REIGN OF V4 : CHAPITRE 1

Malédictions

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Traduction : Raitei
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Pour les élèves de Kimberly, avancer d’un an signifie s’enfoncer un peu plus dans l’obscurité. Un exemple : la toute nouvelle matière de leur programme.

  • …Tout le monde a l’air très tendu, dit Guy —— C’est un nouveau sujet, je comprends. Mais quand même…

Toutes les places étaient occupées, mais la salle est étrangement silencieuse.

  • Justement, la tension est compréhensible, dit Chela. —— Nous allons étudier les malédictions, l’un des domaines les plus dangereux de la magie.
  • Les malédictions, hein… ? dit Katie. —— Ma mère et mon père ne m’ont jamais rien dit à ce sujet, alors je n’ai pas beaucoup de connaissance. C’est vraiment si dangereux ? Et puis, c’est quoi cette eau ?

Katie fit un geste vers la table. Il y avait une cruche d’eau devant leur groupe habituel de six personnes rassemblées autour d’une grande table de travail avec des éviers des deux côtés. Cela ressemble beaucoup au cours d’alchimie.

  • Dans tout domaine, une erreur peut nous coûter la vie, expliqua Oliver, d’une voix sombre. —— Le but des malédictions est de nuire à autrui, alors les erreurs sont d’autant plus dangereuses. Si les autres techniques magiques sont des médicaments, les malédictions sont comme des maladies. Si on ne fait pas attention, elles peuvent faire de gros dégâts à un niveau plus fondamental. Cela peut corrompre nos corps et nos esprits.

Pete fronça les sourcils.

  • …Cela donne l’impression que les malédictions n’ont aucun avantage.

Pourquoi étudions-nous ça alors ?

  • D’abord, elles ont leur utilité. Si on devait exterminer un grand nombre de parasites, les malédictions s‘avèrent très utiles. Je ne vous donnerai pas de détails, mais il est possible d’abattre un essaim entier avec une seule malédiction. J’ai entendu dire que certains mages pouvaient même anéantir une espèce entière.
  • Une espèce entière ?! s‘écria Katie —— C’est vraiment extrême !
  • Hmm, ça pourrait être pratique pour éliminer les insectes nuisibles des champs, dit Guy, visiblement intéressé.

Ce n’était pas la première fois que ces deux-là adoptaient des positions diamétralement opposées. Oliver commença à sourire, mais il frissonna, ayant l’impression qu’une chenille remontait le long de sa colonne vertébrale.

  • C’est tout le temps que nous avons pour parler. Elle est là ! dit-il en jetant un coup d’œil vers l’entrée.

Tout le monde suivit son regard. La porte s‘ouvrit dans l’obscurité et quelque chose se répandit à l’intérieur.

  • Qu’est-ce que… ?
  • Eek…?!

Tous les élèves, sans exception,ressentirent un frisson si puissant qu’ils eurent instantanément la chair de poule. Il s’agissait à la fois d’une peur et d’une répulsion réflexe comme lorsque l’être humain reculait instinctivement à la vue d’un essaim d’insectes. Le miasme franchit les portes et se glissa sur le sol. Lorsqu’elle atteignit l’estrade, des mains pâles comme des cadavres en sortirent, ainsi qu’un visage d’une jeunesse troublante. Ce n’est qu’à ce moment-là que les étudiants réalisèrent qu’il ne s’agissait pas d’un miasme ancestral, mais d’une femme vêtue de haillons noirs.

  • …Bienvenue dans votre deuxième année. Je m’excuse de vous avoir alarmé.

La voix était troublante, comme celle d’un mouton au larynx écrasé. Au moment où ses deux lèvres se retroussèrent, tous les élèves reculèrent, les pieds de leurs chaises s’entrechoquant. C’était la première fois qu’ils préféraient autre chose qu’un sourire.

  • Tout d’abord, permettez-moi de vous saluer. Je suis votre professeur en malédictions, Baldia Muwezicamili. Je n’ai pas l’air beaucoup plus âgé que vous, mais je suis aussi vieille que Vana. La cause est une malédiction. Voyez-vous, mon corps ne peut plus vieillir. Oh, par Vana, j’entends par là, Vanessa.

On aurait pu penser qu‘il s’agissait d’une mauvaise blague. Qui donnerait un surnom à ce monstre ? Non… cette femme pouvait bien en avoir un, mais seulement de la part d’une personne comme Baldia.

  • Le premier jour, nous sommes toujours dans la théorie, mais d’abord, un avertissement vital. Ne me touchez jamais ; et ne touchez jamais ce que j’ai touché avant que je ne vous en donne la permission expresse. Ne marchez pas là où j’ai marché. Il est préférable de ne pas passer plus de deux heures dans le même espace que moi. Si vous ne respectez pas ces règles, vous risquez d’être pris au piège.

Son ton était vif et cordial, mais son contenu plus qu’inquiétant. La main serrée contre la poitrine, elle parla de manière dépitée.

  • Comme vous pouvez le constater, je suis extrêmement maudite. J’ai depuis longtemps perdu le compte du nombre de malédictions que je porte. Mais je suis presque sûre qu’il s’agit d’un record mondial. Par exemple, voyons…

Elle pointa du doigt le fond de la classe et les élèves se tournèrent par réflexe pour regarder. Il y avait une rangée de plantes au fond de la classe qui étaient en train de brunir sous leurs yeux. Baldia répondit aux regards horrifiés de ses élèves par un sourire affectueux.

  • Les plantes qui n’ont pas de résistance finissent comme ça. Il suffit qu’elles poussent dans la même pièce que moi pour se dessécher ensuite. Vous êtes tous des mages, donc vous pouvez tenir un peu, mais des non-mages seraient déjà morts. Et c’est ce qui vous arrivera si vous oubliez ces avertissements, d’accord ?

À ce stade, plusieurs élèves eurent les mains sur la bouche. Les voyant commencer à se lever, Baldia acquiesça, visiblement habituée à cette situation.

  • C’est vrai. Si vous sentez que ça monte, utilisez les lavabos. N’essayez pas de vous retenir. C’est le mécanisme de défense naturel de votre corps. Il est tout à fait normal d’avoir la nausée si vous êtes dans une pièce avec moi. Il n’y a aucune raison de s’inquiéter.

Avant même la fin de son discours, plusieurs élèves allèrent se vider l’estomac, Pete inclus. Oliver se leva, tapotant le dos de son ami. Pete n’était pas le seul à être affecté.

  • Guy… !

Chela le remarqua en premier. Sa vitalité habituelle épuisée, le grand garçon était assis, immobile, le visage cendré, sans émettre le moindre son. Baldia l’aperçut de l’autre côté de la pièce et se tourna vers lui.

  • Mmm ? Tu n’as pas entendu ? Pas la peine de te retenir.
  • …Non, merci. Je ne veux pas vomir en voyant le visage de quelqu’un pour la première fois.
  • Ohhh ?

Le sourire de Baldia s’accentua. Elle quitta l’estrade en suintant sur le sol comme un fluide visqueux. Ou peut-être comme un essaim entier d’insectes fouisseurs.

  • Comme c’est mignon. C’est gentil. Cela fait des années que personne n’avait dit ça ! … Quel est ton nom ?
  • …Guy G-Greenwood.
  • Guy ! Heh-heh-heh. Tu es adorable. Et si grand ! Un vrai beau gosse.

Plus elle se rapprochait, plus il avait la nausée. Guy serra la mâchoire, essayant de lutter contre elle. Bientôt, elle se trouva juste devant lui, son visage pâle se penchant vers lui.

  • Mais cela ne suffit pas. Allez, vomis !
  • Urp… !

Entendre sa voix dans les oreilles fut de trop pour lui. Il bascula en avant, le vomi lui remontant dans la gorge. Ses amis intervinrent rapidement. Le sort d’Oliver attrapa le vomi, l‘amenant dans l’évier. Le sort de guérison de Chela soulagea sa douleur.

  • Bien joué, dit Baldia, visiblement satisfaite. —— Si tu as vomi aujourd’hui, ne t’inquiète pas. Après deux ou trois cours et tu n’auras plus cette réaction. Il y a de l’eau parfumée sur les bureaux. Tu n’as qu’à te gargariser la bouche avec ça. Ton haleine te remerciera.

C’est à cela que servait l’eau. Tout cela avait un sens maintenant. Oliver devait admettre, bien qu’à contrecœur, que c’était un choix intelligent. Guy respira toujours bruyamment et Katie s‘était précipitée à ses côtés.

  • Guy, tu vas bien ? Devons-nous aller à l’infirmerie ?!
  • ……No… Je vais bien. Ça se calme…

Il se leva en titubant et parvint à regagner sa chaise. Baldia lui adressa un dernier sourire sinistre avant de retourner sur l‘estrade.

  • Tout le monde est installé ? Alors commençons par la théorie, dit-elle.

—— D’abord, qu’est-ce qu’une malédiction ? Eh bien, tout simplement, une malédiction est une maladie transmissible par des liens immatériels : parler avec quelqu’un, être de la même région que lui, tomber amoureux de lui au point d’en avoir des insomnies… Autant de liens qui peuvent être des vecteurs de transmission d’une malédiction.

Elle se lança dans un cours, comme si rien d’anormal ne s’était produit. Cela força tout le monde à se rendre compte que, quel que soit le nombre d’étudiants qui vomissaient, ce n’était pas un problème ici.

  • La nature et la force de cette relation déterminent les types de malédictions que vous pouvez utiliser. Il y a une nette tendance à ce que les liens étroits, entrelacés et insulaires rendent les malédictions plus faciles à cultiver. C’est comme la moisissure qui se développe si vous n’aérez pas la pièce. C’est la même chose ! Vous choisissez l’environnement, vous suivez les étapes pour le cultiver, puis vous le libérez sur la cible. C’est la procédure de base pour n’importe quelle malédiction importante. Souvenez-vous-en !
  • … !

Oliver entendit un grattement de stylo. De l’eau parfumée dans une main, Pete se remit de sa nausée, prenant frénétiquement des notes. Tout le monde se concentra sur la conférence de Baldia.

  • Les malédictions sont de nature solitaire. Elles naissent des relations, et sont donc dans une recherche désespérée pour affecter quelqu’un. Dans le monde non magique, nous avons la superstition qu’un rhume est guéri lorsque quelqu’un d’autre l’attrape. Avec les malédictions, c’est en partie vrai. Si vous choisissez une cible appropriée et que vous suivez des étapes précises, la malédiction se déplacera vers elle. Naturellement, cela ne résout pas le vrai problème, mais c’est une procédure de secours courante lorsqu’on essaie de briser une malédiction.

Sa voix était teintée d’ironie, mais aussi de tendresse. Comme si cette conférence sur les malédictions se décrivait elle-même.

  • Mais il y a des moments où c’est la seule option. Si une malédiction a pris trop d’ampleur, personne ne peut la briser. Dans ce cas, il ne reste plus qu’à trouver un récipient adéquat et à la piéger. Comme ça !

Pendant qu’elle parlait, Baldia ouvrit le devant de sa robe noire, dévoilant ce qui se trouvait en dessous, ce qui fit sursauter tous les élèves : De multiples visages tordus sortaient de la peau pâle de sa poitrine. Les excroissances avaient des yeux qui bougeaient, lançant un regard noir à ceux qui les observaient.

  • Certaines des malédictions que j’abrite sont si puissantes qu’elles pourraient anéantir la race humaine si elles se libéraient. Si une malédiction devient impossible à contrôler, nous l’appelons un maelström. Historiquement, des pays entiers ont été réduits en cendres pour tenter d’arrêter la propagation d’un maelström, expliqua Baldia.

C’est le problème, en fait. La façon dont les malédictions fonctionnent, si vous vous plantez, ce n’est pas seulement le lanceur qui meurt. Tous ses proches périront à leur tour et, dans le pire des cas, les victimes peuvent s’étendre au-delà de ce que vous auriez pu imaginer.

Tous les élèves le savaient : l’instructeur qui se trouvait devant eux était la personnification de ce scénario catastrophe. Baldia Muwezicamili était la cible d’une malédiction qui avait pris de l’ampleur, la sorcière qui avalait les maelströms tout entiers.

  • Dans ma classe, vous devez toujours garder cette idée à l’esprit. Vous ne voulez pas faire de mal à vos amis… n’est-ce pas ?
  • …C’était la personne la plus effrayante jusqu’à présent, déclara Katie.

Le cours se termina, laissant place à l’heure du déjeuner. Le groupe se rassembla autour d’une table dans la salle de réunion.

  • Nous avons eu beaucoup de professeurs méchants, mais… elle était différente. J’ai l’impression qu’elle nous écouterait, qu’elle se soucierait même de nos sentiments, poursuivit Katie. ——, Mais c’est pour ça qu’elle est si effrayante. Plus on se rapproche d’elle, plus ses malédictions se rapprochent de nous. Plus elle est amicale, plus elle est compréhensive, plus nous l’aimons. Mais je sais que tous ces sentiments inviteront les malédictions à entrer. Et j’ai l’impression qu’une partie d’elle le veut.

Tout le monde laissa les paroles de Katie s’imprégner dans l’esprit des gens. Ils se contentèrent d’écouter en silence, sans ajouter de commentaires.

  • Je savais que les porteurs de malédiction existaient. J’ai juste… pensé qu’on pouvait les approcher comme des animaux venimeux, vous voyez ? Que s‘ils ne veulent pas faire de mal, rien de grave n’allait se passer. Qu’il fallait être sincère et patiente pour établir une bonne relation, expliqua-t-elle. ——, Mais… ce n’était pas la réalité. Peu importe leur malveillance ou non, il suffit de se connecter à eux. Avec le poison, on peut être prudent, mais cela ne sert à rien avec les malédictions. Plus on est sincère, plus on fait preuve de gentillesse… et plus il y a de chance que cela vienne nous manger.

Et le fait de savoir que quelque chose d’aussi ironique pouvait exister était particulièrement difficile à supporter pour elle. Oliver savait que tout le domaine des malédictions était fondamentalement incompatible avec l’être même de Katie Aalto.

  • Je sais que c’est frustrant, mais tu as tout à fait raison, lui dit-il en ajoutant du sucre à son thé. —— Le moyen le plus simple et le plus efficace d’éviter les malédictions est d’éviter tout contact avec la personne qui les abrite. Ne montrer aucun intérêt et rester obstinément indifférent. C’est la marche à suivre pour éviter d‘être maudit. Mais plus facile à dire qu’à faire.

De l’autre côté de la table, Chela acquiesça.

  • Oui, c’est une approche tout à fait impraticable. S’ils sont en face de nous et qu’on peut les voir et les entendre, il est déjà impossible de rester indifférent. Il n’y a pas que les humains, les créatures de tous horizons dépendent des relations avec les autres. Le fait que les animaux, les insectes et les plantes soient sensibles aux malédictions le prouve.

Les gens ne pouvaient pas simplement éviter les porteurs de malédiction. Pour rester en vie, il fallait avoir des liens avec ceux qui nous entouraient.

  • Un célèbre mage a un jour exprimé ce concept universel comme suit :

« En vérité, les malédictions se moquent de toutes les vies de la même manière. »

Un silence sinistre s’installa autour de la table. Les six amis ressentirent un étrange frisson, mais pas à cause de Baldia Muwezicamili en particulier. Ils avaient l’impression d’avoir entrevu la malice colossale qui se cachait sous la surface du monde.

  • …Je ne l’ai pas trouvée effrayante, murmura Guy, rompant le silence. Tous les regards se tournèrent vers lui. —— Elle m’a juste semblé seule… Il soupira après tout ce qu’elle avait dit sur le vomissement.
  • …Guy, dit Oliver, légèrement alarmé. —— Je ne veux pas te dire ce que tu devrais ressentir, mais c’est une impression dangereuse. C’est vrai pour les mages en général, mais ceux qui sont doués pour les malédictions sont souvent très charismatiques. Cela leur permet d’établir plus facilement des liens avec les autres. Il est plus facile de maudire quelqu’un qui nous aime bien.
  • Je comprends la logique. Mais comment suis-je censé ne pas aimer quelqu’un alors que ce n’est pas le cas ? Ça ne marche pas comme ça. Nos cœurs ne font pas ce qu’on leur dit de faire.

Oliver ne peut pas dire le contraire. Si les émotions humaines pouvaient être contrôlées par la logique, la vie serait bien plus simple. Lui-même luttait constamment contre des pulsions qui allaient à l’encontre de ses objectifs et contre le trouble qui accompagnait chacune de ses décisions. Et il en sera probablement ainsi jusqu’à la fin de sa vie.

  • …Tu la choisirais plutôt que nous, Guy ? demanda Katie, anxieuse.

Elle savait qu’il ne fallait pas forcer le choix. Bien consciente qu’il s’agissait d’une question égoïste, elle avait choisi de la poser quand même. C’était la façon dont Katie s’occupait de ses amis. Elle voulait garder Guy près d’elle, chose qu’elle seule était capable d’exprimer honnêtement. Guy fit une grimace et lui tapota la tête comme pour lui rendre son affection à sa manière.

  • Ne sois pas bête. Je n’ai pas dit ça. Je ne vais pas commencer à la détester parce qu’elle est porteuse de malédictions, c’est tout. Ne t’inquiète pas, elle n’est pas exactement en train de me manipuler, compris Pete ?
    • Pourquoi m’entraînes-tu là-dedans ? Je n’ai jamais été inquiet !

Guy se détourna de Katie et passa son bras sur les épaules de Pete. Le garçon à lunettes tenta de le repousser, mais en vain.

  • De plus, si nous parlons de types, j’opte pour des teints plus sains ! Un peu de couleur dans les joues, vous voyez ? Tout comme les légumes, un peu de maladresse n’a pas d’importance s’ils ont bien grandi et qu’ils ont  bon  goût.  C’est  le  genre  de  fille  que  je  veux  épouser.
  • Hmm. Comme cette fille de première année ?
  • Rita ? Mec, elle est plus jeune.
  • Oh ? Est-ce que c’est un obstacle ? demanda Chela.
  • Je suppose que non, mais là où j’ai grandi, les grandes sœurs règnent en maître, alors je me suis un peu mis en tête que c’est ce que doit être la femme d’un fermier. Avec une fille plus jeune et timide, je ne me sens pas à l’aise. Je veux dire, les petites soeurs sont mignonnes et tout comme elle. Voilà, voilà.
  • Ne me frotte pas la tête ! Je ne suis pas ta petite sœur ! Et je suis un garçon aujourd’hui !

Les cheveux complètement ébouriffés, Pete réussit finalement à se dégager. Tout le monde se mit à rire, mais au moment où Oliver se détendait, une nouvelle voix se fit entendre.

  • Oh, on parle de trucs coquins ? Laissez-moi participer !

Une fille se plaça à côté de Pete, parlant comme si elle était à sa place. Ils savaient qu’elle était dans leur année, mais aucun d’entre eux ne lui avait jamais parlé auparavant. Le garçon à lunettes s’éloigna, déconcerté.

  • Qui es-tu ? Pourquoi venir aussi pr… ?
  • Oh, ne sois pas si désagréable, M.r Reston. J’avais très envie de te parler ! Et je veux au moins que tu te souviennes de mon nom. Ça te dérange si je m’assois à côté de toi ?

Elle sortit sa baguette blanche et, d’un coup de baguette magique, fit venir une chaise de la table voisine. Oliver ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais une autre voix se fit entendre par-dessus son épaule.

  • Si c’est là que va la discussion, je dois te demander quel est ton genre, Miss Hibiya ? Tu les aimes plutôt ronds ou minces ?

Ce garçon tout aussi peu familier se tenait au-dessus d’Oliver et parlait directement à Nanao. La jeune aziane s’arrêta de manger, la tête penchée sur le côté.

  • Mes goûts en matière de garçons ? …Mm, je n’y ai pas beaucoup réfléchi.

Je te prie de m’accorder un peu de temps pour réfléchir à la question.

  • Ignore-le, Nanao, dit Oliver.

Puis il se tourna vers les nouveaux venus.

  • Je ne dis pas que vous ne pouvez pas participer à la conversation, mais vous devriez garder ces questions pour quelqu’un que vous connaissez un peu mieux. Il est normal de vous trouver impoli.

Le nouveau venu appuya sa main sur la table devant Oliver.

  • Ce que tu peux être coincé ! C’est quoi ce froid que tu jettes, Mr. Horn ? Je comprends que tu ne veuilles pas qu’on t‘arrache l’amour de ta vie, mais Miss Hibiya ne t‘appartient pas. Tout le monde a sa chance !
  • Ce n’est pas ce que je voulais dire. Je parle de tes manières.
  • Et tu dissimules à peine ta possessivité, ricana la jeune fille. —— Arrête de faire comme si tu étais la seule âme désintéressée ici, Mr. Horn.

Les sourcils d’Oliver se froncèrent. Sentant la tension monter, Chela commença :

  • Je pense que c’est suffisant…
  • On s’emballe un peu ici, non ?

Une   troisième   nouvelle   voix   se   fit   entendre,   mais   fut   immédiatement reconnaissable. Un grand garçon au sourire enjôleur se tint au bout de la table.

  • Rossi… ? dit Oliver en levant les yeux vers lui.
  • Bonjour, Oliver. Je n’avais pas l’intention de m’imposer, mais je ne peux pas m’en empêcher. Quelle maladresse de leur part, n’est-ce pas ?

Rossi secoua la tête de façon théâtrale avant de regarder les deux intrus.

  • Si vous voulez quelque chose qui appartient à quelqu’un d’autre, vous devez respecter certaines règles. Si l‘on débarque sans payer son tribut, Oliver ne sera pas le seul à être contrarié.

Leurs sourcils se froncèrent, mais Rossi se contenta de glousser.

  • Mais là où j’avais envie de rire, c’est le fait de considérer que vous avez une chance. Ha-ha-ha ! Quelle bêtise ! Rien n’est plus faux. Aucun de vous n’a affronté l’un de ces six-là pour de vrai, n’est-ce pas ?
  • Avez-vous participé à ma battle royale ? Je suis tout ouïe. Vous faisiez quoi à ce moment-là ? Vous avez eu mal au ventre et vous êtes restés sur la touche ? Pauvres de vous !

Sa voix était pleine de sarcasme et les visages des deux élèves se crispèrent. Le ton de Rossi devint soudain sérieux.

  • Vous n’avez pas le droit de prendre de tels airs ni celui de parler à Oliver, Nanao ou leurs amis.
    • …Pour qui tu te prends ?
    • Ils t’ont botté le cul, non ?
  • Oui, j’ai perdu ! Mais au moins je me suis présenté pour me battre.

Rossi en était très fier. Pas la moindre trace de honte.

  • Pourtant, vous n’avez même pas osé perdre. Si cela vous dérange, alors commencez par prouver que vous avez une once de courage, hein ?

Ses doigts effleurèrent la poignée de son athamé. Les voyant toutes deux ébranlées par le défi, il enfonça le clou.

  • Ah, une dernière chose. Je le dis pour votre bien, mais vous n’avez d’yeux que pour ce qui se trouve devant vous. Vous n’avez pas regardé les autres dans la pièce, non ? Vous ne vous êtes rendus compte de rien ?

Les deux sursautèrent et balayèrent la pièce du regard. La plupart des personnes présentes étaient simplement curieuses, mais des regards perçants fusaient de toutes parts. Richard Andrews remuait élégamment une tasse de thé. Stacy Cornwallis et Fay Willock partageaient une tarte aux fruits. Joseph Albright dévorait une tarte avec la férocité d’un carnivore. Pourtant, les huit yeux étaient braqués sur ces deux-là avec cette même idée de « vous vous prenez pour qui ? ».

  • …iiiiiiiii… !
  • À Plus !

Ils détalèrent comme des lapins effrayés. Oliver les regarda partir, puis soupira.

  • Je ne savais pas trop comment m’y prendre. Merci, Rossi.

Il se tourna vers l’ensemble de la salle.

  • Merci à tous.

Les quatre personnes avaient reporté leur attention sur leur repas, faisant comme si rien ne s’était passé. Haussant les épaules, Oliver fit de nouveau face à Rossi.

  • Le plaisir était pour moi, répondit Rossi. ——, Mais tu as baissé ta garde !

Il se rapprocha, le regard féroce.

  • Leur comportement ? Inapproprié, oui. Mais tu te laisses trop aller. Si elle compte pour toi, renforce tes défenses. Nous ne sommes plus des enfants ici.
  • Urgh…
  • Nanao… Ta main.
  • Hmm ? Comme ça ?

Incertaine de ce qu’il voulait dire, Nanao tendit la main. Rossi la prit et posa doucement ses lèvres sur le dos de la main.

  • Ah- !
  • Whoa !

Pete et Katie glapirent. Oliver resta raide de stupeur, et Rossi lui adressa un sourire narquois.

  • Baisse ta garde, et elle te sera volée comme ça. Le risque est clair, hein ?

Oliver se leva, renversant sa chaise.

  • Rossi !
  • La fumée devient un feu ! Ha-ha-ha ! Ciao !

Rossi se retourna et s’enfuit en riant. Oliver le poursuivit du regard, mais choisit de ne pas le poursuivre. Lorsqu’il se rassit, il vit la bouche de l’aziane encore grande ouverte.

  • Nanao, donne-moi ta main ! Tout de suite !
  • Hein ? Encore ?

Déconcertée, elle tendit sa main fraîchement embrassée. Oliver la saisit, sortit un mouchoir imbibé de potion et commença à essuyer le dos de sa main. Il était tellement concentré sur cette tâche qu’il ne remarqua pas Guy qui étouffait un rire.

  • …C’est un peu exagéré, mec. C’est juste un baiser sur la main.
  • Et ça pourrait être l‘initiation d’un rituel pour charmer ! On n’est jamais trop prudent !
  • Je doute que Mr. Rossi s’abaisse à de tels moyens, mais si cela peut te rassurer…, dit Chela.
  • …Tu n’oses pas effectuer de baisers, mais tu ne veux pas que les autres le fassent non plus.

Katie regardait Oliver avec insistance, mais celui-ci n’était pas en état de s’en apercevoir. Alors qu’un silence gênant s’installait, Chela porta une main à son menton.

  • Mais si des questions comme celle-ci se posent, alors il est peut-être temps d’admettre que nous sommes majeurs… Oliver, nous devrons peut-être ajuster nos attitudes en conséquence.

Il acquiesça plusieurs fois, sans jamais cesser d’essuyer vigoureusement.

  • Oui, je pensais la même chose, répondit-il. —— Rencontrons-nous à ce sujet ce soir. Quelqu’un a des projets auxquels il ne peut se soustraire ?
  • Oliver, ça commence à faire mal…

Ce n’est que lorsque Nanao prit la parole qu’il retira enfin le mouchoir de sa main. Il lui lança un regard si sérieux que les autres eurent du mal à se retenir de rire.

  • Si ce n’est pas le cas, rassemblons-nous à notre base secrète à 20h.

C’est important.

Les six membres se réunirent ainsi à l’heure indiquée dans l‘atelier de la première couche du labyrinthe.

  • Un, deux, trois… C’est la huitième réunion de la Rose des lames, dit Katie.
  • Il y a donc une certaine régularité. Et nous avons une tarte au citron meringuée aujourd’hui, ajouta Guy.

Il était venu plus tôt pour cuisiner, de sorte que le dessert sorte tout juste du four. Nanao avait l’air ravi et n’avait pas attendu avant de prendre un morceau. Katie était juste derrière, la mine renfrognée. C’était généralement elle ou Guy qui s’occupait des rafraîchissements et il y avait maintenant une sacrée concurrence entre eux. Une fois que tout le monde avait reçu sa part de tarte, les yeux d’Oliver rencontrent ceux de Chela. Ils se mirent à hocher de la tête.

  • Je suis heureux que vous soyez tous venus, déclara-t-il. —— Passons directement aux choses sérieuses.

Il tira sa baguette blanche et en utilisa la pointe pour dessiner des lettres en lumière, deux mots, masculin et féminin.

  • C’est l’heure de l’éducation sexuelle, dit-il, de manière très sérieuse.

Katie et Guy s’étouffèrent tous deux avec leur tarte.

  • Toux, toux… Qu’est-ce que c’est que ça ? C’est une blague ?!
  • Pas le moins du monde, ajouta Chela. —— C’est le seul but de ce rassemblement.

Elle attendait que cela se concrétise.

  • Vous vous souvenez de ce qui s’était passé lors déjeuner, n’est-ce pas ? L’intervention opportune de Mr. Rossi a permis d’éloigner ces deux-là en toute sécurité…
  • Ahem !

Chela capta le regard d’Oliver, dirigeant ses yeux vers lui.

  • …Il y a aussi eu l’incident du baiser sur la main de Nanao, mais mettons cela de côté pour l’instant.

Elle se tourna vers deux de ses amies en particulier.

  • Pete, Nanao, savez-vous pourquoi ces élèves étaient après vous ?
  • …Il n’y a pas beaucoup de reversi. Je ne vois pas d’autre raison.
  • Je suis moi-même perdue. Elle ne semblait pas vouloir se battre en duel.

Ils avaient l’air tout aussi déconcertés l’un que l’autre. Albright avait appris l’existence du trait de Pete lors de l’incident d’Ophelia, et vers la fin de l’année, Pete l’avait rendu public. Il avait dû réfléchir longuement à cette décision, mais il avait conclu que c‘était moins stressant que d’essayer de le cacher. Chela soupira doucement, s’attendant à cette réaction superficielle de leur part.

  • Je m’en doutais un peu. Alors je ne vais pas mâcher mes mots.

Elle les regarda droit dans les yeux.

  • En gros, on voulait faire des enfants avec vous.

Il y eut un long silence. Trente bonnes secondes s’écoulèrent avant que quelqu’un ne prononce un mot.

  • Huh ?
  • Mmmm ?

Pete et Nanao avaient l’air perdus. Ni l’un ni l’autre n’avait encore réalisé la déclaration de Chela. Cette dernière acquiesça.

  • Cela n’a pas de sens ? Alors permettez-moi de vous expliquer. Pour une grande partie des mages, l’établissement d’une longue lignée est une obligation de la plus haute importance. Il est tout aussi important d’intégrer une lignée supérieure à la sienne. Plus un mage est talentueux, plus il est recherché. Vous êtes d’accord avec moi jusqu’à présent ?

Un peu déstabilisés, ils hochèrent la tête tous les quatre. Oliver écouta attentivement, laissant à Chela le rôle principal d’enseignante.

  • En revanche, les mages issus de lignées supérieures n’étendent pas facilement leur lignée. Ils évitent ainsi de divulguer les secrets de famille. Certains clans sont allés trop loin et ont eu recours à la consanguinité pour tenter d’empêcher la diffusion de leur lignée. Pour ces raisons, un mage issu d’une famille prestigieuse ne peut pas facilement avoir d’enfant. Son partenaire doit être issu d’une lignée connectée ou posséder un pouvoir assez grand pour pallier à cette gêne. Dans ces conditions, les sentiments des parties impliquées ne sont pas considérés comme primordiaux.

Personne ici ne connaissait mieux les coutumes des mages que Chela.

Héritière d’une famille très prestigieuse, elle avait appris très tôt l’importance de protéger son sang. C’était le plus grand trésor qu’elle possédait.

  • Que peuvent donc faire les mages qui ne font pas partie d’une lignée supérieure et qui n’ont pas de capacités exceptionnelles ? L’approche la plus courante consiste à avoir un enfant avec quelqu’un qui a les mêmes capacités ou avec une lignée de même valeur. Mais l’on peut également se tourner vers cet aspect rare de mages sans lignée possédant des talents remarquables.

Chela se tourna directement vers les cibles du jour.

  • Pete, Nanao… cela vous décrit tous les deux.

Cette déclaration fit virer Pete au rouge vif.

  • A-attends… Je comprends que cela s’applique à Nanao. Mais moi ?! Je n’ai rien fait encore !
  • Indépendamment de tes accomplissements personnels, le trait de reversi est à lui seul très précieux. On sait qu’il est génétique, bien que l’hérédité soit rare. Autrement dit, si un mage se reproduit avec toi, il y a une chance qu’il y ait plus de reversi dans sa descendance. Pour de nombreuses familles, c’est quelque chose à désirer.
  • J’ajoute que les lignées de reversi sont souvent soigneusement gardées pour éviter que le trait ne se répande. Le grand sage Rod Farquois était connu pour ses nombreux exploits amoureux, mais il avait étonnamment laissé peu d’enfants derrière lui, ajouta Oliver. ——, Mais toi, Pete, tu es un reversi de première génération issu d’une famille non magique. Tu n’as aucune lignée et personne ne te protège. Tu es peut- être le seul mage au monde dans cette situation.
  • Er…oh…
  • Je pensais avoir été clair lorsque tu avais décidé de rendre ça public, mais… à en juger par ta réaction, ce n’était pas le cas. Désolé si j’ai empiré les choses.

Pete secoua précipitamment la tête.

  • Non, ce n’est pas ta faute. Je n’ai pas réalisé. Jusqu’à ce que cela se produise, je n’avais jamais pensé que quelqu’un me regarderait de cette façon. Tu avais dit qu’en grandissant j’allais attirer des gens, mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit si tôt dans ma scolarité.

Il fronça les sourcils en gémissant. Il avait grandi dans un foyer ordinaire, et l’idée qu’un seul trait de caractère puisse changer complètement la façon dont les gens le voyaient lui paraissait encore étrangère. Il y avait un énorme décalage entre l’image qu’il avait de lui-même et la façon dont les autres le percevaient. Chela passa à la vitesse supérieure.

  • Et toi, Nanao. Ta couleur immaculée est une preuve évidente de tes grandes aptitudes pour la magie. En commençant par la défaite du Garuda, tu as passé l’année dernière à prouver tes capacités à maintes reprises. J’imagine qu’il y a peu d’élèves à Kimberly qui n’observent pas tes moindres faits et gestes.

Puis elle ajouta :

  • Vous comprenez tous les deux pourquoi certains cherchaient à faire des enfants avec vous.

Pete et Nanao ont réfléchi à la question.

  • De plus, malgré vos talents, vous ne connaissez pas grand-chose au monde magique. Les autres élèves verront cela comme une faiblesse et vous prendront pour cible. Et certains d’entre eux prendront une approche directe, comme aujourd’hui.

Il fronça les sourcils, se souvenant de la scène de tout à l’heure. Chela acquiesça.

  • Vous devrez rester sur vos gardes et apprendre comment est considéré l’amour chez les jeunes mages. C’est le but de la réunion d’aujourd’hui et je sais que cela peut vous choquer, mais il n’y a pas de meilleur moment. Selon le règlement de l’école, les élèves de troisième année sont autorisées à être enceintes et enfanter.
  • En…enceinte.

Ce mot laissa Pete mentalement et émotionnellement sur la touche. Katie devint tout aussi rouge que lui.

  • J’ai… certainement vu quelques étudiants de dernière année qui étaient clairement, heu…
  • Exactement, déclara Oliver. —— Kimberly offre de nombreuses installations pour encourager les accouchements. Avoir des enfants pendant ses études ici est tout à fait banal. C’est exactement la raison pour laquelle nous avons pensé qu’il fallait en parler maintenant, car nous avons seulement une année devant nous.
  • Guy, ne te voile pas la face, s’emporta Chela. —— C’est la réalité. Elle s’applique à toi aussi.

Même le grand garçon avait le visage enfoui dans ses mains, complètement muet. Chela ne le laissait pas s’en tirer aussi facilement.

  • Pour référence, j’ai les statistiques ici. Le nombre d’étudiants de Kimberly ayant eu des rapports sexuels avant d’obtenir leur diplôme est de 80%.
  • 8…
  • 80 ?!

Guy et Katie la regardèrent, bouche bée. Ils avaient vu des potins dans les journaux de l’école, mais aucun d’entre eux n’avait donné de chiffres aussi précis. La plupart des élèves devaient considérer que c’était une évidence, qu’il n’y avait pas de quoi en écrire un article entier.

  • Ce chiffre n’a pas changé ces dernières années. Il est probable que quatre ou cinq d’entre nous aient une relation sexuelle avant la fin de la scolarité ici. Peut-être avec quelqu’un que nous n’avons pas encore rencontré… ou peut-être avec quelqu’un assis à cette même table.
  • Huh…?

Les yeux de Katie se tournèrent tour à tour vers chacun des garçons. Son regard fut d’abord attiré par Oliver, mais sentant qu’il était sur le point de croiser le sien, elle se sentit envahie par une grande honte et détourna rapidement les yeux. Mais son regard s’arrêta sur…

  • …Non, non, non, ça n’arrivera pas.

Ses yeux rencontrèrent ceux du grand garçon par accident. Il avait agité les deux mains tout en grimaçant comme s’il venait d’entendre une horrible plaisanterie. Katie se mit à sourire comme un bourreau devant un misérable prisonnier.

  • Marco, mets Guy dans un endroit très haut.
  • Mm, d’accord.

Un bras gigantesque passa par la porte ouverte de la pièce voisine et saisit Guy à bras-le-corps. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il se rendit compte de son erreur.

  • A-attends ! Désolé, c’est ma faute ! C’était juste une glissade.

Suppliant pour sa vie, Guy fut traîné dans l’autre pièce. Il continua à crier pendant un certain temps. Le plafond de la pièce la plus grande mesurait dix mètres de haut et était souvent utilisé pour le punir. Se délectant du son de ses cris, Katie se retourna vers ses amis.

  • Assez parlé de ce rustre. Pouvons-nous continuer ?

Son sourire à lui seul avait fait disparaître toute envie de plaider en faveur de la clémence. Les quatre autres amis présentèrent des excuses silencieuses à Guy et firent semblant de ne pas entendre ses cris.

  • Maintenant que vous avez compris la situation, passons aux choses sérieuses, dit Oliver. —— Premièrement, il faut toujours avoir des contraceptifs à portée de main. C’est une évidence. Cela peut paraître exagéré maintenant, mais quand le moment arrivera, vous n’aurez peut- être pas d’avertissement. Et si vous êtes pris au dépourvu… eh bien, imaginez que c’est le pire des scénarios. Plus que tout, je veux que vous gardiez cela à l’esprit : Ne vous laissez pas emporter par un élan momentané de sentiments. Une fois calmé et que vous avez les idées claires, assurez-vous de vous demander encore et encore si la personne en vaut vraiment la peine. Si vous avez des doutes, refusez, quelle que soit la personne ou la manière dont elle vous fait des propositions. Ne vous sentez pas coupable. Toute personne qui ne vous laisse pas le temps de réfléchir ne vous respecte pas.

Son regard fut ferme et il s’exprima avec transparence. Chela acquiesça et ajouta quelques réflexions de son cru.

  • Je suis en grande partie d’accord avec Oliver… mais j’ajouterai que chaque personne peut avoir une idée différente de ce qui est moral ou non. Je dois vous avertir qu’il existe une croyance assez répandue à Kimberly selon laquelle il faut au moins coucher avec quelqu’un avant la quatrième année. Ce conseil est considéré comme utile pour les étudiants qui prévoient d’avoir un enfant pendant leurs études ici. De

nombreux problèmes peuvent survenir lors de la première fois, et il est donc bénéfique d’avoir un peu d’expérience avant de passer aux choses sérieuses. Et bien que je n’approuve pas cette tactique, sachez que d’autres peuvent utiliser leur attrait éphémère dans l’espoir d’obtenir une « erreur d’un soir ». Ils peuvent y voir leur seule et unique chance. Je préférerais que vous n’essayiez pas cela vous-mêmes et que vous ne tombiez pas non plus dans le piège. Naturellement, je ne parle qu’en tant qu’amie. Je ne peux vous forcer à rien.

Il étouffa ses frustrations. En fin de compte, les rassembler ici et les mettre en garde ne servait à rien. La décision de suivre ce conseil ou de l’ignorer était laissée à leur discrétion. Partout ailleurs, un certain sens de l’éthique pouvait freiner toute activité inconvenante, mais ce n’était guère plus que des platitudes vides de sens dans le paysage infernal de Kimberly. Jouer sur une erreur d’un soir n’était qu’un choix parmi d’autres.

  • …Oliver, dit Nanao, rompant son long silence. Il se tourna vers elle.
  • Oui, Nanao ?
  • Hypothétiquement parlant, tu aimerais concevoir un enfant avec moi ?

Une seule question transforma la pièce en glace. Tout le monde, sauf Nanao, se figea sur place. Le seul son était l’écho lointain des cris de Guy. Chela récupéra en premier et toussa.

  • …Nanao, c’est un sacré bond en avant.
  • Je suis au courant. Mais c’est un terrain inconnu pour moi. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours brandi une lame sur le champ de bataille et je n’ai donc jamais eu l’impression que quelqu’un nourrissait de tels désirs à mon égard. L’affection et l’amour ne sont que des mots agréables à mes oreilles.

Les motivations de sa question étant claires, ses camarades figés se détendirent.

Oliver était encore extrêmement secoué, mais Nanao ne le lâchait pas.

  • Je t‘en supplie, Oliver. Est-ce vraiment une question qui me concerne ? Moi, une fille sauvage qui n’est bonne qu’à se battre, puis-je posséder une telle valeur ? Je ne demande cela à personne d’autre que toi, car tu es le plus franc de tous ceux que j’ai rencontrés en ce lieu d’apprentissage.

Ses yeux le fixèrent, et Oliver sut qu’il n’y avait pas d’échappatoire à cette question. Pourtant, il était désemparé. Comment pouvait-il répondre à cette question ? Il préférait se mordre la langue plutôt que de répondre par la négative. Mais ce serait comparable à l’échec de Guy plus tôt, et cela irait à l’encontre de l’objectif de ce rassemblement vu qu’il avouerait son intérêt pour elle. Il n’était pas non plus d’accord avec sa propre évaluation. Si on lui demandait de s’exprimer sur l’attractivité de Nanao Hibiya, il pouvait sans aucun doute parler toute la nuit. Mais répondre « oui », ferait qu’il ne vaudrait pas mieux que ces deux personnes lors du déjeuner. Ce n’est pas ce qu’il voulait. Peu importe ce que pensaient les mages typiques, il refusait d’être comme eux. Il ne voulait pas que sa relation avec Nanao se réduise à la reproduction et à l’héritage. Ce serait trop…

  • C’est la personnalité qui nous définit, Noll. Pas le talent ou le sang. N’oublie pas ça.

C’était la chose dont il avait juré d’hériter, quels que soient ses défauts de fils.

  • …Je l’admets…

Sa voix trembla. Mais il ne pouvait pas rester silencieux. Il devait répondre.

  • Je ressens une attirance.

Il avait du mal à l’exprimer, mais après avoir verbalisé la chose, cela lui paraissait banal. Combien cela aurait été plus facile de traiter ça comme un compliment vide de sens, mais c’était impossible. Surtout quand elle exigeait de la franchise.

  • C’est le cas ? …Vraiment ? Nanao semblait réfléchir à la chose.
  • Je pense que nous sommes tous un peu trop proches pour être à l’aise, dit Chela, comme pour les apaiser tous les deux. —— Tout le monde est maintenant au courant du problème, ce qui est déjà un succès pour aujourd’hui. Mettons fin à cette discussion pour l’instant.
  • Oui, acquiesça Katie, en regardant anxieusement d’Oliver à Nanao.

Chela lui caressa doucement les cheveux.

  • Et Katie, il est grand temps que tu pardonnes à Guy.
  • Il a droit à dix minutes de plus, s’emporta Katie, sans hésitation.

Le groupe discuta encore un peu ensuite.

Il était 2h du matin et nous étions dans le dortoir des filles. La chambre de Nanao et de Katie. Toutes deux étaient au lit depuis longtemps, les lumières éteintes.

  • …Nanao… est-ce que tu vas bien ?
  • Hmm ?

Allongée sur le côté, Katie savait pertinemment que sa colocataire était encore éveillée. La respiration de la jeune fille azianne montrait clairement qu’elle ne dormait pas.

  • Tu n’as pas dit un mot depuis notre retour, alors j’ai pensé que tu étais peut-être accroché à quelque chose… Je veux dire, la journée d’aujourd’hui a été assez traumatisante, n’est-ce pas ? Tu as dû entendre

ça pour la première fois.

Katie choisissait soigneusement ses mots. Il y eut une pause notable avant que Nanao ne réponde.

  • Je suppose que cela m’a ébranlé. Je n’avais jamais imaginé que je serais désirée pour autre chose que mes compétences au combat… C’était un coup de tonnerre. Je me suis retrouvée avec la garde baissée.
  • …Mais c’était évident pour le reste d’entre nous. Tu as toujours été aussi mignonne que cool. Et…

Katie ferma les yeux, imaginant tout ce que la jeune aziane avait fait. Ils étaient à peine au début de leur deuxième année, et elle avait déjà perdu le compte des exploits de Nanao. L’arrêt du saccage de Marco le premier jour, l’attaque du Garuda sur la chasse aux kobolds… Nanao avait été à l’avant-garde de tout cela.

  • Chaque fois que je te vois te battre, je suis frappée par ta beauté. Fille ou garçon, tout le monde s’arrête pour te regarder, captivé. Et pas pour des raisons bizarres ou inappropriées.
  • T’entendre me fait frémir, Katie.

Peut-être que l’atmosphère de la réunion perdurait, ou qu’elle était enhardie par l’obscurité. Ce soir, Katie pouvait dire des choses qu’elle n’avait jamais osé dire auparavant. Et cette sensation lui a donné le coup de pouce dont elle avait besoin pour passer à l’étape suivante.

  • Eh bien, puisque nous sommes déjà en train de nous tortiller, je pourrais aussi bien demander la chose… Est-ce que tu aimes Oliver ?

Le silence est palpable. Nanao n’hésitait presque jamais, ce qui lui conférait une importance particulière.

  • C’est exactement ce que je me suis demandé pendant tout ce temps, dit- elle après avoir réfléchi.

Katie en était bien consciente, bien sûr. Elle savait ce qui avait occupé l’esprit de son amie pendant toute la soirée.

  • Je ressens le besoin d’entendre sa voix. D’être à ses côtés. De le toucher et de le prendre dans mes bras. Je n’ai aucun doute à ce sujet. C’est pourquoi je suis restée collée à lui comme une brique depuis notre rencontre.
    • !

Cela sonnait comme une confirmation aux oreilles de Katie. Une douleur lui traversa la poitrine. Pendant tout ce temps, elle avait évité de poser la question parce qu’elle savait à quel point il était difficile d’obtenir une réponse. Mais Nanao répondait. Elle n’était pas du genre à esquiver la question ou à jouer les idiotes .Katie, quant à elle, était celle qui avait du mal avec cette réponse.

  • En même temps, j’ai un profond doute, poursuivit la jeune aziane. —— Si on aime vraiment quelqu’un, cette émotion peut-elle coexister avec l’envie de le voir mort ?

Katie s’attendait à la première réponse, mais pas à celle-ci. Déstabilisée, elle jeta un coup d’œil dans l’obscurité, essayant de voir le visage de sa colocataire.

  • Mort ? Tu veux… Comment ça  ? réussit-elle à dire.

Une fois de plus, Nanao ne mâcha pas ses mots.

  • Ce que je désire le plus de la part d’Oliver, c’est un duel à mort. Depuis la première fois que nous avons croisé nos lames en classe, jusqu’à ce moment précis, ce seul désir n’a jamais faibli.

Sa voix quelque peu métallique fit reculer Katie. Elles en avaient parlé une fois, peu après le match avant de ne plus mentionner le sujet. Katie avait supposé que ce n’était pas nécessaire. Nanao était toujours si brillante et joyeuse ; elle était certaine que cette préoccupation avait été dissipée depuis longtemps. Ou du

moins, elle avait essayé de se convaincre que c’était vrai.

  • J’avais espéré que cette envie s’estomperait au fur et à mesure que je passerais du temps avec vous tous. Hélas, c’était optimiste. Plus mon affection pour Oliver grandit, plus j’apprends à le connaître, plus mon désir de croiser le fer avec lui est fort. C’est comme si une fièvre s’était emparée de moi. Mon corps tremble d’une faim insatiable.

Elle verbalisa ce désir qu’elle avait gardé caché et ses mots firent écho à la réalité. Les pulsions que Nanao avait exprimées à l’époque n’avaient pas de racines si superficielles que le temps seul pouvait résoudre. Elles étaient inscrites dans l‘ADN de son caractère ce qui atteignait son âme.

  • Chaque fois que je demande ce qu’il y a à l’intérieur, la réponse revient comme le son d’une cloche. Je ne souhaite rien de plus que d’enfoncer ma lame dans son corps ou de sentir sa lame s’enfoncer dans la mien. Je rejoue notre bref échange de coups avec la passion de la folie. Si je pouvais voir ce qui se trouve au-delà de cet échange, quelle plus grande joie y aurait- il… ?

Nanao parlait avec une chaleur palpable. Pourtant, ses paroles firent frissonner Katie. Elle avait cru que son amie était un livre ouvert, qu’elle n’avait rien à cacher. Mais depuis le début, cette obsession s’était cachée. Elle avait l’impression d’entrevoir les flammes d’une chaleur inimaginable. Comme si elle voyait un brasier à travers une vitre.

  • Qu’en penses-tu, Katie ? En entendant cela, dirais-tu que j’aime Oliver ?

Le brasier la regarda en retour. Nanao Hibiya demanda l’avis de son amie. Katie n’était pas en état de répondre. Sa gorge, sa langue, ses lèvres étaient toutes engourdies. Il y avait une note de désespoir dans la question et toute réponse équivaudrait à une affirmation ou à une réfutation de l’être de Nanao. Katie n’avait jamais eu à répondre à une question aussi importante. Il y eut un silence de plomb. Le fossé qui les séparait était comme une rivière agitée qui marquait la frontière entre deux pays. Et avec le temps, Nanao prit cela pour une réponse. Même dans l’obscurité, Katie pouvait voir qu’elle l’avait mal pris.

  • Peut-être pas. Je m’en doutais… Pardonne ma bêtise.
  • Ah…

Katie laissa échapper un souffle étouffé, se sentant comme si elle avait fait une erreur qu’elle ne pourrait jamais corriger. Pourtant, elle resta paralysée, incapable de bouger ne serait-ce qu’un doigt. En face d’elle, Nanao se redressa lentement dans le lit, à genoux, les jambes repliées sous elle. La lumière de la lune filtrait à travers les rideaux, mettant son profil en relief. Son expression était froide et distante, comme celle d’un samouraï qui s‘apprêtait à se faire seppuku[2], mais elle était si belle que Katie en eut le souffle coupé.

[2] Forme rituelle de suicide masculin par éventration, apparue au Japon vers le XIIe siècle dans la classe des samouraïs.

  • J’en suis consciente depuis longtemps. Si son consentement était acquis, mon envie de le tuer se serait peut-être calmée, mais s’il n’a pas le désir de croiser les lames, cette envie est une bête tapie dans les bas-fonds de ma conscience. Elle n’est pas à la hauteur de la fierté qu’un guerrier devrait porter. Loin de là, ce serait la plus basse des pulsions. Pourtant… la prise de conscience ne m’a rien apporté de bon. J’ai été une idiote se permettant de rêver d’un jour où il répondrait en conséquence. D’un jour où je pourrais l’affronter, non pas comme une bête, mais comme une digne guerrière.

Ce dont elle parlait ne pourrait jamais exister. Ne serait-ce qu’imaginer une telle chose était un péché inavouable. Comment la forme de sa fantaisie pouvait-elle être si éloignée de la morale humaine ?

  • Et si… je ne peux plus me contenter de rêves… Si j’oublie ma fierté au point d‘être réduit à la bête qui est en moi…

Les mots ne cessaient de la frapper. Nanao suppliait maintenant son amie d’accomplir une dernière requête.

  • Si cela arrive, Katie… je t’implore de ne pas hésiter. Que ton athamé me jette un sort et me transperce le cœur.

Entendre cela frappa Katie de plein fouet, comme si c’était son cœur qui avait été transpercé. Une vision très nette se dessina en elle. Un endroit morne et inconnu. Une ombre devant elle, un katana taché de sang à la main. D’innombrables cadavres tués par cette même lame. Les piles de corps sont silencieuses, dans un silence si oppressant qu’il faisait bourdonner ses oreilles.

Et pourtant, peu importe le nombre de personnes que l’ombre a frappé, sa faim n’a jamais été rassasiée. Tout ce que cette créature recherchait, c’était un seul garçon, celui qu’elle avait considéré comme son destin. Jusqu’à ce que sa lame croise la sienne, jusqu’à ce qu’elle abatte celui qu’elle aimait le plus, son avancée ne faiblirait jamais.

Face à ce spectacle, la jeune fille aux cheveux bouclés dégaina son athamé d’une main tremblante. Le temps des mots était passé depuis longtemps, la tâche qu’elle doit accomplir n’étant que trop claire. Comme son ancienne amie le lui avait demandé, elle était venue jouer son rôle. Elle était ici pour transpercer le coeur de cette créature avec un sort.

Elle savait que rien ne pouvait ou ne devait être dit, et pourtant, ses lèvres bougeaient d’elles-mêmes. Son adversaire était peut-être transformé au-delà de toute mesure, mais les sentiments de Katie n’avaient pas changé du tout.

  • …Nanao… !

Stimulé par cette vision, le corps de la vraie Katie s’envola de sous ses draps. Appelant le nom de son amie, elle bondit sur le lit opposé, entourant Nanao de ses bras. La serrant contre elle, l’empêchant de subir ce sort. Elle savait. Katie n’avait jamais été aussi sûre d‘elle. La scène à laquelle elle venait d‘assister… c’était Nanao Hibiya consumée par le sort.

  • Profite non pas de l’épée de la vengeance, mais de l’épée de l’amour mutuel, dit Nanao, sentant les tremblements de son amie et la chaleur de son étreinte. —— Mon seul réconfort au cours d’innombrables batailles, les mots que mon père m’a donnés, me semblent maintenant

être une malédiction.

L’ancienne Nanao n’aurait jamais pu imaginer tout cela. Elle vivait pour les batailles et comptait mourir dans l’une d’elle. Elle était certaine que c’était tout ce que la vie lui réservait.

La manière de mourir était tout ce qu’elle avait à considérer. Tuer ou être tuée, sans la moindre réticence.

Et c’était tout. D’étranges coups du sort l’avaient conduite dans cette école bien lointaine, lui proposant une vie la sortant du champ de la guerre. Elle avait noué des liens avec des amis qui ne souhaitaient qu’une chose : qu’elle vive. Elle en était reconnaissante, mais son plus grand péché était l’état de son propre cœur, inchangé malgré tout.

  • …Rien n’est encore figé. Rien.

Les mots de Katie résistèrent à la résignation de la jeune aziane. L’avenir qu’elle avait entrevu ne s’était pas encore concrétisé.

  • Nous ne sommes que des étudiants de deuxième année. Notre vie ici ne fait que commencer… Nous allons tellement nous amuser. Il y a tant de choses à voir. Nos balais peuvent nous emmener partout. On peut jouer autant qu’on veut. On sera tous ensemble, à rire à gorge déployée. Pas vrai… ?

Elle donna une voix à cet espoir avec force et éloquence. Comme si elle essayait de lui peindre ce futur potentiel.

  • Et tout le temps que nous passerons ensemble chassera cette pensée de ton esprit. Tu ne voudras plus te battre contre Oliver jusqu’à la mort… Tu découvriras que tu préfères rester proche de nous tous, insista Katie.

—— Et un jour, nous nous en souviendrons, et nous nous moquerons tous de toi… Nous dirons : « Tu te souviens de ce que tu disais ? Rien de tout cela n’est arrivé. Et dire que tu étais si sérieuse à ce sujet ! Nous serons toujours ensemble, toujours ! »

À la fin, sa voix fut étouffée par les larmes. Nanao mit ses mains autour du dos de son amie avec le plus léger des hochements de tête.

Espérons, dit-elle. —— Je ne voudrais rien de plus.

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