement. Comme si ces mots étaient un concept nouveau pour lui.

— Un aperçu… Des présentations… Ah, oui. Il vous faut ça, dit-il. — Pardonnez-moi, je passe la plupart de mon temps à la bibliothèque, et cela me fait perdre mes repères.

Il se tourna d’un mouvement vif, soupirant. Ses yeux, remplis d’une intelligence infinie, balayèrent les élèves du regard.

— Je suis Demitrio Aristides, et j’enseigne l’astronomie, déclara-t-il solennellement. — Laissez-moi vous donner un avertissement : lorsque vous vous adressez à moi, utilisez un nom. Peu importe lequel. Mais si vous vous contentez de dire « professeur », je ne percevrai pas cela comme une forme d’adresse.

Une introduction bien particulière. Les élèves étaient déjà perplexes. Oliver interpréta cela comme une différence dans la densité cognitive, car les mages dotés de connaissances particulièrement vastes avaient souvent du mal à communiquer avec ceux qui en savaient moins, et cet homme semblait être l’un d’eux.

— Concernant les concepts fondamentaux de l’astronomie, le terme lui-même signifie « les lois des étoiles ». Nous lisons les positions des corps célestes et analysons leur influence sur le monde, prédisant les événements à venir. C’est une science extrêmement importante et pratique.

Cette dernière phrase était particulièrement appuyée. Mais Demitrio ne laissa même pas le temps aux élèves de digérer ses mots.

— Pourquoi l’observation des étoiles est-elle si importante et pressante ? Je doute que cela ait besoin d’être expliqué, mais puisque c’est fondamental, je vais le faire : chaque petite lumière dans le ciel nocturne est un monde distinct du nôtre, autrement dit, un Tír.

À ce moment-là, Demitrio lança un sort et agita sa baguette vers le plafond de la salle. La pièce s’obscurcit, et d’innombrables étoiles apparurent au-dessus des têtes stupéfaites des élèves. Ceux qui avaient des connaissances préalables reconnurent leurs positions : c’était un planétarium, reproduisant fidèlement le ciel nocturne.

— Qu’est-ce qu’un Tír ? C’est un monde régi par des principes et des lois physiques différents des nôtres. Ces mondes ont des environnements, des écosystèmes différents, peut-être même des cultures issues d’une intelligence distincte. Et beaucoup d’entre eux ont une divinité qui les gouverne. Comme les anciens rois régnaient sur leurs terres dans l’histoire humaine.

Les étoiles au-dessus de leurs têtes brillaient de mille couleurs, une vue aussi belle qu’envoûtante. Il émanait de ce spectacle une force irrésistible qui captivait le cœur de chacun.

Les élèves déglutirent. Ce qu’ils ressentaient… n’était pas une illusion.

— Pendant ce temps, le monde dans lequel nous vivons n’a pas de dieu. En termes astronomiques, nous appelons cela une athéosphère. Les droits de domination sur les athéosphères sont divisés ; ainsi, nous, les mages, sommes venus à exister. Autrement dit, l’art que nous appelons magie était à l’origine l’autorité investie en un dieu.

Il continua :

— Vu sous un autre angle, c’est ce qui reste du dieu que ce monde possédait autrefois. Nous nous sommes rebellés contre son contrôle, l’avons tué de nos propres mains, et lui avons volé son autorité. Cela s’est produit il y a cinquante mille ans, avant le développement de notre civilisation actuelle. Ainsi s’acheva l’ère de la divinité, et commença l’aube de notre monde magique contemporain.

Ayant atteint cette aube de l’Histoire, Demitrio fit une pause. Sous la lumière envoûtante des étoiles, une main s’éleva.

— Puis-je poser une question, professeur Aristides ?

— Je vous l’autorise. Allez-y, Katie Aalto.

La jeune fille aux cheveux bouclés se leva dans l’obscurité. Elle prit plusieurs secondes pour choisir ses mots.

— …J’ai entendu dire que la rébellion contre le dieu a été menée par un groupe composé de toutes les demi-espèces existantes à l’époque. Et que le cœur de cette révolte était une espèce depuis longtemps éteinte, connue sous le nom de demis progéniteurs.

— C’est la théorie dominante. Pourquoi cette question ?

— Pourquoi n’avons-nous pas réussi à rester unis ?

Une question très directe, à laquelle il répondit sans la moindre hésitation.

— Inversez votre question, Katie Aalto. Ne demandez pas pourquoi ils n’ont pas réussi à rester unis, mais comment ils ont pu s’unir en premier lieu. La réponse : ils partageaient un ennemi commun en la personne du dieu. Face à une menace écrasante, tous les autres conflits cessent d’importer. Cela a conduit à l’alliance ancestrale, une bataille pour leur survie même, mais dès que leur ennemi commun fut vaincu, l’alliance se fragmenta aussitôt, tout simplement.

C’était si simple que Katie en resta sans voix. La théorie de Demitrio supposait que le conflit était l’état naturel des choses. Incapable de contester ce point de vue, elle serra la mâchoire avec frustration. Essentiellement, il avait sous-entendu que sa quête incessante d’harmonie interespèces n’était qu’une autre stratégie de survie.

— Une autre théorie populaire met en avant le leadership impressionnant des demis progéniteurs que vous avez mentionnés. Ils semblaient exceller dans le rapprochement entre différentes formes de vie. Nous pensons qu’ils étaient tout aussi intelligents que les humains, elfes, nains et centaures. Nous approfondirons cela plus tard, mais lorsque le dieu contrôlait encore notre monde, ces cinq demis progéniteurs étaient ce que nous appelons des espèces cléricales, servant sous ce dieu. Tout ce qui va au-delà de cela dépasse le domaine de l’astronomie. Étudiez votre histoire magique, Katie Aalto.

— …Je le ferai. Merci.

Peu satisfaite de ce qu’elle avait entendu, elle le remercia néanmoins avant de se rasseoir. Demitrio agita de nouveau sa baguette blanche, et les étoiles commencèrent à changer. Leurs positions se déplacèrent de manière complexe, de petites étoiles ternes devinrent plus lumineuses, tandis que de grandes étoiles brillantes s’assombrirent.

— Chaque étoile dans le ciel est un aperçu d’un Tír, mais leur emplacement relatif à notre monde varie selon les étoiles. De manière générale, plus une étoile est lumineuse, plus elle est proche. Ici, ce mot ne fait pas référence à une distance physique, mais à la difficulté composite du passage entre les deux mondes. Chaque Tír est sur un cycle constant, se rapprochant de notre monde, puis s’en éloignant de nouveau.

Il ajouta alors :

— Je ne peux imaginer que quiconque ici l’ignore, mais le soleil et la lune ne sont pas des Tírs. Ces deux objets ont été placés dans le ciel par le dieu lors de la création du monde. Ils font partie de ce monde. Ils n’ont donc aucune incidence directe sur le sujet qui nous concerne.

Il agita sa baguette vers le faux ciel, éteignant la lumière de la lune. Le soleil n’avait jamais été présent, si bien que toutes les étoiles restantes représentaient des Tírs.

— Ce qui nous préoccupe, ce sont ces autres étoiles, d’innombrables autres mondes aux formes de vie fondamentalement différentes, nées de dieux étrangers. Huit d’entre eux suivent un cycle constant qui les amène à entrer en contact direct avec notre monde. Ce sont nos principales menaces. Plus précisément :

Marcurius, le Rivage de l’Eau Parfumée.

Venasgorn, les Montagnes d’Or de l’Obscurité

Luftmarz, le Four Ravageur de l’Enfer.

Hadiaiupitre, le Jardin Vert Impérial.

Ganosatun, le Domaine de la Bête.

Uranischegar, les Cieux du Jugement.

Ayrioneptu, les Profondeurs de la Mer Putréfiée.

— Et Vanato, le Refuge Chthonien.

Il énuméra cette liste de noms étranges et poursuivit sans s’arrêter, les plongeant dans la prochaine phase de son cours.

— La première menace que ces Tírs représentent est la migration occasionnelle de créatures provenant de leur monde. Les invasions issues d’écosystèmes entièrement distincts causent des dommages majeurs à nos écosystèmes locaux. Ce genre de perturbation se produit également entre les écosystèmes de notre propre monde, mais imaginez que les résultats soient bien plus dramatiques, expliqua Demitrio. — Cela dit, il convient de noter que les écosystèmes magiques modernes ont parfois prospéré malgré ces invasions. Plusieurs des créatures magiques que vous connaissez descendent d’ancêtres Tírs. Ces envahisseurs ayant réussi à s’intégrer remplissent souvent un rôle clé dans l’écosystème qui en résulte, et il serait erroné de supposer que toutes ces migrations sont catastrophiques. Il existe des champs entiers de recherche qui étudient les avantages potentiels de ces phénomènes.

Oliver observa Katie, les bras croisés et les lèvres pincées. Elle, qui vouait un amour infini à toutes les créatures, des limaces aux béhémoths, n’avait jamais été confrontée directement à ces migrations. Déjà occupée à appréhender les écosystèmes magiques de ce monde, elle peinait à envisager comment inclure des vies venues d’ailleurs dans ce cadre. Elle n’avait pas encore pris de décision.

— Selon ce qui migre, cela peut provoquer des catastrophes ; mais si nous les observons attentivement, déterminons leur nature et agissons en conséquence, nous pouvons minimiser les pertes. Le simple fait de venir dans notre monde limite la puissance des envahisseurs. Essentiellement, une créature qui surgit au hasard n’est pas susceptible de détruire le monde. Le problème réside dans ceux qui rejoignent ces migrations avec une intention et un but précis. Les éclaireurs des dieux des Tírs, nous les appelons des apôtres. Nous ne pouvons nous permettre aucune erreur en leur faisant face.

Le ton de Demitrio devenait de plus en plus grave. Toute la classe comprenait que c’était là le cœur du sujet.

— Que font ces apôtres ici ? Exactement ce que leur nom suggère. Ils propagent la parole. Ils enseignent aux gens l’existence des dieux de leur monde, prêchent les charmes de leur domination et rassemblent des adeptes pour leur cause. Leurs approches spécifiques varient en fonction des caractéristiques de l’apôtre et de la nature du dieu qu’ils servent, mais ils ont tendance à cibler les espèces dotées d’une haute intelligence. Les créatures les plus intellectuelles sont souvent celles qui se sentent insatisfaites de leur existence et sont donc plus sensibles aux persuasions de ces prédicateurs. Cela crée en somme des espèces intelligentes vénérant les dieux des Tírs. Et naturellement, dans notre monde, les humains et plusieurs types de demis sont leurs cibles principales.

Les étoiles qui tournaient au-dessus de leurs têtes commencèrent à scintiller, comme si chacune avait une volonté propre, appelant les élèves en les attirant.

— Les enseignements étrangers s’immiscent dans leur esprit, les réduisant à l’état de pions de ces dieux des Tírs. Nous appelons ces êtres les Gnostiques.

Un silence pesant s’installa dans la salle. Le tumulte des étoiles s’était apaisé, et le faux ciel redevint calme. La voix douce de l’enseignant résonna à nouveau dans l’obscurité.

  • Peu importe le dieu qu’ils servent, l’objectif ultime de chaque Gnostique est le même. Invoquer le dieu qu’ils vénèrent ici. Détruire l’ordre établi de notre monde et le remodeler selon les règles contre nature de son dieu affilié au Tír. Quel que soit le résultat, pour nous, ce ne sera que pure dévastation. Ainsi, continua-t-il — nous devons les arrêter. Sans compromis ni concession, chaque Gnostique doit être éradiqué. Leur prolifération signerait la fin de notre monde. Nous sommes passés tout près de succomber à de telles menaces plus de fois que je ne peux le compter sur mes dix doigts.

Comme le disait Demitrio, l’histoire des mages était celle des guerres gnostiques. Depuis les temps anciens jusqu’à aujourd’hui, les batailles continuaient de faire rage.

— Les missions d’extermination directes sont menées par les chasseurs gnostiques d’élite que vous connaissez bien. Ces équipes, composées de mages excellant dans l’art du combat, protègent notre monde en cet instant même. J’ai participé pour ma part à des missions et assisté à plus de situations chaotiques qu’il n’en faut. Chaque bataille à laquelle j’ai survécu laissait derrière moi des piles de cadavres de camarades. C’est un spectacle que certains d’entre vous verront probablement de leurs propres yeux un jour.

Ils savaient tous que ce moment n’était pas si lointain. La chasse aux Gnostiques était une des principales carrières après l’obtention du diplôme.

— La lutte contre les Gnostiques est un devoir pour chaque citoyen de ce monde, pas seulement pour les chasseurs. Pour l’emporter en combat, vous devez connaître votre ennemi. Voilà pourquoi j’enseigne l’astronomie. Quel Tír sera à portée, quand, et quelles menaces cela implique ? Acquérir ces connaissances dès maintenant vous préparera directement à affronter la menace gnostique, conclut-il avant d’ajouter — Et c’est tout l’objet de ce cours. Des questions ?

D’un geste de sa baguette blanche, Demitrio ramena la lumière de l’après-midi dans la salle de classe. Les étoiles scintillant au-dessus s’éteignirent. Mais chaque élève présent savait pertinemment qu’elles étaient toujours là, les observant d’en haut.

Après un moment de réflexion, Pete leva la main.

— …Si je peux me permettre une question, professeur Aristides ?

Demitrio posa son regard sur lui.

— Vous pouvez parler, Pete Reston.

— Merci. Ce que je ne comprends pas, c’est… pourquoi ces gens pensent-ils qu’invoquer ces dieux est une bonne idée ?

Vu le contenu du cours jusqu’à présent, cela semblait être une question clé. Une fois encore, le professeur d’astronomie avait sa réponse toute prête.

— Leur cœur est faible. Ils sont incapables d’accepter que ce monde est tel qu’il devrait être.

— …Il est différent des autres enseignants, d’une certaine manière, dit Guy dans le couloir après le cours.

Les autres avaient des impressions similaires.

— Il semblait très conscient des responsabilités d’un mage, répondit Chela en hochant la tête. Étant donné ses expériences lors de missions de chasseurs gnostiques, c’est peut-être naturel.

— Mais il n’est pas le seul, ajouta Oliver. — La plupart des enseignants de Kimberly ont servi sur le front en première ligne. Et cela a clairement eu un gros impact sur le fonctionnement de l’école.

Le programme brutal de Kimberly valait souvent à l’école le surnom « d’école professionnelle pour chasseurs gnostiques ». Bien qu’il y ait des variations, quiconque survivait durant ses études ici apprenait à se battre. Alors que le groupe discutait, ils atteignirent une intersection, et Chela s’arrêta.

— …Eh bien, Miss Miligan a demandé à Katie de la retrouver avant le dîner, et je voulais la remercier pour son aide avec le griffon, alors je vais me joindre à elles. D’autres veulent venir ?

— …Ouais, je viens.

— Oh ? Vraiment, Guy ? Je pensais que tu avais une réunion du Club des Gourmets du Labyrinthe.

— Pas grave si je manque une réunion. Et tu vas revoir le griffon avant de manger, pas vrai ?

— Oui, mais… Attends, tu t’inquiètes pour moi ? demanda Katie.

— Bah ouais ? répondit Guy, exaspéré. Quand est-ce que je ne m’inquiète pas pour toi ?

Katie fit une grimace.

— Désolée, dit-elle.

Oliver sourit devant cette scène. Nanao lui attrapa soudainement le bras.

  • Oliver et moi allons nous rendre à l’arène du sport de balais.

— Oh ? Moi aussi ?

— Naturellement. Une monteuse et son attrapeur sont inséparables.

Elle avait attrapé sa manche à deux mains et ne lâchait pas prise. Oliver abandonna toute lutte et se laissa entraîner.

Le trio tourna à gauche, et Oliver et Nanao regardèrent droit devant eux, puis derrière eux, vers Pete, qui n’avait rien énoncé pour le moment. Le garçon à lunettes haussa les épaules et tourna à droite.

— J’ai des plans de mon côté. Je ne serai pas là pour le dîner.

— D’accord, Pete. On se retrouve ce soir au dortoir.

Chacun partit de son côté. Mais trois minutes plus tard, Oliver s’arrêta soudainement.

— Attends… Où allait Pete ?

Nanao cligna des yeux vers lui.

— ??? À la bibliothèque j’imagine.

— Elle est dans l’autre direction. Ce serait bien plus rapide s’il venait avec nous. Je pourrais comprendre que Guy ou Katie se trompent de chemin, mais Pete ? Il vit pratiquement à la bibliothèque.

Après avoir réfléchi, il s’était dit qu’il se faisait peut-être des idées. Il y avait bien des choses que Pete pouvait avoir à faire ailleurs mais quelque chose qui l’occuperait jusqu’au dîner ? Quelque chose qu’il jugeait suffisamment important ?

— …Ça m’inquiète. Désolé, Nanao !

— Mm !

Elle ne demanda pas d’explications. Tous deux firent demi-tour et se mirent à courir. Ils revinrent à l’intersection et prirent le chemin emprunté par Pete. Oliver dégaina sa baguette blanche, dont la pointe s’illumina, réagissant à l’odeur de l’uniforme de Pete, la même méthode qu’il avait utilisée pour retrouver Katie quand Miligan l’avait kidnappée.

— …Par ici.

Ils entrèrent dans une salle de classe et, comme Oliver le craignait, ils trouvèrent Pete levant les yeux, surpris, en compagnie du vieux fou.

— Oh ? Des invités inattendus !

— Qu-qu’est-ce que vous faites ici ?

— …Professeur Enrico, murmura Oliver.

Même aujourd’hui, l’enseignant en ingénierie magique avait infligé à ses élèves une terreur dont lui seul avait le secret. Ce même homme, Enrico Forghieri, se tenait à côté de Pete, devant un tableau représentant un lac. Tout le monde savait que c’était une entrée vers le labyrinthe. Ils étaient sur le point de se lancer dedans.

— Comme promis en classe, je m’apprête à montrer à Mr. Reston mon laboratoire. Aviez-vous quelque chose d’urgent à lui dire ?

La question d’Enrico força Oliver à réfléchir une seconde. Comment gérer cet homme ? Il décida qu’une approche directe était la meilleure. Se redressant, il répondit :

— Si je peux me permettre, pourrions-nous également assister à cette visite du laboratoire ?

— Hein ? Attends, quoi ? protesta Pete.

— S’il vous plaît, dit Oliver, couvrant ses paroles.

Il ne pouvait pas laisser ce vieux fou seul avec Pete. Dans les bâtiments de l’école, c’était une chose, mais dans l’atelier personnel d’Enrico ? Même s’il n’y avait pas de menace physique directe, ce laboratoire abritait sans aucun doute toutes sortes d’horreurs indicibles.

— Hmm… Hmm… Hmm ?

Enrico pencha la tête d’un côté à l’autre, observant Oliver avec une grande curiosité. Même derrière ses lunettes, son regard faisait froid dans le dos. Cet éclat joyeux dans ses yeux était plus terrifiant que n’importe quelle bête qu’Oliver avait combattue. Il avait l’impression d’être un jouet fragile sur le point d’être ramassé par un enfant turbulent.

— Je n’ai invité que Mr. Reston, mais je dois admettre que vous vous êtes bien débrouillés lors du dernier cours. Votre prestation face à mes golems était sublime !

Enrico hocha la tête.

  • Très bien ! En l’honneur de vos exploits, je vais vous donner une chance.

Souriant, il se retourna avant d’attraper Pete par-dessous le bras.

Ce dernier poussa un cri, mais à ce moment-là, il était déjà à moitié passé dans le tableau.

— Vous pouvez nous rejoindre,si vous parvenez à suivre ! Kya-ha-ha-ha-ha !

Dans un éclat de rire, Enrico quitta la salle pour entrer dans le labyrinthe.

Oliver dégaina son athame.

— On les poursuit, Nanao !

— Compris !

La jeune fille aziane suivit le rythme. Tous deux plongèrent dans le labyrinthe à la poursuite du vieux fou.


[1] En anglais « Hero’s charge ».

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