Voyage — Jour 4
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Traduction : Nova
Correction : Raitei
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Nous étions déjà le matin du quatrième jour. Le retour au lycée était pour le lendemain. S’agissant de notre deuxième journée de liberté, nous voulions naturellement en tirer le meilleur parti. Au passage, les résultats de la journée d’hier étaient les suivants : dix groupes sur vingt, soit la moitié, obtinrent plus de 20 points et réussirent à gagner les 30 000 points privés.
Le groupe 15, auquel Mii-chan et Miyamoto appartenaient, fut disqualifié pour ne pas avoir relevé le défi dans le temps imparti. Je me sentais désolé pour eux, de devoir se soumettre à une journée de cours à l’auberge, mais j’espérais au moins qu’ils allaient pouvoir profiter de tout ce que le lieu avait à offrir en soirée. C’était l’heure du nettoyage dans les bains principaux, aussi m’étais-je rapidement changé. Je pensais regarder la télévision comme hier, mais Kitô semblait m’avoir devancé. Il dévorait l’écran des yeux. En regardant de plus près, il s’agissait d’un reportage sur la mode.
Watanabe — Ayanokôji, on va faire une bataille de boules de neige !
Moi — Une bataille de boules de neige ?
Watanabe, qui avait également fini de s’habiller, me montra son téléphone. Beaucoup de gens semblaient vouloir faire une « giga » bataille de la chose.
Moi —Ça a l’air amusant, pourquoi pas.
Watanabe — Et pour Ryuuen et Kitô ?
Kitô était trop absorbé par la télé pour répondre, et Ryuuen s’était mis en retrait à sa place habituelle, ce qui rendait sa réponse assez claire.
Watanabe — Bon, allons-y tous les deux déjà !
Moi —D’accord.
Nous laissâmes Kitô et Ryuuen, qui se mélangeaient comme l’huile et l’eau, en tête-à-tête. Décidant de faire confiance à leur maturité, je sortis du ryokan avec Watanabe où un grand groupe d’élèves s’était déjà rassemblé.
Hirata — Bonjour, Kiyotaka-kun, Watanabe-kun.
Yôsuke, debout près de l’entrée et serrant son téléphone, nous appela.
Moi — C’est bondé ici. Tout le monde était si emballé par une bataille de boules de neige ?
Hirata — En vérité, il y a aussi des points privés en jeu. Il faut mettre 1000 points pour participer, et l’équipe gagnante récupère les points de l’équipe perdante !
Faible mise et gain potentiellement intéressant… Je comprenais donc pourquoi l’ambiance était à la fois décontractée et pleine d’excitation.
Moi — Cela ne posera pas de problème avec l’auberge ?
Hirata —Je leur ai demandé et puisqu’on fait ça dans la matinée ça ne leur posera pas problème. Puis l’auberge a été pratiquement privatisée pour nous, on ne gênerait pas d’autres clients potentiels.
Les règles étaient classiques : ne pas attraper, seulement esquiver. Les élèves touchés quittent le terrain. Les boules de neige doivent avoir une certaine consistance : si elle s’effrite dans l’air en mille morceaux, elle n’est pas prise en compte. Pour savoir si quelqu’un est touché, on se fit non seulement à l’honnêteté des élèves via l’auto-déclaration, mais aussi à l’arbitre. Je supposais que peu de gens allaient tricher pour une poignée de point privée.
Moi — Combien de personnes prévoient de concourir ?
Hirata — Une trentaine. Tu veux te joindre à nous, Ayanokôji-kun ?
Moi — Non, je…
J’étais sur le point de refuser, mais je m’étais dit que si je ne participais pas cette fois-ci, je n’allais peut-être plus jamais avoir l’occasion de faire une bataille de boules de neige de ma vie.
Moi — J’aimerais bien essayer, mais je n’ai pas d’équipe.
Hirata — C’est bon. Je vais assigner des personnes aux équipes qui n’en ont pas assez.
Yôsuke s’occupait de tout ce qui était rébarbatif, ce dont je lui étais toujours reconnaissant ! Ce qui expliquait sûrement pourquoi il restait près de l’entrée. Pour une personne simple, c’est tellement bon de ne pas avoir à s’occuper des choses soi-même. Yôsuke était vraiment à part. Alors que j’attendais, je vis Horikita. Elle venait certainement pour la même chose.
Horikita — Eh bien, il y a déjà tout un tas de gens…
Moi — Tu vas participer ?
Horikita — Dans la mesure où c’est un voyage scolaire unique, j’aimerais bien. S’il y a de la place.
Donc elle n’en avait probablement pas l’intention au départ, mais semblait avoir changé d’avis vu l’ampleur de l’évènement.
Ibuki — Alors éclatons-nous, Horikita !!
Ibuki sortit de la foule et défia Horikita, comme si elle l’avait attendue.
Horikita — Tu es là, Ibuki. Tu aimes sortir de nulle part ! Oui, faisons comme tu dis, l’important est de s’amuser après tout…
Face à cette réponse, Ibuki serra les poings.
Ibuki — Perdre c’est perdre, même si c’est qu’un jeu. Ne te trouve pas d’excuse comme une gamine, c’est compris ?
Horikita — Je te retourne la chose…
Yôsuke les surveillait, au loin. Le verdict était tombé : en scrutant leur portable, elles virent qu’elles étaient affectées à des équipes différentes. Sinon, je suppose que ça n’aurait pas été très intéressant. Pendant que je vérifiais les équipes, je murmurai à l’oreille de Yôsuke une petite faveur.
Kushida — Salut tout le monde !
Kushida apparut avec Yamamura, Nishino, et Amikura.
Moi — Ah super, vous êtes venues entre filles !
Kushida — Eh ? Hé bien… Oui.
Je pensais qu’elle allait me montrer son sourire habituel, mais elle détourna le regard, confuse. Cependant, elle sourit immédiatement après.
Kushida — Je vous avais prévenues, Nishino-san, Yamamura-san, que je ne sortais pas sans vous !! Alors vu qu’on est toutes là…
Moi — Je vois !
Nous avions passé du temps en groupe jusqu’à présent, et notre relation s’améliorait, bien que progressivement. Que l’on participe ou que l’on regarde, il était plus significatif de passer du temps ensemble.
Ibuki — Vous voulez nous rejoindre ?
Kushida — Hmm ? Une bataille de boules de neige ?
Ibuki — Bah ouais, Horikita et moi on va se battre !!
Kushida — Oh, je vois… Mais je n’oserais pas frapper quelqu’un avec une boule de neige, je culpabiliserais trop après !
Ibuki — Huh ?
Ibuki sembla consternée par l’attitude de Kushida. Voyant cela, Horikita piqua légèrement les hanches d’Ibuki.
Ibuki — Qu’est-ce que tu fous ??!
Horikita — C’est moi ton adversaire. Cesse tes bavardages inutiles ou tu risquerais de perdre !
Ibuki — T’es sérieuse ? C’est moi qui vais te faire chialer !!
J’avais observé que Horikita et Kushida semblaient plus proches, mais Ibuki était également concernée. Toutes les trois avaient une bien étrange relation, mais bizarrement elle semblait leur faire du bien.
Pendant ce temps, le nombre d’élèves participants continua d’augmenter légèrement, jusqu’à finalement atteindre quarante-deux. Chaque équipe comptait sept personnes, dont quatre équipes déjà formées dès le départ et les deux restantes composées des électrons libres comme moi. Nous n’avions pas opté pour le format « tournoi », donc chaque équipe jouait tout simplement un match. Yôsuke, certainement pour le spectacle, avait mis face à face l’équipe d’Ibuki et l’équipe de Horikita pour le dernier match du jour.
Le premier match opposait une équipe de sept garçons, dirigée par Ishizaki, contre une autre équipe de sept garçons dirigés par Sudou. Le véritable choc des titans : à peine le match entamé, les boules de neiges volaient tels des boulets de canon. Il était difficile d’éviter quatorze boules de neige lancées en synchro avec cette puissance. En une dizaine de secondes, six personnes des deux équipes furent déjà éliminées. Ishizaki, tout excité, fut également touché en moins de dix secondes. Sudou, de son côté, semblait avoir mis toute sa frustration d’avoir été rejeté par Horikita dans les boules de neige, les lançant les unes après les autres. Cependant, l’équipe d’Ishizaki disposait d’Albert, qui était assez agile pour les éviter, et ce dernier donnait tout !
Yamamura regardait tranquillement la bataille exaltante, alors je m’approchai un peu.
Moi — Ils sont surexcités, n’est-ce pas ?
Son expression était la même que d’habitude, mais elle semblait s’amuser.
Yamamura — Ah, il semblerait que oui.
Yamamura dit cela en expirant dans ses paumes. Elle ne portait pas les gants qu’elle avait soi-disant achetés à la station de ski.
Moi — Tu as encore oublié tes gants ?
Yamamura — En effet, oui…
Au moment où je m’apprêtais à retirer les miens, Yamamura m’arrêta.
Yamamura — Je plaisante. J’ai bien apporté les miens !
Sur ce, elle sortit ses gants de sa poche. Elle souriait, bien que légèrement.
Moi — Je ne savais pas que tu étais du genre blagueuse !
Yamamura — Peut-être cela ne convient-il pas à notre relation ?
Son léger sourire s’effaça instantanément, concluant peut-être que ce qu’elle venait de dire était inutile.
Moi — Non, non ! Au contraire, j’ai l’impression que le groupe s’est rapproché.
Et je n’aurais pas parié là-dessus le premier jour.
Yamamura — Moi aussi. Dieu sait que ce n’était pas gagné, ayant toujours été dans l’ombre. Pourtant, Kushida-san, Nishino-san et Amikura-san ont été attentionnées, sans jamais me laisser de côté. Je leur en suis très reconnaissante.
Sans ce voyage scolaire, peut-être n’auraient-elles jamais pu découvrir Yamamura. Cette expérience était mémorable pour tous, et je suppose qu’il devait en être de même dans les autres groupes. Lorsque Yamamura enfila ses gants, elle se retourna dans ma direction.
Yamamura — Puis il n’y avait pas que les filles… J’avoue avoir été agréablement surprise côté garçons, également.
Contrairement au premier jour, Yamamura dégageait une certaine douceur. Le changement restait subtil, mais bien perceptible.
Yamamura — Ainsi le voyage scolaire dans lequel je trouvais le temps bien long, au début, prend fin aujourd’hui ?
Moi — Hé oui…
En compagnie de gens qu’on n’aime pas, le temps paraît insoutenable. Mais reconnaître ces gens comme « pas désagréables », au moins, fait une sacrée différence. Les journées s’écoulent quasi normalement.
Moi — Et je pense que ce sentiment est partagé. Kitô, Watanabe, Amikura puis Nishino… Cette expérience nous a tous un peu enrichis.
Le groupe avait eu sa part d’ennuis, mais nous n’avions qu’à dire que cela avait un peu pimenté notre séjour !
Yamamura — Je pense même que Kitô-kun doit moins maudire Ryuuen-kun, désormais.
Moi — Hmm…
Yamamura — Nous sommes loin des premiers « je vais te buter » ou d’autres insultes de ce genre.
Des paroles très perturbantes. Ce n’était pas tant que ces deux-là étaient devenus amis, mais plutôt qu’ils avaient appris à faire avec. Cependant, l’image que j’avais de Kitô avait beaucoup changé : je le pensais très taciturne au départ, mais il s’était révélé bien plus ouvert que je ne l’imaginais. Il disait des choses un peu limites, mais il fallait tout de même contextualiser et rappeler que les classes de Sakayanagi et Ryuuen étaient particulièrement méfiantes l’une envers l’autre.
Yamamura — Après tout, Kitô est très proche de Sakayanagi.
Moi — D’ailleurs, lui et toi semblez assez proches. Non ?
Soudain, l’expression joyeuse de Yamamura s’effaça. Le terme le plus exact était « blasé ». Ou bien avait-elle d’autres sentiments pour Kitô, ou alors pensait-elle à Sakayanagi.
Moi — D’ailleurs, que penses-tu de Sakayanagi ?
J’étais sincèrement curieux, je n’avais pas demandé pour enquêter.
Yamamura — Huh ?
Yamamura, ailleurs lorsque j’avais posé la question, me répondit de façon plutôt surprenante. Je voulais vraiment savoir ce que pensaient les pairs d’un chef de classe aussi compétent.
Yamamura — Eh bien, je ne sais pas vraiment. Je ne suis proche de personne en particulier pour commencer, et de plus, je n’ai presque jamais parlé à Sakayanagi-san.
Elle rit d’elle-même en disant cela. Elle voulait dire qu’elle n’avait pas d’amis à cause de sa nature transparente. Autrement dit, avait-elle simplement de l’admiration pour Kitô, dont Sakayanagi était très proche ?
Moi — Pourquoi ne pas en profiter pour inviter Kitô ? Qui sait, il pourrait accepter.
Yamamura — Je n’en ai pas le courage.
Moi — Et si c’était lui qui te demandait ?
Yamamura — N’est-ce pas là une conversation d’hommes ?
Je la taquinais légèrement, mais Yamamura réagit plus que je ne l’imaginais.
Moi — Désolé. Je me suis un peu emporté.
Même s’ils n’éprouvaient rien pour l’autre, il était naturel d’être préoccupés par les rapports hommes/femmes de notre société.
Yamamura — Non, je t’en prie. Tu as énoncé des faits.
Je regardai Yamamura, puis les autres élèves. Nouvelles relations, nouveaux amis. Vérités et mensonges, les stratèges et les hypocrites… Tout le monde grappillait des informations sur tout le monde. Qui allait sortir grand gagnant de ce jeu ?
Yamamura — Je ne suis pas prête pour l’instant. Mais… je vais tâcher d’y réfléchir.
Moi — C’est bien !
Nous cessâmes d’échanger des mots à ce moment-là et portâmes notre attention sur le match. Albert exhibait sa puissance, mais manquait de précision, de sorte que le vainqueur ne fut que l’agile et habile Sudou. Ce dernier était vraiment un athlète accompli, peu importe la discipline. Horikita lui adressa une généreuse salve d’applaudissements. À distance, Onodera semblait également l’encourager d’une manière innocente.
Le deuxième match débuta. Celui-ci était mixte, et sans aucun élève aux capacités sportives exceptionnelles tel que Sudou ou Albert. Ainsi nous retrouvions un esprit un peu plus amical. Les deux parties se félicitèrent mutuellement à la fin, en déclarant avoir passé un bon moment.
Hirata — Allez, c’est à vous. Bonne chance !!
Enfin, le troisième match débuta. La bataille entre moi, Ibuki, et l’équipe Horikita.
Moi — Faisons de notre mieux ensemble, Yamamura.
Yamamura — Pardon ?
Je l’appelai, pendant qu’elle me regardait d’un air absent
Moi — J’ai demandé à Yôsuke d’inscrire ton nom également.
Yamamura — Eh, eh ! Je ne peux pas… Je risque d’être un poids !!
Moi — Si on perd, je te rendrai tes points. Ne t’inquiète pas !
Yamamura — Là n’est pas la question… Nous ne gagnerons pas !
Moi — Allez, il ne faut pas s’en faire… Allons-y !
Yamamura — Oh non…
Lorsque je commençai à m’éloigner, Yamamura me suivit, bien que montrant une certaine hésitation.
Yamamura — Oh, je ne sais pas vraiment comment jouer…
Moi — Ne t’inquiète pas. Tu as un peu regardé, c’est simple.
Yamamura — Eh bien, mine de rien…
Ibuki — Je vais gagner !!!!
Ibuki, débordant de combativité, ramassa une boule de neige, la saisit et commença à la préparer avant de la lancer. Je demandai à Yamamura de se mettre en retrait afin de ne pas être visée de suite. Je voulais qu’elle se concentre sur le fait de s’amuser le plus longtemps possible plutôt que d’essayer de frapper quelqu’un avec une boule de neige et de l’éliminer. À l’instar des deux autres matchs précédents, les boules de neige fusaient déjà en première ligne. Des boules perdues atteignaient aussi l’arrière, mais avec un peu de prudence il était facile de les éviter.
Yamamura — Wah, wah !
Yamamura avait à peine le temps de rassembler et de lancer des boules de neige et les esquivait désespérément. Cependant, l’une des boules vola à un angle se rapprochant de la hanche gauche de Yamamura.
Moi — Attention !
Afin de sauver Yamamura, je la tirai par le bras droit pour lui éviter d’être touchée, sans permission toutefois.
Yamamura — Je suis désolée… Merci de m’avoir sauvée.
Moi — Le nombre de personnes diminue et la bataille s’intensifie. Faisons des boules de neige tant que nous le pouvons.
Yamamura — Oui, oui, oui…
Les boules de neige qu’elle avait préparées à la hâte se révélèrent plus grosses que je ne le pensais. Elles n’allaient sûrement pas voler trop loin, mais je trouvais ça intéressant de voir ce que ça allait donner.
Yamamura — Eeeeeeh…
Avec un bruit loin d’être fougueux, une grosse boule de neige vola dans les airs avant d’atterrir, en faisant un bruit sourd, dans notre zone.
Yamamura — Ah…
Moi — Ne t’inquiète pas. Fais-en peut-être des plus petites !
Yamamura — D’accord !
Yamamura s’empressa de rassembler à nouveau de la neige. Pendant ce temps, le jeu suivait son cours et les élèves se faisaient toucher puis éliminer. J’aurais bien aimé lui laisser battre au moins une personne, mais à peine avait-elle terminé sa deuxième boule de neige qu’elle tira trop vite et rata sa cible, tirant trop en bas.
Yamamura — Ah, ugh !
Trois des joueurs d’avant-garde de notre équipe étaient éliminés, et les adversaires commencèrent à se concentrer sur Yamamura. Je m’éloignais d’elle pour attirer leur attention et fis un pas en avant. Je rassemblai rapidement de la neige et frappa Nakashini, de la classe D, qui essayait de me viser. Mais cela ne suffit pas et Yamamura, qui avait visiblement oublié comment esquiver, fut frappée par une boule de neige tirée par Yano, de la classe A.
Yamamura — Oh… !
La boule de neige qu’elle tenait si fort lui échappa, et Yamamura se retira, visiblement frustrée. Je me demandais si elle avait au moins pu vivre la tension et le plaisir de la bataille de boules de neige. Après cela, les éliminations se poursuivirent. Il restait deux personnes chez nous, et en face il n’y avait que Horikita. Nous avions naturellement l’avantage. Ibuki se tenait derrière moi, les bras croisés.
Ibuki — T’es sur mon chemin !!
Moi — Je sais !
Horikita lança une boule de neige, que je rattrapai de la main. La réception n’était, bien sûr, pas réglementaire.
Horikita — Que fais-tu ?
Moi — Ibuki veut un tête-à-tête. Notre chef dit qu’on va gagner, alors je pense qu’on devrait lui faire confiance !
Ce n’était que pour un petit moment, mais j’avais vraiment apprécié la bataille de boules de neige et je ne voulais rien de plus. L’aider à battre Horikita n’aurait pas été amusant. Qui plus est, j’étais sincèrement intéressé par un affrontement entre ces deux-là qui avaient un niveau relativement proche.
Horikita — Je n’aime pas du tout ça, mais tant pis. Je peux me concentrer uniquement sur Ibuki-san au moins !
Moi — Tu as compris, Ibuki. Récupère nos points pour acheter des souvenirs !
Ibuki — Mais boucle-la !! Pas moyen que je perde contre Horikita !
Sous le regard général, le combat entre Horikita et Ibuki était sur le point de commencer. Ici, pas de place pour un match nul : si l’arbitre constatait que les deux étaient frappées en même temps, des prolongations allaient avoir lieu. C’était bien plus qu’une bataille de boules de neiges pour elles !
Ibuki — Rien de tel que ce genre de combat : tu gagnes, ou tu perds !!!
Ibuki, qui avait des gants pendant la bataille de boules de neige, les retira et serra la boule de neige dans sa main droite. C’était probablement une stratégie pour améliorer la précision de ses lancers. Horikita ne semblait pas avoir suivi son exemple, craignant de perdre le contrôle de ses doigts. Pour un combat à court terme, Ibuki avait l’avantage, mais sur le long terme c’était pour Horikita.
Yamamura — Désolée, je n’ai pas été très utile.
Marmonna Yamamura, les épaules bougeant toujours de haut en bas, peut- être encore un peu essoufflée.
Moi — Ce n’est pas grave. Ça t’a plu, au moins un peu ?
Yamamura — Oui, j’aurais aimé en profiter un peu plus…
En disant cela, la bouche de Yamamura forma un sourire, mais seulement légèrement. Même s’il allait être impossible de réorganiser exactement la même chose, au fond on allait sûrement pouvoir se refaire un truc du genre. D’ici-là, elle avait intérêt à garder la motivation pour se venger !
De retour dans le public, nous nous concentrâmes sur les deux filles qui s’affrontaient en tête-à-tête.
Yamamura — C’est une compétition sérieuse, n’est-ce pas ?
Moi — En effet !
Ibuki voulait régler le match rapidement, mais Horikita s’était aperçue de la chose et privilégia la fuite à l’attaque.
Ibuki — Tu gesticules tellement !
L’irritation d’Ibuki et le froid que ressentait le bout de ses doigts devenaient de plus en plus insupportables. Elle commença à montrer des signes d’impatience. Alors que la bataille commençait à s’éterniser, Ibuki dirigea sa huitième boule de neige vers Horikita, qui lui effleura la joue.
Ibuki — Allez, la victoire est à moi !!
Horikita — Tu rêves !
Malgré la fatigue, une boule rapide d’Ibuki se dirigea à nouveau vers Horikita. Tout en l’évitant, simultanément, elle lâcha une boule de neige qu’elle tenait depuis un moment, comme s’il s’agissait d’une bombe. Mais comme on pouvait s’y attendre d’Ibuki, cette dernière ne baissa pas sa garde. Elle était épuisée, mais faisait preuve d’une extrême agilité.
Horikita — Tu m’as l’air bien fatiguée ! Finissons-en !
Horikita, de son côté, ne semblait pas vouloir se battre plus longtemps et passait enfin à l’offensive. Bref, les deux camps se lançaient dans une lutte finale dans cette bataille qui s’enlisait. La boule de neige de Horikita, qui se dirigeait vers Ibuki, s’émietta dans les airs. Peut-être la prise de Horikita n’était-elle pas assez ferme. Ainsi, seuls des fragments de boule de neige touchèrent Ibuki. Mais à peine avait-elle lancé sa boule que Horikita dut esquiver celle d’Ibuki, qu’elle ne put éviter complètement dans la mesure où elle toucha son bras gauche. La manœuvre finale était donc pour cette dernière. Yôsuke, ne voulant pas prolonger davantage le match, rendit son jugement.
Hirata — Horikita-san a été touchée… Victoire pour Ibuki-san !!
Ibuki — ALLEEEEEZ !!!!!
Ibuki prit une pose victorieuse en arborant un grand sourire. Horikita essaya d’être calme, ne s’agissant que d’une bataille de boules de neige, mais elle peinait à cacher sa frustration.
Ibuki — Bon, la looseuse, raboule les 1000 points maintenant !
Ibuki, en oubliant totalement ses doigts gelés, sortit son téléphone portable et se précipita vers Horikita.
Horikita — Je vais te les donner, calme-toi. Tu es gênante…
Ibuki — T’as perdu ! T’as perdu ! T’as perdu !!! Hahaha !
Bon, étaient-elles bonnes amies ou non ? Une chose était sûre, Ibuki ne semblait pas vouloir laisser Horikita tranquille.
1
Nous profitâmes du ski une dernière fois. L’objectif était de passer un bon moment ensemble, donc parcours débutant pour tout le monde ! Ryuuen semblait atrocement s’ennuyer, mais au moins il était avec le groupe. J’avais également profité d’un temps mort pour acheter des souvenirs pour les 2nde. Le temps passait vite, et il ne nous restait déjà plus que la soirée de ce quatrième jour.
Après avoir fini de me baigner dans les bains publics, je reçus un message de Sakayanagi. En réponse à sa demande de rencontre, je me rendis dans le hall désigné. Il était un peu plus de 20h, mais il y avait très peu d’élèves ici aujourd’hui. C’était la dernière nuit après tout, les gens profitaient du buffet ou de leurs amis dans les chambres. Sakayanagi avait sûrement anticipé cela. Elle patientait tranquillement, sur une chaise.
Moi — Je t’ai fait attendre ?
Sakayanagi — Non, pas du tout. Merci d’être venu !
Même s’il y avait peu de monde, elle et moi ne passions pas inaperçus. Dans ce sens, je préférais en finir rapidement.
Sakayanagi — C’était court, mais as-tu apprécié le voyage scolaire ?
Moi — Ho que oui ! J’ai expérimenté plein de choses nouvelles. Et j’ai sincèrement apprécié d’interagir avec des élèves d’autres classes. J’en sais un peu plus sur Yamamura et Kitô, par exemple.
Je mentionnai ces deux noms ici, mais Sakayanagi restait de marbre.
Sakayanagi — Je vois. Bon, ça ne me surprend pas de toi. Tu as une soif insatiable d’apprendre.
Moi — Es-tu proche de ces deux-là ?
J’osai entrer plus en profondeur.
Sakayanagi — Aucun de mes camarades ne se démarque particulièrement, pour moi. Ils sont tous pareils. Qu’on s’entende ou non, au fond…
Qu’elle dise vrai ou non, Sakayanagi répondit vaguement. Peut-être voulait-elle éviter de mettre quelqu’un sur un piédestal, au risque de créer de la jalousie. Elle était le chef de classe, après tout.
Moi — Puis-je te demander pourquoi tu m’as appelé ici, du coup ?
Sakayanagi — Quoi ? Tu es pressé ? Tu as peur que ta Karuizawa-san se fasse des idées ?
Elle gloussa comme une vipère.
Moi — Mouais, disons qu’il est juste étrange d’être en tête-à-tête avec le leader de la classe A.
Sakayanagi — Fufu, je plaisante. Je comprends.
Après s’être calmée, Sakayanagi commença à parler.
Sakayanagi — J’ai appris beaucoup de choses pendant ce voyage scolaire. Avant de retourner au lycée, j’ai pensé te parler de la personne qui t’a contacté lors du festival sportif.
Lorsque Sakayanagi et moi avons manqué le festival sportif, pendant que nous parlions dans ma chambre, un homme m’avait contacté de l’extérieur.
Moi — Je vois. Intéressant.
Sakayanagi — Oui, j’étais sûre que l’identité de cette voix t’intéresserait.
Moi — J’ai ma petite idée, après…
En incluant ce que Nanase m’avait laissé comme impression, difficile de comprendre si cette voix était celle d’un allié ou d’un ennemi.
Sakayanagi — Et qui penses-tu que ce serait ? Quelqu’un comme nous, Amasawa-san ou Yagami-kun ?
Moi — Je ne pense pas, non. Il nous a non seulement identifiés, mais surtout a appelé mon père « Ayanokôji-sensei ».
Sakayanagi — C’est-à-dire ?
Moi — Un élève de la White Room ne l’aurait pas appelé ainsi.
C’était évident pour quelqu’un provenant de la White Room.
Sakayanagi — Mais est-ce vraiment une garantie absolue ? Peut-être n’est-il pas de notre génération ?
Moi — Je ne suis sûr de rien après, c’est juste une intuition. De plus, l’an dernier, il m’avait convoqué lorsque mon père visitait le lycée. Je peux donc supposer qu’il s’agit de quelqu’un d’assez proche de lui. D’ailleurs il te semblait familier également, donc qu’il soit étroitement lié à la politique et aux affaires est probable, non ?
Cela expliquait aussi le suffixe « sensei ». Un peu surprise, mais quand même satisfaite, Sakayanagi ferma les yeux et hocha la tête.
Sakayanagi — Je n’ai même pas eu besoin de te donner d’indices, décidément. J’ai déjà une idée sur son identité, mais je dois encore la confirmer. Je voulais m’assurer de quelque chose aujourd’hui.
Je regardai le téléphone portable que Sakayanagi avait posé sur ses genoux.
Sakayanagi — Mais avant de tout mettre au clair, j’appelle quelqu’un qui pourrait le connaître. Je pense qu’il sera là dans quelques minutes.
Moi — Tu veux dire qu’un première le connait ?
Sakayanagi — Tu ne t’attendais pas à ça, n’est-ce pas ?
En effet. Bon, la voix dont on parlait depuis tout à l’heure appartenant à un seconde, il était probable que des élèves de première aient été en contact avec lui au lycée. Mais ce n’était probablement pas ce que Sakayanagi sous-entendait. Après tout, cette personne en savait sûrement beaucoup pour que Sakayanagi prenne la peine de l’appeler. Savait-elle pour la White Room ? L’identité de mon père ? Ou même les deux ?
Sakayanagi — Continuons à bavarder, en attendant.
Moi — Je suppose, oui.
Laisser le temps s’écouler en silence n’était pas une façon judicieuse de passer un voyage scolaire.
Sakayanagi — Ton avis sur le mode de formation des groupes ?
Moi — Les valeurs qu’on avait attribuées aux élèves étaient certainement le paramètre déterminant. Je pense qu’ensuite les groupes ont été pondérés en ajoutant des élèves qui avaient les appréciations les plus extrêmes.
Sakayanagi — En effet. Il y avait les élèves les mieux classés, les moins bien classés, et les intermédiaires. La majorité des groupes étaient probablement une combinaison de ces trois types d’élèves, pour « pimenter » le séjour.
Moi — Puisqu’on en parle, je voudrais te demander…
Sakayanagi — Je t’en prie, vas-y !
Moi — Que penses-tu des examens finaux ?
La composition de chaque groupe pour ce voyage scolaire signifiait peut-être plus de choses que nous ne le pensions, pour l’avenir. Sakayanagi ferma les yeux et hocha la tête deux ou trois fois, en guise de satisfaction.
Sakayanagi — J’aime vraiment parler avec toi. Nous sommes toujours sur la même longueur d’onde ! Je pense que les examens de fin d’année seront encore plus difficiles que l’an dernier.
Il fallait peut-être s’attendre à une ou deux exclusions. C’est ce que Sakayanagi semblait anticiper.
Moi — Tu es en sécurité avec ton point de protection. Mais les points de classe perdus au cours des batailles peuvent impacter. N’as-tu pas peur que ton règne absolu prenne fin ?
Sakayanagi — Ryuuen-kun ? Bien sûr que je vais l’écraser !
Pour Sakayanagi, comme pour Ryuuen, la défaite n’était pas envisageable.
Sakayanagi — Il est certainement plein de ressources. C’est littéralement un tueur. Mais cela n’a aucun effet avec moi. C’est entre nos deux classes que cela se jouera.
J’avais confiance. Le match nul était à notre portée, quand bien même l’école n’allait sûrement pas permettre la chose si facilement pour un examen de fin d’année. C’est ce que nous avions compris de la bataille de l’année dernière contre la classe A.
Sakayanagi — Ou bien m’imagines-tu perdre ?
Moi — Je n’en sais rien.
C’était difficile à dire à ce stade, alors que nous ne connaissions même pas le contenu de l’examen. Mais je voulais juste insuffler l’idée qu’elle pouvait perdre, psychologiquement. Dans le fond, peu importe qui gagnait ou perdait à mes yeux…
Sakayanagi — De toute façon, qu’importe comment les choses se déroulent entre Ryuuen-kun et moi, ton plan suivra son cours. N’est-ce pas ?
Nos pensées étaient si synchronisées. Avec Sakayanagi, je n’avais même pas besoin de parler.
Sakayanagi — Mais tu sais, Ayanokôji-kun, les choses ne se déroulent pas toujours comme prévu…
Moi — Qu’est-ce que tu veux dire ?
Au moment où je dis ça, Sakayanagi porta son index à sa bouche. Notre invité semblait enfin arrivé.
Sakayanagi — Merci d’avoir patienté.
Était-il au courant de ma présence ? Kanzaki se tenait ici, à mes côtés, semblant légèrement surpris. Tout comme moi. Kanzaki… Je n’avais jamais eu l’impression qu’il était lié à mon passé d’une quelconque manière.
Sakayanagi — Nous sommes au complet, donc rapproche-toi. Kanzaki-kun. Nous pouvons démarrer.
Kanzaki — Qu’est-ce qui se passe, Sakayanagi ?
Sakayanagi, avec son sourire habituel, lui fit signe de se tenir à côté d’elle. Kanzaki, toujours bras croisés, ne semblait toujours pas comprendre la situation. Quel était l’intérêt de tout ça ?
Sakayanagi — Tout d’abord, Ayanokôji-kun… Que penses-tu de nous deux, Kanzaki-kun et moi ?
Moi — Ce que j’en pense ?
Sakayanagi — Tu peux te lâcher, ne t’inquiète pas !
Moi — Je ne ressens que de la gêne. Je ne vous ai jamais vus ensemble, Kanzaki-kun et toi.
Alignés, comme ça, c’était d’autant plus évident.
Sakayanagi — Oui, tu n’as pas tort. Pour les élèves de cette école, Kanzaki et moi n’avons rien à voir. Ni camarades de classe ni amis… Je crois lui avoir à peine adressé la parole depuis qu’on est là.
Ce qui suggérait que cela avait déjà été le cas avant d’intégrer ce lycée.
Sakayanagi — À combien d’années cela remonte-t-il ?
Kanzaki — Si tu veux dire « parler sans intermédiaire »… Alors cela doit au moins faire 3-4 ans.
Aucun des deux ne pouvait se rappeler quand exactement.
Moi — Si ce n’est pas indiscret… Comment vous connaissez-vous ?
Sakayanagi — Nos familles se connaissent. Tu sais, quand tu as des parents notables, ta famille est souvent invitée à des fêtes, des choses comme ça…
Le père de Sakayanagi était le président de cette école et venait d’une grande famille. Il ne connaissait pas la White Room pour rien.
Sakayanagi — Le père de Kanzaki est à la tête d’une entreprise appelée Kanzaki Engineers.
Ils avaient donc tous deux en commun d’avoir été bercés dans le monde des affaires. Il est vrai que je n’aurais pas nécessairement deviné pour Kanzaki.
Kanzaki — Arrête un peu… Quel est l’intérêt de lui dire tout ça ? Non, déjà j’aimerais savoir pourquoi je suis ici.
Sakayanagi — Et ce que je viens de dire justifie tout à fait que tu sois parmi nous, en ce moment.
Kanzaki — Je ne te suis pas.
Sakayanagi — J’espérais que tu puisses nous en dire plus sur Ishigami-kun, du même lycée que nous.
L’expression de Kanzaki se raidit d’une force
Kanzaki — J’ai bien entendu… « Ishigami » ?
Ishigami ? Aucun nom ne me venait à l’esprit parmi les première. Le seul dont le nom collait était un élève de seconde.
Kanzaki — Tu es intéressée par Ishigami ?
Sakayanagi — Oui, si on veut !
Kanzaki — Mais Ayanokôji n’a rien à voir avec lui… Ce n’est pas le genre à se mêler des seconde ainsi. Même Ryuuen ne le fait pas, c’est dire !
Il essaya de rationnaliser la situation à sa façon.
Sakayanagi — Cela concerne le passé.
Kanzaki — Quoi… ?
Sakayanagi — Tu ne saisis toujours pas ? « Ayanokôji »…
Kanzaki — Quoi… Non… Pas possible… ?
Comme s’il avait remarqué quelque chose, Kanzaki nous regarda, Sakayanagi et moi, à plusieurs reprises.
Sakayanagi — Tu es vraiment lent à la détente !
Kanzaki — Alors… C’est comme ça.
Kanzaki sembla comprendre les paroles de Sakayanagi. Puis, après avoir jeté un regard au plafond, il me regarda à nouveau.
Kanzaki — Ayanokôji… ? Je ne peux pas croire que tu sois son fils.
Il n’y avait qu’une seule chose à comprendre de ces mots : Kanzaki devait connaître ou avoir connu quelqu’un du nom d’Ayanokôji. Inutile de préciser qu’il ne pouvait s’agir que de mon père, homme d’affaires.
Sakayanagi — Alors ça va ? Vas-tu te remettre de nous voir assis côte à côte, Ayanokôji-kun et moi ?
Kanzaki — Ah. Je pensais que tu étais simplement intéressé par ses capacités. Quand as-tu réalisé qu’il était le fils d’Ayanokôji-sensei ?
Sakayanagi — Depuis que j’ai posé le pied dans ce lycée, bien sûr. Puis j’ai tout de même connu Ayanokôji-kun enfant…
Elle ne fit aucune référence à la White Room, mais parlait comme si nous étions de simples amis d’enfance.
Kanzaki — Tu me diras, c’est son fils. Il est donc forcément… exceptionnel.
Kanzaki me regarda droit dans les yeux, comme s’il avait fait certaines connexions.
Kanzaki — Mon père admire Ayanokôji-sensei, et je l’ai rencontré en personne plusieurs fois lors d’occasions. Cependant, nous n’avons réellement parlé qu’une seule fois.
Voilà ce qui arrivait quand on faisait partie de la sphère du président Sakayanagi. Il semblait beaucoup admirer mon père. Dans la mesure où je le connaissais peu, je ne pouvais pas imaginer quel genre de comportement il affichait devant Kanzaki. Mais je ne pouvais pas nier l’écart de perception.
Kanzaki — Mon image de toi a pas mal changé depuis le départ. Mais aujourd’hui, elle est définitivement fixée… Le fils d’Ayanokôji-sensei ne peut être qu’une carte redoutable dans la classe de Horikita.
Oui, mon père semblait vraiment lui avoir fait une énorme impression.
Sakayanagi — Bon, ça c’est dit. Maintenant, je suppose que tu ne sais pas grand-chose sur Ishigami-kun, n’est-ce pas, Ayanokôji-kun ?
Moi — En effet.
Mais c’était à cause de cet Ishigami que nous étions réunis.
Sakayanagi — C’est quelqu’un qui admire ton père. Je crois que Kanzaki-kun le connait, pas vrai ?
Kanzaki — Tout à fait. Il est fasciné par Ayanokôji-sensei. Je n’ai pas eu le courage d’aller lui parler, mais Ishigami, lui, semble avoir saisi chaque occasion de le faire.
Sakayanagi — Ishigami-kun a un an de moins que nous, et il est maintenant en seconde.
Un élève qui idolâtrait cet homme était inscrit dans cette école, et d’une manière ou d’une autre nous étions entrés en contact plusieurs fois. Il avait même indirectement aidé à l’expulsion de Yagami lors du festival culturel. À ce jour, je n’avais toujours pas compris ses motivations.
Moi — Je suis sûr que tu as déjà pu repérer pas mal d’élèves de seconde. Mais depuis combien de temps fais-tu attention à Ishigami ?
Sakayanagi — Dès que j’ai lu son OAA. Mais il est du genre discret, j’ai assez peu interagi avec lui. En 2ndeA, je parlais surtout à Takashi Osamu-kun, et il semblait qu’Ishigami évitait le contact avec moi.
Sakayanagi elle-même ne voulait donc pas lui forcer la main.
Moi — A-t-il des capacités hors norme ?
Sakayanagi — Je pense que Kanzaki, qui est proche de lui, en sait plus.
Kanzaki n’avait pas l’air tout à fait d’accord avec cette affirmation.
Kanzaki — « Proche »… C’est un bien grand mot. Nous assistions juste aux mêmes cours du soir. Mais de ce que j’en ai vu, c’est incontestablement un génie que peu de gens peuvent suivre.
Il n’avait pas l’air d’apprécier Ishigami, mais il reconnaissait ses qualités.
Sakayanagi — C’est le point de vue de Kanzaki, ça vaut ce que ça vaut, mais j’ai pensé que ça donnait déjà une petite indication.
Kanzaki — Et ? Tu ne vas pas t’impliquer avec lui, n’est-ce pas ?
Sakayanagi — Si seulement… Une groupie du père d’Ayanokôji-kun est dans cette école. Pouvons-nous exclure l’idée qu’il soit ici pour surveiller son fils ?
Tout en ne donnant toujours aucune information sur la White Room, Sakayanagi poursuivit.
Sakayanagi — Ishigami teste les capacités d’Ayanokôji… Peux-tu me prouver le contraire ?
Il semblait que ses mots résonnaient chez Kanzaki, correspondant à l’image qu’il avait d’Ishigami.
Sakayanagi — Nous sommes, certes, en concurrence, en première. Mais n’est-ce pas déloyal d’avoir Ishigami-kun qui joue de stupides tours pour jauger Ayanokôji-kun ?
Kanzaki — J’ai du mal à te suivre. Pourquoi es-tu si dévouée à Ayanokôji ? Après tout il est d’une classe rivale, ce qui lui arrive devrait t’être totalement égal.
Ishigami sabotant un élément fort d’une classe rivale. Sakayanagi avait théoriquement tout à y gagner.
Sakayanagi — Je veux juste m’amuser… C’est mon rôle d’enterrer la classe de Horikita, Ayanokôji compris. C’est frustrant de voir quelqu’un débarquer me voler mon objectif.
Après un fou rire, Sakayanagi remercia Kanzaki.
Sakayanagi — Merci beaucoup, Kanzaki-kun. À partir de maintenant, je pense qu’Ayanokôji-kun et moi allons élaborer ensemble un plan pour neutraliser Ishigami-kun.
Ce « remerciement » impliquait que cela valait pour toute personne se mettant en travers de son chemin.
Kanzaki — Je n’ai aucun lien avec Ishigami-kun, donc si les choses pouvaient rester comme elles sont…
Kanzaki répondit sans hésiter et s’éloigna.
Kanzaki —À bientôt, Ayanokôji. À l’occasion, j’aimerais beaucoup que tu m’en dises plus sur ton père !
Il était impatient de parler de mon père… Il risquait d’être déçu, il en savait probablement plus que moi sur lui.
Sakayanagi — Eh bien, Ayanokôji-kun. Voyons qui est vraiment Ishigami-kun.
Moi — Que vas-tu faire ?
Sakayanagi — L’appeler, non ?
En sortant son téléphone portable, Sakayanagi composa tranquillement le numéro à onze chiffres. Elle avait bien tâté le terrain en ayant obtenu son numéro. Mettant le téléphone sur haut-parleur, elle l’appela, et après quelques sonneries, l’appel commença.
Ishigami — Ton appel s’est fait attendre… Sakayanagi.
Ishigami savait déjà qui était à l’autre bout du fil. Cette voix était indubitablement celle de la personne qui m’avait appelé l’année dernière et celle qui m’avait rendu visite pendant le festival sportif
Sakayanagi — Quelle perspicacité !
Ishigami — Je lui ai demandé de me notifier chaque personne autre qu’un seconde qui demanderait mon numéro.
Sakayanagi — Je vois ! Disons que j’ai pas mal entendu parler de toi.
Elle avait des oreilles partout, au lycée.
Sakayanagi — Tu aurais pu me contacter bien avant, n’est-ce pas ?
Ishigami — J’espérais éviter de le faire. Tu n’as pas besoin de t’impliquer avec moi non plus, n’est-ce pas ?
Sakayanagi — Hé bien, je voulais surtout confirmer tes intentions vis-à-vis d’Ayanokôji-kun à l’avenir.
Ishigami — Qu’as-tu à voir là-dedans ?
Sakayanagi — Je ne pense pas qu’Ayanokôji-kun sera vaincu par quelqu’un d’autre que moi. Néanmoins je n’aime pas beaucoup l’idée qu’une autre personne lui cherche des poux. Si tu comptes tenter quelque chose, je serai dans l’obligation de t’arrêter.
Ishigami — M’arrêter ? Tu n’as rien d’autre à faire ? J’ai choisi cette école sur recommandation d’Ayanokôji-sensei afin de pouvoir jouir d’une scolarité normale.
Il laissait entendre qu’il avait un but similaire au mien.
Ishigami — Sois donc tranquille, pour l’instant ce n’est pas dans mes plans de m’en prendre à Ayanokôji.
Sakayanagi — « Pour l’instant », hein. Ça en dit long.
Ishigami — Dans le cas improbable où Ayanokôji-sensei m’ordonnerait de m’en débarrasser, je le ferai bien sûr. C’est tout.
Sa voix était calme. Il avait l’air étonnamment honnête.
Sakayanagi — En disant ça, tu as tout dit. Quelle loyauté !
Ishigami — Ne va pas plus loin, Sakayanagi. Après tu es libre de faire ce que tu veux, si ça t’amuse d’aider Ayanokôji.
Il avait l’air de sous-entendre que ça ne lui faisait pas plus peur que ça.
Ishigami — Après, tôt ou tard, Ayanokôji découvrira mon existence. Tu n’auras qu’à le prévenir, si tu veux l’aider ! Quoique ce ne sera peut-être pas nécessaire, si tu m’appelles…
Il n’avait aucun moyen de le savoir, mais il envisageait la possibilité que j’écoute aux portes.
Sakayanagi — Je te tiendrai au courant, le moment venu. Je te ferai un petit coucou au lycée !
Une fois cela dit, Sakayanagi lui raccrocha au nez.
Sakayanagi — C’était lui, après tout. Il semblait ne même pas s’en cacher, d’ailleurs.
Moi — S’il n’est ici que pour profiter de sa vie scolaire, je n’ai pas l’intention de tenter quoi que ce soit contre lui.
Au moins dans toutes mes interactions avec Ishigami, je n’avais jamais ressenti de danger, et il en allait de même pour l’appel téléphonique actuel. Il n’y avait pas lieu de paniquer maintenant alors qu’Ishigami n’avait pas essayé de m’expulser depuis le début.
Sakayanagi — Je vois. Si c’est ton choix, je le respecterai.
Moi — Je te remercie de m’avoir parlé de lui, tout de même.
Sakayanagi — Je suis désolée de te retenir ici, nous avons pas mal discuté… J’en ai même oublié ce que je disais plus tôt.
Moi — « Les choses ne se déroulent pas toujours comme prévu ».
C’était resté dans un bon coin de ma tête.
Amikura — Ah, Ayanokôji-kun !
Mais quelqu’un était au mauvais endroit au mauvais moment. J’étais sur le point de savoir ce qu’elle voulait dire quand quelqu’un m’appela
Amikura — Hum… Tu as vu Honami ?
J’ai été appelé par Amikura, qui marchait à la hâte dans le couloir, agitée.
Moi — Non, je ne l’ai pas vue. Quelque chose ne va pas ?
Amikura — C’est notre dernière soirée ici, alors on avait décidé de se réunir avec toute la classe pour discuter jusqu’à l’extinction des feux. Mais Honami est introuvable… Tout le monde est inquiet !
Un bon nombre de personnes la cherchaient. Au moment même où nous parlions, les filles de la classe D déboulèrent aux côtés d’Amikura.
Moi — D’après ce que je vois, il semble que vous ayez déjà vérifié les bains et les autres pièces.
Amikura — J’ai entendu dire qu’elle avait l’air déprimée ce soir… ce qui m’angoisse d’autant plus.
Amikura fut approchée par une autre fille de sa classe.
- Mako-chan… Le yukata d’Honami est là, on dirait qu’elle est sortie…
Amikura — Sortie, carrément ? Mais il est quasi 21h !! Son groupe est à l’auberge en plus, non ?
Sortir n’était pas autorisé après 21h, et si elle était seule, cela pouvait être un problème.
Amikura — Je vais vérifier le grand bain encore une fois !